Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Molson Canada 2005 à la demande no 1196040 produite par Labatt Brewing Company Limited en vue de l’enregistrement de la marque de commerce 1 GREAT BEER _______________________________________

 

 

I Les actes de procédure

 

[1]               Le 12 novembre 2003, Labatt Brewing Company Limited/La Brasserie Labatt Limitée (la « Requérante ») a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce 1 GREAT BEER (la « Marque ») fondée sur un emploi projeté au Canada en liaison avec des boissons alcoolisées brassées (les « Marchandises »). Après une décision du Bureau, la Requérante a renoncé au droit à l’usage exclusif des mots GREAT BEER en dehors de la marque de commerce.

 

[2]               Le 4 janvier 2006, la demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce. Le 2 juin 2006, Molson Canada 2005 (l’« Opposante ») a produit une déclaration d’opposition, que le registraire a transmise à la Requérante le 15 juin 2006. Le 23 juin 2006, la Requérante a produit une contre‑déclaration dans laquelle elle n’admet aucun des motifs d’opposition invoqués.

 

[3]               L’Opposante a produit l’affidavit de Jérôme P. Bastien tandis que la Requérante a choisi de ne produire aucun élément de preuve. Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit et aucune audience n’a été tenue.

 

II Les motifs d’opposition

 

[4]               Tous les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante en vertu de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la « Loi »), eu égard au caractère distinctif ou suivant l’alinéa 12(1)b) de la Loi sont fondés sur l’argument voulant que la Marque donne soit une description claire soit une description fausse et trompeuse des Marchandises.

 

[5]               L’Opposante a également fait valoir que les Marchandises ne sont pas décrites dans les termes ordinaires du commerce conformément à l’alinéa 30a) de la Loi.

 

III Les dates pertinentes

 

[6]               La date pertinente à l’égard des motifs d’opposition fondés sur l’article 30 de la Loi est la date de production de la demande [voir John Labatt Ltée c. Les Compagnies Molson Ltée, 30 C.P.R. (3d) 293 et Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469]. La date de production de la demande constitue également la date pertinente quant au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi [voir Zorti Investments Inc. c. Party City Corporation (2004), 36 C.P.R. (4th) 90; Havana Club Holdings S.A. c. Bacardi & Company Limited, (2004) 35 C.P.R. (4th) 541] et la date de production de la déclaration d’opposition est généralement considérée comme la date pertinente pour trancher la question du caractère distinctif de la Marque [voir Andres Wines Ltd. et E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 et Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317].

 

IV Le fardeau de la preuve dans les procédures d’opposition

 

[7]               La Requérante a le fardeau ultime de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi, mais il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau, la Requérante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition invoqués ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329‑330; John Labatt Ltée c. Les Compagnies Molson Ltée, 30 C.P.R. (3d) 293 et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

[8]               Il y a des exceptions à ce principe général. L’une d’elles se rapporte au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi. Si l’Opposante allègue que la marque de commerce n’est pas enregistrable parce qu’elle donnerait une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises, elle peut s’appuyer sur le sens ordinaire des mots composant la marque de commerce [voir Les Éditions Gesca Ltée c. Time4 Media Inc. (2007), 60 C.P.R. (4th) 55]. Par analogie, je suis d’avis que cette exception s’appliquerait également aux autres motifs d’opposition dont le fondement a trait à la notion de marque de commerce qui donne une description claire.

 

V Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) de la Loi

 

[9]               L’Opposante n’a produit aucun élément de preuve à l’appui de son allégation portant que les Marchandises ne sont pas décrites dans les termes ordinaires du commerce. Pas plus qu’elle n’a fait d’observations sur cette question dans son plaidoyer écrit. Compte tenu de ce qui précède, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial et ce motif d’opposition est donc rejeté.

 

V L’enregistrabilité de la marque en vertu de l’alinéa 12(1)b) de la Loi

 

[10]           Le test applicable en vertu de l’alinéa 12(1)b) a été énoncé ainsi dans l’arrêt Thomas J. Lipton Ltd. c. Salada Foods Ltd. (no 3) (1979), 45 C.P.R. (2d) 157 :

« Connotation » s’entend d’une implication ou d’une suggestion. Même une « suggestion ou implication spécifique » ou une « implication ou suggestion claire » qu’une marque de commerce donne soit une description claire soit une description fausse et trompeuse ne suffit pas pour la rendre non enregistrable en vertu de l’article 12(1)b). Ces dispositions n’admettent pas une simple implication ou suggestion. Le Parlement a utilisé les termes « claire » et « fausse et trompeuse» après le terme « description », et le registraire n’a aucunement constaté que le terme qui nous intéresse constituait soit une description claire soit une description fausse et trompeuse. Quant à savoir si une simple description suggestive suffit, on peut se référer au jugement rendu par l’ancienne Cour de l’Échiquier du Canada dans l’affaire Kellogg Company of Canada Limited c. Le registraire des marques de commerce, [1939] 3 D.L.R. 65, [1940] R.C.É. 163, aux pages 170 et 171.

S’agissant de description, les mots claire et fausse et trompeuse sont des éléments essentiels.

[11]           M. Bastien était un étudiant en droit travaillant pour le cabinet de l’agent de l’Opposante lorsqu’il a souscrit son affidavit. Il affirme avoir visité différents sites Web le 28 mars 2007. En dehors de l’analyse de l’admissibilité de cette preuve (pièces 1 à 21 de son affidavit) quant à savoir si elle peut constituer du ouï‑dire, ces recherches ont été effectuées après la date pertinente et les pages Web produites portent toutes une date postérieure à la date de production de la demande. Pour ce seul motif, il ne sera pas tenu compte de cette partie de la preuve. Même si je devais prendre en considération la date pertinente plus éloignée ayant trait au caractère distinctif (le 2 juin 2006), cette preuve serait toujours inadmissible parce que postérieure à la date de production de la déclaration d’opposition.

 

[12]           Quant au reste de son affidavit, M. Bastien y affirme avoir fait des recherches sur le site Web de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada et joint à son affidavit quelques extraits du registre (voir pièces 22 à 30). Aucun renseignement n’a été fourni sur les paramètres utilisés pour obtenir ces résultats et aucune analyse de ces extraits n’a été présentée ni dans l’affidavit lui‑même ni dans le plaidoyer écrit. Cette partie de la preuve n’est donc guère utile à l’Opposante. De toute façon, comme nous le verrons ci‑après, cela ne changerait rien à ma décision.

 

[13]           La seule question à trancher est celle de savoir si la Marque, sous sa forme sonore (« one great beer » [« une bonne bière »]), donne une description claire ou une description fausse et trompeuse lorsqu’elle est employée en liaison avec les Marchandises.

 

[14]           Ultimement, c’est à la Requérante qu’incombe le fardeau de convaincre le registraire que la Marque ne donne pas une description claire ou une description fausse et trompeuse de la qualité ou de la nature des Marchandises. L’absence de plaidoyer écrit ou d’observations à l’audience fait qu’il est difficile d’imaginer des arguments à l’appui d’une conclusion que la Marque donne, dans le meilleur des cas pour la Requérante, une simple suggestion ou description par opposition à une description claire de la nature ou de la qualité des Marchandises.

 

[15]           Le nombre « 1 », sous sa forme sonore, signifie « a single unit » [« une seule unité »]; le mot « great » [« bonne »] est une expression élogieuse ayant trait à la qualité de la bière; et le mot « beer » [« bière »] est compris dans les Marchandises. Sous sa forme sonore, la Marque décrit bien évidemment « a beer that is great » [« une bière qui est bonne »]. Elle donne donc, sous sa forme sonore, une description claire de la nature ou de la qualité des Marchandises. L’expression « 1 great beer » [« 1 bonne bière »] ne devrait pas faire l’objet d’un monopole qui aurait pour effet d’empêcher les autres commerçants de l’industrie de la bière d’employer cette expression pour décrire leurs produits de même nature que les Marchandises. La Requérante aurait pu surmonter cet obstacle en produisant une preuve d’emploi de la Marque de sorte qu’elle aurait été distinctive des Marchandises de la Requérante à la date de production de la demande (paragraphe 12(2) de la Loi), mais la demande a été produite en vue d’un emploi projeté.

 

[16]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi, selon lequel la Marque donne une description claire de la nature ou de la qualité des Marchandises, est donc retenu.

 

VI Les autres motifs d’opposition

 

[17]           Si une marque de commerce donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises, elle ne peut servir à distinguer ces marchandises de celles des autres [voir Canadian Jewellers Assn. c. Worldwide Diamonds Trademarks Ltd. (2009), 74 C.P.R. (4th) 298]. Compte tenu de mes conclusions quant au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi, lesquelles sont également applicables en l’espèce, le motif d’opposition relatif à l’absence de caractère distinctif de la Marque est également retenu.

 

[18]           Étant donné que l’Opposante a déjà obtenu gain de cause au regard de deux motifs d’opposition différents, je n’ai pas l’intention de me prononcer sur le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi.

 

VII Conclusion

 

[19]           Dans l’exercice du pouvoir qui m’a été délégué par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), LE 24 DÉCEMBRE 2009.

 

 

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, LL.B.

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