Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION d’Orchid Brands Limited et Orchid Drinks Limited à la demande d’enregistrement numéro 1,087,546 produite par Calpis Co., Ltd. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce AMEEL

                                                       

 

Le 22 décembre 2000, Calpis Co., Ltd. (la requérante) a demandé l’enregistrement de la marque de commerce AMEEL (la marque en cause) et revendiqué une date de priorité conventionnelle, à savoir le 14 novembre 2000. La demande est fondée sur l’enregistrement de la marque à l’étranger pour emploi en liaison avec les marchandises suivantes :

Lait; produits laitiers, nommément crème, fromage, beurre, crème fouettée, lait concentré, lait en poudre; lactosérum; yogourt; boissons d’acide lactique, nommément boissons rafraîchissantes non gazéifiées contenant eau, sucre, lait écrémé en poudre, pectine, acide citrique, acide lactique, citrate de sodium et arômes; produits laitiers sous forme de comprimés; boissons de lait sur; lait fermenté; lait de culture; boissons rafraîchissantes; boissons au lactosérum; boissons de l’effort; jus de fruits; eau minérale; boissons gazeuses rafraîchissantes; eau gazéifiée; soda au gingembre.

 

La demande a été annoncée pour fin d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 2 octobre 2002.

 

Le 28 février 2003, Orchid Brands Limited et Orchid Drinks Limited (les opposantes) ont produit une déclaration d’opposition. La requérante a produit et signifié une contre‑déclaration dans laquelle elle nie toutes les allégations de l’opposition.

 

Les opposantes n’ont pas déposé de preuve sous le régime de l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce (1996).

 

En application de l’article 42 du Règlement, la requérante a déposé des copies certifiées conformes des enregistrements no LMC566,180 visant la marque AMEAL et LMC543,918 visant la marque Caractères japonais et Dessin ainsi qu’une copie certifiée conforme de la demande d’enregistrement de marque de commerce no 1,002,014 visant la marque AMEAL.

 

Les opposantes ont déposé en preuve l’affidavit de John Michael Gibney, en application de l’article 43 du Règlement.

 

Seule la requérante a produit un plaidoyer écrit. Il n’y a pas eu d’audience.

 

Motifs d’opposition

Les trois motifs d’opposition invoqués par les opposantes se rapportent au risque de confusion entre la marque en cause et la marque AMÉ des opposantes, que ces dernières affirment avoir employée et enregistrée antérieurement, en liaison avec les marchandises suivantes :

eaux minérales et gazeuses : boissons non alcoolisées, nommément jus de fruits, boissons aux fruits et boissons gazeuses; sirops et produits servant à la préparation des jus de fruits, boissons aux fruits et boissons gazeuses.

 

Les motifs d’opposition invoqués sont les suivants :

  1. l’enregistrabilité sous le régime de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi), compte tenu de l’enregistrement de la marque AMÉ en liaison avec les marchandises susmentionnées, sous le no LMC476,894;
  2. le droit à l’enregistrement aux termes de l’article 16, compte tenu de la confusion avec la marque AMÉ des opposantes, employée antérieurement;
  3. le caractère distinctif, du fait que la marque en cause ne distingue pas véritablement les marchandises de la requérante de celles des opposantes pas plus qu’elle n’est adaptée à le faire.

 

La question préliminaire de la recevabilité de l’affidavit de Michael Gibney

La requérante soutient que l’affidavit en question est irrecevable car il ne constitue pas une contre‑preuve acceptable, et je partage ce point de vue.

 

Monsieur Gibney, un dirigeant d’Orchid Drinks Limited, atteste la vente de produits AME (sic) au Canada et le résultat d’une opposition à une demande d’enregistrement d’une marque communautaire. Il est impossible de qualifier cet affidavit de contre-preuve répondant aux copies certifiées conformes que la requérante a déposées. Il s’agit manifestement d’une preuve principale qui, par suite, aurait dû être déposée en application des articles 41 ou 44, et non de l’article 43.

 

Je ne tiendrai donc pas compte de l’affidavit de M. Gibney.

 

Charge de la preuve

C’est à la requérante qu’il incombe de démontrer suivant la prépondérance des probabilités que la demande d’enregistrement est conforme aux exigences de la Loi, mais l’opposante a la charge initiale de présenter suffisamment d’éléments de preuve recevables pouvant raisonnablement étayer la conclusion que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, (1990) 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Bien que les opposantes n’aient pas soumis d’éléments de preuve établissant que leur enregistrement est en règle, j’ai exercé le pouvoir discrétionnaire conféré au registraire de vérifier les registres pour confirmer l’existence d’un enregistrement [Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c. Menu Foods Ltd., 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)]. La charge initiale afférente au motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité a donc été remplie.

 

Toutefois, les opposantes ne se sont pas acquittées de leur charge initiale de preuve à l’égard des deux autres motifs d’opposition. Concernant le motif du droit à l’enregistrement, elles devaient démontrer qu’elles employaient leur marque avant la date de priorité conventionnelle revendiquée par la requérante et qu’elles ne l’avaient pas abandonnée à la date de parution de l’annonce concernant la demande d’enregistrement de la requérante [art. 16]. Elles ne l’ont pas fait. Pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif, elles devaient établir qu’à la date de production de l’opposition, leur marque était suffisamment connue pour priver la marque en cause de caractère distinctif [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, p. 58 (C.F. 1re inst.), E. & J. Gallo Winery c. Andres Wines Ltd (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130; [1976] 2 C.F. 3 (C.A.F.), et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, p. 424 (C.A.F.)]. Cela non plus n’a pas été fait. Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur le droit à l’enregistrement et sur le caractère distinctif sont tous deux rejetés parce que les opposantes ne se sont pas acquittées de leur charge de preuve initiale.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

La date pertinente pour l’examen de ce motif est la date de la présente décision [Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, p. 424 (C.A.F.)].

 

Le critère applicable en matière de confusion

Le critère qu'il convient d'appliquer en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Suivant le paragraphe 6(2) de la Loi, il y a confusion entre deux marques de commerce lorsque l'emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises qui y sont liées sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Pour déterminer s'il y a confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, et notamment de celles qui sont expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’accorder un poids égal à chacun de ces facteurs.

 

Dans les arrêts Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, [2006] 1 R.C.S. 772, et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, [2006] 1 R.C.S. 824, la Cour suprême du Canada a indiqué la procédure à appliquer dans l’évaluation des circonstances afin d’établir s’il y a confusion. C’est donc en me fondant sur ces principes généraux que je procéderai à l’évaluation de l’ensemble des circonstances de l’espèce.

 

Alinéa 6(5)a) - le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

Aucune des marques ne semble avoir de signification en français ou en anglais. Elles possèdent donc chacune un caractère distinctif inhérent.

 

Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion ou l’utilisation. Toutefois, aucune des parties n’a démontré qu’elle avait employé sa marque au Canada ou qu’elle en avait fait la promotion jusqu’à aujourd’hui.

 

Alinéa 6(5)b) - la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

Je ne dispose d’aucun élément de preuve concernant la durée d’emploi des marques des parties au Canada. 

 

Alinéa 6(5)c) et d) - le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

Les marchandises des parties se recoupent puisqu’il s’agit de boissons et, plus particulièrement, d’eaux minérales, de jus de fruits ou boissons fruitées et de boissons gazeuses. Bien qu’aucun élément de preuve n’ait été soumis concernant les canaux de distribution des parties, on peut raisonnablement penser que ces marchandises emprunteraient les mêmes canaux.

 

Alinéa 6(5)e) - le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

La requérante fait valoir que [traduction] « c’est la finale entièrement différente de chacune des marques qui leur confère leur unicité et les distingue l’une de l’autre » [p. 15 du plaidoyer écrit]. Cet argument va à l’encontre du principe généralement reconnu voulant que ce soit habituellement la première composante d’une marque qui revêt le plus d’importance pour son caractère distinctif. [Conde Nast Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.)], mais je conviens néanmoins avec la requérante qu’il existe des différences importantes entre AMEEL et AMÉ dans la présentation et le son. Les idées que les marques suggèrent diffèrent également, dans la mesure où AMEEL peut évoquer un « repas » lorsque le mot est prononcé, mais non AMÉ.

 

Autres circonstances

La requérante soutient que la marque en cause [traduction] « devrait être acceptée pour enregistrement puisqu’elle est phonétiquement identique à la marque de commerce AMEAL employée en liaison avec des produits alimentaires et des boissons, laquelle a été enregistrée, sous le numéro LMC566,180 en dépit de l’existence de l’enregistrement de l’opposante visant la marque de commerce AMÉ » [p. 4 du plaidoyer écrit]. Toutefois, l’article 19 de la Loi sur les marques de commerce ne confère pas au propriétaire d’un enregistrement le droit d’obtenir automatiquement l’enregistrement d’autres marques, quelque ressemblantes qu’elles soient avec la marque initialement enregistrée [voir Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH c. Produits Menagers Coronet Inc., 4 C.P.R. (3d) 108 (C.O.M.C.), p 115]. [Voir aussi Groupe Lavo Inc. c. Procter & Gamble Inc., 32 C.P.R. (3d) 533, p.  538.] En outre, une décision de la Section de l’examen du Bureau des marques de commerce n’a pas force obligatoire pour la Commission pas plus qu’elle n’a valeur de précédent [Thomas J. Lipton Inc. c. Boyd Coffee Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 272, p. 277 et Procter & Gamble Inc. c. Morlee Corp. (1993), 48 C.P.R. (3d) 377, p. 386].

 

Conclusion relative au risque de confusion

Ayant pris en compte l’ensemble des circonstances, je conclus, suivant la prépondérance de preuve, qu’il est peu probable qu’il y ait confusion entre AMEEL et AMÉ, compte tenu des différences existant entre les marques et du fait que les opposantes n’ont pas démontré que leur marque avait acquis une réputation.

 

 

Dispositif

En vertu de la délégation de pouvoirs faite par le registraire des marques de commerce sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 27 SEPTEMBRE 2007

 

 

Jill W. Bradbury                                 

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

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