Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de
Rooxs, Inc. à la demande no 811,982 produite par
Edit – S.R.L. en vue de l’enregistrement de la marque
de commerce NOSE, appartenant présentement
à Sarasin Consultadoria e Servicos Lda
Le 8 mai 1996, Edit – S.R.L. a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce NOSE fondée sur son emploi de ladite marque au Canada depuis au moins le 23 mars 1995 en liaison avec des chaussures, des bottes, des pantoufles et des sandales. La marque de commerce est montrée ci‑dessous :
Ladite demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 20 mai 1998. Rooxs, Inc., l’opposante, a produit une déclaration d’opposition le 20 octobre 1998. La requérante a produit et signifié une contre‑déclaration. L’opposante et la requérante ont toutes deux présenté des éléments de preuve. Seule la requérante a soumis une argumentation écrite, mais les deux parties étaient représentées à l’audience.
Le 31 octobre 2000, le Bureau des marques de commerce a enregistré Sarasin Consultadoria e Servicos Lda (la requérante) comme propriétaire de la demande no 811,982.
La preuve
La preuve de l’opposante consiste en une copie certifiée de l’enregistrement no TMA483,146 obtenu au Canada à l’égard de la marque de commerce TOES ON THE NOSE. Lorsqu’un opposant ne fait que produire une copie certifiée de son enregistrement, le registraire doit présumer l’existence d’un emploi minime de la marque de commerce de celui‑ci [voir Entre Computer Centers, Inc. c. Global Upholstery Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.)]. Par conséquent, en ne produisant qu’une simple copie certifiée de son enregistrement, l’opposante ne s’acquitte pas du fardeau de preuve qui lui incombe à l’égard des allégations relatives aux motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement ou sur l’absence de caractère distinctif.
La preuve de la requérante se compose des affidavits de Lino Fornari et de Carol Luciani. L’opposante a obtenu une ordonnance l’autorisant à contre‑interroger les auteurs des affidavits présentés par la requérante, mais les parties ont plutôt choisi de procéder par échange de questions et réponses écrites. Ces questions et les réponses s’y rapportant, lesquelles ont été produites par la requérante le 11 avril 2001, font partie de la preuve versée au dossier.
L’affidavit de Lino Fornari a été souscrit le 26 avril 2000, soit après la date à laquelle, selon l’argumentation écrite de la requérante, la demande visée par la présente opposition a effectivement été cédée à Sarasin Consultadoria e Servicos Lda. M. Fornari déclare être l’unique administrateur de Edit – S.R.L., propriétaire de la demande no 811,982, et il affirme que la marque de commerce NOSE a été employée au Canada depuis au moins mars 1995 en liaison avec des chaussures, des bottes, des pantoufles et des sandales. Il convient de noter qu’il ne précise pas la nature de l’entreprise exploitée par Edit – S.R.L. pas plus qu’il ne déclare qu’Edit – S.R.L. a employé la marque NOSE. Comme pièce A, il fournit [traduction] « un échantillon représentatif d’étiquette montrant la marque de commerce NOSE telle qu’elle est utilisée en liaison avec des chaussures, des bottes, des pantoufles et des sandales au Canada ». L’étiquette ne mentionne pas l’origine des marchandises.
M. Fornari estime la valeur en gros des chaussures, bottes, pantoufles et sandales vendus au Canada depuis mars 1995 en liaison avec la marque de commerce NOSE à plus de 45 000,00 dollars canadiens. Il fournit également des copies de catalogues et autres imprimés publicitaires distribués au Canada pour promouvoir et vendre les marchandises NOSE en l’an 2000. Aucun des noms Edit – S.R.L. ou Sarasin Consultadoria e Servicos Lda ne figure sur ce matériel publicitaire, mais on y fait mention du nom Nose S.R.L.
M. Fornari fournit également des échantillons représentatifs de factures qui, selon lui, font état des ventes de chaussures, bottes, pantoufles et sandales de marque NOSE réalisées au Canada. Ces factures, datées du 31 août 1995, semblent avoir été dressées par Fornari S.p.A.
En réponse aux questions soumises dans le cadre de l’échange tenant lieu de contre-interrogatoire, la requérante a fourni des copies des factures les plus anciennes ayant pu être retrouvées à l’égard de la vente de chaussures NOSE au Canada. La facture la plus ancienne date du 23 mars 1995 et se rapporterait à une commande passée le 7 octobre 1994. Cependant, ladite facture semble avoir été dressée par Bi Maior s.r.l., et non par Edit – S.R.L. ou par Sarasin Consultadoria e Servicos Lda.
À la question de savoir si le magazine déposé comme pièce B à l’appui de l’affidavit de M. Fornari est publié par Edit – S.R.L. ou par une compagnie associée ou affiliée, la requérante a répondu qu’il s’agissait d’une revue trimestrielle lui appartenant et publiée par Fornari S.p.A. en son nom par l’intermédiaire de Grafiche Mazzucchelli.
En réponse à la demande visant à obtenir d’autre catalogues montrant les produits de marque NOSE, la requérante a fourni quatre catalogues, dont deux mentionnent FORNARI SPA comme distributeur et dont aucun ne fait mention de Edit – S.R.L., de Sarasin Consultadoria e Servicos Lda ou de Bi Maior s.r.l.
Carol Luciani fournit les résultats d’une recherche menée dans le système CD – Name Search /Base de données des marques de commerce canadiennes à l’égard de l’emploi de marques comportant le mot NOSE en liaison avec des vêtements, des chaussures et des services connexes.
Les motifs d’opposition
Les motifs d’opposition sont reproduits ci-dessous :
Certains motifs d’opposition sont plutôt embrouillés. Par exemple, les détails fournis à l’égard du second motif ne relèvent pas de l’alinéa 38(2)b) invoqué, mais bien de l’alinéa 38(2)a). Je considère cependant qu’il ne s’agit là que d’un simple détail technique.
Le troisième motif est censé se fonder sur l’alinéa 38(2)c) (qui ne traite que de l’absence de droit à l’enregistrement), mais il s’appuie ensuite tant sur l’absence de droit à l’enregistrement que sur le caractère non enregistrable de la marque, faisant référence aux alinéas 16(1)a) et b) (qui eux aussi ne traitent que de l’absence de droit à l’enregistrement). Selon l’alinéa 16(1)a), la marque de commerce de l’opposante doit avoir été employée ou révélée au Canada avant la date à laquelle la requérante a d’abord employé la sienne, mais l’opposante n’a pas prétendu avoir employé ou révélé sa marque de commerce au Canada avant le 23 mars 1995. Le motif prévu à l’alinéa 16(1)a) n’a donc pas été invoqué correctement. Il convient également de souligner que la seule preuve de l’opposante, soit la copie certifiée de l’enregistrement no 483,146, indique que la demande de celle-ci était fondée sur un emploi projeté et qu’une déclaration d’emploi n’a été produite qu’en 1997. Puisque rien ne permet d’établir l’existence d’un emploi de la marque de l’opposante au Canada avant le 23 mars 1995, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a) serait de toute façon rejeté en raison du défaut de l’opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve.
Selon l’alinéa 16(1)b), l’opposante doit avoir produit une demande d’enregistrement au Canada avant le 23 mars 1995. Bien que l’opposante s’en remette à son enregistrement no TMA483,146 obtenu au Canada, qui découlait d’une demande produite le 25 août 1994, le paragraphe 16(4) exige que la demande sur laquelle on s’appuie en vertu de l’article 16 ait été pendante à la date de l’annonce de la demande de la requérante [voir Governor and Co. of Adventurers of England trading into Hudson's Bay, communément appelée Compagnie de la Baie d’Hudson c. Kmart Canada Ltd., 76 C.P.R. (3d) 526, à la p. 528]. Étant donné que la demande de l’opposante a mené à l’enregistrement de sa marque en date du 26 septembre 1997, ladite demande n’était pas pendante au 20 mai 1998 et ne peut donc servir de fondement au motif d’opposition de l’alinéa 16(1)b). Par conséquent, ce motif d’opposition ne peut être retenu.
J’ai des doutes quant à savoir si, dans le troisième motif de son opposition, l’opposante a invoqué le caractère non enregistrable de la marque selon l’alinéa 12(1)d) en plus des motifs prévus à l’article 16. Le troisième motif renvoie à l’alinéa 38(2)c) (qui traite de l’absence de droit à l’enregistrement, et non du caractère non enregistrable de la marque) et, bien que la première phrase mentionne tant le caractère non enregistrable que l’absence de droit à l’enregistrement, elle invoque spécifiquement l’article 16 (qui ne traite que de l’absence de droit à l’enregistrement) comme fondement du motif. L’allégation de l’opposante quant au caractère non enregistrable de la marque est donc ambiguë et probablement contraire à l’alinéa 38(3)a). Quoi qu’il en soit, un examen de tous les éléments prévus au paragraphe 6(5), en date d’aujourd’hui, ne donnerait pas gain de cause à l’opposante à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), en raison principalement du faible degré de ressemblance entre sa marque TOES ON THE NOSE et la marque NOSE de la requérante et de l’insuffisance de sa preuve quant à l’emploi de sa marque ou quant à l’acquisition par celle-ci d’un caractère distinctif, et ce, peu importe que les marques aient toutes deux un caractère distinctif inhérent et qu’elles soient employées en liaison avec des marchandises qui se recoupent et qui emprunteraient fort probablement les même réseaux de distribution. En prenant cette décision, je n’ai pas accordé d’importance significative à la preuve présentée par la requérante quant à l’état du registre parce que je ne pense pas que le nombre ou la nature des marques comportant le mots NOSE trouvées par Mme Luciani permettent de tirer des conclusions valables sur l’état du marché [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432; Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)]. J’ai cependant tenu compte du fait que la marque de la requérante est devenue connue dans une plus large mesure et depuis plus longtemps que la marque de l’opposante, bien qu’il soit permis de se demander à qui cette réputation et cet emploi ont profité. Évidemment, le critère applicable en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir, et c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer l’absence de risque raisonnable de confusion entre les marques en question.
Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) est également rejeté. Dans la mesure où l’opposante se fonde sur des allégations de fait pour soutenir le motif qu’elle invoque en vertu de l’alinéa 30i), il lui incombe de prouver le bien‑fondé de ces allégations [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux p. 329 et 330]. L’opposante n’a fourni aucune preuve démontrant que la requérante était au courant de l’enregistrement ou de l’emploi de sa marque de commerce ou que cette dernière ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque dont l’enregistrement est demandé. Même si la requérante avait eu connaissance de l’existence de la marque de commerce de l’opposante à la date pertinente, cela n’est pas incompatible avec la déclaration de la requérante portant qu’elle était convaincue d’avoir le droit d’employer sa marque de commerce du fait que celle-ci ne créait pas de confusion avec la marque de commerce de l’opposante. La validité du motif fondé sur l’alinéa 30i) aurait ainsi été subordonnée à la conclusion que la marque de commerce de la requérante créait de la confusion avec celle de l’opposante [voir Consumer Distributing Co. Ltd. c. Toy World Ltd., 30 C.P.R. (3d) 191, à la p.195; et Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co., 15 C.P.R. (2d) 152, à la p. 155].
Il appartient à la requérante de démontrer que sa demande est conforme aux exigences de l’alinéa 30b). Dans la mesure où l’opposante se fonde sur des allégations de fait pour soutenir le motif qu’elle invoque en vertu de l’alinéa 30b), il lui incombe de prouver le bien-fondé de ces allégations [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux p. 329 et 330]. Afin de s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe sur un point en particulier, l’opposante doit fournir suffisamment d’éléments de preuve admissibles permettant de conclure raisonnablement que les faits allégués à l’appui de ce point existent vraiment [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, à la p. 298]. Le fardeau de l’opposante à l’égard de la preuve du défaut de la requérante de se conformer aux exigences de l’alinéa 30b) est léger [voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune, 10 C.P.R. (3d) 84, à la p. 89]. On peut s’acquitter de ce fardeau en s’appuyant non seulement sur la preuve présentée par l’opposante, mais aussi sur celle présentée par la requérante [voir Labatt Brewing Company Limited c. Molson Breweries, a Partnership, 68 C.P.R. (3d) 216, à la p. 230]. Dans Coca-Cola Ltd. c. Compagnie Française de Commerce, 35 C.P.R. (3d) 406, le commissaire Martin a souligné que l’opposante peut se fonder sur le contre-interrogatoire de l’auteur d’un affidavit présenté par la requérante pour s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe.
J’estime que la preuve de la requérante est ambiguë sur la question de savoir qui emploie, ou a d’abord employé la marque de commerce NOSE en réalité. M. Fornari, l’unique administrateur de Edit - S.R.L., n’a pas attesté que sa compagnie a employé la marque NOSE, et aucune des pièces qu’il a fournies ne mentionne le propriétaire de ladite marque. Lorsqu’il a été requis de fournir les plus anciennes factures disponibles, M. Fornari a fourni une facture dont la date correspondait à la date à laquelle la requérante prétend avoir d’abord employé ladite marque, mais qui faisait mention d’une partie dont l’identité ou le rôle n’a pas été expliqué. Cette facture, incompatible avec la prétention de la requérante selon laquelle elle aurait employé la marque, décharge l’opposante de son léger fardeau de preuve. Étant donné que la requérante ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’un tel emploi lui a profité à elle, plutôt qu’à l’entité dont le nom apparaît sur la facture, le motif fondé sur l’alinéa 30b) est retenu.
À l’audience, la requérante a fait valoir que le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) n’a pas été invoqué de façon suffisamment claire pour qu’il puisse être retenu au motif que la requérante n’a pas elle-même employé la marque. Je ne suis pas d’accord. Il ressort clairement du deuxième motif que la marque n’a pas été employée en liaison avec toutes les marchandises décrites dans la demande depuis la date y alléguée et qu’elle n’a pas été employée par la requérante. Je signale que la requérante n’a soulevé aucun doute quant à la spécificité ou à la clarté de l’allégation relative à l’alinéa 30b) dans sa contre-déclaration ni dans son argumentation écrite.
Bien qu’il incombe à la requérante de démontrer que sa marque est conçue de manière à distinguer ses marchandises de celles des autres partout au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)], il appartient d’abord à l’opposante de prouver les allégations de fait sur lesquelles elle se fonde pour invoquer l’absence de caractère distinctif, c’est‑à‑dire qu’elle doit démontrer qu’à la date de début des procédures d’opposition, sa marque était déjà connue. Le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif n’est pas retenu parce qu’il n’a pas été prouvé que la marque de l’opposante avait acquis quelque réputation pouvant nuire au caractère distinctif de la marque de la requérante.
Décision
Par le pouvoir que m’a délégué le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je repousse la demande de la requérante en application du paragraphe 38(8) de ladite Loi.
FAIT À TORONTO (ONTARIO), CE 18ieme JOUR DE FÉVRIER 2002.
Jill W. Bradbury
Agente d’audience