Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2010 COMC 50

Date de la décision: 2010-04-21

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Lidl Stiftung & Co. KG à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,288,751 pour la marque de commerce Crown et Dessin au nom de Crown Confectionnery Co. Ltd.

[1]   Le 24 janvier 2006, Crown Confectionery Co. Ltd. (la Requérante) a demandé l’enregistrement de la marque de commerce CROWN & Dessin (la Marque) sur la base de son emploi projeté au Canada par la Requérante elle‑même ou par des titulaires de licence, en liaison avec les marchandises suivantes : gâteaux secs; confiserie aux arachides; gomme; bonbons; gâteaux; maïs éclaté; pain; fructose; gâteaux de riz et sandwichs. La Requérante revendique les couleurs orange et violette comme caractéristiques de la Marque. La Marque est illustrée ci‑dessous :

CROWN & DESIGN

[2]   La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 30 mai 2007.

[3]   Le 13 juillet 2007, Lidl Stiftung & Co. KG (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition dans laquelle elle a invoqué des motifs fondés sur les alinéas 38(2)a), b), c) et d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi). La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration niant les allégations de l’Opposante.

[4]   À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit des copies certifiées des enregistrements no LMC666,698 et LMC599,177, visant les marques de commerce CROWNFIELD et CROWN PASTETEN et Dessin (illustrée ci‑dessous). Les deux marques ont été enregistrées sur la base de leur emploi et de leur enregistrement en Allemagne.

CROWN Pasteten & Design

[5]   À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit d’Enid Goldberg. L’Opposante n’a pas cherché à contre‑interroger la déposante.

[6]   Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Une audience a été demandée, mais cette demande a plus tard été annulée.

Fardeau de preuve

[7]   C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante permettant raisonnablement de conclure à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la p. 298].

[8]   L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial à l’égard des motifs d’opposition suivants :

         les motifs fondés sur l’alinéa 38(2)a)/article 30 : elle n’a pas établi qu’à la date de production de la demande la Requérante employait déjà la Marque, que la marque que la Requérante entendait employer n’est pas la Marque, que la Requérante n’a jamais eu l’intention d’employer la Marque en liaison avec chacune des marchandises visées par la demande ni que la Requérante ne pouvait être convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada;

         les motifs fondés sur l’alinéa 38(2)b)/paragraphe 16(3) : elle n’a pas établi que ses marques CROWNFIELD et CROWN PASTETEN et Dessin avaient été employées au Canada avant la date de production de la demande –l’opposant qui se contente de produire la copie certifiée conforme d’un enregistrement ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve à l’égard des motifs d’opposition fondés sur des allégations d’absence de droit à l’enregistrement;

         le motif fondé sur l’alinéa 38(2)d) : elle n’a pas établi que ses marques avaient été employées ou révélées au Canada avant le 13 juillet 2007 –l’opposant qui se contente de produire la copie certifiée conforme d’un enregistrement ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve à l’égard de motifs d’opposition fondés sur des allégations d’absence de caractère distinctif.

 

[9]   Ces motifs d’opposition sont, en conséquence, rejetés.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[10]           En prouvant l’existence de ses marques de commerce CROWNFIELD et CROWN PASTETEN et Dessin, enregistrées respectivement sous les no LMC666,698 et LMC599,177, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial de preuve à l’égard du motif alléguant que la Marque n’est pas enregistrable, aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec ces marques. La marque CROWNFIELD est enregistrée pour emploi en liaison avec les marchandises suivantes : préparations aux céréales, nommément aliments à grignoter à base de céréales, barres à base de céréales (prêtes à manger), céréales de petit déjeuner, muesli, flocons de maïs, aliments à grignoter à base de blé, pâtes alimentaires, pain, pâtisseries, nommément gâteaux, biscuits et craquelins et biscuits à levure chimique, et la marque CROWN PASTETEN et Dessin, pour emploi en liaison avec des produits et sucreries chocolatés non médicamentés, nommément pralines au chocolat, gâteaux au chocolat, bonbons au chocolat, massepain, réglisse, biscuits au chocolat, tartelettes au chocolat, gaufres au chocolat.

[11]           La date pertinente pour l’examen de la probabilité de confusion dans le contexte de ce motif est la date de la décision [Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le registraire des marques de commerce, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

[12]           Le test applicable en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Suivant le paragraphe 6(2) de la Loi, l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[13]           En appliquant ce test, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Il n'est pas nécessaire d'attribuer un poids égal à chacun de ces facteurs. [De façon générale, voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.).]

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[14]           À mon avis, la marque CROWNFIELD de l’Opposante possède un caractère distinctif inhérent supérieur à celui de la Marque parce qu’il s’agit d’un mot inventé qui ne donne pas de description des marchandises visées par l’enregistrement et n’y est pas apparenté. La marque CROWN PASTETEN et Dessin de l’Opposante possède elle aussi un caractère distinctif inhérent supérieur à celui de la Marque du fait que le mot PASTETEN n’est pas un mot ordinaire figurant aux dictionnaires anglais ou français. Cette marque, prise dans son ensemble, ne décrit en français ou en anglais aucune des marchandises qui y sont liées et n’y est pas apparentée. Elle comporte en outre des éléments graphiques, à savoir le dessin d’une couronne, une bordure l’entourant et des polices de caractères différentes pour chaque mot.

[15]           Par contre, la Marque est une version stylisée du mot ordinaire CROWN, mot inscrit au dictionnaire. Les caractéristiques graphiques et chromatiques de la Marque n’en augmentent pas le caractère distinctif inhérent car elles ne font que l’embellir dans son ensemble.  

[16]           Aucune des parties n’a soumis de preuve relativement à la mesure dans laquelle leurs marques sont devenues connues.

La période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage

[17]           Étant donné que l’Opposante n’a pas établi l’emploi de ses marques au Canada, ce facteur ne constitue pas une circonstance pertinente en l’espèce.

Le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

[18]           Les marchandises des parties sont apparentées parce qu’elles constituent toutes des produits alimentaires. Les seules marchandises se recoupant directement, toutefois, sont les bonbons et gâteaux de la Requérante et les gâteaux au chocolat et bonbons au chocolat de l’Opposante (visés par l’enregistrement de la marque CROWN PASTETEN et Dessin) et entre les gâteaux des deux parties. On peut présumer que, dans les épiceries, ces marchandises pourraient se retrouver dans les mêmes sections. Ce ne serait vraisemblablement pas le cas pour les autres marchandises parce qu’elles ne sont pas semblables [voir, par exemple, la décision Van Melle Nederland B.V. c. Principal Marques Inc. (1998), 87 C.P.R. (3d) 368].

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[19]           La Marque ressemble passablement à la marque de commerce CROWN PASTETEN et Dessin de l’Opposante dans la présentation et le son puisqu’elle est identique, dans son intégralité, à la première composante de cette dernière marque de commerce. Je constate également qu’exception faite des coupures dans les lettres C et W, la Marque est écrite dans la même police de caractères que le mot CROWN de la marque CROWN PASTETEN et Dessin de l’Opposante. Pour ce qui est des idées, les deux marques suggèrent l’idée de majesté ou de qualité supérieure. 

[20]           Bien que la Marque et la marque de commerce CROWNFIELD de l’Opposante présentent une certaine ressemblance dans la présentation et le son, elles suggèrent des idées totalement différentes, selon moi. CROWNFIELD suggère l’idée d’un champ de qualité, tandis que la Marque, ainsi qu’on l’a vu, suggère celle de majesté ou de qualité supérieure.

Autres circonstances

[21]           On présente habituellement une preuve relative à l'état du registre pour établir la fréquence d’occurrence de la totalité ou d’une partie d’une marque de commerce dans l’ensemble du registre. Puisque cette preuve n'est pertinente que dans la mesure où l'on peut en tirer des conclusions sur l'état du marché, elle devrait être constituée de marques de commerce qui comprennent la marque visée par la demande ou une partie de cette marque et qui sont employées en liaison avec des marchandises ou services semblables à ceux en cause [Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432; Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.)]. La preuve de l'état du registre ne permet de tirer des conclusions sur l'état du marché que lorsqu’un grand nombre d'enregistrements pertinents est repéré [voir Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

[22]           M. Goldberg a joint des copies papier de demandes d’enregistrement ou d’enregistrements renfermant le mot CROWN et/ou un dessin de couronne et visant des produits alimentaires. Environ une douzaine d’enregistrements de marques de commerce de tiers comportant ces éléments ont ainsi été soumis en preuve. Nous disposons donc d’au moins quelques éléments de preuve à l’appui de l’argument de la Requérante selon lequel le mot CROWN et/ou un dessin de couronne se retrouvent fréquemment dans des marques de commerce employées en liaison avec des produits alimentaires.

Conclusion au sujet du motif fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[23]           J’ai tenu compte, dans l’application du test en matière de confusion, que ce test fait intervenir les critères de la première impression et du souvenir imparfait. Étant donné les conclusions exposées ci‑dessus et, plus particulièrement, la ressemblance entre la Marque et la marque de commerce CROWN PASTETEN et Dessin de l’Opposante, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre cette dernière marque et la Marque en ce qui a trait aux bonbons et aux gâteaux. 

[24]           J’estime cependant qu’à l’égard des autres marchandises il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de commerce de l’Opposante, en raison, plus particulièrement, des différences existant entre ces produits alimentaires et du fait qu’il est peu probable que ceux‑ci soient vendus dans les mêmes sections des épiceries, facteurs auxquels s’ajoute la preuve que le mot CROWN et/ou les dessins de couronne se rencontrent assez fréquemment dans les marques de commerce de différentes marchandises alimentaires.

[25]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est donc retenu à l’égard des « bonbons; gâteaux », mais il est rejeté pour le reste.

Le motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement

[26]           Le motif d’opposition fondé sur l’article 16 est bipartite. L’Opposante allègue premièrement que la Marque crée de la confusion avec ses marques de commerce CROWNFIELD et CROWN PASTETEN et Dessin, antérieurement employées et révélées au Canada. Comme il en a déjà été fait mention, elle ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve afférent à ce motif. 

[27]           Elle soutient, deuxièmement, que, suivant [traduction] « la partie introductive du paragraphe 16(3) de la Loi », la Requérante ne peut obtenir l’enregistrement de la Marque parce que (a) la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30, (b) la Marque n’est pas une marque projetée, mais plutôt une marque en usage et (c) la Marque n’est pas enregistrable et elle ne constitue pas une marque de commerce.

[28]           Selon moi, ni l’alinéa 38(2)c) ni l’article 16 de la Loi – qui concerne les personnes admises à l’enregistrement de marques de commerce – ne permettent de soulever de telles questions. Le motif se rapportant au droit à l’enregistrement n’est pas mis en œuvre par l’allégation que la demande n’est pas conforme à l’article 30 de la Loi, que la marque n’est pas une marque projetée mais une marque en usage ou qu’elle ne constitue pas une marque de commerce. Cette partie de la déclaration d’opposition est donc entachée d’un vice juridique à mon avis. Comme la Cour fédérale l’a indiqué récemment dans la décision Proctor and Gamble Inc. c. Colgate-Palmolive Canada Inc., 2010 C.F. 231, l’allégation qu’une marque n’est pas une marque de commerce relève d’un motif fondé sur l’article 30 de la Loi.

[29]           J’ajouterais qu’il a été jugé que le libellé introductif du paragraphe 16(1) ne peut fonder d’opposition au sens du paragraphe 38(2) de la Loi, puisque le paragraphe 16(1) dans son intégralité se rapporte au motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement [voir, par exemple, Omega S.A. c. Omega Engineering Inc. (2006), 51 C.P.R. (4th) 205 (C.O.M.C.)]. 

[30]           Par conséquent, la partie du motif fondé sur l’article 16 reposant sur l’allégation que la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque en raison du libellé introductif du paragraphe 16(3) n’a pas été prise en considération.

Décision

[31]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement à l’égard des marchandises « bonbons; gâteaux » et je rejette l’opposition pour ce qui est du reste des marchandises, en application du paragraphe 38(8) de la Loi [sur la question des décisions partagées, voir Produits Ménagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 C.P.R. (3d) 492 (C.F. 1re inst.)].

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Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

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