Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 41

Date de la décision : 2013-02-28

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION par Benjamin Moore & Cie Limitée à l’encontre de l’enregistrement n1422393 pour la marque de commerce BEAUTI-TONE NATURA au nom de Home Hardware Stores Limited

[1]               Le 18 décembre 2008, Home Hardware Stores Limited (le Requérant) a déposé une demande d’enregistrement de la marque de commerce BEAUTI-TONE NATURA (la Marque) fondée sur un emploi projeté au Canada. L’état déclaratif des marchandises se lit comme suit :   

Peinture d'intérieur, nommément peinture pour plafonds, peinture d'intérieur au latex, peinture laquée pour la cuisine et la salle de bain, peinture d'intérieur pour mélamine aux résines alkydes, peinture d'intérieur pour garnitures et portes, apprêt; textures pour murs; enduits spéciaux, nommément revêtement transparent, peinture acrylique pour couche d'impression, glacis liquide; peinture d'extérieur, nommément peinture laquée d'intérieur et d'extérieur pour le porche et le sol, peinture laquée lustrée d'intérieur et d'extérieur, peinture laquée semi-lustrée d'extérieur, peinture au latex d'extérieur satinée, apprêt; teinture pour terrasse et parements; rénovateur de bois; produit d'imperméabilisation; peinture transparente hydrofuge pour couche d'impression; décapants pour peinture et vernis; nettoyant à pinceaux et à rouleaux; bouche-pores; rehausseur de parquets en bois dur; teinture d'intérieur pour le bois; produit à conditionner le bois; apprêt à poncer; revêtement transparent de finition du bois; peinture antirouille; peinture à vaporiser.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 22 avril 2009.

[3]               Le 11 juin 2009, Benjamin Moore & Cie Limitée (l’Opposant) a produit une déclaration d’opposition de la demande d’enregistrement. Les motifs d’opposition sont que le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque selon les dispositions de l’alinéa 16(3)(b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce NATURA de l’Opposant à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement a déjà été produite le 18 avril 2008 sous le no 1391987; et la Marque n’est pas distinctive, car elle ne distingue pas les marchandises et n’est pas adaptée à distinguer les marchandises en liaison avec ce qui est employé ou l’emploi proposé de marchandises pareilles ou semblables de l’Opposant vendues en liaison avec les marques NATURA, BENJAMIN MOORE NATURA et BENJAMIN MOORE NATURA et dessin de l’Opposant.

[4]               Le Requérant a produit et signifié une contre‑déclaration dans laquelle il nie les allégations de l’Opposant.

[5]               La preuve de l’Opposant est composée de l’affidavit de Michael Kolind, directeur général du marché chez Benjamin Moore & Cie limitée. Le Requérant a produit un affidavit de Jane Buckingham, chercheuse en marques de commerce pour le Requérant. Le 1er avril 2011, le Requérant a sollicité l’autorisation de produire, à titre de preuve complémentaire, en vertu du paragraphe 44(1) du Règlement sur les marques de commerce, DPRS/96-195, l’affidavit de Ray Gabel, qui serait censé présenter une preuve d’emploi des marques NATURA du Requérant sur le marché, et l’affidavit de Barbara Gallagher, qui serait censé présenter des imprimés tirés d’Internet en référence aux marques de commerce de l’Opposant. Dans une lettre datée du 2 juin 2011, la demande du Requérant a été refusée.

[6]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue, à laquelle les deux parties ont été représentées.

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

[7]               Il incombe au Requérant de démontrer que chacune de ses demandes est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposant de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels il appuie ses motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.) au paragr. 298; et Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

[8]               Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         le paragraphe 16(3) – la date de production de la demande [voir le paragraphe 16(3)];

         l’absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Observation préliminaire

[9]               Lors de l’audience, l’agent de l’Opposant a souligné que le Requérant ne s’est pas prononcé en ce qui a trait à la probabilité de confusion en l’espèce. L’agent du Requérant a réagi en affirmant que sa décision de ne pas se prononcer en ce qui a trait à la probabilité de confusion était délibérée et tenait de raisons hors de la portée de la présente opposition.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)(b)

[10]           À l’égard de ce motif d’opposition, l’agent de l’Opposant a demandé lors de l’audience que j’utilise mon pouvoir discrétionnaire pour confirmer l’existence de sa demande no 1391987 concernant la marque NATURA. Compte tenu des questions d’intérêt public pouvant se poser dans le cadre de l’examen d’un motif fondé sur l’alinéa 16(3)(b), le Registraire peut exercer son pouvoir discrétionnaire de consulter les registres du Bureau des marques de commerce pour vérifier l’existence d’une demande pendante invoquée à l’appui d’un tel motif [voir Royal Appliance Mfg. Co. c. Iona Appliances Inc. (1990), 32 CPR (3d) 525 (COMC), p. 529]. J’ai exercé ce pouvoir discrétionnaire pour confirmer que la demande no 1391987  a été produite le 18 avril 2008, fondée sur l’emploi projeté et était pendante le 22 avril 2009 selon les dispositions du paragraphe 16(4) de la Loi.

[11]           Le motif d’opposition de l’alinéa 16(3)(b) porte sur la question de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque NATURA de l’Opposant, en ce qui concerne les peintures et revêtements d’intérieur et d’extérieure.

Le test en matière de confusion

[12]           Le critère relatif à la confusion concerne le principe de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. En appliquant le critère relatif à la confusion, le Registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles précisément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[13]           Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent est attribué à différents facteurs selon le contexte [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. [2006] 1 RCS 772 (CSC), au paragr. 54]. Je renvoie également au paragr. 49 de l’arrêt Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011) 92 CPR (4th) 361 (CSC), dans lequel la Cour suprême du Canada a dit que le facteur prévu à l’alinéa 6(5)(e), la ressemblance entre les marques, est celui qui est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion. 

Alinéa 6(5)(a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus

[14]           Les marques des deux parties possèdent un caractère distinctif inhérent dans la mesure où elles comprennent toutes deux l’élément NATURA qui n’a pas de signification précise en liaison avec la peinture ou les produits de peinture. Toutefois, la marque de l’Opposant est intrinsèquement plus forte que la Marque, puisque la Marque comporte également l’élément BEAUTI-TONE qui suggère que la peinture ou les produits de peinture sont de couleur attrayante.   

[15]           Il n’y a aucune preuve d’emploi d’aucune des marques des parties à la date pertinente.

Alinéa 6(5)(b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[16]           La période pendant laquelle chacune des marques a été en usage ne joue en faveur d’aucune partie.

Alinéas 6(5)(c) et (d) – le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

[17]           Ce sont les états déclaratifs des marchandises des deux parties qui régissent l’appréciation de ce facteur [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); Miss Universe Inc c. Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)].

[18]           Les marchandises du Requérant sont identiques ou chevauchent les peintures et revêtements d’intérieur et d’extérieur de l’Opposant. Par conséquent et en l’absence de preuve contraire, je présume que les voies commerciales empruntées par ces marchandises se chevaucheraient également.

Alinéa 6(5)(e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[19]           Comme susmentionné, dans Masterpiece, la Cour suprême du Canada a affirmé que le degré de ressemblance entre les marques est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [voir aussi Beverley Bedding& Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 CPR (2d) 145 (CF 1re inst.), p. 149, conf. par 60 CPR (2d) 70], et elle a décidé de commencer son analyse par ce facteur. Bien que la Cour suprême ait indiqué que le premier mot d’une marque de commerce puisse en être l’élément le plus important pour ce qui est de son caractère distinctif [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst.)], elle a cependant émis l’opinion qu’il soit préférable, lorsqu’on procède à la comparaison de marques, de se demander d’abord si elles comportent un aspect particulièrement frappant ou unique. Bien qu’il soit généralement accepté que le premier élément d’une marque puisse être l’élément le plus important pour établir la distinction entre les marques, l’importance de ce facteur diminue si le premier élément est suggestif ou descriptif [voir Reno-Dépôt Inc. c. Homer TLC Inc. (2009), 84 CPR (4th) 58 (COMC), au paragr. 58].

[20]           Comme susmentionné, le premier élément de la marque du Requérant est le mot BEAUTI-TONE qui évoque une caractéristique des marchandises visées par la demande. L’élément le plus frappant et le plus unique de la marque de commerce est donc l’élément NATURA. Il me paraît donc indiqué de considérer cet élément comme le plus important pour l’évaluation de la probabilité de confusion, même s’il n’est pas le premier élément de la Marque. Puisque cet élément est identique à la marque de l’Opposant, il y a un important degré de ressemblance entre les marques à tous égards.

Circonstances pertinentes additionnelles

[21]           À titre de circonstance pertinente additionnelle, j’ai tenu compte de l’affidavit de Jane Buckingham, auquel sont joints les demandes d’enregistrement et les enregistrements de BEAUTI-TONE et NATURA du Requérant. Cette preuve démontre que le Requérant est propriétaire de huit enregistrements de marques de commerce qui comprennent l’élément BEAUTI-TONE pour de la peinture et des produits de peinture, ainsi que douze enregistrements de marques de commerce qui comprennent l’élément NATURA pour des marchandises semblables. Le Requérant a affirmé que l’existence de longue date au registre d’un si vaste nombre de marques semblables est un facteur important à prendre en considération pour évaluer la probabilité de confusion.

[22]           L’agent de l’Opposant, pour sa part, a affirmé que cette preuve ne devrait avoir aucune importance en ce qui a trait à la probabilité de confusion puisque le Requérant n’a présenté aucun élément de preuve d’emploi de ces marques.

[23]           Je suis d’accord avec l’agent de l’Opposant. À cet égard, afin de pouvoir évoquer une famille de marques de commerce dans une procédure d’opposition, une partie doit démontrer l’emploi de chaque marque de la famille [voir McDonald's Corp. c. Alberto-Culver Co. (1995), 61 CPR (3d) 382 (COMC); McDonald's Corp. c. Yogi Yogurt Ltd. (1982), 66 CPR (2d) 101 (CF 1re inst.)] De plus, l’article 19 de la Loi stipule que le fait d’être propriétaire d’un enregistrement ne confère pas un droit automatique à l’enregistrement d’autres marques, même si ces marques sont étroitement liées à la marque de commerce visée par le premier enregistrement [voir Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH c. Produits Ménagers Coronet Inc (1984), 4 CPR (3d) 108 (COMC), p. 115; GroupeLavo Inc c. Proctor & Gamble Inc (1990), 32 CPR (3d) 533 (COMC) p. 538]. 

[24]           Par ailleurs, je remarque que si le Requérant avait démontré l’emploi de ses marques NATURA, j’aurais pu conclure que des consommateurs qui connaissent bien ces marques risqueraient davantage de présumer que la Marque fait partie de la famille de marques NATURA du Requérant et cela réduirait par conséquent la probabilité de confusion en l’espèce.

Conclusion concernant la confusion

[25]           Compte tenu de ce qui précède et, plus particulièrement, du degré de ressemblance entre la Marque et la marque NATURA de l’Opposant en liaison avec des marchandises qui se chevauchent et qui peuvent circuler dans les mêmes voies de commercialisation, je conclus que le Requérant ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve en ce qui a trait à la confusion. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)(b) est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

[26]           L’agent de l’Opposant a fait valoir que la Marque n’est pas distinctive et ne distingue pas les marchandises en liaison avec son emploi projeté des marchandises semblables de l’Opposant vendues en liaison avec les marques NATURA, BENJAMIN MOORE NATURA et BENJAMIN MOORE NATURA et dessin de l’Opposant.

[27]           Pour s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe relativement à ce motif, l’Opposante doit établir que, à la date de production de la déclaration d’opposition, soit le 11 juin 2009, ses marques étaient suffisamment connues pour affaiblir le caractère distinctif de la Marque [voir Bojangles’ International LLC c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF) et Motel 6, Inc. c. No 6 Motel Ltd. (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst.)].

[28]           Les extraits les plus pertinents de l’affidavit de M. Kolind sont résumés comme suit par l’agent de l’Opposant :

L’Opposant est en affaires depuis 1883 et a été constitué en société au Canada en 1906. L’Opposant fabrique et vend des revêtements de maintenance résidentiels, commerciaux et industriels de grande qualité, dont de la peinture (affidavit de M. Kolind, paragr. 3).

Les marques de l’Opposant sont employées en liaison avec les peintures et revêtements d’intérieur et d’extérieur vendus par environ 464 détaillants indépendants au Canada, et les utilisateurs finaux types des marchandises de l’Opposant sont des architectes et des concepteurs, des entrepreneurs et des bricoleurs (affidavit de M. Kolind, paragr. 4).

Les marques de l’Opposant sont employées à travers le Canada en liaison avec les marchandises de l’Opposant depuis au moins avril 2009 (affidavit de M. Kolind, paragr. 6).

En 2009, le chiffre d’affaires annuel des marchandises de l’Opposant en liaison avec les marques de l’Opposant dépassait les 3,7 M$ et, entre janvier et avril 2010, le chiffre d’affaires des marchandises de l’Opposant en liaison avec les marques de l’Opposant dépassait le 1,4 M$ (affidavit de M. Kolind, paragr. 9).

Depuis 2009, l’Opposant a dépensé plus de 415 000 $ en publicité et marchandisage pour la promotion des marchandises de l’Opposant affichant les marques de l’Opposant et d’autres montants ont été dépensés par les détaillants indépendants de l’Opposant en ce sens (affidavit de M. Kolind, paragr. 18).

[29]           Lors de l’audience, l’agent de l’Opposant a argumenté que si le chiffre d’affaires était de 3,7 M$ entre avril et décembre 2009, il est donc raisonnable de présumer que si les ventes étaient réparties de façon égale au cours de cette période de neuf mois, il y a eu au moins 800 000 $ de ventes avant la date pertinente du 11 juin 2009. Il a par ailleurs soutenu que bien que le chiffre d’affaires recouvre les trois marques de l’Opposant, l’emploi démontre que les marques BENJAMIN MOORE NATURA et BENJAMIN MOORE NATURA et dessin représentent également l’emploi de la marque de commerce NATURA, puisque le mot NATURA est distingué des autres mots de ces marques de commerce par l’emploi d’une taille de caractère assez différente [affidavit de M.  Kolind, pièce A]. L’agent de l’Opposant soutient par ailleurs que les affiches et dépliants qui font la promotion des marques de l’Opposant ont été lancés avant la date pertinente, et que je devrais prendre connaissance d’office du fait que des magazines sont généralement distribués avant leur date de publication.

[30]           En tenant compte des décisions Bojangles et Motel 6, le Requérant soutient que l’Opposant n’a pas démontré que ses marques étaient suffisamment connues pour priver la marque du Requérant de son caractère distinctif à la date pertinente. À cet égard, le Requérant soutient que l’agent de l’Opposant m’a demandé de faire des présomptions non fondées. Par exemple, l’agent du Requérant soutient que l’on ne peut présumer qu’un montant de 800 000 $ du chiffre d’affaires de l’Opposant en 2009 (c’est-à-dire 3,7 M$) a été enregistré durant la période de deux mois avant la date pertinente (c’est-à-dire entre avril et juin 2009). Le Requérant soutient, par ailleurs, qu’il serait non fondé de présumer que l’emploi démontré des trois marques enregistrées de l’Opposant représente l’emploi de la marque NATURA de l’Opposant.  

[31]           En ce qui a trait au chiffre d’affaires présenté par l’Opposant, je suis disposée à accepter la déclaration de l’agent de l’Opposant que la preuve d’emploi des marques BENJAMIN MOORE NATURA et BENJAMIN MOORE NATURA et dessin représente également l’emploi de la marque de commerce NATURA. Par conséquent, les ventes des marchandises BENJAMIN MOORE NATURA et BENJAMIN MOORE NATURA et dessin peuvent également représenter les ventes de produits NATURA. Cependant, je suis d’accord avec le Requérant qu’il n’est pas possible de présumer du montant du chiffre d’affaires enregistré avant la date pertinente. À cet égard, je remarque qu’il y a cinq factures qui montrent que les marchandises de l’Opposant ont été vendues en liaison avec les marques de l’Opposant à des détaillants dans quatre provinces avant la date pertinente (affidavit de M. Kolind, pièce C). Ces factures n’affichent toutefois pas le montant des ventes des marchandises de l’Opposant puisque ces données ont été masquées.

[32]           En ce qui a trait à la publicité de l’Opposant, M. Kolind affirme qu’une gamme de brochures et de dépliants bilingues concernant les marchandises de l’Opposant et affichant les marques de l’Opposant ont été fournis aux détaillants de l’Opposant pour être distribués aux consommateurs dès avril 2009. Bien que plus de 80 000 exemplaires de chaque brochure jointe en pièces E1 et E2 de l’affidavit de M. Kolind aient été distribués à 464 détaillants à travers le Canada dès avril 2009, il n’y a aucune indication à savoir combien de brochures ont été distribuées avant la date pertinente. Il en va de même pour le matériel de points de vente de l’Opposant. La seule publicité datée des produits de l’Opposant au cours de la période pertinente est parue dans le numéro de juin 2009 du magazine Canadian Today’s Parent, dont 172 501 exemplaires ont été distribués. Bien que je ne sois pas disposée à admettre d’office le fait que certains magazines sont distribués avant leur date de publication, je crois qu’il est raisonnable de présumer, en fonction de la date de publication, que certains exemplaires de ce magazine ont circulé au Canada avant la date pertinente.  

[33]           Tous les exemples de publicités parues dans des journaux canadiens et joints à l’affidavit de M. Kolind en pièce H datent de juillet 2009, soit après la date pertinente. Finalement, bien que M. Kolind affirme que le site Web canadien de l’Opposant a attiré plus de 1 961 236 visiteurs uniques depuis avril 2009, il n’y a ici non plus aucune indication du nombre de visites avant la date pertinente.

[34]           Le produit NATURA de l’Opposant a également été nommé dans des articles parus dans des magazines distribués à travers le Canada avant la date pertinente, dont “O” The Oprah Magazine, Veranda et Health. Bien qu’il n’y ait aucune preuve d’emploi ou de promotion des marques de l’Opposant, cela contribue à établir la notoriété des marques de l’Opposant au Canada avant la date pertinente. Cependant, compte tenu de la diffusion restreinte au Canada des numéros dans lesquels ces articles ont été publiés (c’est-à-dire 109 375 exemplaires de “O” The Oprah Magazine, 11 103 exemplaires de Veranda et 54 026 exemplaires de Health), l’exposition des marques de l’Opposant par ces magazines ne semble pas être bien importante.

[35]           Selon moi, bien qu’en définitive, le fardeau ultime incombe au Requérant, l’Opposant a le fardeau initial de démontrer que ses marques de commerce étaient suffisamment connues au Canada pour annuler le caractère distinctif de la Marque visée par la demande. En l’espèce, il semble que l’Opposant a été vague et ambigu dans sa présentation d’éléments de preuve d’emploi avant la date pertinente. À cet égard, le chiffre d’affaires des produits de l’Opposant n’a pas été ventilé par mois et, sur les copies de cinq factures représentatives dates de la période pertinente, le prix unitaire et le montant total ont été masqués. Par ailleurs, bien que l’Opposant ait pu dépenser un montant important en publicité et promotion de ses marques de commerce depuis 2009, à mon avis, les éléments de preuve de l’Opposant ne permettent pas de conclure, dans quelle mesure les consommateurs canadiens ont été exposés à ces publicités et promotions avant la date pertinente.

[36]           La preuve dont je dispose ne me permet cependant pas de conclure que la notoriété des marques de commerce de l’Opposant était imposante, importante et suffisante aux dates pertinentes. J’estime donc que l’Opposant ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve initial, de sorte que le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est rejeté.

Décision

[37]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay

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