Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 TMOB 229

Date de la décision : 2012-11-21

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION du Conseil canadien des ingénieurs, c.o.b. Engineers Canada, à la demande no 1 381 794 en vue de l’enregistrement de la marque de commerce INSTITUTE OF POWER ENGINEERS & Dessin au nom de Institute of Power Engineers

 

[1]               Le 29 janvier 2008, Institute of Power Engineers (le Requérant) a produit une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce INSTITUTE OF POWER ENGINEERS & Dessin (la Marque), illustrée ci-après :

INSTITUTE OF POWER ENGINEERS & Design

Les couleurs sont revendiquées comme étant une caractéristique de la marque de commerce. En ce qui concerne le dessin, le cercle extérieur de la marque de commerce ressemble à une corde ininterrompue de couleur jaune. À l’intérieur de ce cercle extérieur et immédiatement adjacent est un deuxième cercle de couleur bleue. Les lettres à l’intérieur du second cercle sont noires, sauf les lettres IPE au centre de la marque de commerce qui sont rouges. Les couleurs font partie de la marque de commerce.

[2]               La demande est fondée sur un emploi de la Marque au Canada depuis le 19 janvier 1940, en liaison avec les marchandises et services ci-après :

marchandises

Calendriers, parchemins, plaques, insignes, médailles, écussons de presse-papiers, décalcomanies, bannières, manuels imprimés d’instruction et d’utilisation, bagues, tasses, chemises, sacs, vestes, blousons, casquettes et balles de golf.

services

Promotion de relations d’affaires, d’activités sociales et d’entente mutuelle entre les mécaniciens des opérations de machines fixes de première classe en particulier, et autres mécaniciens de centrale en général dans toute l’organisation, ainsi que de la tenue de conférences, séminaires, cérémonies d’octroi de prix, soupers, tournois et tournées, le tout dans le but d’offrir aux membres l’occasion de se rencontrer et d’échanger des informations et des idées entre membres, aussi bien qu’avec les membres de l’association requérante et autres personnes, de coopérer dans l’intérêt des membres de l’association requérante avec d’autres associations techniques et avec les autorités municipales, provinciales et fédérales, en offrant aux membres de l’association requérante des encouragements et des incitatifs visant à représenter et à promouvoir les objectifs du requérant.

[3]               La demande est également fondée sur l’emploi de la Marque au Canada dès octobre 2007, en liaison avec les marchandises suivantes :

marchandises

Chaises, montres, nappes, calepins, dépliants publicitaires, couvertures, glacières et autocollants.

[4]               En outre, la demande est fondée sur l’emploi proposé de la Marque en liaison avec les marchandises et services ci-après :

marchandises

Agendas, bannières, épinglettes, texte pédagogique écrit.

services

Exploitation d’un site web.

[5]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 20 mai 2009.

[6]               Le 20 juillet 2009, le Conseil canadien des ingénieurs, c.o.b. Engineers Canada (l’Opposant) a produit une déclaration d’opposition à la demande. Le Requérant a produit et signifié une contredéclaration. En conséquence, l’Opposant a demandé et obtenu la permission de modifier sa déclaration d’opposition. L’Opposant a invoqué des motifs d’opposition conformément aux alinéas 38(2)(a), (b) et (d) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi).

[7]               À l’appui de son opposition, l’Opposant a soumis les affidavits de John Kizas et de D. Jill Roberts, ainsi qu’une copie certifiée du dossier no 1 381 794 telle qu’il existait le 22 janvier 2010. À l’appui de sa demande d’enregistrement, le Requérant a soumis un affidavit de John Cerniuk. Il n’y a pas eu de contre-interrogatoire.

[8]               Les deux parties ont soumis une argumentation écrite et ont participé à une audience.

Observations/Sommaire sur les preuves

[9]               Je commencerai par confirmer que je n’accorderai aucun poids aux éléments de preuves qui sont à caractère argumentatif, ou de simples allégations ou opinions sur des questions de fait ou de droit, à déterminer par le Registraire dans la présente instance.

[10]           M. Kizas est directeur, chargé de la Propriété intellectuelle, et agent de liaison du Comité avec l’Opposant. Il donne une description générale de l’Opposant, ainsi que des informations détaillées sur la profession réglementée d’ingénieur. Au Canada, les ingénieurs sont régis par des associations établies par la législation provinciale ou territoriale. M. Kizas explique que l’un des principaux buts d’une telle législation est de protéger le public. L’Opposant est l’organisation nationale regroupant les douze associations provinciales/territoriales d’ingénieurs.

[11]           M. Kizas analyse le sens du mot « génie » (engineering) et explique que la profession d’ingénieur comprend des spécialités caractérisées par le mot « énergie » (power). Il démontre que des universités canadiennes offrent des cours de génie électrique dont le nom comprend le mot « power » et il déclare : « Au Canada, le génie en matière d’énergie est une sous-discipline bien établie du génie électrique ». M. Kizas démontre également que le Requérant n’est pas autorisé sous licence ni enregistré dans aucune des provinces ni aucun des territoires pour pratiquer l’ingénierie.

[12]           À la demande de l’Opposant, Mme Roberts, huissière adjointe, a cherché sur l’internet des documents relatifs aux activités du Requérant. Elle présente plusieurs pages de divers sites web, dont ceux du Requérant et de ses succursales/sociétés affiliées. D’après certaines des pages web présentées par Mme Roberts, le Requérant a des « succursales » dans chacune des provinces. Bien que les preuves figurant sur le site web d’une tierce partie ne prouvent pas la véracité de son contenu, je suis d’avis qu’un certain poids peut être accordé aux sites web du Requérant et de ses « succursales », puisque le Requérant a eu la possibilité de réfuter la preuve présentée. Je constate que les pages web indiquent que, au moins, certaines des « succursales » sont des entités juridiques distinctes, ce que le Requérant a confirmé durant l’audience.

[13]           M. Cerniuk est membre de l’association requérante et déclare qu’il est autorisé par le Requérant à « traiter de cette question ». Il donne des renseignements contextuels sur la profession réglementée de mécanicien de centrale (Power Engineer), et déclare que « le Requérant a employé la Marque en liaison avec les marchandises et les services indiqués dans la demande d’enregistrement, de façon continue à partir de la date indiquée dans la demande »; il donne des définitions du mot « ingénieur » (engineer). Comme Pièce 2, il soumet une copie d’une publication du gouvernement canadien, à savoir Emploi et Immigration Canada, datant de 1986, et décrivant les compétences et la formation de mécaniciens de centrale. Ce document de 118 pages est intitulé « Occupational Analyses Series Power Engineer » et il y est indiqué, entre autres, que les mécaniciens de centrale sont des travailleurs qualifiés qui utilisent et entretiennent la machinerie fixe, telle que les générateurs de vapeur, les compresseurs d’air, les générateurs, les moteurs, les turbines, les unités de climatisation, le matériel de réfrigération et tout autre équipement servant à produire de l’électricité ou de l’énergie aux bâtiments et aux processus industriels; le document établit également les demandes de services admissibles pour chaque province et territoire pour les mécaniciens de centrale de la première à la quatrième classe.  

Observations préliminaires

[14]           Avant d’examiner les motifs particuliers d’opposition, je voudrais faire quelques observations préliminaires d’ordre général. En premier lieu, je reconnais que l’Opposant et ses associations constituantes jouent un rôle important dans la protection du public en réglementant la pratique de l’ingénierie. L’Opposant a souligné à mon intention qu’il n’est pas un concurrent du Requérant mais qu’il agit dans l’intérêt du public. Je ne vois cependant pas de quelle manière la protection du public s’applique dans le cas présent. Les marchandises et les services du Requérant ne couvrent pas l’exécution de services d’ingénierie, mais semblent plutôt être des marchandises et des services internes offerts aux membres de l’association requérante qui sont eux-mêmes des mécaniciens de centrale. Autrement dit, il me semble que les marchandises et les services faisant l’objet de la demande d’enregistrement ne sont pas du type à nécessiter la protection du public.

[15]           En second lieu, je vais commenter brièvement sur deux cas provinciaux cités par les parties. L’Opposant a présenté l’affaire Microsoft Canada Co c. Ordre des Ingénieurs de (sic) Québec (22 juin 2005 QSC (aucun rapport) no 500-36-003388-041), et le Requérant a invoqué Assn of Professional Engineers of the Province of British Columbia c. Inter-Provincial Power Engineering Assn, [1977] BCJ 104; aff’d [1978] BCJ no 379. Chacun de ces cas est distinct du cas présent et aucun d’eux n’est décisif quant aux questions dont je suis saisie. Je vais toutefois les aborder brièvement, puisqu’il est clair que les parties les considèrent comme dignes de mention.

[16]           Comme l’a noté le Requérant, la décision de l’affaire Microsoft relève d’un cas criminel et non pas civil. Elle porte sur la question de déterminer si Microsoft peut autoriser ou encourager des personnes non membres de l’Ordre des Ingénieurs du Québec à utiliser le titre d’ingénieur-système certifié Microsoft; la Cour a déterminé que non, parce que la loi du Québec interdit clairement à toute personne non membre de l’Ordre d’assumer le titre d’ingénieur ou d’ingénieur qualifié. Le cas est clairement différent de l’instance en cause, en ce sens que l’opposition ne vise pas à déterminer si quelqu’un peut ou non utiliser le mot « ingénieur » dans son titre.

[17]           L’Opposant prétend que la décision de la Colombie-Britannique sur laquelle se base le Requérant stipule simplement que l’utilisation du défendeur des mots « ingénierie de centrale », « mécanicien de centrale » ou tous autres termes similaires n’est pas contraire à la Engineering Professions Act (Loi sur les professions d’ingénierie) de la province. Le Requérant signale toutefois que Meredith J. a conclu que la désignation de mécanicien de centrale (power engineer)  ne sous-entend nullement, et n’a certainement pas pour objet de faire croire à qui que ce soit que la personne à qui elle s’applique est un ingénieur de profession. Bien entendu, les preuves entendues dans la décision de la C.-B. ne sont pas les mêmes que celles qui me sont soumises.

Fardeau de la preuve

[18]           Il incombe au Requérant de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la demande d’enregistrement est conforme aux exigences de la Loi. Cependant, l’Opposant a la charge initiale de présenter suffisamment d’éléments de preuve recevables pouvant raisonnablement étayer la conclusion que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.) à 298].

Motif d’opposition lié à l’alinéa 30(b)

[19]           L’Opposant a argué que la demande n’est pas conforme aux dispositions de l’alinéa 30(b), en ce sens que la Marque n’a pas été employée au Canada en liaison avec les marchandises et les services décrits dans la demande à la date de premier emploi indiquée ou à toute autre date, et que, accessoirement, si la Marque a été employée, ce qui n’est pas admis mais nié catégoriquement, un tel emploi n’a pas été continu. Je constate que si la demande indique deux dates de premier emploi, l’Opposant n’a soumis de demande que pour la date du 19 janvier 1940.

[20]           La preuve initiale de l’Opposant liée à l’alinéa 30(b) peut être établie par référence non seulement à la preuve de l’Opposant, mais aussi à la preuve du Requérant [voir Labatt Brewing Company Limited c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst.) à 230]. Toutefois, si l’Opposant peut se fonder sur la preuve du Requérant pour s’acquitter de son fardeau de preuve, l’Opposant doit démontrer que la preuve du Requérant est clairement contraire aux allégations du Requérant présentées dans sa demande.

[21]           Pour les raisons ci-après, je rejette ce motif d’opposition selon lequel l’Opposant ne s’est pas acquitté de son fardeau initial.

[22]           L’Opposant n’a pas présenté ses propres preuves à l’appui de ses allégations liées à l’alinéa 30(b). Il a simplement noté que la Marque comprend les mots « Incorporated in 1940 » (Constitué en société en 1940) et il prétend qu’« il n’est simplement pas possible pour une entreprise constituée en société en 1940 d’avoir un assortiment d’activités aussi vaste depuis le 19 janvier 1940 ». Or, le Registraire avait déjà indiqué que « le simple fait que la date de constitution en société d’un Requérant coïncide avec sa date de premier emploi indiquée n’est pas en soi suffisant pour jeter des doutes sur l’indication de la première date d’emploi par le Requérant » [Canadian Occidental Petroleum Ltd c. Oxychem Canada Inc (1990), 33 CPR (3d) 345 (TMOB)].

[23]           Je note par ailleurs que M. Cerniuk, qui déclare qu’il est membre de l’association requérante et qu’il est autorisé par celle-ci à traiter de cette question, a déclaré ceci : « Le Requérant a employé la Marque en liaison avec les marchandises et les services indiqués dans la demande d’enregistrement et de manière continue depuis la date indiquée dans la demande ». Si l’Opposant se demande par quel moyen M. Cerniuk détient une telle information, il n’a pas procédé au contre-interrogatoire de ce dernier, dont la déclaration n’est clairement pas contraire à la date (aux dates) de premier emploi indiquée(s).

[24]           Comme l’Opposant ne s’est pas acquitté de son fardeau initial, le Requérant n’est pas dans l’obligation de présenter des preuves pour démontrer que la Marque a bien été employée depuis les dates indiquées.  

Motif d’opposition lié à l’alinéa 30(e)

[25]           L’Opposant a argué que la demande n’est pas conforme aux dispositions de l’alinéa 30(e) de la Loi, en ce sens que le Requérant n’avait pas l’intention d’employer le Marque au Canada en liaison avec les marchandises et les services pour lesquels la demande a été faite, en fonction de l’emploi proposé, puisque tout emploi réellement visé a été fait par des tiers. Je note, à cet égard, que la demande indique simplement que le Requérant entend utiliser la Marque, sans aucune mention d’un titulaire de licence.

[26]           La date pertinente pour évaluer un motif lié à l’alinéa 30(e) est la date de soumission de la demande, soit le 19 janvier 2008 [Canadian National Railway Co c. Schwauss (1991), 35 CPR (3d) 90 (TMOB) à 94].

[27]           L’Opposant soutient que, puisque Mme Roberts a trouvé la Marque sur certains matériaux qui portent le nom d’autres entités, il incombe au Requérant de présenter la preuve qu’il avait l’intention de l’employer lui-même. Or, l’Opposant a également présenté des preuves qui montrent la présence de la Marque sur le site web du Requérant depuis le 29 janvier 2010 [Pièces 1A et 1B, affidavit de Roberts].   

[28]           Il est prévu d’employer la Marque pour les marchandises et les services suivants : agendas, bannières, épinglettes, textes pédagogiques imprimés, exploitation d’un site web. Je n’ai pas été avisée d’aucune preuve montrant l’emploi de la Marque par d’autres entités en liaison avec les marchandises proposées et il a été démontré que le Requérant a lui-même commencé à employer la Marque en liaison avec les services proposés. L’Opposant ne s’étant pas acquitté de son fardeau initial, je rejette son motif d’opposition lié à l’alinéa 30(e).

Motif d’opposition lié à l’alinéa 30(i)

[29]           L’Opposant soutient que la demande n’est pas conforme aux dispositions de l’alinéa 30(i) de la Loi parce que le requérant n’a pas pu être convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou services décrits dans la demande. À l’appui de son allégation, l’Opposant soutient, entre autres, qu’au Canada, l’ingénierie est une profession réglementée par des législations provinciales et territoriales selon lesquelles seuls les candidats ayant répondu à ces critères peuvent pratiquer l’ingénierie.

[30]           La preuve de l’Opposant établit effectivement qu’au Canada, l’ingénierie est une profession réglementée par des lois provinciales et territoriales, qui stipulent que seuls les candidats ayant répondu à ces critères sont autorisés à pratiquer l’ingénierie, et que le Requérant n’a pas licence ni n’est enregistré pour fournir des services d’ingénierie en aucun point du Canada à compter du 29 janvier 2008. Toutefois, la demande actuelle d’enregistrement ne couvre pas les services d’ingénierie. Quoi qu’il en soit, les allégations de non-conformité aux lois provinciales/territoriales ne sont pas une base suffisante pour un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i) [Interprovincial Lottery Corp c. Monetary Capital Corp (2006), 51 CPR (4e) 447 (TMOB); Lubrication Engineers, Inc c. Conseil canadien des ingénieurs (1992), 41 CPR (3d) 243 (FCA) au 244].  

[31]           Dans les cas où un Requérant aurait fourni une déclaration visée dans l’alinéa 30(i), la jurisprudence donne à penser qu’il n’y a non-conformité aux dispositions de l’alinéa 30(i) que dans des circonstances exceptionnelles qui annuleraient la déclaration du Requérant, telles que la mauvaise foi ou la non-conformité à une loi fédérale [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (TMOB) au 155; Interactiv Design Pty Ltd c. Grafton-Fraser Inc (1998), 87 CPR (3d) 537 (TMOB) aux 542-543]. Or ces circonstances n’existant pas dans le cas présent, le motif d’opposition lié à l’alinéa 30(i) est rejeté.

Motif d’opposition lié à l’alinéa 38(2)(b)/12(1)(b)

[32]           L’Opposant soutient que la Marque n’est pas enregistrable selon l’alinéa 12(1)(b) de la Loi, parce qu’elle est clairement descriptive ou qu’elle donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises et/ou des personnes employées dans la production et la fourniture de ces marchandises. L’argument ajoute ceci : « Sans limiter le caractère général de ce qui précède,  compte tenu des faits présentés [précédemment], et du fait que la Marque faisant l’objet de la demande inclut le terme “ENGINEER” (Ingénieur), qui est règlementé au Canada, il s’ensuit que: i) si des membres de la profession d’ingénieur au Canada participent à la production et à la fourniture de marchandises et de services, la Marque faisant l’objet de la demande est clairement descriptive de la nature et de la qualité des marchandises et des services et/ou des personnes employées dans la production et la fourniture de ces marchandises et de ces services; ii) si des membres de la profession d’ingénieur au Canada ne participent pas à la production et à la fourniture de marchandises et de services, alors la Marque faisant l’objet de la demande donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises et des services et/ou des personnes employées dans la production et la fourniture de ces marchandises et de ces services. »

[33]           La date pertinente pour l’évaluation du motif d’opposition est la date de soumission de la demande d’enregistrement [Shell Canada Limited c. PT Sari Incofood Corporation (2005), 41 CPR (4e) 250 (FC); Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 CPR (4e) 60 (FC)]. Les cas de jurisprudence liés aux critères évoqués à l’alinéa 12(1)(b) comprennent les cas suivants :Wool Bureau of Canada Ltd c. Registrar of Trade Marks (1978), 40 CPR (2d) 25 (CF 1re inst.), Atlantic Promotions Inc c. Registrar of Trade Marks (1984), 2 CPR (3d) 183 (CF 1re inst.), Drackett Co of Canada Ltd c. American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29 (Ex Ct), Provenzano c. Canada (Registrar of Trade Marks) (1977), 37 CPR (2d) 189 (CF 1re inst.), Candrug Health Solutions Inc c. Thorkelson (2007), 60 CPR (4e) 35 (CF 1re inst.), and Thomas J Lipton Ltd c. Salada Foods Ltd (No. 3) (1979), 45 CPR (2d) 157 (CF 1re inst.).

[34]           Les soumissions écrites présentées par l’Opposant à ce propos comprennent les arguments suivants:

         « Lorsqu’une désignation professionnelle apparait dans une marque de commerce, il est évident qu’elle vise à décrire la nature et le caractère des services fournis ou les qualifications des personnes fournissant ces services ».

         « La plupart des personnes supposeront que les entreprises qui utilisent le mot « engineering » (ingénierie) dans leur nom de commerce ou leur marque de commerce offrent des services d’ingénierie et emploient des ingénieurs à moins que le contexte n’indique clairement le contraire »

         « En outre, la jurisprudence est claire sur le fait que si la marque de commerce est clairement descriptive ou si elle donne une description fausse et trompeuse aux personnes à qui ces marchandises ou ces services sont destinés, la marque de commerce ne sera pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)(b) de la Loi. Association of Professional Engineers of Ontario c. Registrar of Trade-marks, (1959) 31 CPR 79 aux 86-89 (Exch. Ct.) Lubrication Engineers c. Conseil canadien des ingénieurs, (1992) 41 CPR (3d) 243 au24 »

[35]           Je trouve cependant que la Marque, dans son ensemble, n’est pas entièrement descriptive, parce qu’elle comprend également des mots et des éléments qui ne sont pas tout à fait descriptifs. Je ne trouve pas non plus qu’elle donne une description fausse et trompeuse. Il peut y avoir une sous-discipline dans la profession d’ingénieur électrique connue sous le nom de « génie en matière d’énergie », mais il existe aussi une occupation appelée « mécanicien de centrale », dont les membres ne sont pas des ingénieurs. En outre, s’il est possible que les marchandises et les services du Requérant sont destinés aux « mécaniciens de centrale », cela ne signifie pas pour autant que la Marque dans son ensemble est clairement descriptive. La jurisprudence évoquée par l’Opposant à cet égard, au troisième point ci-dessus, est remarquable par le fait que les cas cités concernent des marques qui sont composées uniquement du nom d’une profession/occupation.

[36]           Le motif lié à l’alinéa 12(1)(b) est donc rejeté.

Motif d’opposition fondé sur le caractère distinct

[37]           Au paragraphe 124 de son argumentation écrite, l’Opposant explique que la déclaration d’opposition liée au caractère distinctif comporte deux volets, à savoir : i) la Marque n’est pas distinctive parce qu’elle est clairement descriptive ou qu’elle donne une description fausse et trompeuse; et ii) la Marque n’est pas distinctive parce qu’elle ne fait pas de distinction entre les marchandises et les services du Requérant et celles des tierces parties qui sont autorisées à employer la Marque sans avoir reçu la licence appropriée.

[38]           La date pertinente pour évaluer le caractère distinctif est la date de soumission de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4e) 317 (FC)].

[39]           J’ai déjà conclu que la Marque n’était pas clairement distinctive et ne donnait pas une description fausse et trompeuse depuis le 29 janvier 2008, et il n’y a donc pas de raison pour que je conclue autrement pour la date du 20 juillet 2009; en conséquence, le premier volet du motif lié au caractère distinctif est rejeté. Je vais maintenant évaluer la preuve présentée dans le deuxième volet.

[40]           Au paragraphe 119 de son argumentation écrite, l’Opposant soumet plusieurs pièces pour s’acquitter de son fardeau de preuve, concernant son allégation que des tierces parties ont été autorisées à employer la Marque sans avoir les licences appropriées. Or, seules quelques pièces semblent être antérieures à la date pertinente du 20 juillet 2009 et certaines de ces pièces ne portent pas la Marque. Pour ces raisons, je considère que seules les pièces ci-après jointes à l’affidavit de Roberts sont pertinentes en ce qui concerne le fardeau de preuve initiale de l’Opposant :

         Pièce 2C : la page de « publicité institutionnelle » du B.C. Institute of Power Engineers, datée du 27 septembre 2007, affiche la Marque.

         Pièce 5B : le bulletin d’octobre 2006 de la succursale de Toronto de l’Institute of Power montre la Marque.

         Pièce 6A : une page de la succursale d’Ottawa de l’Institute of Power Engineers montre la Marque et mentionne les bulletins mensuels de 2009.

         Pièce 6B : le bulletin Windsor Institute of Power Engineers Monthly de janvier 2009 affiche la Marque à chaque page.

         Exhibit 6C : les pages de couverture du bulletin Windsor Institute of Power Engineers Monthly de février et de juin 2009 affichent la Marque.

         Pièce 17B : le bulletin Steam Lines de mai/juin 2008 de l’Institute of Power Engineers d’Alberta affiche la Marque à chaque page.

         Pièce 17C : les pages de couverture du bulletin Steam Lines de l’Institute of Power Engineers d’Alberta datées de Nov/Dec 2002, Nov/Dec 2003, Nov/Dec  2004, Nov/Dec 2005, Nov/Dec 2006 et Nov/Dec 2007 affichent la Marque.

[41]           Je trouve que ces pièces montrent bien l’emploi de la Marque par des parties autres que le Requérant. La question est maintenant de déterminer si l’affichage de la Marque dans des documents placés sur l’internet par diverses succursales du Requérant s’avère être dans l’intérêt du Requérant. La Section 50 de la Loi stipule ceci :

50. (1) Pour l’application de la présente loi, si une licence d’emploi d’une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l’emploi, la publicité ou l’exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial — ou partie de ceux-ci — ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s’il s’agissait de ceux du propriétaire.

 

      (2) Pour l’application de la présente loi, dans la mesure où un avis public a été donné quant à l’identité du propriétaire et au fait que l’emploi d’une marque de commerce fait l’objet d’une licence, cet emploi est réputé, sauf preuve contraire, avoir fait l’objet d’une licence du propriétaire, et le contrôle des caractéristiques ou de la qualité des marchandises et services est réputé, sauf preuve contraire, être celui du propriétaire.

[42]           Il n’a pas été démontré que les circonstances décrites dans la section 50 existent dans le cas présent.  D’autre part, l’Opposant s’est fondé sur le cas Axa Assurances Inc c. Charles Schwab & Co, Inc (2005), 49 CPR (4e) 47 (TMOB) pour soutenir que la structure organisationnelle ou l’affiliation ne suffit pas à elle seule pour établir l’existence d’une licence au sens de la section 50, il faut qu’il y ait également preuve que le Requérant a le contrôle de l’emploi de la Marque par les entités connexes et qu’il prenne des dispositions pour assurer le caractère et la qualité des services fournis.

[43]           Il n’y a pas preuve que le Requérant a accordé à ses succursales la licence d’employer la Marque ou qu’il ait contrôlé le caractère ou la qualité des marchandises/services en relation desquels les succursales ont employé la Marque. L’agent du Requérant a argué que les membres des succursales sont également membres de l’association requérante et qu’il faudrait donc considérer leurs actes comme étant ceux du Requérant. Même si ces faits allégués étaient prouvés, je ne vois comment cela signifierait que les actes des différentes entités provinciales sont ceux du Requérant aux termes de la loi sur les marques de commerce.

[44]           Je constate que la preuve de Mme Roberts ne montre pas l’emploi de la Marque par des tiers en liaison avec chacun et chacune des services et marchandises faisant l’objet de la demande. Le Requérant n’a pas soumis d’argumentation sur ce point, alors que l’Opposant a prétendu que cela n’a aucune conséquence. Les services bénéficient généralement d’une interprétation vaste ou généreuse [Société Nationale des Chemins de Fer Français SNCF c. Venice Simplon-Orient-Express Inc et al (2000), 9 CPR (4e) 443 (CF 1re inst.)] et il semblerait dans ce cas que les marchandises faisant l’objet de la demande sont soit auxiliaires aux services, soit de nature à être vendues pour promouvoir les services. Je conviens donc avec l’Opposant que l’emploi de la Marque par une tierce partie ne doit pas être nécessairement lié à toutes les marchandises et à tous les services faisant l’objet de la demande pour influer sur le caractère distinctif de la Marque en liaison avec les marchandises et les services faisant l’objet de la demande.

[45]           Je trouve que l’affidavit de Roberts satisfait l’exigence de fardeau de la preuve initiale de l’Opposant, alors que le Requérant ne m’a pas convaincue que l’emploi de la Marque par les diverses succursales a acquis des prestations aux termes de la section 50. En conséquence, je ne suis pas persuadée que la Marque était distincte du Requérant à la date du 20 juillet 2009. Le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est donc accepté, sur la base du deuxième volet.

Motifs d’opposition restants

[46]           L’Opposant n’a retiré aucun de ses motifs d’opposition liés à l’alinéa 38(2)(a), mais il a indiqué dans son argumentation écrite qu’il mettrait davantage l’accent sur les motifs liés aux alinéas 30(b), (e) et (i). En d’autres termes, il ne présente aucune soumission à l’appui de l’argument relatif à l’alinéa 30(a), à savoir que la demande ne contient pas de déclaration en termes commerciaux ordinaires sur des marchandises et services particuliers. Comme l’Opposant ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve initial pour le motif lié à l’alinéa 30(a), celui-ci est rejeté.

[47]           En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur la capacité d’enregistrement, l’Opposant a indiqué qu’il soulignerait son motif lié à l’alinéa 12(1)(b). Il n’a pas retiré son motif lié à l’alinéa 12(1)(e), mais je rejette celui-ci pour la raison que l’Opposant ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve initiale à cet égard.

Disposition

[48]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande, en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

TRADUCTION CERTIFIÉE CONFORME

Lenga Nguyen

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