Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2016 COMC 30

Date de la décision: 2016-02-22

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS

 

 

The Clorox Company of Canada Ltd.

Opposante

et

 

Chloretec S.E.C.

Requérante

 

 

 

 



1,561,391 pour JAVELO

1,561,417 pour JAVELO Dessin

 

Demandes

I          Introduction

[1]               The Clorox Company of Canada Ltd. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement des marques de commerce JAVELO et JAVELO Dessin faisant respectivement l’objet des demandes nos 1,561,391 et 1,561,417 au nom de Chloretec S.E.C. (la Requérante).

[2]               La couleur est revendiquée comme une comme caractéristique de la marque de commerce JAVELO Dessin, illustrée ci-dessous. La revendication se lit : « Le mot JAVELO est en noir, le dessin est un dégradé de couleur bleue et le dessin de l'homme et son javelot est en blanc. »

JAVELO DESSIN

[3]               Chaque demande d’enregistrement produite le 26 janvier 2012 est fondée sur l’emploi projeté de la marque de commerce au Canada.

[4]               Le 10 novembre 2015, la Requérante a produit dans chaque cas une demande amendée dont j’ai confirmé l’acceptation au nom du registraire le 17 novembre 2015. L’état déclaratif des produits de chaque demande d’enregistrement présentement au dossier se lit donc ainsi qu’il suit :

eau de javel [sic], nommément des quantités en vrac de plusieurs concentrations et quantités différentes fabriquées exclusivement sur commande de la clientèle industrielle en fonction de leurs besoins spécifiques et excluant la vente aux détaillants et la vente au détail des produits pour consommateurs (le Produit).

[5]               De façon générale, dans chaque cas les motifs d’opposition sont fondés sur des allégations de confusion entre la marque de commerce de la Requérante et des marques de commerces de l’Opposante, incluant ses marques de commerce JAVEX et JAVALIN. L’Opposante soulève également dans chaque cas des motifs d’opposition fondés sur des allégations concernant l’emploi de la marque de commerce par la Requérante et par des tiers.

[6]              Dans chaque cas, chacune des parties a produit de la preuve et un plaidoyer écrit. Les deux parties étaient représentées à l’audience où les deux cas ont été entendus ensemble.

[7]               Pour les raisons qui suivent, j’estime qu’il y a lieu de rejeter chaque opposition.

II        Les motifs d’opposition

[8]               Dans chaque cas, la déclaration d’opposition a été produite le 18 mars 2013 et modifiée le 19 août 2014.

[9]               Puisque les motifs d’opposition soulevés à l’égard de chaque demande d’enregistrement sont identiques, je vais les résumer en utilisant « la Marque » pour désigner de façon interchangeable les marques de commerce JAVELO et JAVELO Dessin.

[10]          En préambule aux motifs d’opposition soulevés suivant l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), l’Opposante allègue l’emploi continu de la marque de commerce JAVEX depuis plus de 60 ans. L’Opposante allègue également la propriété de la demande d’enregistrement no 1,609,655 pour la marque JAVEX & Dessin, et de dix enregistrements collectivement désignés sous « The Javex Registrations » (les Enregistrements Javex). Des copies de la demande alléguée et des Enregistrements Javex sont jointes à la déclaration d’opposition amendée. Les marques de commerce et les produits visés par les Enregistrements Javex sont identifiés à l’Annexe A de ma décision.

[11]          Cinq des sept motifs d’opposition soulevés par l’Opposante doivent être lus dans le contexte des allégations mentionnées ci-dessus. Il s’agit des motifs d’opposition selon lesquels :

     la Marque n’est pas distinctive selon l’article 2 de la Loi;

     la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque selon l’article 16(3)a) de la Loi;

     la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque selon l’article 16(3)b) de la Loi;

     la Marque n’est pas enregistrable selon l’article 12(1)d) de la Loi; et

     la Requérante ne pouvait pas se déclarer convaincue d’avoir le droit d'employer la Marque au Canada selon l’article 30i) de la Loi.

[12]           Les deux autres motifs d’opposition allèguent, en résumé, que la Requérante:

     a employé la Marque au Canada avant la date de production de la demande, contrairement à l’article 30b) de la Loi; et

     a permis à UBA Inc., Somavrac Group Inc., anciennement Prommel Group, et Servitank Transport Inc. d’employer la Marque sans exercer le contrôle requis par l’article 50 de la Loi. En raison de son emploi par des tiers ne détenant pas de licence, la marque de commerce n’est pas distinctive.

III       Les dates pertinentes

[13]           Les dates pertinentes pour l’appréciation des circonstances relatives aux motifs d’opposition sont les suivantes :

     articles 38(2)a)/30 de la Loi ‑ la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)];

     articles 38(2)b)/12(1)d) de la Loi ‑ la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd and The Registrar of Trade Marks (1991), 37 CPR (3d) 413 (CFA)];

     articles 38(2)c)/16(3)a) et b) de la Loi ‑ la date de production de la demande; et

     articles 38(2)d)/2 de la Loi ‑ la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317].

IV       Le fardeau qui repose sur les parties

[14]          C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que chaque demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi. Cela signifie que, si une conclusion déterminante ne peut être tirée une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée en sa défaveur. Toutefois, l’Opposante doit, pour sa part, s’acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu’un fardeau de preuve initial soit imposé à l’Opposante signifie qu’un motif d’opposition ne sera pris en considération que s’il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de celui-ci [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155; et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company, 2005 CF 722, 41 CPR (4th) 223].

V        Preuve des parties

[15]          Avant de procéder à l’analyse des motifs d’opposition, je vais donner un aperçu de la preuve présentée par les parties dans chaque cas. Des éléments de preuve seront examinés plus en détail dans l’analyse des motifs d’opposition, le cas échant.

(1)   Preuve de l’Opposante

[16]           Dans chaque cas, l’Opposante a produit un affidavit d’Elenita Anastacio, daté du 2 octobre 2013, et sa pièce A.

[17]           Mme Anastacio, recherchiste à l’emploi du cabinet d’agent de marques de commerce de l’Opposante, produit des copies des Enregistrements Javex.

(2)   Preuve de la Requérante

[18]           Dans chaque cas, la Requérante a produit les affidavits suivants :

     celui de Sylvain Demers, daté du 29 janvier 2014, et ses pièces SD-1 à SD‑16;

     celui de Denis Manias, daté du 23 janvier 2014, et ses pièces DM‑1 à  DM‑20; et

     celui de Sandro Romeo, daté du 17 janvier 2014, et sa pièce SR‑1.

[19]           Chacun des témoins a été contre-interrogé. Les transcriptions de leur contre‑interrogatoire respectif et les réponses aux engagements sont aux dossiers.

[20]          La preuve présentée par un témoin étant essentiellement la même dans les deux cas, j’emploierai le singulier dans la revue de ses affidavits. Je référerai à des passages de son contre-interrogatoire dans la mesure où j’estime qu’ils sont pertinents au regard de la preuve et des représentations des parties. Finalement, j’utiliserai « la Marque » pour désigner de façon interchangeable les marques de commerce JAVELO et JAVELO Dessin.

Affidavit de Sylvain Demers

[21]           M. Demers est vice‑président Finance et Administration de Groupe Somavrac Inc. (GS) depuis le 6 août 2012 [paragr. 1].

[22]           M. Demers est également vice-président Finance et Administration de toutes les filiales de GS, dont la Requérante et UBA Inc. (UBA). Il prend part à toutes les discussions stratégiques concernant les filiales de GS et a accès à leurs livres comptables [paragr. 2].

[23]           Selon le témoignage de M. Demers, GS œuvre depuis 1963 dans l’arrimage, la manipulation et transformation, l’entreposage, le transport, et la distribution de produits chimiques. GS était autrefois connue sous le nom Prommel Inc. et l’ensemble de ses sociétés affiliées était connu sous le nom Groupe Prommel [paragr. 5]. Le changement de nom de Prommel Inc. à GS remonte au 10 octobre 2013 [paragr. 6]. GS est connue par le biais de ses sociétés affiliées (« GS is known through its affiliated companies ») [paragr. 7].

[24]           Ce qui suit est mon résumé du témoignage de M. Demers concernant la Requérante, ainsi que l’emploi et la promotion de la Marque au Canada :

     la Requérante est une société en commandite en vertu du Code civil du Québec, dont la société commanditaire est Somavrac Inc. [paragr. 3]. Somavrac Inc. est une société distincte de GS. Elle n’emploie pas la Marque [Q7, Q10];

     la Requérante est basée au Québec où elle produit de l’hypochlorite de sodium (eau de Javel) [paragr. 8];

     l’eau de Javel est un produit polyvalent. La Requérante propose à ses clients un produit qui répond à leurs besoins et attentes. Ainsi, le Produit associé à la Marque est fabriqué par la Requérante dans sa propre usine de Beauharnois et est disponible en plusieurs concentrations pour répondre aux besoins des municipalités, et des industries minière, sanitaire, alimentaire, des boissons et du traitement de l’eau [paragr. 9‑10];

     UBA est la distributrice exclusive du Produit associé à la Marque [paragr. 7];

     UBA emploie la Marque au Canada, sous licence, depuis au moins aussitôt que le 22 février 2012 pour la promotion, la commercialisation et la vente du Produit associé à la Marque [paragr. 12];

     une somme approximative de 138 777 $ a été dépensée pour le développement de la Marque et du Produit qui y est associé, incluant la programmation du site Web à www.javelo.ca [paragr. 15];

     depuis 2012, la Marque est employée par la Requérante sur le site Web à www.javelo.ca, sur des brochures, dans de la publicité, des annonces de journaux, des présentations et sur des cartes d’affaires [paragr. 16];

     depuis 2012, UBA a investi approximativement 106 099 $ pour commercialiser et promouvoir le Produit associé à la Marque. UBA a dépensé 1500 $ pour faire apposer la Marque sur deux camions citernes [paragr. 17-18]; et

     depuis 2012, la valeur des ventes par UBA du Produit associé à la Marque totalisent plus de 5 314 405 $ [paragr. 19].

[25]           La preuve documentaire produite par M. Demers pour étayer les affirmations contenues dans son affidavit inclut :

     des copies des résolutions adoptées par le Conseil (« Board ») de la Requérante et le Conseil d’UBA pour faire foi de la licence octroyée à UBA [pièce SD‑8]. J’ai reproduit ces résolutions aux Annexes B et C de ma décision;

     un échantillonnage représentatif de factures démontrant des ventes du Produit par la Requérante à UBA [pièce SD‑16]; et

      des extraits du site Web de GS [pièces SD‑4, SD‑6 et SD‑7].

[26]           Selon le contre-interrogatoire de M. Demers, la référence à Chloretec Inc. (mon soulignement) dans l’extrait du site Web produit sous la pièce SD‑7 se veut une référence à la Requérante; l’emploi de « Inc. » est le résultat d’une coquille [Q16‑Q17]. Transport Servitank Inc. (Servitank), identifiée dans le même extrait, est une compagnie membre de GS qui fait le transport de produits liquides en vrac [Q18‑Q19].

[27]           Pour conclure ma revue de la preuve présentée par M. Demers, je note qu’il affirme dans son affidavit que GS, UBA et la Requérante n’ont jamais reçu de plainte, commentaire ou commande émanant d’un client tentant de se procurer un produit de l’Opposante [paragr. 21]. En contre-interrogatoire, M. Demers indique qu’il n’y a pas de système en place au sein de la Requérante ou d’UBA pour recevoir et traiter les plaintes concernant l’emploi de la Marque, mais qu’il aurait été informé de ce genre de plaintes. Il reconnaît ne pas avoir enquêté sur la question de cas de confusion avant de signer son affidavit [Q33‑Q35].

Affidavit de Denis Manias

[28]           M. Manias est le vice‑président d’UBA, la filiale de GS et la société sœur de la Requérante, depuis septembre 2007 [paragr. 1].

[29]           M. Manias affirme qu’UBA est l’unique et exclusif distributeur du Produit associé à la Marque [paragr. 4]. En contre-interrogatoire, il explique que le Produit associé à la Marque est l’un des 12 produits distribués par UBA, laquelle vend des substances chimiques organiques et inorganiques [Q10‑Q11].

[30]           Je poursuis ma revue de la preuve présentée par M. Manias en reproduisant ci-dessous ses affirmations écrites concernant le choix de la Marque par la Requérante.

17.  To sell its product (liquid bleach), the Applicant has chosen the [Trade-mark] because it is original and it is a nice coined word (word game) that suggests in the French language the word “Javelot”, which is a light spear designed to reach a long distance target with force, standing for the quality of the Applicant’s product.

18.  Therefore, the use [sic] the word “javelo” by the Applicant has more than one meaning: the [Trade-mark] suggests, with a wink, the product as being liquid bleach without describing it or enunciated it directly, by its two component [sic]: (1) the last letter which is the letter “O” that the sound [sic] means in the French language “water”, and (2) the use of the common word “javel” [sic] which, in French, stands for a liquid oxidating solution known to remove colour, whiten, disinfect via oxidation. The letter “O” also stands for “oxidation” which is part of the process when liquid bleach is used.

19.  The Applicant has also chosen [the Trade-mark] because of the form of the drawing that represents a shield that protects from dirt, dust and soiling.

[31]           Je poursuis en résumant ainsi qu’il suit le témoignage de M. Manias concernant les ventes et la promotion du Produit associé à la Marque par UBA:

     UBA a débuté la promotion du Produit associé à la Marque en Septembre 2011 par une première présentation à son équipe des ventes et une participation au « Salon affaires municipales de la Fédération québécoise des Municipalités » tenu à Québec les 29 et 30 septembre 2011 [paragr. 5];

     depuis au moins aussitôt que le 29 septembre 2011, UBA a continuellement employé la Marque au Canada, sous licence, pour promouvoir, commercialiser et vendre le Produit associé à la Marque [paragr. 6];

     UBA vend le Produit associé à la Marque en vrac et en semi-vrac. Le Produit, qui est fabriqué sur demande (« custom based product »), est vendu dans toutes les concentrations jusqu’à 19%. Le Produit est destiné à une clientèle industrielle, à savoir les municipalités, et les industries minière, sanitaire, des piscines, alimentaire, des boissons et du traitement de l’eau [paragr. 8‑10];

     le Produit est distribué au moyen de camions citernes arborant la Marque. Les clients d’UBA achètent le Produit en vrac et le stocke habituellement dans un réservoir [paragr. 13‑14];

      en sa qualité de distributeur exclusif, UBA a contribué financièrement à la préparation d’outils de marketing [paragr. 16];

      la promotion du Produit associé à la Marque est effectuée, entre autres, par l’entremise du site web à www.javelo.ca; de publicités dans des magazines destinés aux industries; de brochures corporatives et dépliants; et la participation à des salons commerciaux [paragr. 7, 11, 24 et 25];

      outre sa participation au salon commercial tenu à Québec les 29 et 30 septembre 2011, UBA a participé à différents salons commerciaux tenus au Canada, à savoir : « Canadian Pool & Spa Shows » tenus à Niagara Falls en décembre 2011, novembre 2012, et décembre 2013; « IPG (International Pool Group) Shows », tenus à Niagara Falls en décembre 2011, à Montréal en décembre 2012 et novembre 2013 [paragr. 25]. Il y a eu des ventes du Produit associé à la Marque lors de ces salons [Q25‑Q26]; et

     depuis le mois de janvier 2012, la valeur des ventes par UBA du Produit associé à la Marque totalisent plus de 5 314 405 $ [paragr. 23].

[32]           La preuve documentaire produite par M. Manias pour étayer les affirmations contenues dans son affidavit concernant les ventes et la promotion du Produit associé à la Marque inclut :

     une ventilation de la valeur totale des ventes par UBA pour les mois de mars à avril 2012, mai 2012 à avril 2013, et mai à décembre 2013 [pièce DM‑13];

     un échantillonnage représentatif de factures émanant d’UBA pour des ventes du Produit associé à la Marque [pièce DM‑7];

     des spécimens de publicités dans des magazines [pièce DM‑8];

     des photographies des camions citernes arborant la Marque [pièce DM‑9];

     des copies de factures démontrant des dépenses encourues par UBA durant les années 2011 et 2012 pour des outils de marketing [pièce DM‑11];

     un extrait d’une brochure corporative dont 10 000 exemplaires ont été distribués depuis septembre 2011 [pièce DM‑14]; et

     des copies de factures attestant de la participation d’UBA à des salons commerciaux [pièce DM‑15], et des photographies du stand d’UBA lors de salons commerciaux [pièce DM‑16].

[33]           En contre-interrogatoire, M. Manias s’était engagé à fournir une copie de tout accord de licence écrite (« written license agreements ») concernant la Marque [Q22]. La Requérante a répondu à cet engagement en fournissant des copies des résolutions adoptées par les Conseils de la Requérante et d’UBA [voir Annexes B et C de ma décision].

[34]           M. Manias affirme dans son affidavit qu’UBA n’a jamais reçu de plainte, commentaire ou commande émanant d’un client tentant de se procurer un produit de l’Opposante. Il affirme également qu’UBA n’a jamais constaté la présence de l’Opposante ou de ses produits JAVEX ou CLOROX aux salons commerciaux auxquels UBA a participé [paragr. 34]. Lors de son contre-interrogatoire, M. Manias a reconnu ne pas avoir enquêté sur la question de cas de confusion. Cependant, M. Manias a affirmé qu’en raison du fait qu’UBA est une petite entreprise, il est informé de toutes les plaintes [Q112‑Q114].

[35]           Pour conclure, je note que M. Manias dans son affidavit fait des affirmations relativement aux produits de l’Opposante et à l’absence de confusion entre les marques de commerce des parties. Ces affirmations sont fondées en partie sur le contenu du site Web de l’Opposante que M. Manias affirme avoir consulté. Des copies de pages du site Web de l’Opposante sont jointes à titre de pièces DM‑17 à DM‑19 à l’affidavit de M. Manias. Il suffit de dire que je n’accorde aucune signification aux affirmations de M. Manias qui s’apparentent à des opinions concernant les questions de faits et de droit qui doivent être tranchées par le registraire en l’espèce.

Affidavit de Sandro Romeo

[36]           M. Romeo est un analyste-recherchiste en marques de commerce à l’emploi de Thomson CompuMark [paragr. 1].

[37]           Le 16 janvier 2014, M. Romeo a fait une recherche dans le registre des marques de commerce canadiennes afin d’y repérer toutes les marques comportant le préfixe « jav » pour des produits de nettoyage [paragr. 4]. Il joint le rapport de recherche comme pièce SR‑1 à son affidavit.

VI       Remarques préliminaires

[38]           Je débute mes remarques préliminaires en revenant sur la demande d’enregistrement modifiée pour la marque de commerce JAVELO Dessin qui est présentement au dossier.

[39]           En rédigeant la présente décision, j’ai constaté que la revendication de la couleur retrouvée dans la demande d’enregistrement originale ne se retrouvait plus dans la demande modifiée produite le 10 novembre 2015. Outre le fait que la Requérante dans sa correspondance référait uniquement à une modification de l’état déclaratif des produits, le retrait de la revendication de couleur a échappé à mon attention lorsque j’ai accepté la demande modifiée pour la marque de commerce JAVELO Dessin le 17 novembre 2015. En effet, suivant l’article 32a) du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195, la modification d’une demande d’enregistrement n’est pas permise après l’annonce de la demande dans le Journal des marques de commerce si elle vise à modifier la marque de commerce, à quelque égard que ce soit. Autrement dit, volontaire ou non, la modification de la demande d’enregistrement par le retrait de la revendication de couleur n’était pas acceptable.

[40]           Compte tenu de ce qui précède, je confirme que seule la modification de l’état déclaratif des produits de la demande pour l’enregistrement de la marque de commerce JAVELO Dessin a été acceptée au nom du registraire. Ainsi, la revendication de la couleur retrouvée dans la demande d’enregistrement originale de la marque de commerce JAVELO Dessin est considérée comme faisant toujours partie de la demande d’enregistrement modifiée produite le 10 novembre 2015.

[41]           Je poursuis mes remarques préliminaires en soulignant que je suis d’avis que le mot « javelo » est l’élément dominant de la marque JAVELO Dessin. Par conséquent, j’accepte que toute preuve d’emploi de la marque de commerce JAVELO Dessin selon l’article 4(1) de la Loi peut aussi valoir comme preuve d’emploi de la marque de commerce JAVELO.

[42]           Puisqu’il n’existe pas de différences importantes entre chaque procédure d’opposition, je vais poursuivre ma décision en continuant d’utiliser « la Marque » pour désigner de façon interchangeable les marques de commerce JAVELO et JAVELO Dessin, mais je ferai la distinction entre les deux au besoin. Ainsi, mes conclusions concernant un motif d’opposition s’appliqueront aux deux procédures.

[43]           Finalement, je suis d’accord avec la Requérante que l’apposition de la Marque sur les camions citernes dans lesquels le Produit est distribué constitue en l’espèce un emploi de la Marque suivant l’article 4(1) de la Loi. D’ailleurs, l’Opposante ne conteste pas cette conclusion.

VII     Motifs d’opposition rejetés sommairement

[44]           Pour les raisons qui suivent, je rejette sommairement les motifs d’opposition selon lesquels: la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30i) de la Loi; la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque selon les articles 16(3)a) et 16(3)b) de la Loi; et la Marque n’est pas distinctive en raison des marques de commerce de l’Opposante.

[45]           L’article 30i) de la Loi exige simplement qu’un requérant fournisse une déclaration portant qu’il est convaincu qu’il a le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les produits ou services décrits dans sa demande. La Requérante s’est strictement conformée aux exigences de cette disposition.

[46]           J’ajoute que la simple connaissance de l’existence d’une marque de commerce d’un opposant n’étaye pas en soi une allégation que le requérant ne pouvait pas être convaincu de son droit à l’emploi d’une marque [Woot, Inc c WootRestaurants Inc/Les Restaurants Woot Inc, 2012 COMC 197]. Il est établi par la jurisprudence qu’un motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30i) de la Loi ne devrait être retenu que dans des cas précis, notamment lorsque la mauvaise foi du requérant est établie ou que des dispositions législatives précises font obstacle à l’enregistrement de la marque visée par la demande [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol‑Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC); et Canada Post Corporation c Registraire des marques de commerce (1991), 40 CPR (3d) 221 (CF 1re inst)]. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

[47]           Pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) de la Loi, l’Opposante a soutenu à l’audience qu’elle s’était déchargée de son fardeau de démontrer que ses marques de commerce enregistrées avaient été employées au Canada avant le 26 janvier 2012 et n’avaient pas été abandonnées à la date de l’annonce de la demande de la Requérante, soit le 17 octobre 2012 [art. 16(5) de la Loi]. À cet égard, l’Opposante a soumis que dans l’affaire Rooxs, Inc c Edit – SRL, 2002 CanLII 61421 (COMC), citée par la Requérante, le registraire mentionne que l’existence d’un enregistrement établit un emploi minimal de la marque de commerce enregistrée.

[48]           Avec respect pour l’Opposante, je note que le registraire (agissant par l’intermédiaire de Jill Bradbury) dans l’affaire Rooxs mentionne spécifiquement que la simple production d’une copie certifiée de l’enregistrement de l’opposante ne lui permettait pas de s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard des allégations relatives aux motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement ou sur l’absence de caractère distinctif.

[49]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) de la Loi est rejeté parce que l’Opposante n’a pas établi son emploi au Canada de l’une ou l’autre des marques de commerce alléguées dans sa déclaration d’opposition avant la date pertinente.

[50]           Pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)b) de la Loi, il est à noter que l’Opposante a confirmé à l’audience que seule sa demande d’enregistrement no 1,609,655 pour la marque de commerce JAVEX & Dessin est alléguée à l’appui de ce motif. Toutefois, l’Opposante a reconnu que sa demande d’enregistrement a été produite le 8 janvier 2013, soit postérieurement à la date pertinente.

[51]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)b) de la Loi est rejeté parce qu’il n’est pas un motif d’opposition valable.

[52]           Finalement, le motif d’opposition selon lequel la Marque n’est pas distinctive en raison des marques de commerce de l’Opposante est rejeté parce que celle-ci ne s’est pas déchargée de son fardeau de démontrer que ses marques de commerce alléguées étaient devenues suffisamment connues au Canada pour nier le caractère distinctif de la Marque au 18 mars 2013 [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst) et Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, 48 CPR (4th) 427].

VIII    Analyse des motifs d’opposition restants

[53]           Les trois motifs d’opposition restants soulèvent les questions suivantes:

(1)     La Marque avait-elle été employée au Canada avant le 26 janvier 2012?

(2)     La Marque avait-t-elle perdue son caractère distinctif au 18 mars 2013 en raison de son emploi par des tiers?

(3)     La Marque crée-t-elle de la confusion avec les Enregistrements Javex?

[54]           J’analyserai tout à tour chacune de ces questions.

(1)     La Marque avait-elle été employée au Canada avant le 26 janvier 2012?

[55]           Cette question découle du motif d’opposition plaidé ainsi qu’il suit :

The Applicant had used the [trade-mark] in Canada prior to the January 26, 2012 filing date contrary to Section 30(b) of the Act.

[56]           Bien que la formulation du motif d’opposition me semble quelque peu brouillée, je l’interprète comme un motif d’opposition alléguant que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30b) de la Loi parce qu’elle ne renferme pas la date à compter de laquelle la Marque a été employée pour la première fois au Canada.

[57]           Je suis d’accord avec l’Opposante qu’il y a une série de décisions où le registraire a refusé une demande d’enregistrement fondée sur l’emploi projeté de la marque parce que l’emploi de la marque avait été démontré avant la date de production de la demande d’enregistrement [voir Nabisco Brands Ltd c Cuda Consolidated Inc, 1997 CanLII 15856 (COMC)].

[58]           En l’espèce, l’Opposante n’a produit aucune preuve au soutien de ce motif d’opposition. Elle se fonde sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau initial. Plus particulièrement, l’Opposante soumet que la preuve présentée par M. Manias démontre que la Marque est employée au Canada depuis le mois de septembre 2011.

[59]           À cet égard, l’Opposante soumet notamment que:

     M. Manias affirme au paragraphe 6 de son affidavit qu’UBA a continuellement employé la Marque depuis le 29 septembre 2011 pour promouvoir, commercialiser et vendre (« to promote, market and sale ») le Produit qui y est associé;

     M. Manias a indiqué en contre-interrogatoire qu’UBA a fait des ventes du Produit associé à la Marque lors de sa participation à des salons commerciaux [Q25-Q26]. Deux de ces salons ont été tenus avant le 26 janvier 2012, soit à Québec les 29 et 30 septembre 2011, et à Niagara Falls les 7 et 8 décembre 2011;

     la brochure corporative jointe comme pièce DM‑14 à l’affidavit est distribuée depuis septembre 2011; et

     selon la pièce DM‑8 à l’affidavit, la Marque a été publicisée dans les magazines Piscines and Spas d’octobre 2011, Pool and Spa Marketing de décembre 2011, et FabricareCanada de novembre/décembre 2011.

[60]           La Requérante a répondu aux prétentions de l’Opposante lors de l’audience. Je suis entièrement d’accord avec les représentations orales de la Requérante selon lesquelles :

      il est bien établi en droit que l’emploi d’une marque de commerce dans de la publicité ou du matériel promotionnel n’est pas suffisant en soi pour constituer un emploi en liaison avec des produits selon l’article 4(1) de la Loi. Ainsi, le fait que la Marque a été employée depuis septembre 2011 dans une brochure corporative, des publicités, et un stand lors de salons commerciaux est sans conséquence sous le motif d’opposition en cause;

        le paragraphe 6 de l’affidavit où M. Manias ne doit pas être considéré isolément. Il doit être considéré en harmonie avec le paragraphe 3 de l’affidavit où M. Manias affirme qu’UBA a débuté la promotion de la Marque en participant au « Salon affaires municipales de la Fédération québécoise des Municipalités » tenu à Québec les 29 et 30 septembre 2011;

         lorsque M. Manias a indiqué en contre-interrogatoire qu’UBA a fait des ventes du Produit associé à la Marque lors de salons commerciaux, il répondait à une question générale concernant tous les salons mentionnés au paragraphe 25 de son affidavit. Ainsi, il est tout à fait possible que M. Manias référait à des ventes lors de salons tenus après le 26 janvier 2012; et

         selon la ventilation des ventes par UBA qui est jointe à l’affidavit sous la pièce DM‑13, ses premières ventes du Produit associé à la Marque ont eues lieu dans la période de mars et avril 2012.

[61]           J’ajoute que M. Manias a indiqué en contre-interrogatoire qu’UBA n’avait pas vendu le Produit associé à la Marque lors du salon tenu à Québec en septembre 2011 [Q24]. De plus, puisque le Produit est fabriqué sur demande, j’estime raisonnable de conclure que même si UBA avait réalisé des ventes à un salon tenu avant le 26 janvier 2012, le Produit n’aurait pas été remis à un acheteur sur place. Autrement dit, il ne pourrait y a avoir eu de transfert de propriété du Produit en liaison avec la Marque lors du salon.

[62]           Finalement, considérant la preuve de la Requérante dans son ensemble, je note que la plus ancienne des factures concernant des ventes du Produit par la Requérante à UBA est datée du 22 février 2012 [pièce SD‑16 à l’affidavit de M. Demers]. Il me semble évident qu’UBA ne pouvait pas distribuer le Produit en liaison avec la Marque avant que la Requérante le lui vende.

[63]           En bout de ligne, l’Opposante ne m’a pas convaincue que la preuve présentée par M. Manias supporte le motif d’opposition plaidé. Plutôt, je suis d’accord avec la Requérante que sa preuve ne démontre pas que la Marque avait été employée au Canada en liaison avec le Produit, suivant l’article 4(1) de la Loi, avant le 26 janvier 2012.

[64]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) de la Loi est rejeté en raison du défaut de l’Opposante de se décharger de son fardeau de preuve.

(2)     La Marque avait-t-elle perdue son caractère distinctif au 18 mars 2013 en raison de son emploi par des tiers?

[65]           Cette question découle du motif d’opposition alléguant que la Marque n’est pas distinctive en raison de son emploi par des tiers ne détenant pas de licence. Ce motif d’opposition est plaidé ainsi qu’il suit :

The Applicant has allowed third party to use its trade-mark without quality control standards and specification as to the wares being manufactured and sold in association with the trade-mark at issue as required by Section 50 of the Act and has resulted in the Applicant’s mark being non-distinctive. The unlicensed use has been made at least by UBA Inc., Somavrac Group Inc., formerly Prommel Group, and Servitank Transport Inc.

[66]           Suivant l’article 50(1) de la Loi, la propriétaire d’une marque de commerce doit contrôler directement ou indirectement les caractéristiques ou la qualité des produits ou services pour que l’emploi de la marque de commerce par un licencié soit réputé être un emploi par la propriétaire. C’est un principe de droit bien connu qu’une relation corporative ne suffit pas à elle seule à remplir la condition que fixe l’article 50(1) de la Loi [voir MCI Communications Corp c MCI Multinet Communications Inc (1995), 61 CPR (3d) 245 (COMC); et Dynatech Automation Systems Inc c Dynatech Corp (1995), 64 CPR (3d) 101 (COMC)].

[67]           Ceci étant dit, ma considération de la preuve m’amène à conclure que les dispositions de l’article 50 de la Loi ne sont pas applicables en l’espèce pour les raisons qui suivent.

[68]           Premièrement, il n’y a aucun élément de preuve au dossier démontrant que GS ait employé la Marque au Canada en liaison avec le Produit. D’ailleurs, hormis ses représentations que la preuve ne démontre pas que GS est une licenciée, l’Opposante n’a référé à aucun élément de preuve susceptible de démontrer que GS emploie la Marque suivant l’article 4(1) de la Loi. J’ajouterais que M. Manias a mentionné lors de son contre-interrogatoire que GS est une société de gestion de portefeuille (« holding company ») [Q94]. Ce témoignage est en harmonie avec celui de M. Demers selon lequel GS est connue par le biais de ses sociétés affiliées [paragr. 7 de l’affidavit de M. Demers].

[69]           De plus, je conclus d’une lecture raisonnable de l’ensemble de la preuve que le Produit associé à la Marque est fabriqué par la Requérante et vendu à UBA. Cette dernière vend le Produit fabriqué par la Requérante à des clients au Canada à titre de distributrice. Le Produit, vendu en vrac et en semi-vrac par UBA, est distribué au moyen de camions citernes arborant la Marque. UBA fait également la promotion de Produit associé à la Marque.

[70]           Pour autant qu’il ressorte clairement de l’ensemble de la preuve que le premier maillon dans la chaîne de distribution est la propriétaire de la marque de commerce, toute preuve d’emploi par un distributeur est une preuve d’emploi de la marque de commerce au Canada par sa propriétaire [voir Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 (CF 1re inst)]. De plus, comme l’a précisé la Cour dans Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1985), 7 CPR (3d) 254 (CF 1re inst), à la page 275 :

… the words “normal course of trade” recognize the continuity of a transaction from the manufacturer to the ultimate consumer and provide protection for the manufacturer’s trade mark throughout these intervening transactions 

[71]           J’ajoute que ma conclusion quant au rôle d’UBA dans la chaîne de distribution du Produit associé à la Marque n’est pas incompatible avec les affirmations des témoins de la Requérante qu’UBA emploie la Marque sous licence. Il suffit de dire qu’une simple lecture des résolutions mises en preuve confirme l’octroi à UBA d’une licence d’emploi de la Marque pour la distribution du Produit fabriqué par la Requérante [voir Annexes B et C de ma décision].

[72]           J’ai pris note de la remarque de l’Opposante quant au fait que les témoins affirment qu’UBA est la distributrice exclusive du Produit associé à la Marque, alors que les résolutions réfèrent à licence de distribution non-exclusive. Toutefois, je ne vois pas en quoi cela nuit à la cause de la Requérante. Au contraire, l’octroi d’une licence de distribution non‑exclusive à UBA démontre qu’une autre société pourrait distribuer le Produit associé à la Marque et fabriqué par la Requérante. Ce dernier commentaire m’amène à aborder les représentations de l’Opposante concernant Servitank.

[73]           Selon ma compréhension de ses représentations orales, l’Opposante prétend qu’il faut conclure de l’extrait du site Web produit comme pièce SD‑7 à l’affidavit de M. Demers que Servitank est la compagnie qui transporte le Produit dans les camions arborant la Marque et, par voie de conséquence, Servitank emploie la Marque au Canada.

[74]           Je reconnais que la pièce SD‑7 indique : « In collaboration with subsidiaries Transport Servitank Inc. and UBA Inc., Chlorotec Inc. [sic] offers transportation services seven days a week. » Cependant, contrairement à la suggestion de l’Opposante, je ne crois pas que la preuve permet de conclure que les camions arborant la Marque sont la propriété de Servitank.

[75]           D’une part, lorsque M. Demers a été questionné quant à savoir si Servitank était la propriétaire des camions arborant la Marque (« the Javelo trucks »), il a répondu : « I am not sure. Maybe some, but not all, but I am not certain. » [Q20]. D’autre part, M. Demers a précisé dans son affidavit qu’UBA avait défrayé les dépenses pour l’apposition de la Marque sur deux camions citernes. D’ailleurs, en contre-interrogatoire M. Manias indique que les termes « our trucks » (mon soulignement) employés au paragraphe 6 de son affidavit réfèrent aux camions arborant la Marque [Q30].

[76]           En bout de ligne, je suis d’accord avec la Requérante qu’il est raisonnable d’inférer de l’ensemble de sa preuve que toute intervention de Servitank dans la chaîne de distribution, le cas échéant, est celle d’un simple transporteur du Produit et qu’à ce titre Servitank n’emploie pas la Marque suivant l’article 4(1) de la Loi.

[77]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la preuve au dossier démontre l’emploi de la Marque par la Requérante. Par conséquent, le motif d’opposition alléguant que la Marque n’est pas distinctive en raison de son emploi par des tiers est rejeté en raison du défaut de l’Opposante de se décharger de son fardeau de preuve.

(3)   La Marque crée-t-elle de la confusion avec les Enregistrements Javex?

[78]           Cette question découle du motif d’opposition alléguant qu’en raison des Enregistrements Javex, la Marque n’est pas enregistrable suivant l’article 12(1)d) de la Loi.

[79]          J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire pour confirmer que chacun des dix Enregistrements Javex allégués par l’Opposante est en règle. Il s’avère que l’enregistrement no LMC492,104 pour la marque de commerce JAVELLISANT POUR NON‑JAVELLISABLES a été radié le 21 novembre 2013. Par conséquent, dans la mesure où il concerne la confusion avec l’enregistrement no LMC492,104, le motif d’opposition est rejeté en raison du défaut de l’Opposante de se décharger de son fardeau de preuve.

[80]          Toutefois, l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve à l’égard des neuf autres Enregistrements Javex puisque chacun demeure en règle. Ainsi, il convient de déterminer si la Requérante s’est déchargée de son fardeau légal de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de confusion entre les marques de commerce en cause.

[81]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[82]           En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacun de ces facteurs selon le contexte. [Voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al, 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 SCC 27, 92 CPR (4th) 361].

[83]           Une marque de commerce ne peut pas être enregistrée s’il y a une probabilité de confusion pour le consommateur anglophone moyen, le consommateur francophone moyen ou le consommateur bilingue moyen [voir Pierre Fabre Medicament c SmithKline Beecham Corporation (2001), 11 CPR (4th) 1 (CAF)].

[84]           Hormis de brèves représentations concernant sa marque de commerce JAVALIN, l’Opposante dans son plaidoyer écrit fait valoir un risque de confusion entre la Marque et les Enregistrements Javex de façon globale. Il ressort des représentations de l’Opposante qu’elle considère que les marques visées par ses Enregistrements Javex sont des déclinaisons de sa marque JAVEX (« JAVEX-formative marks »), à l’exception de la marque de commerce JAVALIN.

[85]           Lors de l’audience, j’ai invité l’Opposante à m’indiquer si elle estimait qu’un des Enregistrements Javex pour les déclinaisons de sa marque JAVEX était plus pertinent qu’un autre. C’est sans hésitation que l’Opposante m’a répondu que sa cause la plus solide repose sur la comparaison de la Marque avec la marque JAVEX de l’enregistrement no LMC120,689. Ainsi, comparer la Marque avec la marque de commerce JAVEX permettra de disposer efficacement du motif d’opposition fondé sur les Enregistrements Javex que l’Opposante considère être des déclinaisons de sa marque JAVEX. Autrement dit, s’il s’avère que la confusion n’est pas probable entre la Marque et la marque JAVEX (LMC120,689), elle ne serait pas d’avantage probable avec l’une ou l’autre des Enregistrements Javex pour des déclinaisons de la marque JAVEX.

[86]           Compte tenu de la preuve au dossier et des représentations de l’Opposante, je vais axer mon analyse de la probabilité de confusion en comparant la Marque avec les marques de commerce JAVALIN (LCD23533) et JAVEX (LMC120,689) de l’Opposante. Ainsi, je vais poursuivre en référant collectivement à ces deux marques sous « les Marques de l’Opposante », mais je ferai la distinction entre les deux au besoin.

[87]           Dans l’affaire Masterpiece, précitée, la Cour Suprême du Canada a rappelé que le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion; la Cour a décidé de commencer son analyse en examinant ce facteur. Par conséquent, je passe à l’examen des facteurs énoncés à l’article 6(5) en commençant par le degré de ressemblance entre la Marque et les Marques de l’Opposante.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[88]           Il est bien établi en jurisprudence que dans l’appréciation de la confusion, il ne convient pas de disséquer les marques de commerce en leurs éléments constitutifs. Les marques de commerce doivent plutôt être examinées comme un tout. Il est tout de même possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public [voir Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp (1998), 80 CPR (3d) 247 (CAF), au paragr. 34].

[89]           Aussi, s’il est vrai que dans certains cas le premier mot soit l’élément le plus important pour établir le caractère distinctif d’une marque de commerce, examinant le degré de ressemblance, la Cour suprême écrit dans Masterpiece, au paragraphe 64, qu’il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique.

[90]           En l’espèce, chacune des Marques de l’Opposante est constituée d’un mot inventé. Les marques de commerce JAVELO et JAVELO Dessin sont aussi constituées d’un mot inventé. J’ai précédemment indiqué être d’avis que le mot « javelo » est l’élément dominant de la marque JAVELO Dessin. Autrement dit, je suis d’avis que l’élément graphique de la marque JAVELO Dessin, c.-à-d. la représentation d’un homme lançant un javelot et la représentation de ce que M. Manias décrit être un bouclier, n’est pas l’élément dominant de cette marque.

[91]           Lors de l’audience, l’Opposante a réitéré les représentations contenues dans son plaidoyer écrit concernant le degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties. Par conséquent, je reproduis ci-dessous l’extrait pertinent du plaidoyer écrit de l’Opposante.

61.  The Opponent’s JAVEX and JAVEX-formative marks consist of a coined term that is both striking and unique.

62.  The Applicant’s [Mark] is very similar in appearance and sound to the Opponent’s JAVEX and JAVEX-formative marks. The first portion of the Applicant’s mark, « JAVE », is identical to the first portion of the Opponent’s JAVEX marks. The sole difference between the marks is that the Applicant’s mark ends with an « LO », rather than an « X ».

63.  The Applicant’s [Mark] is also very similar to the Opponent’s JAVALIN trade-mark. The first portion of each mark is identical and both contain an “L” in the middle. This creates a similarity not only in appearance, but also in sound.

[92]          Je reconnais une certaine ressemblance entre les mots « javelo » et « javex » en raison de leur préfixe commun « jave ». Je reconnais aussi une certaine ressemblance entre les mots « javelo » et « javalin » en raison de leur préfixe commun « jav ». Cependant, l’Opposante ne m’a pas convaincue que chacune des marques JAVELO et JAVELO Dessin est très semblable (« very similar ») à chacune des Marques de l’Opposante.

[93]           En effet, considérant chacune des marques dans son ensemble, je suis d’avis que les marques JAVELO et JAVELO Dessin ne partagent qu’un faible degré de ressemblance avec chacune des Marques de l’Opposante au plan du son. De plus, même si l’élément graphique de la marque JAVELO Dessin n’est pas son élément dominant, il ne peut être ignoré. Ainsi, considérant les marques de commerce dans leur ensemble, l’élément graphique de la marque JAVELO Dessin accroît les différences entre cette marque et chacune des Marques de l’Opposante au plan de la présentation.

[94]          Pour ce qui est des idées suggérées par les marques des parties, l’Opposante a apparemment choisi de se limiter à soumettre que sa marque JAVEX est formée d’un mot inventé et unique.

[95]          Je suis d’accord avec l’Opposante que sa marque de commerce JAVEX est formée d’un mot inventé. Cependant, lorsque considérée en liaison avec les produits à l’égard desquels elle est enregistrée, à mon avis la marque JAVEX pour un consommateur francophone ou bilingue évoque le terme « Javel » et ainsi suggère l’idée de l’eau de Javel. Ce n’est pas le cas pour la marque de commerce JAVALIN.

[96]          Pour ce qui est de la Marque, je rappelle le témoignage de M. Manias selon lequel la Requérante a adopté le mot « javelo » pour deux raisons : 1) pour évoquer l’idée d’un javelot, qui représente la qualité du Produit (« standing for the quality of the Applicant’s product »); et 2) pour suggérer, de façon habile, le genre du Produit.

[97]          Personnellement, je ne vois pas de lien entre un javelot et la qualité du Produit. Quoiqu’il en soit, je suis d’accord que le mot « javelo » pour un consommateur francophone ou bilingue puisse évoquer l’idée d’un javelot. D’ailleurs, considérant la marque JAVELO Dessin dans son ensemble, j’estime qu’un consommateur francophone ou bilingue est plus susceptible de réagir à la marque JAVELO Dessin en pensant à un javelot qu’en pensant au genre du Produit.

[98]          Considérant la marque JAVELO en liaison avec le Produit en combinaison avec le fait que le mot « javelo » est le seul élément de la marque JAVELO, je crois qu’un consommateur francophone ou bilingue est susceptible de réagir à la marque JAVELO en pensant au genre du Produit. Ceci étant dit, je n’exclus pas la possibilité que la première idée suggérée par la marque JAVELO pour un consommateur francophone ou bilingue soit celle d’un javelot. Autrement dit, le genre du Produit n’est pas la seule idée suggérée par la marque JAVELO.

[99]          En bout de ligne, en l’absence de représentations de l’Opposante pour me convaincre du contraire, je conclus à des différences entre les idées suggérées par la Marque et les Marques de l’Opposante.

[100]       Par conséquent, je suis d’avis que l’appréciation globale du facteur énoncé à l’article 6(5)e) de la Loi favorise la Requérante.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[101]       Ce facteur, énoncé à l’article 6(5)a) de la Loi, est une combinaison du caractère distinctif inhérent des marques de commerce et du caractère distinctif acquis par les marques en raison de leur emploi ou promotion au Canada.

[102]       À mon avis, le caractère distinctif inhérent de la marque JAVEX est atténué par le fait qu’elle évoque le mot « Javel ». Ceci étant dit, je suis d’accord avec l’Opposante que ses marques JAVEX et JAVALIN possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent en ce que chacune est formée d’un mot inventé. Cependant, l’Opposante n’a produit aucune preuve pour étayer sa prétention que les Marques de l’Opposante ont acquis du caractère distinctif en raison de leur emploi au Canada.

[103]       En outre, la simple existence des enregistrements pour les Marques de l’Opposante ne peut établir rien de plus qu’un emploi minimal et ne permet pas de conclure à un emploi important et continu des Marques de l’Opposante [voir Entre Computer Centers, Inc c Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC)].

[104]       Quoique le caractère distinctif inhérent des marques JAVELO et JAVELO Dessin est atténué par le fait que le mot « javelo » suggère, de façon habile, le genre du Produit, ces marques ne sont pas dépourvues de caractère distinctif inhérent. L’élément graphique de la marque JAVELO Dessin accentue son caractère distinctif inhérent.

[105]       De plus, la Requérante a produit suffisamment de preuve pour me permettre de conclure que la Marque a acquis du caractère distinctif en raison de sa promotion et de son emploi au Canada.

[106]       Je n’ai pas l’intention de discuter longuement des représentations orales de l’Opposante relativement à la preuve concernant la promotion de la Marque. Il suffit de dire que je reconnais qu’il y ait des lacunes dans cette preuve. Par exemple, il n’y a aucun renseignement dans l’affidavit de M. Manias concernant : l’étendue de la circulation au Canada des magazines dans lesquels la Marque a été publicisée; le nombre de participants aux salons commerciaux auxquels UBA a participé au cours des années; et le nombre de canadiens qui ont consultés le site Web www.javelo.ca. Ceci étant dit, une lecture raisonnable de l’ensemble de l’affidavit de M. Manias m’amène à conclure qu’UBA a continuellement fait la promotion du Produit associé à la Marque depuis le 29 septembre 2011.

[107]       Finalement, outre le fait que la preuve démontre l’emploi de la Marque en liaison avec le Produit suivant l’article 4(1) de la Loi, je conclus de la preuve présentée par M. Manias que les premières ventes par UBA du Produit associé à la Marque remontent au mois de mars 2012. Outre la preuve selon laquelle les ventes par UBA totalisent plus de 5 314 405 $, les factures produites comme pièce DM‑7 à l’affidavit de M. Manias démontrent des ventes par UBA à des clients domiciliés dans les provinces d’Ontario, d’Alberta, et du Québec.

[108]       Par conséquent, l’appréciation globale du facteur énoncé à l’article 6(5)a) de la Loi favorise la Requérante.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[109]       La marque de commerce JAVALIN a été enregistrée sur la base de son emploi au Canada depuis juillet 1937. Selon les produits visés par l’enregistrement de la marque JAVEX, celle-ci a été enregistrée en raison de la production de déclarations d’emploi ou de la revendication de son emploi au Canada depuis le mois d’avril 1945.

[110]       Cependant, tel qu’indiqué précédemment, la simple existence des enregistrements pour les Marques de l’Opposante ne permet pas de conclure à un emploi continu de celles-ci au Canada. De plus, il n’y a aucune preuve en l’espèce démontrant l’emploi des Marques de l’Opposante au Canada à quelque moment que ce soit.

[111]       En revanche, suite à ma revue la preuve de la Requérante, je conclus que la Marque a été continuellement employée au Canada en liaison avec le Produit depuis à tout le moins le mois de mars 2012.

[112]       Par conséquent, le facteur énoncé à l’article 6(5)b) de la Loi favorise la Requérante.

Le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce

[113]       Dans l’analyse de la question découlant du motif d’opposition soulevé en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, je dois comparer l’état déclaratif des produits visés par les demandes sous opposition avec l’état déclaratif des produits couverts par les enregistrements allégués pour l’évaluation des facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi [voir Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); et Miss Universe, Inc c Bohna, (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)].

[114]       Bien qu’elle reconnaisse le chevauchement entre le genre des produits associés aux marques des parties, la Requérante soumet que l’appréciation des facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi la favorise.

[115]       Pour ce qui est du genre des produits, la Requérante soumet que le Produit est différent des produits de l’Opposante. À cet égard, la Requérante fait valoir que le Produit est un produit industriel vendu dans différentes concentrations et fabriqué exclusivement sur commande en fonction des besoins de la clientèle alors que les produits de l’Opposante sont des produits d’usage domestique fabriqués en masse.

[116]       Pour ce qui est de la nature du commerce, la Requérante fait principalement valoir que ce ne sont pas les consommateurs de produits domestiques qui achètent le Produit, mais bien des municipalités et des compagnies des industries minière, sanitaire, alimentaire, des boissons et les centres de traitement d’eau; sa clientèle cible est sophistiquée et habituée de faire des commandes avec soin et précision afin de combler des besoins bien spécifiques en fonction de la concentration du Produit. La Requérante soumet que les produits d’usage domestique de l’Opposante sont vendus au détail à des consommateurs moyens.

[117]       La Requérante ne m’a pas convaincue que l’appréciation du genre des produits et de la nature du commerce la favorise en l’espèce.

[118]       Je note que l’Opposante n’a produit aucune preuve permettant de conclure que les produits associés aux Marques de l’Opposante sont des produits pour usage domestique, et vendus au détail à des consommateurs moyens. D’ailleurs, les représentations de la Requérante concernant les produits et la nature du commerce de l’Opposante sont apparemment fondées sur des affirmations de M. Manias suite à sa consultation du site Web de l’Opposante.

[119]       Quoiqu’il en soit, l’état déclaratif de l’enregistrement pour chacune des Marques de l’Opposante ne précise aucune restriction pour accepter les prétentions de la Requérante quant à des différences entre le genre des produits et la nature du commerce des parties. Ainsi, je suis entièrement d’accord avec les représentations suivantes de l’Opposante :

52.  The Opponent’s registrations do not contain any restrictions and, in particular, do not contain any restrictions as to the intended use, the targeted consumers, the concentration levels, the manner of sale or the channels of trade of its bleach products.

[120]       En l’espèce, je conclus qu’il n’y a essentiellement aucune différence entre le Produit et les produits liquides et solides de blanchiment (« liquid and solid bleaches ») identifiés dans l’enregistrement de la marque JAVEX. Je conclus également à un chevauchement entre les autres produits identifiés dans cet enregistrement et le Produit, de même qu’à un chevauchement entre le Produit et le produit « concentrated javel (laundry bleach) » identifié dans l’enregistrement de la marque JAVALIN. Finalement, je conclus à un chevauchement possible des voies de commercialisation des produits associés aux marques des parties.

[121]       Par conséquent, les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi favorisent l’Opposante.

Circonstance additionnelle de l’espèce – Preuve de l’état du registre

[122]      Une preuve de l’état du registre sert à montrer le caractère commun ou le caractère distinctif d’une marque ou d’une partie d’une marque par rapport à l’ensemble du registre. La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où l’on peut en dégager des conclusions sur l’état du marché, et l’on ne peut tirer de conclusions sur l’état du marché que si l’on relève un grand nombre d’enregistrements pertinents [voir Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); et Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[123]       La Requérante soutient que la preuve de l’état du registre présentée par M. Romeo démontre l’adoption et l’emploi par des tiers au Canada de marques de commerce comprenant le préfixe « jav » pour des produits de nettoyage. Je ne suis pas d’accord avec la Requérante pour les raisons qui suivent.

[124]       Premièrement, la Requérante ne m’a pas convaincue que la marque de commerce JAVELIN qui est l’objet de la demande d’enregistrement no1,507,256 admise par le registraire doit être prise en considération. À cet égard, je note que la demande en question est fondée sur un emploi projeté de la marque JAVELIN.

[125]       Dans les faits, seulement sept marques de commerce relevées par le recherche font l’objet d’enregistrement détenus par des tiers, à savoir : JAVELIN (LMC845,753); JAVELIN (LMC832,907); JAVELLISANT ÉPAIS (LMC670,344); PARISIAN, JAVEL WATER, WOMAN & Dessin (NFLD2640); LA PARISIENNE & Dessin (LMCD22540); JAVA PRINCESS (LMC622,292); et JAVA BEARS (LMC588,630).

[126]       Je suis d’accord avec l’Opposante que tous les enregistrements mentionnés ci-dessus ne sont pas pertinents. À cet égard, je remarque que:

     les marques PARISIAN, JAVEL WATER, WOMAN & Dessin (NFLD2640) et LA PARISIENNE & Dessin (LMCD22540) ont sans doute été relevées en raison du mot « javel » retrouvés dans le dessin des marques en question plutôt qu’en raison du fait qu’elles comportent le préfixe « jav »;

     la marque JAVELIN (LMC845,753) est associée à des farts et cires pour hockey (« ski waxes, hockey waxes »). Ces produits ne sont pas pertinents en l’espèce; et

     aucun des produits associés à la marque JAVA BEARS (LMC588,630) ne semble correspondre à des produits de nettoyage.

[127]       Ultimement, je conclus que la preuve de l’état du registre ne démontre par un nombre suffisant d’enregistrements pertinents pour tirer une conclusion favorable à la Requérante.

Circonstance additionnelle de l’espèce – Aucun cas réel de confusion

[128]      Un opposant n’est pas tenu de démontrer des cas réels de confusion. C’est au requérant qu’incombe le fardeau de démontrer l’absence de probabilité de confusion. Le fait qu’il n’existe aucune preuve de confusion ne libère aucunement un requérant du fardeau de preuve qui lui incombe. Néanmoins, une conclusion défavorable peut être tirée de l’absence de preuve de cas réels de confusion lorsqu’il y a preuve d’un emploi simultané significatif des marques en cause [voir Mattel Inc, précité, à la page 347].

[129]      Puisque la preuve ne me permet pas de conclure à un emploi significatif au Canada des Marques de l’Opposante, je n’accorde aucune signification aux témoignages de MM. Demers et Manias selon lesquels aucun cas de confusion n’a été porté à leur attention Ainsi, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur la force probante de ces témoignages.


 

Conclusion sur la probabilité de confusion

[130]       Je rappelle que le test en matière de confusion consiste à se demander si une personne qui conserve un souvenir imparfait des Marque de l’Opposante pourrait conclure, sur la base de la première impression, que le Produits associé à la Marque provient de la même source ou est autrement relié ou associé aux produits de l’Opposante.

[131]       Comme suite à mon appréciation de l’ensemble des facteurs énoncés à l’article 6(5) de la Loi et de leur importance relative, je suis d’avis que la Requérante s’est déchargée de son fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité de confusion entre chacune de ses marques JAVELO et JAVELO Dessin et chacune des marques de commerce JAVELIN (LCD23533) et JAVEX (LMC120,689) de l’Opposante.

[132]       En effet, en l’espèce, j’estime que les facteurs énoncés aux articles 6(5)a) et 6(5)b) de la Loi qui favorisent la Requérante sont suffisants pour faire contrepoids aux facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) de la Loi qui favorisent l’Opposante. De plus, considérant les marques de commerce dans leur ensemble, j’estime que l’appréciation globale du facteur énoncé à l’article 6(5)e) de la Loi favorise la Requérante. Compte tenu de l’importance du facteur énoncé à l’article 6(5)e) de la Loi dans l’analyse relative à la confusion, je conclus que ce facteur fait définitivement pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante.

[133]       Finalement, je rappelle avoir indiqué que s’il s’avère que la confusion n’est pas probable entre la Marque et la marque de commerce JAVEX (LMC120,689), elle ne serait pas d’avantage probable avec l’une ou l’autre des marques visées par les Enregistrements Javex existants que l’Opposante considère être des déclinaisons de sa marque JAVEX. Par conséquent, je conclus également que la Requérante s’est déchargée de son fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce visées pas les Enregistrements Javex nos LMC150,067; LMC544,592; LMC544,551; LMC203,852; LMC544,593; LMC175,755; et LMC148,045.

[134]       Compte tenu de ce qui précède, je rejette entièrement le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi.

IX       Décision

[135]       En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition à chacune des demandes d’enregistrement nos 1,561,391 et 1,561,417 en application de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 


 

Annexe A

Enregistrements Javex

Enr. No.

Marque de commerce

Produits

LMC150,067

JAVEX & DESIGN

(1) Javel water concentrate.

LMC544,592

JAVEX FIBREGARD LABEL

(1) Liquid bleach for laundry and household use for cleaning and disinfecting.

LMC544,551

JAVEX  FIBREGARD LABEL

(1) Liquid bleach for laundry and household use for cleaning and disinfecting.

LMC203,852

JAVEX & DESIGN

(1) Bleach. (2) Laundry products for application to soil and stains befor [sic] main wash.

LCD23533

“JAVALIN”

(1) Concentrated javel (laundry bleach).

LMC120,689

JAVEX

(1) Liquid and solid bleaches. (2) Liquid detergent, liquid fabric brightener, dry fabric brightener, fabric conditioner, wax cleaner, window cleaner, liquid all purpose cleaner, dry all purpose cleaner, liquid starch, spray starch, liquid fabric softener, dry fabric softener, powdered cleanser, toilet bowl cleaner, drain cleaner, ammonia, floor wax, furniture wax. (3) Room sanitizer. (4) Laundry products for application to soil and stains before main wash.

LMC544,593

JAVEX FIBREGARD LABEL

(1) Liquid bleach for laundry and household use for cleaning and disinfecting.

LMC492,104

JAVELLISANT POUR NON-JAVELLISABLES

(1) Liquid and powder laundry detergents and liquid and dry laundry bleach.

LMC175,755

JAVELLISANT POUR LES NON-JAVELLISABLES

(1) Liquid and powdered laundry detergents. (2) Dry bleach product.

LMC148,045

JAVEXTRA

(1) Liquid and powdered bleach.

 


 

Annexe B

 

 

 

 

Annexe C

 

 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L’AUDIENCE: 2015-11-26

 

COMPARUTIONS

 

Sanjukta Tole                                                                                       POUR L’OPPOSANTE

 

Richard S. Levy                                                                                   POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENTS AU DOSSIER

 

SIM & MCBURNEY                                                                         POUR L’OPPOSANTE

 

DE GRANPRÉ CHAIT                                                                      POUR LA REQUÉRANTE

 

 

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