Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 80

Date de la décision : 2015-04-28

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Empire Comfort Systems, Inc. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,481,784 pour la marque de commerce BROILMASTER au nom d'Onward Multi-Corp. Inc.

[1]               Onward Multi-Corp. Inc. (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce BROILMASTER (la Marque) fondée sur l'emploi projeté au Canada en liaison avec des [traduction] « barbecues au gaz, grils au gaz et pièces de rechange connexes ».

[2]               Empire Comfort Systems, Inc. (l'Opposante) est propriétaire des marques de commerce OPTIONS BY BROILMASTER et BROILMASTER qu'elle affirme employer au Canada depuis au moins 2000 et 2001, respectivement, en liaison avec des [traduction] « grils au gaz et pièces de rechange connexes ».

[3]               Les parties ne sont pas des étrangères. Elles ont antérieurement été engagées dans deux autres procédures d'opposition les opposant.

[4]               Dans la première affaire, l'Opposante en l'espèce a produit une demande d'enregistrement pour sa marque de commerce BROILMASTER (demande no 1,112,366), et l'opposition produite par la Requérante en l'espèce à l'encontre de cette demande a été accueillie (l'opposition précédente reliée à la marque BROILMASTER) [Onward Multi-Corp Inc c Empire Comfort Systems, Inc (2010), 2010 COMC 29 (CanLII)]. Dans cette procédure, on a conclu à une probabilité de confusion entre la marque de commerce BROILMASTER visée par la demande (produite par l'Opposante en l'espèce) et la marque de commerce BROIL KING (une marque de commerce de la Requérante en l'espèce).

[5]               Dans la deuxième affaire, la Requérante en l'espèce a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce BROIL KING (demande no 1,166,534), et l'Opposante en l'espèce s'est opposée à cette demande en vertu des articles 30i), 30b), 12(1)b) et 2 de la Loi (l'opposition précédente reliée à la marque BROIL KING) [Empire Comfort Systems, Inc c Onward Multi-Corp. Inc (2010), 2010 COMC 30 (CanLII)]. L'opposition a été accueillie au titre du motif fondé sur l'article 30b) pour certains produits, mais elle a été rejetée pour d'autres produits et pour le reste des motifs d'opposition.

[6]               Je ne pencherai pas plus en détail sur ces procédures. Je me contenterai de dire que, son opposition à l'encontre de la demande de l'Opposante produite antérieurement pour la marque BROILMASTER ayant été accueillie, et l'opposition de l'Opposante à l'encontre de sa demande relative à la marque BROIL KING ayant été rejetée (en partie), la Requérante a maintenant elle-même produit une demande d'enregistrement pour la marque BROILMASTER et l'Opposante s'est opposée à sa demande, compte tenu principalement de son emploi antérieur de la marque BROILMASTER.

[7]               Pour les motifs qui seront analysés plus en détail ci-dessous, l'opposition est accueillie.

Historique du dossier

[8]               La demande d'enregistrement relative à la Marque a été produite le 19 mai 2010, et elle a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 3 novembre 2010.

[9]               Le 24 mars 2011, l'Opposante s'est opposée à la demande d'enregistrement de la Marque en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T‑13 (la Loi). Les motifs d'opposition sont fondés sur les articles 30i), 16(3)a) et 2 (caractère distinctif) de la Loi.

[10]           La Requérante a produit une contre-déclaration le 26 juillet 2011 dans laquelle elle conteste chacun des motifs d'opposition énoncés dans la déclaration d'opposition.

[11]           À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Donald Rigney, souscrit le 22 novembre 2011 (le premier affidavit de M. Rigney), et l'affidavit de Jill Roberts, souscrit le 25 novembre 2011 (le premier affidavit de Mme Roberts). M. Rigney a été contre-interrogé et la transcription de son contre-interrogatoire a été versée au dossier. Mme Roberts n'a pas été contre-interrogée.

[12]           Comme preuve, la Requérante a produit l'affidavit de Terrence R. Witzel, souscrit le 27 juin 2012 (l'affidavit de M. Witzel). M. Witzel a été contre-interrogé relativement à son affidavit et la transcription de son contre-interrogatoire a été versée au dossier.

[13]           Comme preuve en réponse, l'Opposante a produit l'affidavit de Donald Rigney, souscrit le 12 juillet 2013 (le deuxième affidavit de M. Rigney), l'affidavit de Corey Boone, souscrit le 12 juillet 2013 (l'affidavit de M. Boone), l'affidavit de Bart Gilchrist, souscrit le 15 juillet 2013 (l'affidavit de M. Gilchrist), l'affidavit de Jill Roberts, souscrit le 12 juillet 2013 (le deuxième affidavit de Mme Roberts) et l'affidavit de Jill Roberts, souscrit le 15 juillet 2013 (le troisième affidavit de Mme Roberts). Seul M. Rigney a été contre-interrogé.

[14]           Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit.

[15]           Une audience a été tenue le 12 février 2015 et les parties y étaient toutes deux présentes.

Fardeau de preuve

[16]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), p. 298].

Questions préliminaires

Preuve en réponse

[17]           La Requérante conteste la preuve en réponse de l'Opposante, plus précisément le deuxième affidavit de M. Rigney, l'affidavit de M. Boone, l'affidavit de M. Gilchrist, le deuxième affidavit de Mme Roberts et le troisième affidavit de Mme Roberts, au motif qu'elle ne constitue pas une preuve en réponse valable.

[18]           En vertu de l'article 43 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement), une preuve en réponse doit « se limit[er] strictement aux matières servant de réponse ». Je souligne également que si un opposant ne sait pas avec certitude si sa preuve constitue une preuve en réponse valable, il peut demander la permission de produire une preuve additionnelle en vertu de l'article 44 du Règlement. Cependant, en l'espèce, l'Opposante n'a pas présenté une telle demande.

[19]           Dans l'affaire Halford c Seed Hawk Inc (2003), 24 CPR (4th) 220 (CF 1re inst), aux para. 14-15, le juge Pelletier a formulé les lignes directrices suivantes en ce qui concerne la preuve en réponse :

[traduction]

i)

La preuve qui sert uniquement à corroborer une preuve déjà soumise au tribunal n'est pas admissible.

ii)

La preuve qui porte sur une question qui a été soulevée pour la première fois en contre-interrogatoire et qui aurait dû faire partie de la preuve principale du demandeur n'est pas admissible. Toute autre nouvelle question qui se rapporte à une des questions en litige et qui ne vise pas uniquement à contredire un des témoins de la défense est admissible.

iii)

La preuve qui sert uniquement à réfuter un élément de preuve qui a été présenté en défense et qui aurait pu être présenté dans le cadre de la preuve principale n'est pas admissible.

[20]           De plus, l'Opposante a attiré mon attention sur une décision de cette Commission dans laquelle la membre Folz a affirmé que le test servant à déterminer si une preuve est une preuve en réponse adéquate ne consiste pas simplement à déterminer si la preuve aurait pu faire partie de la preuve principale de l'Opposante, mais à déterminer si la preuve répond à la preuve de la Requérante et répond à des questions imprévues [Kerr Controls Ltd c Mike Witherall Mechanical Ltd (2013), 116 CPR (4th) 357 (COMC)].

[21]           En l'espèce, l'Opposante prétend avoir produit sa preuve en réponse pour répondre au paragraphe 19 de l'affidavit de M. Witzel, dans lequel M. Witzel affirme qu'il a demandé à vingt-quatre vendeurs de la Requérante de chercher sur le marché canadien des éléments de preuve relatifs aux produits BROILMASTER et qu'ils n'ont pas été en mesure de trouver des renseignements à propos de la vente de tels produits au Canada. Au paragraphe 19 de son affidavit, M. Witzel affirme également que, selon son expérience, la marque BROILMASTER est absente du marché canadien depuis plus de quinze ans et qu'il n'a vu aucun produit BROILMASTER à l'occasion des salons commerciaux ou des salons à l'intention des consommateurs tenus au Canada ou ailleurs au cours de ce siècle.

[22]           Pour les motifs que j'expliquerai plus en détail ci-dessous, j'estime que l'essentiel de la preuve en réponse de l'Opposante ne constitue pas une preuve en réponse valable.

Le deuxième affidavit de M. Rigney

[23]           Le deuxième affidavit de M. Rigney fournit des copies de brochures de ses produits BROILMASTER qui, aux dires de M. Rigney, ont été distribuées aux Canadiens au fil des années dans les points de vente au détail au Canada. Des extraits de brochures dont la date va de 2002 à 2012 sont fournis comme Pièces « A » à « H » jointes à son affidavit. Ils sont de même nature que la brochure qui a été jointe comme Pièce « A » au premier affidavit de M. Rigney et comme Pièce « D » jointe au premier affidavit de Mme Roberts, et je ne vois pas pourquoi ils n'auraient pas pu également faire partie de la preuve principale de l'Opposante au titre de l'article 41 du Règlement. Ils sont de nature à corroborer la preuve et, étant donné que les motifs d'opposition de l'Opposante reposent tous sur son emploi antérieur de sa marque de commerce, j'estime que cette preuve ne répond à rien qui peut être considéré comme imprévu dans la preuve de la Requérante.

[24]           Le reste du deuxième affidavit de M. Rigney fournit des détails se rapportant à la participation et aux activités promotionnelles de l'Opposante à divers salons commerciaux qui ont eu lieu aux États-Unis. Cette preuve semble avoir été produite pour réfuter la preuve produite par la Requérante. En particulier, elle semble avoir été produite pour réfuter la déclaration faite dans l'affidavit de M. Witzel selon laquelle il n'a jamais vu l'Opposante dans des salons commerciaux et peut-être aussi pour répondre aux refus formulés par M. Witzel en contre-interrogatoire. Si elle avait pu être produite comme preuve principale, j'estime que la preuve de M. Witzel à cet égard ne représente pas un élément qui aurait raisonnablement pu être prévu par l'Opposante. Compte tenu de ceci, il est permis de croire qu'elle se rapporte à une nouvelle question et qu'elle constitue une preuve en réponse valable. Cependant, comme elle concerne des salons commerciaux qui ont eu lieu aux États-Unis et que rien n'indique combien de Canadiens y ont participé, j'estime que cette preuve n'aide en rien l'Opposante.

Les affidavits de M. Boone et de M. Gilchrist

[25]           Les affidavits de M. Boone et de M. Gilchrist proviennent des distributeurs de l'Opposante au Canada, à savoir Diversco Supply Inc et National Energy Equipment, Inc., qui témoignent des ventes des produits BROILMASTER de l'Opposante faites à leur réseau de détaillants au Canada, qui vend à son tour les produits au public. J'estime que cette preuve aurait pu être produite avec le premier affidavit de M. Rigney et le premier affidavit de Mme Roberts dans le cadre de la preuve produite par l'Opposante au titre de l'article 41 du Règlement. Ces deux déposants ont mentionné les distributeurs de l'Opposante dans leur affidavit, et rien n'empêchait l'Opposante de produire ces éléments de preuve corroborants directement de ses distributeurs pour compléter les renseignements contenus dans ces affidavits et présenter dès le départ plus amplement sa preuve à l'appui de ses motifs d'opposition.

Le deuxième affidavit de Mme Roberts

[26]           Le deuxième affidavit de Mme Roberts fournit des détails se rapportant à la visite de Mme Roberts dans un magasin de détail d'Ottawa, où elle a vu des modèles de barbecues BOILMASTER en vente, a demandé des renseignements à propos des barbecues de l'Opposante et a obtenu une brochure. Cette preuve se rapporte clairement à l'emploi de la marque de commerce de l'Opposante au Canada et, encore une fois, elle aurait pu faire partie de la preuve produite par l'Opposante au titre de l'article 41 du Règlement. L'Opposante a plutôt choisi de la produire pour réfuter la preuve de la Requérante. Par ailleurs, je souligne que la preuve de Mme Roberts est postérieure aux dates pertinentes qui s'appliquent aux trois motifs d'opposition invoqués en l'espèce.

Le troisième affidavit de Mme Roberts

[27]           Le troisième affidavit de Mme Roberts est censé aborder des questions découlant du contre-interrogatoire de M. Witzel et semble surtout avoir été produit pour démontrer que les parties sont membres de la même organisation commerciale et que leurs produits (c.-à-d. les produits BROIL KING de la Requérante et les produits BROILMASTER de l'Opposante) sont vendus ou annoncés en ligne à proximité les uns des autres. Selon toute vraisemblance, il vise également à réfuter la déclaration faite au paragraphe 19 de l'affidavit de M. Witzel selon laquelle ses représentants commerciaux n'ont pas été en mesure de trouver des renseignements à propos de la vente des produits de l'Opposante au Canada.

[28]           J'estime que cette preuve ne constitue pas non plus une preuve en réponse valable. La preuve relative à l'appartenance commune à une organisation commerciale et au recoupement des voies de commercialisation des parties ou aux ventes faites par l'Opposante de ses produits au Canada se rapporte directement à la question de la confusion et à l'emploi antérieur par l'Opposante de sa marque de commerce. Une telle preuve aurait également pu étayer le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif de l'Opposante, comme ses arguments font expressément mention de l'annonce des produits de l'Opposante sur Internet. J'estime que cette preuve ne se rapporte à rien de nouveau ou d'inattendu et qu'elle aurait pu être produite comme élément de preuve de l'Opposante au titre de l'article 41 du Règlement. En réalité, une preuve semblable a été présentée dans le premier affidavit de Mme Roberts, mais elle était postérieure à la date pertinente s'appliquant à deux des motifs d'opposition [voir le Premier affidavit de Mme Roberts, para. 13, Pièce « M »]. Par ailleurs, l'Opposante aurait pu demander l'autorisation de la produire comme preuve additionnelle en vertu de l'article 41 du Règlement.

[29]           La preuve en réponse prévue à l'article 43 du Règlement n'a pas pour objet de combler une lacune, de peaufiner ou de rendre plus complète la preuve principale de l'Opposante produite aux termes de l'article 41 du Règlement. À l'exception de la deuxième partie du deuxième affidavit de M. Rigney (c.-à-d. des renseignements portant sur les salons commerciaux), je conviens avec la Requérante que le reste de la preuve en réponse de l'Opposante ne constitue pas une preuve en réponse valable. Par conséquent, je n'en ai pas tenu compte.

[30]           Si ma conclusion selon laquelle cette preuve n'est pas admissible est erronée, je souligne que, même si j'avais considéré cette preuve comme admissible, cela n'aurait rien changé au résultat final de la présente décision.

Autres marques de commerce de la Requérante formées de l'élément BROIL/décisions rendues dans les procédures d'opposition précédentes

[31]           La plus grande partie de l'affidavit de M. Witzel se compose de détails reliés à d'autres marques de commerce formées de l'élément BROIL pour lesquelles la Requérante a produit une demande d'enregistrement, qu'elle a enregistrées et/ou employées, par exemple BROIL KING (enregistrement no LMC257,283), BROIL-MATE (enregistrement no LMC332,350) et BROIL KING IMPERIAL (demande no 1,515,198) [affidavit de M. Witzel, para. 3-18].

[32]           J'aimerais souligner que la propriété de ces autres marques de commerce ne confère pas automatiquement à la Requérante le droit à l'enregistrement de la Marque, peu importe que les marques de commerce soient liées [voir American Cyanamid Co c Stanley Pharmaceuticals Ltd (1996), 74 CPR (3d) 571 (COMC); Ralston Purina Canada Inc c HJ Heinz Co of Canada (2000), 6 CPR (4th) 394 (COMC)].

[33]           De plus, le fait que la Requérante peut avoir obtenu gain de cause dans une procédure d'opposition précédente à l'encontre d'une demande d'enregistrement de l'Opposante pour la marque de commerce BROILMASTER ne signifie pas nécessairement que la Requérante a maintenant droit à l'enregistrement de cette même marque de commerce.

Analyse des motifs d'opposition

Absence de droit à l'enregistrement – article 16(3)a)

[34]           L'Opposante allègue que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque au titre de l'article 16(3)a) de la Loi, compte tenu de l'emploi et de la révélation antérieurs par l'Opposante de sa marque de commerce BROILMASTER au Canada, depuis au moins 2011, en liaison avec des [traduction] « grils au gaz et pièces de rechange connexes ».

[35]           Malgré le fardeau de preuve qu'a la Requérante d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l'Opposante, l'Opposante a le fardeau initial de démontrer que sa marque de commerce était employée ou avait été révélée au Canada avant la date de production de la demande relative à la Marque du 19 mai 2010 et n'avait pas été abandonnée à la date de l'annonce de la demande relative à la Marque du 3 novembre 2010 [article 16(5) de la Loi].

[36]           En l'espèce, les parties conviennent qu'il existe une probabilité de confusion entre leurs marques de commerce. Cependant, elles sont en désaccord quant à la question de savoir si l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve initial en ce qui concerne ce motif d'opposition. Si l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve initial, la question de savoir s'il existe ou non une probabilité de confusion devient sans objet, comme il n'incombera pas à la Requérante de démontrer qu'il n'existe pas de probabilité de confusion.

[37]           Dans cette optique, j'examinerai maintenant la preuve qui a été produite par l'Opposante dans la présente procédure.

Le premier affidavit de M. Rigney et la première transcription du contre-interrogatoire de M. Rigney

[38]           M. Rigney est le premier vice-président et directeur de l'exploitation de l'Opposante [premier affidavit de M. Rigney, para. 1]. L'affidavit de M. Rigney présente les renseignements et les documents suivants :

         l'Opposante vend des barbecues et des accessoires de barbecue de marque BROILMASTER au Canada de façon interrompue depuis au moins 2003 [premier affidavit de M. Rigney, para. 3];

         les barbecues et les accessoires de marque BROILMASTER vendus au Canada arborent la marque de commerce BROILMASTER, et la marque de commerce BROILMASTER a toujours figuré sur tous les produits de marque BROILMASTER ou a toujours été employée en liaison avec tous les produits de marque BROILMASTER qui sont vendus au Canada depuis au moins 2003 [premier affidavit de M. Rigney, para. 8; première transcription de M. Rigney, Q. 69-85];

         un échantillon de factures qui, aux dires de M. Rigney, démontre des ventes de barbecues et d'accessoires de marque BROILMASTER chaque année de 2003 à 2011 est joint comme Pièce « A » [affidavit de M. Rigney, para. 4];

         les ventes des barbecues et des accessoires de marque BROILMASTER de l'Opposante aux consommateurs canadiens se sont élevées à des milliers de dollars chaque année de 2003 à la date à laquelle M. Rigney a souscrit son affidavit; les ventes totales ont dépassé 450 000 $ [premier affidavit de M. Rigney, para. 4 et 6];

         une brochure servant à annoncer les barbecues et les accessoires de marque BROILMASTER aux Canadiens est jointe comme Pièce « B ». Selon M. Rigney, cette brochure est offerte aux consommateurs dans les points de vente au détail au Canada et est offerte depuis au moins 2003 [premier affidavit de M. Rigney, para. 7]. La brochure renferme des photographies de certains des produits de l'Opposante. On peut voir la marque de commerce BROILMASTER sur diverses pièces de barbecue et accessoires ou sur leur emballage. Bien que la marque BROILMASTER figure à l'intérieur d'une bordure rectangulaire et qu'elle présente les mots descriptifs « premium gas grills » (grils au gaz de première qualité) dans une police de caractères plus petite sous la marque, j'estime que la manière dont elle figure avec ces éléments additionnels constitue tout de même un emploi de la marque de commerce BROILMASTER de l'Opposante [Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC); et Ivy Lea Shirt Co c Muskoka fine Watercraft and Supply Co, (1999) 2 CPR (4th) 562 (COMC); conf. par 11 CPR (4th) 489 (CF 1re inst.)]. Bien que M. Rigney ait affirmé en contre-interrogatoire que la marque BROILMASTER est aussi parfois employée seule (c.-à-d. sans les éléments descriptifs additionnels) sur les produits de l'Opposante, aucun exemple de cet emploi n'a été présenté dans les pièces jointes à son affidavit [première transcription de M. Rigney, Q. 63-83].

         avant septembre 2010, les barbecues BROILMASTER étaient vendus en pièces dans un système [traduction] « assemblez votre propre barbecue » pour assemblage par le consommateur. En septembre 2010 (pour la saison 2011), l'Opposante a lancé les barbecues préassemblés [première transcription de M. Rigney, Q. 103-107 et 129-137]. Aucune facture reliée à des barbecues préassemblés n'est fournie et, si de telles factures avaient été fournies, elles auraient probablement été postérieures à la date pertinente pour l'examen de ce motif d'opposition;

         l'Opposante vend ses barbecues et accessoires de marque BROILMASTER par l'entremise de distributeurs canadiens comme Diversco Supply Inc. et National Energy Equipment Inc., et ce, depuis au moins 2003. Ceux-ci vendent à leur tour les produits à des détaillants en vue de leur vente au public canadien [premier affidavit de M. Rigney, para. 9]. M. Rigney désigne quatre des détaillants canadiens de l'Opposante aux paragraphes 10 et 11 de son affidavit. Ceux-ci sont situés en Ontario et en Colombie-Britannique;

         au paragraphe 12, M. Rigney affirme que l'Opposante exploite un site Web qui est accessible aux Canadiens. Selon M. Rigney, le site Web de l'Opposante a reçu 3 733 visites de Canadiens entre le 14 novembre 2009 et le 13 novembre 2010 et 2 479 visites de Canadiens entre le 14 novembre 2010 et le 13 novembre 2011.

[39]           La Requérante souligne que la marque de commerce BROILMASTER de l'Opposante n'est pas expressément mentionnée dans les factures qui sont jointes comme Pièce « A » à l'affidavit de M. Rigney, et elle fait valoir qu'il est erroné de conclure que les produits décrits dans ces factures sont des produits qui sont liés à la Marque. À l'appui de ses observations, la Requérante invoque la décision rendue dans l'affaire Facton Ltd c Kelendji (faisant affaire sous la raison sociale Diplomate Watch of Canada), [2012] COMC 142. Cependant, la présente espèce se distingue de cette affaire, comme M. Rigney a clairement affirmé dans son affidavit que les produits énumérés et décrits dans les factures sont effectivement des produits de marque BROILMASTER [premier affidavit de M. Rigney, para. 5].

[40]           La Requérante s'élève également contre le fait que les descriptions de produit présentées dans les factures de l'Opposante semblent se rapporter à des produits autonomes différents (par exemple, des brûleurs, des tablettes latérales, des chariots, des rôtissoires, etc.). La Requérante soutient qu'il n'existe aucune preuve que la Requérante a déjà vendu des barbecues ou des accessoires en liaison avec la marque de commerce BROILMASTER.

[41]           Je souligne que M. Rigney affirme clairement dans son affidavit que l'Opposante a vendu des barbecues et des accessoires au Canada depuis au moins 2003 et qu'ils arborent la marque de commerce, comme le montrent les photographies de la brochure jointe comme Pièce « B » à son affidavit. M. Rigney a confirmé en contre-interrogatoire que, avant 2010, les barbecues BROILMASTER étaient vendus dans un système [traduction] « assemblez votre propre barbecue » pour assemblage par le consommateur [premier affidavit de M. Rigney, para. 3 et 8; première transcription de M. Rigney, Q. 103-107 et 129-137].

[42]           En contre-interrogatoire, M. Rigney a déclaré ce qui suit :

[traduction] 103.

Q. Donc, vous en étiez à nous dire que, si je comprends bien ce vous dites, vous vendez essentiellement un certain nombre de pièces aux consommateurs et que ceux-ci les assemblent ensuite. C'est ce que vous dites?

R. C'est un produit à assembler. Vous prenez votre cuve de gril. Vous prenez votre chariot. Vous prenez vos tablettes latérales. Vous prenez votre brûleur latéral, et vous l'assemblez, un peu comme on avait l'habitude d'acheter une Mustang…

[43]           Compte tenu de la manière dont les produits de l'Opposante ont été vendus, il n'est pas surprenant que ses factures ne fassent pas mention de « barbecues » ou de [traduction] « grils au gaz » en tant que tels, et j'estime que la question de savoir si l'Opposante a vendu des unités assemblées ou préassemblées en liaison avec sa marque de commerce n'est pas un facteur pertinent. En outre, je souligne que, en plus des [traduction] « grils au gaz », la déclaration d'opposition mentionne également des [traduction] « pièces de rechange connexes ». Ainsi, il est raisonnable de supposer que toutes les factures qui sont fournies par l'Opposante ne présenteraient pas toutes les parties constituantes qui sont nécessaires pour assembler un « barbecue » ou un [traduction] « gril au gaz » complet. Certaines pourraient fort bien ne couvrir que diverses pièces aléatoires.

[44]           En ce qui concerne la question soulevée par la Requérante selon laquelle il n'existe aucune preuve que l'Opposante a vendu des [traduction] « accessoires » arborant la marque de commerce BROILMASTER, je souligne que la Pièce « B » montre, par exemple, l'emploi de la marque de commerce en liaison avec des rôtissoires et des couvercles de gril et que ces deux articles sont mentionnés dans les factures qui sont jointes comme Pièce « A » à l'affidavit de M. Rigney.

Le premier affidavit de Mme Roberts

[45]           Le premier affidavit de Mme Roberts fournit des renseignements supplémentaires à propos du site Web de l'Opposante et des détaillants canadiens des produits BROILMASTER de l'Opposante.

[46]           Mme Roberts est une technicienne juridique diplômée et une huissière adjointe [premier affidavit de Mme Roberts, para. 1]. Le 24 novembre 2011, elle a accédé à la page « Support/Dealer Locator » (Soutien/Localisateur de détaillants) du site Web de l'Opposante et a noté qu'elle mentionnait six détaillants canadiens [premier affidavit de Mme Roberts, para. 1-4]. Une copie de cette page fait partie de la Pièce « C » jointe à son affidavit. Il convient de souligner que la Pièce « C » est postérieure à la date pertinente pour l'appréciation de ce motif d'opposition. Cependant, Mme Roberts a également employé le site Wayback Machine pour imprimer des copies d'écran représentatives de diverses parties du site Web de l'Opposante pour les années 1999 à 2008 [premier affidavit de Mme Roberts, para. 7-11, Pièces « F »-« K »].

[47]           Les Pièces « I » et « J » se composent de copies d'écran du lien [traduction] « accessoires » des versions archivées du site Web de l'Opposante de 2001 et de 2003. Celles-ci présentent des images de ce qui semble être des pièces et des accessoires de barbecue de l'Opposante. On peut voir la marque de commerce BROILMASTER sur certaines des pièces/accessoires ou sur leur emballage. La Pièce « K » est formée d'une copie d'écran d'une version archivée de 2008 de la page des détaillants canadiens du site Web de l'Opposante. Elle énumère cinq détaillants (quatre en Ontario et un à l'île du Prince-Édouard) des produits de l'Opposante. La Pièce « L » présente une copie d'écran de la page des détaillants canadiens du site Web de l'Opposante en date du 26 octobre 2010 (quelques mois après la date pertinente). Elle énumère les cinq mêmes détaillants que la Pièce « K ».

[48]           La Pièce « M » est formée de copies d'écran du site Web de deux des détaillants canadiens de l'Opposante. Les copies d'écran ont aussi été obtenues au moyen du site Wayback Machine et elles sont également datées du 26 octobre 2010 (après la date pertinente). L'une d'entre elles montre à la fois les produits de l'Opposante et de la Requérante.

[49]           La Pièce « O » se compose de copies d'écran du site Web de Diversco Supply Inc., une société que M. Rigney désigne dans son premier affidavit comme étant une distributrice des produits de l'Opposante au Canada [premier affidavit de M. Rigney, para. 9]. Les copies d'écran, qui sont datées de 2003 à 2008, arborent toutes la marque de commerce BROILMASTER de l'Opposante.

[50]           Au moins une partie de cette preuve est antérieure à la date pertinente et peut donc être considérée. Cependant, comme l'a souligné à juste titre la Requérante, les imprimés des sites Web ne peuvent être invoqués pour établir la véracité de leur contenu [Candrug Health Solutions Inc c Thorkelson (2007), 60 CPR (4th) 35 (CF 1re inst), inf. pour d'autres motifs (2008), 64 CPR (4th) 431(CAF)].

[51]           Compte tenu de ceci, j'estime tout au plus que cette preuve est utile pour établir que, aux dates des copies d'écran archivées, l'Opposante a présenté ces produits BROILMASTER en particulier ou a énuméré ces détaillants en particulier sur son site Web et que ces détaillants/distributeurs ont mentionné les produits de l'Opposante sur leur site Web.

Conclusion

[52]           Dans l'ensemble, j'estime que la preuve de l'Opposante est suffisante pour établir que sa marque de commerce était employée au Canada avant la date de production de la demande relative à la Marque du 19 mai 2010 et qu'elle n'avait pas été abandonnée à la date de l'annonce de la demande relative à la Marque du 3 novembre 2010. J'estime, par conséquent, que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve initial en ce qui concerne ce motif d'opposition.

[53]           Compte tenu de cette conclusion, je dois maintenant déterminer si la Requérante s'est acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et sa marque de commerce.

[54]           Comme les parties en l'espèce ont reconnu qu'il existe une probabilité de confusion entre leur marque de commerce respective, j'estime qu'il n'est pas nécessaire que j'aborde cette question en détail. Je me contenterai de dire que je suis d'accord.

[55]           L'article 6(2) de la Loi stipule que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[56]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même [voir, de manière générale, Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC) et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

[57]           En l'espèce, les marques de commerce des parties sont identiques et elles sont employées ou sont destinées à être employées en liaison avec des produits semblables, voire identiques. Compte tenu des ressemblances dans le genre de produits, il est raisonnable de supposer que les voies de commercialisation des parties se recouperaient également. Comme les marques de commerce des parties sont identiques, elles possèdent un caractère distinctif inhérent équivalent. Cependant, seule l'Opposante a produit une preuve d'emploi de sa marque de commerce ou une preuve donnant à croire que sa marque de commerce est devenue connue dans une certaine mesure.

[58]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime que la Requérante n'a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne crée pas de confusion avec la marque de commerce de l'Opposante.

[59]           Par conséquent, ce motif d'opposition est accueilli.

Absence de caractère distinctif – article 2

[60]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas distinctive ni n'est adaptée à distinguer les produits de la Requérante de ceux de tiers, dont ceux de l'Opposante. Entre autres arguments, l'Opposante affirme que la Marque est la marque de commerce BROILMASTER de l'Opposante et que, en conséquence, les consommateurs voyant la Marque lieraient celle-ci à l'Opposante et non à la Requérante. L'Opposante allègue également dans les arguments qu'elle a exposés que ses produits de marque BROILMASTER sont annoncés sur Internet dans de nombreux sites Web et que les consommateurs recherchant les produits de marque BROILMASTER sur Internet seront dirigés vers les produits de l'Opposante. Compte tenu de ceci, l'Opposante soutient que la Marque ne peut être distinctive des produits de la Requérante.

[61]           La date pertinente pour l'examen de ce motif d'opposition est la date de production de la déclaration d'opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[62]           Bien que la Requérante ait le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses produits de ceux de tiers partout au Canada, l'Opposante n'en doit pas moins s'acquitter du fardeau de preuve initial d'établir les faits invoqués à l'appui de son motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif [Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)].

[63]           En l'espèce, l'Opposante a l'obligation de démontrer que, à la date de production de la déclaration d'opposition, à savoir le 24 mars 2011, sa marque de commerce BROILMASTER était devenue suffisamment connue au Canada pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif. La marque de commerce de l'Opposante doit avoir acquis une notoriété substantielle, significative ou suffisante [Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd (2004), 40 CPR (4th) 553, confirmée par (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[64]           Bien que j'aie conclu que la preuve de l'Opposante est suffisante pour lui permettre de s'acquitter de son fardeau de preuve initial à l'égard du motif d'opposition fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement, j'estime qu'elle n'est pas suffisante pour lui permettre de s'acquitter de son fardeau de preuve initial à l'égard de ce motif.

[65]           Comme l'a souligné la Requérante, selon le premier affidavit de Mme Roberts, se rapportant au 24 novembre 2011 (quelques mois après la date pertinente), le site Web de l'Opposante indiquait que ses produits étaient offerts en vente chez seulement six détaillants dans seulement deux provinces (l'Ontario et la Colombie-Britannique) [premier affidavit de Mme Roberts, para. 4, Pièce « C »]. Avant la date pertinente et en particulier le 12 février 2008, le site Web de l'Opposante indiquait que ses produits étaient offerts chez seulement cinq détaillants au Canada dans seulement deux provinces (l'Ontario et l'île du Prince-Édouard) [Premier affidavit de Mme Roberts, Pièce « K »]. M. Rigney mentionne seulement quatre détaillants dans son affidavit [Premier affidavit de M. Rigney, para. 10-11].

[66]           Selon M. Rigney, de 2003 à la date à laquelle il a souscrit son affidavit, les ventes faites par l'Opposante de ses barbecues et accessoires de marque BROILMASTER aux consommateurs canadiens ont [traduction] « dépassé 450 000 $ » [premier affidavit de M. Rigney, para. 4 et 6]. Comme ces ventes couvent une période d'environ neuf ans, ces chiffres ne sont pas particulièrement élevés.

[67]           Étant donné que rien n'indique le coût moyen par unité des produits de l'Opposante et que M. Rigney n'a pas indiqué le nombre d'unités vendues chaque année, il est impossible de vérifier si l'Opposante a vendu quelques unités ou de nombreuses unités au cours de l'une ou l'autre de ces années ou le nombre de ventes totales d'unités qu'elle a faites. M. Rigney ne fait que déclarer vaguement que les ventes se sont élevées [traduction] « à des milliers de dollars chaque année » [premier affidavit de M. Rigney, para. 4].

[68]           L'Opposante n'a pas non plus fourni de chiffres reliés à la publicité. Si l'affidavit de Mme Roberts démontre que certains des détaillants de l'Opposante ont présenté ses produits sur leur site Web, rien n'indique combien de Canadiens ont visité ces sites et aucun renseignement n'est fourni à propos de la mesure dans laquelle ces détaillants peuvent avoir annoncé les produits de l'Opposante auprès des consommateurs canadiens. Le site Web de l'Opposante elle-même a eu un nombre assez modeste de visites de la part des Canadiens (3 733 visites entre le 14 novembre 2009 et le 13 novembre 2010 et 2 479 visites entre le 14 novembre 2010 et le 13 novembre 2011) et au moins certaines de ces visites ont vraisemblablement eu lieu après la date pertinente.

[69]           Bien que M. Rigney affirme dans son premier affidavit que des brochures annonçant que les produits de l'Opposante vendus en liaison avec la marque de commerce BROILMASTER sont offerts aux consommateurs dans des commerces de détail au Canada, il n'indique pas le nombre de produits qui sont généralement distribués aux consommateurs ni si la distribution se limite aux détaillants mentionnés aux paragraphes 10 et 11 de son affidavit.

[70]           Compte tenu du peu d'éléments de preuve dont je dispose, je ne peux pas conclure que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve d'établir que la notoriété de sa marque de commerce était substantielle, significative ou suffisante à la date pertinente.

[71]           Par conséquent, ce motif d'opposition est rejeté.

Non-conformité – article 30i)

[72]           L'Opposante allègue que la demande relative à la Marque n'est pas conforme à l'article 30 de la Loi, parce que, à la date de production de la demande, la Requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit à l'emploi ou à l'enregistrement de la Marque. L'Opposante affirme ce qui suit dans sa déclaration d'opposition :

i)                    l'Opposante est propriétaire des demandes nos 1,515,140 pour la marque de commerce BROILMASTER (fondée sur l'emploi depuis au moins 2001) et 1,515,141 pour la marque de commerce OPTIONS BY BROILMASTER (fondée sur l'emploi depuis au moins 2000), lesquelles visent toutes deux des [traduction] « grils au gaz et pièces de rechange connexes »;

ii)                  lorsque la Requérante a produit la demande relative à la Marque, elle était au courant de l'emploi antérieur de la marque BROILMASTER par l'Opposante au Canada et aux États-Unis, en partie du fait que les parties avaient antérieurement été engagées dans des procédures d'opposition au Canada, au cours desquelles l'Opposante a produit une preuve d'emploi de sa marque de commerce BROILMASTER;

iii)                lorsque la Requérante a produit la demande relative à la Marque, elle n'avait pas l'intention d'employer la Marque, comme cet emploi porterait atteinte aux droits de l'Opposante à l'égard de sa marque de commerce BROILMASTER;

iv)                la demande relative à la Marque a été produite de façon frauduleuse.

[73]           Bien que la déclaration d'opposition mentionne de façon générale l'article 30 de la Loi, à l'audience et dans son plaidoyer écrit, l'Opposante a expressément mentionné que l'article 30i) de la Loi constitue le fondement des arguments qu'elle a exposés.

[74]           L'article 30i) de la Loi exige que tout requérant se déclare convaincu d'avoir droit à l'enregistrement de sa marque dans sa demande. Lorsqu'un requérant a fourni la déclaration exigée, un motif d'opposition fondé sur l'article 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu'il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), p. 155].

[75]           Dans l'ouvrage Canadian Trade-marks Act – Annotated Robic Leger, éd. rév. (Scarborough, Ont. : Carswell) (feuilles mobiles), H.G. Richard examine l'article 30i) (anciennement l'article 29i)) comme suit aux pages 30-47 et 30-48 :

[traduction]
Le dernier facteur avant de procéder à la vérification des index et à l'examen de la marque elle-même consiste à se demander si le requérant est convaincu « qu'il a droit d'employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou les services décrits dans la demande ». Il s'agit en quelque sorte d'un contrat entre le requérant et le public qui établit que tous les renseignements et les documents à l'appui, y compris les corrections et les modifications apportées aux renseignements, sont donnés de bonne foi et que la demande ainsi remplie a reçu l'approbation du requérant. En présumant que tout est en ordre, le requérant ou son agent appose sa signature. L'examinateur peut alors procéder à l'examen de la marque et à la vérification des index. (Soulignement ajouté)

[76]           Comme l'a affirmé la membre Folz dans l'affaire Cerverceria Modelo, SA de CV c Marcon, la déclaration prévue à l'article 30i) est essentiellement censée être la preuve que le requérant a produit sa demande de bonne foi [Cerverceria Modelo, SA de CV c Marcon (2008), 70 CPR (4th) 355 (COMC)]. J'estime que la preuve en l'espèce est suffisante pour conclure que la Requérante n'a pas produit sa demande relative à la Marque de bonne foi.

[77]           Comme je l'ai indiqué précédemment, il existe une certaine preuve de promotion et d'emploi au Canada par l'Opposante de sa marque de commerce BROILMASTER qui est antérieure à la date de production de la demande relative à la Marque. L'Opposante soutient qu'il existe aussi une preuve établissant que la Requérante était au courant de l'emploi antérieur par l'Opposante de sa marque de commerce BROILMASTER au Canada. À cet égard, l'Opposante a attiré mon attention sur le fait que la Requérante a produit sa demande relative à la Marque moins de deux mois après qu'une décision a été rendue dans le cadre de l'opposition précédente reliée à la marque BROILMASTER et exactement deux mois après qu'une décision a été rendue dans le cadre de l'opposition précédente reliée à la marque BROIL KING. L'Opposante affirme que, dans les deux cas, une preuve d'emploi de sa marque de commerce BROILMASTER a été produite par l'Opposante et que la Commission s'est appuyée sur cette preuve pour rendre sa conclusion de fait.

[78]           La simple connaissance de l'existence de la marque de commerce d'un opposant n'étaye pas en soi une allégation que le requérant ne pouvait pas être convaincu de son droit à l'emploi d'une marque [Woot, Inc c WootRestaurants Inc Les Restaurants Woot Inc 2012, COMC 197 (CanLII)]. Cette connaissance n'est pas nécessairement incompatible avec la déclaration d'un requérant selon laquelle il était convaincu d'avoir droit d'employer la marque de commerce au motif que, notamment, sa marque de commerce ne créait pas de confusion avec la marque de commerce de l'opposant.

[79]           En l'espèce cependant, la Requérante a reconnu qu'il existe une probabilité de confusion entre les marques de commerce des parties dans son plaidoyer écrit et à l'audience. De plus, l'Opposante a également attiré mon attention sur la déclaration suivante qui a été faite par l'agent de la Requérante et qui a été adoptée par M. Witzel en contre-interrogatoire :

[traduction]
362. Q. Et je vous demanderais, Monsieur, pourquoi adopteriez-vous exactement la même marque qu'un concurrent et demanderiez-vous son enregistrement au Canada? Pourquoi adopteriez-vous la marque d'Empire, BROILMASTER, et demanderiez-vous l'enregistrement de la même marque exactement pour les mêmes marchandises et demanderiez-vous son enregistrement au Canada? Pourquoi feriez-vous cela, Monsieur...

M. SCHNURR : C'est simplement une question de droit

M. BULBULIA : C'est une question de fait au plan du processus décisionnel, il a dit qu'il est engagé dans la stratégie de marque…

374. Q. Êtes-vous en train d'essayer d'adopter la marque de commerce BROILMASTER pour elle-même au Canada, pour vous-même?

M. SCHNURR : La marque de votre client crée de la confusion avec les marques de notre client et nous ne voulons pas que votre client emploie cette marque au Canada

M. BULBULIA (à M. Witzel) : Acceptez-vous sa réponse?

M. WITZEL : Oui

[transcription de M. Witzel, Q. 362-374].

[80]           L'Opposante soutient que cette déclaration constitue un aveu de la part de la Requérante qu'elle a produit la demande relative à la Marque pour tenter de porter atteinte à l'Opposante et l'empêcher d'employer sa marque de commerce BROILMASTER au Canada. Je suis d'accord et j'estime que cette déclaration donne lieu à une conclusion que la Requérante n'a pas produit sa demande relative à la Marque de bonne foi.

[81]           Compte tenu de la connaissance qu'avait antérieurement la Requérante de la marque de commerce de l'Opposante et compte tenu de son aveu qu'il existe une probabilité de confusion entre sa marque de commerce et celle de l'Opposante, j'estime que la preuve obtenue lors du contre-interrogatoire de M. Witzel est suffisante pour permettre à l'Opposante de s'acquitter de son fardeau de preuve initial à l'égard de ce motif d'opposition.

[82]           Il incombe par conséquent à la Requérante d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle était convaincue de son droit lorsqu'elle a produit sa demande relative à la Marque et que ses intentions étaient de bonne foi lorsqu'elle l'a fait. La Requérante n'a produit aucun élément de preuve pour lui permettre de s'acquitter de ce fardeau de preuve.

[83]           Compte tenu de ce qui précède, ce motif d'opposition est accueilli.

Décision

[84]           Compte tenu de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

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Lisa Reynolds

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

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