Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Levi Strauss & Co. et Levi Strauss & Co. (Canada) Inc. à la demande n° 1,248,742 produite par 167081 Canada Inc. en vue de l’enregistrement du dessin-marque            

 

[1]               Le 23 février 2005, 167081 Canada Inc. (la « Requérante ») a produit une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce illustrée ci-dessous (la « Marque ») sur la base de l’emploi projeté au Canada.

 

DESIGN

 

[2]               L’enregistrement de la Marque a été demandé en liaison avec les marchandises suivantes :

 

articles vestimentaires, nommément jupes, pantalons, shorts, chemises, chemisiers, tee-shirts, débardeurs, pulls d’entraînement, pantalons de survêtement, survêtements, costumes, chandails, chasubles, salopettes, barboteuses, robes, pantalons sport, vestes, jeans, gilets, manteaux, chapeaux, casquettes, bandeaux, cache-oreilles; articles de lunetterie, nommément lunettes et lunettes de soleil, ainsi que sacs à main et bagages.

 

[3]               La demande a été publiée dans l’édition du 31 août 2005 du Journal des marques de commerce.

 

[4]               Levi Strauss & Co. (« LS&CO ») et Levi Strauss & Co. (Canada) Inc. (« LSC ») ont produit une déclaration d’opposition conjointe le 31 janvier 2006. Elles soutiennent que la Marque n’est pas enregistrable au sens de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi »), parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce enregistrées DOUBLE ARCUATE Design (dessin d’ARC DOUBLE) (n° d’enregistrement UCA39879) et ARCUATE Design (dessin d’ARC) (n° d’enregistrement TMA517,605) appartenant à LS&CO, que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant le paragraphe 16(3) de la Loi parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce susmentionnées qui étaient précédemment employées en liaison avec des vêtements et à l’égard desquelles LS&CO avait déjà produit des demandes d’enregistrement au Canada, et que la Marque n’est pas distinctive ni n’est adaptée à distinguer les marchandises de la Requérante.

 

[5]               Le 20 mars 2006, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie chacun des motifs d’opposition. La Requérante soutient également que LSC n’a pas qualité pour agir comme partie à l’opposition.

 

[6]               La preuve produite par LS&CO et LSC (ci-après appelées ensemble à l’occasion l’« Opposante ») se compose d’un affidavit d’Ellen Baker signé le 19 avril 2006 ainsi que des pièces A à O1 (l’« Affidavit de Baker »). Mme Baker est une spécialiste des marques de commerce à l’emploi de LSC, filiale à part entière de LS&CO. Elle n’a pas été contre‑interrogée par la Requérante.

 

[7]               La Requérante a choisi de ne pas produire de preuve.

 

[8]               Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit.

 

[9]               Les deux parties étaient représentées à l’audience, au cours de laquelle la mandataire de la Requérante a souligné que celle-ci ne s’opposait plus à la qualité de LSC pour agir comme partie à l’opposition.

 

[10]           Dès le départ, je souligne que l’Opposante se fonde apparemment sur les demandes qui ont donné lieu aux enregistrements nos UCA39879 et TMA517,605 pour invoquer le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)b) de la Loi. Étant donné que l’enregistrement sollicité par ces demandes avait été obtenu à la date de publication de la Marque, je suis d’avis que ce motif d’opposition a été mal plaidé [voir Governor and Co. of Adventurers of England trading into Hudson’s Bay c. Kmart Canada Ltd. (1997), 76 C.P.R. (3d) 526 (C.O.M.C.)]. En conséquence, je rejette le motif d’opposition tiré de l’absence de droit et fondé sur l’alinéa 16(3)b) de la Loi.

 

Fardeau de preuve

 

[11]           Le fardeau de persuasion incombe à la Requérante qui doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la demande est conforme aux exigences de la Loi. Cependant, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de présentation initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve recevables dont on puisse raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

La preuve de l’Opposante

 

[12]           Mme Baker, qui est au service de LSC depuis 1980, déclare qu’en 1989 elle a commencé à s’occuper de la coordination de l’enregistrement et de la mise en oeuvre des marques de commerce de LSC et de LS&CO au Canada. Depuis 1991, elle s’acquitte à temps plein de ses responsabilités liées aux marques de commerce.

 

[13]           En ce qui concerne la preuve de l’Opposante, j’estime que la mention de la marque de commerce Arcuate Design (dessin d’Arc) tout au long de l’affidavit de Baker renvoie aux deux marques de commerce enregistrées dessin d’ARC DOUBLE (n° UCA39879) et dessin d’ARC (n° TMA517,605). De plus, à mon avis, il est indéniable que le mot « overalls » (salopettes) était employé en 1950 comme mot désignant les pantalons qui, aujourd’hui, seraient appelés « jeans », soit des pantalons qui commencent à la taille, sans bavette ni bretelles [voir Levi Strauss & Co. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (2006), 51 C.P.R. (4th) 434 (C.F.)].

 

[14]           On peut résumer comme suit le contenu de l’affidavit de Baker et des pièces qui y sont jointes :

 

         Des copies des « détails » des enregistrements nos UCA39879 et TMA517,605 sont produites comme pièce A [paragraphe 3].

         LS&CO autorise par licence LSC à utiliser le dessin-marque d’Arc et, en vertu de cette même licence, LS&CO contrôle les caractéristiques ou la qualité des marchandises en liaison avec lesquelles LSC emploie cette marque de commerce [paragraphe 5].

         Presque tous les vêtements de type « salopettes » de marque LEVI (y compris les jeans) que LSC a vendus au Canada depuis que Mme Baker travaille pour la société ont été vendus en liaison avec le dessin-marque d’Arc [paragraphe 6, pièce C].

         Le dessin-marque d’Arc est illustré sur les étiquettes volantes et les étiquettes de poche apposées sur les vêtements de marque LEVI vendus au Canada par LSC [paragraphe 7, pièces D1 et D2].

         De 1972 à 2006, LSC a vendu au Canada plus de 160 millions de vêtements portant le dessin-marque d’Arc, ce qui représentait une valeur en gros de plus de 3 400 000 000 $ [paragraphe 8].

         Des copies de factures de vente représentatives sont produites comme pièce E [paragraphe 9].

         Les vêtements de LSC sont vendus un peu partout au Canada par l’entremise de différents magasins de détail, dont les magasins LEVI qui vendent principalement des produits de marque LEVI, les grands magasins et les marchands de masse, comme La Baie, Sears, Zellers et Fields, les magasins au détail à succursales, comme Pantorama, Saan Stores, Mark’s Work Wearhouse et Bootlegger, et les magasins de détail individuels [paragraphe 10].

         Depuis 1972, LSC a mené une campagne publicitaire intensive pour annoncer ses produits de marque LEVI dans les médias imprimés et électroniques ainsi que dans le cadre de différentes promotions; la marque de commerce dessin d’Arc figure fréquemment dans ces annonces. Depuis 1972, les dépenses de publicité ont atteint environ 200 000 000 $ au total [paragraphe 11].

         Les échantillons d’annonces représentatives joints à l’Affidavit de Baker comprennent des scérimages et des bandes vidéo d’annonces télévisées, des annonces sur panneaux d’affichage, des affiches extérieures et des annonces dans les abribus, de la publicité dans les revues, des catalogues distribués aux détaillants de vêtements de marque LEVI, des échantillons d’épreuves publicitaires sur papier couché et des annonces aux points de vente [paragraphes 12 à 17].

         LS&CO et LSC déploient des efforts constants pour informer leurs employés sur les règles à suivre quant à l’emploi des marques de commerce de LS&CO [paragraphe 18, pièce M].

         LS&CO et LSC ont informé les participants de l’industrie de leurs droits afférents aux marques de commerce au moyen de la publicité [paragraphe 19, pièces N1 et N2].

         Dans un texte intitulé LEVI’S: The “Shrink-to-fit” business that stretched to cover the world, publié en 1978, l’auteur a décrit la marque de commerce dessin d’Arc comme une marque [traduction] « qui est apparemment la plus ancienne marque de commerce encore en usage dans le domaine du vêtement » [paragraphe 20, pièce O1].

 

[15]           J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire pour confirmer que les enregistrements nos  UCA39879 et TMA517,605 sont en règle à la date d’aujourd’hui. Les détails des enregistrements sont les suivants :

 

         Le dessin-marque d’ARC DOUBLE, portant le numéro d’enregistrement UCA39879 et illustré et décrit ci-dessous, a été enregistré le 21 juillet 1950 en liaison avec [traduction] « des vêtements, nommément des salopettes », sur la base de la révélation et de l’emploi au Canada depuis 1873.

 

A DOUBLE ARCUATE DESIGN APPLIED... AS OVERALLS.

 

[traduction] Motif à arc double sur la poche-revolver de vêtements comme des salopettes.

 

         Le dessin-marque d’ARC, portant le numéro d’enregistrement TMA517,605 et illustré et décrit ci-après, a été enregistré le 5 octobre 1999 en liaison avec des [traduction] « pantalons, salopettes, combinaisons, shorts, jupes, blousons et chemises » sur la base de l’emploi au Canada depuis 1873.

 

ARCUATE DESIGN

 

[traduction] La marque de commerce se compose d’un motif de double piqûre décrivant deux arcs qui se rencontrent pour former une saillie conique.

 

Analyse des motifs d’opposition

 

[16]           La question de la confusion entre la Marque et les dessins-marques d’ARC DOUBLE et d’ARC est le facteur déterminant pour chacun des trois motifs d’opposition.

 

[17]           La date pertinente en ce qui a trait au motif d’opposition tiré de la non‑enregistrabilité est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]; la date pertinente en ce qui a trait au motif d’opposition tiré de l’absence de droit est la date de production de la demande en question, soit le 23 février 2005 [paragraphe 16(3) de la Loi], et la date pertinente quant à la question du caractère distinctif est la date de production de l’opposition, soit le 31 janvier 2006 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

[18]           Dans les circonstances de la présente affaire, la date prise en compte pour la détermination de la question de la confusion n’entraîne aucune conséquence particulière, ce que les mandataires des deux parties ont reconnu à l’audience. J’estime également que l’Opposante s’est déchargée du fardeau de preuve initial qui lui incombait en ce qui a trait aux trois motifs d’opposition. En conséquence, il appartient à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existe un risque raisonnable de confusion entre la Marque et les dessins-marques d’ARC DOUBLE et d’ARC. J’apprécierai le risque de confusion dans le contexte du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi. La décision relative au risque de confusion selon ce motif tranchera la question liée au motif d’opposition tiré de l’absence de droit et fondé sur l’alinéa 16(3)a) de la Loi ainsi que la question du caractère distinctif.

 

[19]           Sauf indication contraire, conformément à l’Affidavit de Baker, toute mention subséquente du dessin-marque d’ARC dans ma décision englobe les dessins-marques d’ARC DOUBLE (n° UCA39879) et d’ARC (n° TMA517,605).

 

[20]           Le test en matière de confusion en est un de première impression et de souvenir imparfait. Selon le paragraphe 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Au moment d’appliquer le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont précisées au paragraphe 6(5) de la Loi, soit a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces facteurs énumérés ne doivent pas nécessairement se voir attribuer le même poids [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772, (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.), et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al., [2006] 1 R.C.S. 824, (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.), pour une analyse approfondie des principes généraux applicables au test en matière de confusion].

 

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

 

[21]           Je suis d’avis que tant la Marque que le dessin-marque d’Arc sont foncièrement distinctifs, puisqu’ils n’ont nullement pour effet de décrire ou d’évoquer les marchandises qui y sont associées.

 

[22]           Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion ou l’usage. L’enregistrement de la Marque a été demandé sur la base de l’emploi projeté au Canada et la Requérante n’a présenté aucun élément de preuve établissant qu’elle avait commencé à employer la Marque après la production de ladite demande. Même si Mme Baker ne fait aucune distinction, dans son affidavit, entre les données sur les ventes et les données sur la publicité par type de vêtements, elle y établit des ventes et de la publicité sur une grande échelle en liaison avec le dessin-marque d’Arc. En conséquence, il est raisonnablement possible de conclure que le dessin-marque d’Arc est bien connu au Canada.

 

[23]           Eu égard à ce qui précède, dans l’ensemble, l’examen du caractère distinctif des marques de commerce et de la mesure dans laquelle elles sont devenues connues favorise indéniablement l’Opposante.

 

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

 

[24]           L’Opposante est nettement favorisée par ce facteur.

 

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

 

[25]           En ce qui a trait au genre de marchandises et à la nature du commerce, le risque de confusion au sens de l’alinéa 12(1)d) de la Loi est déterminé en fonction de l’état déclaratif des marchandises qui figure dans la demande et de celui qui apparaît dans les enregistrements [voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe, Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)].

 

[26]           L’Opposante soutient avec raison que les marchandises projetées de la Requérante, soit les « jupes », les « pantalons », les « shorts », les « chemises », les « salopettes », les « vestes » et les « jeans », sont identiques aux marchandises visées par les enregistrements nos UCA39879 et TMA517,605. Elle ajoute que la grande majorité des autres marchandises projetées de la Requérante sont des articles connexes appartenant à la catégorie générale des vêtements sport et d’autres articles qui sont portés ou qui seraient vendus par les mêmes voies commerciales. À l’audience, la mandataire de la Requérante a admis que les marchandises « articles vestimentaires, nommément jupes, pantalons, shorts, chemises, chemisiers, tee-shirts, débardeurs, pulls d’entraînement, pantalons de survêtement, survêtements, costumes, chandails, chasubles, salopettes, barboteuses, robes, pantalons sport, vestes, jeans, gilets, manteaux, chapeaux, casquettes, bandeaux, cache-oreilles » sont identiques aux marchandises visées par les enregistrements nos UCA39879 et TMA517,605 ou qu’il y a chevauchement entre ces marchandises. Dans la mesure où tel est le cas, la mandataire de la Requérante a également admis qu’il serait possible de conclure que les voies commerciales des parties sont identiques ou se chevauchent aux fins de l’examen de la confusion.

 

[27]           La mandataire de la Requérante a fait valoir que les marchandises projetées « articles de lunetterie, nommément lunettes et lunettes de soleil, ainsi que sacs à main et bagages » ne sont pas semblables aux marchandises visées par les enregistrements nos UCA39879 et TMA517,605. Elle a ajouté que l’Opposante n’avait pas réussi à démontrer un chevauchement entre ces marchandises. À l’audience, la mandataire de l’Opposante a admis qu’il n’y avait aucun élément de preuve montrant un lien entre les marchandises. Toutefois, elle a soutenu qu’il serait possible de reconnaître d’office que les fabricants de vêtements fabriquent également des articles de lunetterie, des sacs à main et des bagages. Je ne puis souscrire à cet argument. Pour arriver à cette conclusion, je me fonde sur des décisions antérieures où la Commission a refusé de reconnaître d’office un lien entre les activités commerciales des parties [voir Manhattan Industries, Inc. c. Wurttembergische (1988), 19 C.P.R. (3d) 226 (C.O.M.C.); St. Lawrence Textiles Inc. c. Leo Chevalier International Ltd. (1988), 20 C.P.R. (3d) 373 (C.O.M.C.)].

 

[28]           Faute d’éléments de preuve établissant un lien, je conviens avec la Requérante que les marchandises projetées « articles de lunetterie, nommément lunettes et lunettes de soleil, ainsi que sacs à main et bagages », sont différentes des marchandises visées par les enregistrements nos UCA39879 et TMA517,605. Étant donné qu’il serait normal de s’attendre à ce que des articles de lunetterie ou, du moins, des lunettes de soleil, des sacs à main et des bagages, soient vendus dans les grands magasins, l’Opposante a peut-être raison de dire que les marchandises pourraient être vendues par les mêmes voies commerciales. Cependant, aucun élément de preuve ne montre que les marchandises en question des parties seraient vendues tout près les unes des autres dans les grands magasins.

 

Alinéa 6(5)e) - le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

 

[29]           Le critère qu’il reste à examiner est le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou dans le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Dans la plupart des cas, il s’agit du facteur décisif et les autres facteurs jouent un rôle secondaire dans les circonstances de l’espèce [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, conf. 60 C.P.R. (2d) 70 (C.F. 1re inst.)].

 

[30]           Étant donné que les marques en litige sont des dessins-marques, je suis d’avis qu’il n’y a aucun degré de ressemblance entre elles dans le « son ».

 

[31]           Au cours de l’audience, j’ai fait remarquer à la mandataire de la Requérante que celle‑ci n’avait fourni aucune description de la Marque lorsqu’elle a produit la demande. La mandataire a répondu que je pouvais me fonder sur les descriptions figurant dans le Code de Vienne qu’utilise l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) pour obtenir une description de la Marque. Elle a ajouté que les descriptions du Code de Vienne utilisées pour répertorier les marques de commerce en cause permettent de conclure qu’il n’y a aucune ressemblance entre les marques des parties dans la présentation ou dans les idées qu’elles suggèrent. Comme je l’ai souligné à l’audience, je ne crois pas que les renseignements que l’OPIC utilise pour répertorier les marques de commerce soient pertinents en ce qui concerne le degré de ressemblance entre les marques. J’irais jusqu’à dire que, dans une situation où les descriptions du Code de Vienne ne seraient pas favorables à sa cause, la mandataire de la Requérante serait d’accord avec moi.

 

[32]           Au cours de l’audience, la mandataire de la Requérante a proposé différentes descriptions de la Marque. Aucune de ces descriptions ne se rapprochait de celles qui figurent dans les enregistrements de LS&CO, ce qui n’est pas surprenant. Même si la mandataire de la Requérante a finalement décidé d’utiliser la description [traduction] « motif évoquant un type de montagne russe », je n’accorde pas beaucoup d’importance à cette description, parce qu’elle était manifestement intéressée. En tout état de cause, il appartient en dernier ressort au registraire d’apprécier le degré de ressemblance entre les marques dans le cadre de l’examen du risque de confusion sous l’angle de la première impression et du souvenir imparfait. J’ajouterais que, même si les deux parties se sont fondées sur différentes décisions pour étayer leurs positions respectives au sujet du degré de ressemblance entre les marques de commerce, y compris des décisions concernant le dessin‑marque d’Arc, la question de la confusion entre les marques de commerce des parties est une question de probabilités et de circonstances fondées sur les faits particuliers de la présente affaire. En d’autres termes, chaque affaire doit être tranchée en fonction des faits qui lui sont propres.

 

[33]           En ce qui a trait au degré de ressemblance dans la présentation, l’Opposante soutient qu’à l’instar du dessin-marque d’Arc, la Marque se compose de deux arcs qui se rencontrent au centre, que, indépendamment de l’emploi des lignes doubles ou de la ligne plus épaisse, cette même impression dominante est donnée et que, de la même façon, une légère asymétrie n’atténue pas cette impression dominante. Eu égard aux différentes descriptions qu’elle a données de la Marque, la mandataire de la Requérante a fait valoir que celle-ci ne ressemble pas à deux arcs qui se rencontrent au centre et que les éléments visuels de la Marque ne sont pas semblables à ceux du dessin-marque d’Arc.

 

[34]           Quant aux idées que les marques de commerce suggèrent, l’Opposante fait valoir qu’elle a démontré que le dessin-marque d’ARC DOUBLE est utilisé comme motif de surpiqûre sur les poches des vêtements et que la Marque évoque d’une façon semblable un motif de surpiqûre. L’Opposante ajoute que la présence d’une ligne plus mince du côté gauche de la Marque accentue l’impression créée par un fil. Elle ajoute que le consommateur considérerait la Marque comme un dessin d’arc double, indépendamment du type de « piqûre » utilisé. La mandataire de la Requérante a répondu qu’il n’y avait aucune similitude entre les idées suggérées, parce que la Marque ne suggère aucune idée.

 

[35]           Lorsque je m’interroge sur le degré de ressemblance entre les marques de commerce à la lumière d’une première impression et non d’un examen rigoureux, il m’apparaît qu’il existe des éléments de similitude, soit deux arcs qui se rencontrent au centre, ainsi que des éléments différents, soit les éléments visuels qui forment les deux arcs.

 

[36]           À l’appui de son argument au sujet de la ressemblance entre les marques de commerce, l’Opposante fait également valoir qu’étant donné que la demande n’impose aucune restriction à la Requérante lors de l’emploi de la Marque, celle-ci pouvait être apposée sur les poches de façon semblable au dessin-marque d’ARC DOUBLE. Il ne me paraît pas nécessaire d’examiner cet argument pour arriver à une conclusion favorable à l’Opposante en ce qui concerne les marchandises de la Requérante qui appartiennent à la catégorie générale des vêtements sport. Effectivement, vu les conclusions que j’ai tirées ci-dessus et après avoir soupesé tous les facteurs et leur importance relative, je suis d’avis que la Requérante ne s’est pas déchargée du fardeau qu’elle avait de démontrer selon la prépondérance des probabilités que la Marque employée en liaison avec des « articles vestimentaires, nommément jupes, pantalons, shorts, chemises, chemisiers, tee-shirts, débardeurs, pulls d’entraînement, pantalons de survêtement, survêtements, costumes, chandails, chasubles, salopettes, barboteuses, robes, pantalons sport, vestes, jeans, gilets, manteaux, chapeaux, casquettes, bandeaux, cache-oreilles » ne crée pas de confusion avec les dessins-marques enregistrés d’ARC DOUBLE et d’ARC.

 

[37]           Cependant, étant donné qu’à mon avis les marques de commerce sont aussi semblables qu’elles sont différentes l’une de l’autre, je conclus que le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)c) de la Loi fait pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante dans le cas des marchandises  « articles de lunetterie, nommément lunettes et lunettes de soleil, ainsi que sacs à main et bagages ». En conséquence, j’estime que la Requérante s’est déchargée du fardeau qu’elle avait de démontrer selon la prépondérance des probabilités que l’emploi de la Marque en liaison avec les marchandises susmentionnées ne crée pas de confusion avec les dessins‑marques enregistrés d’ARC DOUBLE et d’ARC. Vu la preuve au dossier et la nature même des marchandises susmentionnées de la Requérante, j’estime que l’argument de l’Opposante au sujet de l’absence de restrictions imposées à la Requérante lors de l’emploi de la Marque va un peu trop loin. Il suffit de dire que, dans le dictionnaire The Canadian Oxford Dictionary, le mot « pocket » (poche) est défini comme [traduction] « un petit sac qui est cousu sur la face apparente ou à l’intérieur d’un vêtement et où il est possible de mettre de petits objets » (je souligne).

 

[38]           Eu égard à ce qui précède, je suis d’avis que le motif d’opposition prévu à l’alinéa 12(1)d) de la Loi est bien fondé dans le cas des marchandises « articles vestimentaires, nommément jupes, pantalons, shorts, chemises, chemisiers, tee-shirts, débardeurs, pulls d’entraînement, pantalons de survêtement, survêtements, costumes, chandails, chasubles, salopettes, barboteuses, robes, pantalons sport, vestes, jeans, gilets, manteaux, chapeaux, casquettes, bandeaux, cache-oreilles ».

 

[39]           Comme je l’ai déjà souligné, j’estime que la réponse à la question de la confusion en ce qui a trait au motif tiré de l’enregistrabilité tranche la question de la confusion relative aux deux autres motifs d’opposition. En conséquence, j’arrive à la conclusion que les motifs d’opposition tirés de l’absence de droit et de l’absence de caractère distinctif sont bien fondés en ce qui a trait aux marchandises « articles vestimentaires, nommément jupes, pantalons, shorts, chemises, chemisiers, tee-shirts, débardeurs, pulls d’entraînement, pantalons de survêtement, survêtements, costumes, chandails, chasubles, salopettes, barboteuses, robes, pantalons sport, vestes, jeans, gilets, manteaux, chapeaux, casquettes, bandeaux, cache-oreilles ».

 

Décision

 

[40]           Eu égard à ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui me sont délégués au paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande dans le cas des marchandises « articles vestimentaires, nommément jupes, pantalons, shorts, chemises, chemisiers, tee-shirts, débardeurs, pulls d’entraînement, pantalons de survêtement, survêtements, costumes, chandails, chasubles, salopettes, barboteuses, robes, pantalons sport, vestes, jeans, gilets, manteaux, chapeaux, casquettes, bandeaux, cache-oreilles » et je rejette l’opposition dans le cas des marchandises « articles de lunetterie, nommément lunettes et lunettes de soleil, ainsi que sacs à main et bagages » conformément au paragraphe 38(8) de la Loi [voir Produits Menager Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 C.P.R. (3d) 492 (C.F. 1re inst.)] comme fondement d’une décision partagée.

 

FAIT À MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 6e jour de MAI 2009.

 

 

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, L.LL.

 

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