Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 129

Date de la décision : 2012-07-17

TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Hershey Canada Inc. à l’encontre de la demande no 1410631 pour la marque de commerce OH FUDGE au nom de Chantelle Gorham 

 

[1]               Le 15 septembre 2008, Chantelle Gorham (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce OH FUDGE (la Marque). La demande était, à ce stade, fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis le 20 mai 2001 en liaison avec les marchandises et les services suivants : nougatine dure, bonbons et fudge; vente et fabrication de nougatine croquante, de bonbons et de fudge.

[2]               La demande a été publiée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 15 juillet 2009. Le 15 décembre 2009, Hershey Canada Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande. L’Opposante a invoqué des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 38(2)a), b), c) et d) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration.

[3]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit deux affidavits de Barbara Gallagher et l’affidavit de Martha Cecil-Few. À l’appui de sa demande, la Requérante a produit son propre affidavit. À titre de contre‑preuve, l’Opposante a produit l’affidavit de Susan Burkhardt. Aucun contre‑interrogatoire n’a eu lieu.

[4]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit. Je note que le plaidoyer écrit de la Requérante comprend, de façon irrégulière, des allégations de fait qui ne figurent pas dans aucun élément de preuve. Je ne tiendrai pas compte de ces parties du plaidoyer écrit.

[5]               Seule l’Opposante a pris part à l’audience.

Le fardeau de preuve

[6]               Il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter d’un fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), à la page 298].

Le motif d’opposition fondé sur les alinéas 38(2)a) et 30b)

[7]               L’Opposante a fait valoir que la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30b) de la Loi pour deux raisons : (i) la Requérante n’a pas employé la marque alléguée depuis la date revendiquée dans la demande, ou pas du tout, en liaison avec des marchandises ou des services, et (ii) la Requérante n’a pas employé la marque alléguée comme marque de commerce.

[8]               L’opposant a un fardeau de preuve plus léger pour ce qui concerne la non‑conformité à l’alinéa 30b) de la Loi, puisque c’est le requérant qui connaît le mieux les faits [Tune Masters c Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC, à la page 89] et que l’opposant peut s’acquitter de son fardeau de preuve en se servant de la preuve du requérant lui‑même [Labatt Brewing Co c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst.), à la page 230].

[9]               L’affidavit de Mme Gorham ne contient que trois paragraphes, que je reproduis ci‑dessous :

                           [traduction]

1.      Je suis l’unique propriétaire de Northwest Fudge Factory et j’ai donc connaissance des faits exposés dans les présentes en raison des connaissances personnelles ou selon les registres de Northwest Fudge Factory.

2.      Northwest Fudge Factory emploie ladite marque de commerce comme le montre la plaque d’immatriculation « OH FUDGE » du véhicule d’entreprise, depuis décembre 2001. Voir pièce A-1. Certificat d’immatriculation du véhicule indiquant le nom de la Requérante et le numéro d’immatriculation « OHFUDGE » de l’Ontario appliqué comme « OH FUDGE » sur la plaque d’immatriculation.

3.      Northwest Fudge Factory emploie ladite marque de commerce, comme le montre le numéro de téléphone de l’entreprise, soit le 1-866 OH FUDGE. La forme numérique est 1-866-643-8343, comme le montre la facture de téléphone (pièce A-2) en date du 1er janvier 2009.

[10]           Il faut souligner que Mme Gorham n’a pas mentionné dans son affidavit la date de premier emploi revendiquée dans la demande, soit le 20 mai 2001. Elle soutient avoir employé la Marque de deux façons, par l’affichage des mots OH FUDGE sur une plaque d’immatriculation et par la possession d’un numéro de téléphone. Elle n’a pas toutefois déclaré qu’il y a eu un tel « emploi » en date du 20 mai 2001 [la pièce A-1 est datée du 08/02/19], ni n’a expliqué comment un tel « emploi » constituerait l’emploi de la Marque en liaison avec les marchandises ou les services, suivant l’article 4 de la Loi.

[11]           Je ne vois pas comment les faits énoncés dans l’affidavit de Mme Gorham constitueraient l’emploi de la Marque en liaison avec des marchandises, conformément à l’article 4 de la Loi. Je note également que Mme Gallagher a fourni une copie du dossier du Bureau des marques de commerce dressé pour la présente demande, qui révèle qu’à la date de sa production, soit le 15 septembre 2008, la demande revendiquait l’emploi projeté de la Marque en liaison avec les marchandises ainsi que l’emploi de la Marque depuis le 20 mais 2001. De plus, la contre‑déclaration de la Requérante comprend l’affirmation suivante : [traduction] « La demande de la Requérante est fondée sur l’enregistrement de la marque OH FUDGE pour un emploi ultérieur en liaison avec son nom commercial déposé «NORTHWEST FUDGE FACTORY ».

[12]           Même si je devais admettre que la présence de la Marque sur une plaque d’immatriculation pouvait constituer l’emploi de la Marque en liaison avec les services visés par la demande, certains éléments de preuve présentés par Mme Burkhardt indiquent que la Requérante n’a pas utilisé la plaque d’immatriculation sur laquelle apparaît le nom OH FUDGE à la date revendiquée, soit le 20 mai 2001. Mme Burkhardt a effectué une recherche concernant l’historique du nom OHFUDGE lié à la plaque d’immatriculation sur le site Web de Service Ontario. L’historique de la plaque d’immatriculation a indiqué ce qui suit : la plaque sur laquelle apparaît le nom OHFUDGE a été immatriculée la première fois au 1er décembre 2003, au nom de Christopher Paul Cochrane, mais n’a pas été fixée à aucun véhicule; la première référence à une plaque d’immatriculation contenant le nom OHFUDGE qui avait été fixée sur un véhicule datait du 21 janvier 2004, et le propriétaire du véhicule était Vernell Gorham; le 15 février 2008, la plaque contenant appellation OHFUDGE a été enregistrée au nom de Chantelle Gorham et le 19 février 2008,  elle a été fixée à une camionnette Dodge 2007 blanche. En outre, je note que la Requérante a admis dans son plaidoyer écrit que Mme Gorham a commis une erreur lorsqu’elle a déclaré que la plaque d’immatriculation a été achetée en 2001.

[13]           Je passe maintenant à la preuve relative à l’utilisation d’un numéro de téléphone qui peut être interprété de manière à comprendre le nom OH FUDGE. Mme Gorham n’a présenté aucun élément de preuve indiquant que le numéro 1-866-OH FUDGE a déjà été consigné sous cette forme; la facture de Bell en date du 1er janvier 2009 qui a été fournie fait état du numéro 1‑866‑643‑8343 et non 1-866-OH FUDGE. L’emploi verbal d’une marque de commerce ne répond pas aux exigences de l’article 4, que ce soit pour des marchandises ou pour des services [Ronald S Ade c Cavern City Tours Ltd, 2012 COMC 70]. Mme Gallagher a démontré que le numéro 1-866-OH-FUDGE a été affiché sur le site Web de la Requérante en 2010. Or, elle a également révélé que le site Web n’a été enregistré qu’en 2002 et que la première mention du numéro de téléphone 1-866-OH-FUDGE a été affichée sur le site Web en 2004. Il n’existe donc aucune preuve d’emploi du numéro 1-866-OH-FUDGE inscrit en chiffres et lettres à la date de premier emploi revendiquée. De plus, il s’agit de savoir si l’affichage du numéro 1-866-OH-FUDGE constituerait emploi du nom OH FUDGE simplement, lorsque les mots OH-FUDGE sont imprimés en caractères de même taille et police comme la séquence 1-866- [voir Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)].

[14]           Compte tenu de la preuve dans son ensemble, je conclus que l’Opposante a soulevé un doute suffisant concernant la véracité de la date de premier emploi revendiquée par la Requérante pour s’acquitter de son léger fardeau de preuve. La Requérante n’a produit aucun élément de  preuve pour satisfaire à son fardeau de preuve. Par conséquent,le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) est accueilli.

Le motif d’opposition fondé sur les alinéas 38(2)b) et 12(1)d)

[15]           L’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec une ou plusieurs des marques suivantes qu’elle a enregistrées principalement pour bonbons et services de publicité connexes :

1.                  OH HENRY! – enregistrement noLMCD038673

2.                  OH HUNGRY? OH HENRY! – enregistrement no LMC483528

3.                  OH! J’AI FAIM – enregistrement no LMC483664

4.                  OH HUNGRY? – enregistrement no LMC501487

5.                  OH! J’AI FAIM – enregistrement no LMC447453

6.                   OH! J’AI FAIM & Dessin – enregistrement no LMC447827

7.                  OH HUNGRY? & Dessin – enregistrement no LMC466130

8.                  OH! Dessin – enregistrement no LMC479669.

[16]           La date pertinente pour l’évaluation du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)]. Étant donné que chacun des enregistrements susmentionnés est en vigueur, l’Opposante s’est acquittée du fardeau initial que lui impose l’alinéa 12(1)d).

[17]           Mon analyse se concentrera sur la probabilité de confusion entre la marque OH FUDGE et la marque OH HENRY!, vu que cette dernière est la plus ancienne des marques à partir desquelles les autres marques OH de l’Opposante semblent avoir évolué.

[18]           Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait.

[19]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment celles qui sont expressément mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à ces facteurs n’est pas forcément le même. [Voir, en général, Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC), Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC), et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC).]

[20]           La marque OH HENRY! possède un caractère distinctif inhérent, étant donné qu’il n’y a rien à son sujet qui suggère des bonbons. La Marque possède un caractère distinctif inhérent plus faible puisqu’elle comprend le nom de l’une des marchandises de la Requérante.

[21]           Il est possible d’accroître le caractère distinctif d’une marque par l’usage et la promotion. Rien dans la preuve ne démontre la mesure dans laquelle la Marque est devenue connue. Par contre, il a été démontré que l’Opposante a dépensé des millions of dollars pour la publicité de sa ligne de produits de marque OH HENRY! et que la vente de ces produits au Canada s’élève à des centaines de millions de dollars.

[22]           L’enregistrement no LMCD038673 est daté du 10 octobre 1925. Il ressort clairement de la preuve que la marque OH HENRY! était employée longtemps avant la date de premier emploi revendiquée par la Requérante.

[23]           Les deux parties vendent des bonbons en liaison avec leurs marchandises et il n’y a aucune raison de croire que leurs voies de commercialisation ne seraient identiques ou semblables.

[24]           Il est évident qu’il existe des différences entre OH HENRY! et OH FUDGE. Toutefois, c’est le premier élément d’une marque qui est souvent considéré comme le plus important pour établir une distinction, et les deux marques débutent par OH. De plus, il faut souligner que rien n’indique que des tiers emploient dans l’industrie des produits de la confiserie des marques dont le nom commence par OH. La preuve démontre plutôt que l’Opposante a adopté, employé et enregistré en liaison avec bonbons plusieurs marques dont le nom commence par OH. 

[25]           Je note qu’au paragraphe 3, Mme Cecil-Few, la vice‑présidente de l’Opposante, dit ce qui suit :

[traduction] La composition originale des friandises de marque OH HENRY!, composition qui continue d’être vendue, consiste en une combinaison d’arachides, de caramel et de fudge enrobée de chocolat. Cette composition a été largement vendue partout au Canada. La friandise OH HENRY! a été également fabriquée à partir d’autres compositions, entre autres, d’une composition de chocolat blanc, une composition d’arachides, de caramel et de beurre d’arachide, et une composition pour les friandises OH HENRY! Chocolate Fudge (fudge au chocolat OH HENRY!) Pour un exemple d’emballage du fudge au chocolat OH HENRY!, veuillez voir les pièces A-3 et A-4 ci‑jointes.

[26]           L’emballage aux pièces A-3 et A-4 affiche bien en vue les mots CHOCOLATE FUDGE (fudge au chocolat) immédiatement sous les mots OH HENRY! Le fait que le fudge est le principal ingrédient des marchandises de l’Opposante renforce la position selon laquelle la présence du mot descriptif « fudge » dans le nom de la Marque ne constitue pas une base solide permettant de distinguer les produits des parties.

[27]           Je note que, dans son plaidoyer écrit, la Requérante déclare croire que [traduction] « ladite marque [OH FUDGE] renvoie à une expression courante en anglais qui se rapporte à un terme argotique ». Toutefois, rien n’indique l’existence d’un tel terme argotique. De plus, j’ai exercé le pouvoir discrétionnaire conféré au registraire et vérifié l’existence de ce terme dans le Canadian Oxford Dictionary, mais je n’ai trouvé aucune entrée à cet égard. Par conséquent, je ne suis pas d’avis que l’idée suggérée par la Marque est différente de celle suggérée par une combinaison des mots « oh » et « fudge » dans leur sens ordinaire.

[28]           La présence dans sa deuxième partie d’un mot descriptif signifie que le caractère distinctif de la Marque est attribuable en grande partie à son premier élément constitutif, ce qui est évidemment l’élément commun qu’elle partage avec la marque de l’Opposante. 

[29]           À titre de circonstance additionnelle de l’espèce, je note que la pièce G-1 jointe à l’affidavit de Mme Cecil-Few montre l’emploi par l’Opposante de sa marque OH & Dessin en liaison avec ses produits de confiserie séparément de sa marque OH HENRY! (voir également les pièces A-12 et A-17 jointes à l’affidavit de Mme Cecil-Few ainsi que les pièces I-3 et I-4 jointes au deuxième affidavit de Mme Gallagher au sujet de l’emploi par l’Opposante d’autres marques figuratives OH).

[30]           Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve en ce qui concerne la probabilité de confusion. J’estime qu’il existe une probabilité raisonnable de confusion entre les marques en raison de la solide réputation que l’Opposante a acquise en liaison avec la marque OH HENRY! et une série d’autres marques comportant le préfixe OH dans l’industrie des produits de la confiserie. La Requérante demande l’enregistrement d’une marque dont le nom commence par OH, en liaison avec des produits de confiserie et services connexes. Si l’on craint que l’enregistrement d’une marque de commerce puisse créer la confusion entre elle et une marque plus ancienne, cette dernière doit tirer le bénéfice de ce doute.

[31]           Pour les raisons qui précèdent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est accueilli à l’égard de l’enregistrement nLMCD038673.

Les autres motifs d’opposition

[32]           Comme j’ai déjà accueilli deux motifs d’opposition, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur les autres motifs. Je note toutefois que les autres motifs d’opposition portent tous sur la question de la confusion entre les marques des parties et que la position de la Requérante n’est pas plus forte en ce qui a trait à ces motifs qu’elle ne l’était à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d).

Conclusion

[33]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 

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