Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 65

Date de la décision : 2011-04-18

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Tradall S.A. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1036153 pour la marque de commerce THE DEVIL’S MARTINI au nom de The Devil’s Martini Inc.

 

[1]               Le 16 novembre 1999, The Devil’s Martini Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce THE DEVIL’S MARTINI (la Marque) fondée sur un emploi projeté de la Marque au Canada. L’état déclaratif des marchandises actuel se lit ainsi :

Boissons, nommément préparations pour cocktail sans alcool, boissons gazéifiées, jus de fruits et jus de légumes;

Boissons alcoolisées, nommément cocktail à base de vodka, de rhum, de whisky, de gin, de liqueur, de brandy, de vermouth, de vin; vodka, rhum, whisky et gin.

[2]               La Requérante a renoncé au droit à l’usage exclusif du mot MARTINI en dehors de la Marque.

[3]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 22 août 2001.

[4]               Le 26 mars 2002, Tradall S.A. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

[5]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit les affidavits de MaryAnne Lefebvre et Anthony Amato. La Requérante a obtenu des ordonnances l’autorisant à contre‑interroger les auteurs de ces affidavits, mais n’a procédé à aucun contre‑interrogatoire.

[6]               La Requérante a choisi de ne produire aucune preuve à l’appui de sa demande.

[7]               Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. Une audience à laquelle les deux parties ont participé a été tenue.

Résumé des motifs d’opposition et dates pertinentes applicables

[8]               L’Opposante a invoqué les motifs d’opposition suivants en vertu de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) :

1.            contrairement à l’alinéa 30e), la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque au Canada, elle-même ou par l’entremise d’un licencié, ou elle-même et par l’entremise d’un licencié, en liaison avec l’ensemble des marchandises mentionnées dans la demande à la date de la demande;

 

2.            contrairement à l’alinéa 30i), la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait droit d’employer la Marque en liaison avec les marchandises décrites dans la demande pour les motifs énoncés ci‑dessous;

3.            contrairement à l’alinéa 12(1)d), la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec 16 marques de commerce déposées de l’Opposante, dont chacune comprend le mot MARTINI;

4.            contrairement à l’alinéa 16(3)a), la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques déposées de l’Opposante, qui avaient été antérieurement employées au Canada en liaison avec les marchandises mentionnées dans les enregistrements;

5.            contrairement à l’article 2, la Marque n’est pas distinctive de la Requérante pour les motifs énoncés ci‑dessous.

[9]               Les dates pertinentes en ce qui concerne les motifs d’opposition sont les suivantes :

- art. 30 - la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la page 475];

 

- al. 12(1)d) – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Registraire des marques de commerce, (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

 

- par. 16(3) – la date de production de la demande;

 

-    art. 2 - la date de production de l’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc., (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Fardeau de preuve

[10]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée, (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].

Preuve de l’Opposante

Affidavit Lefebvre

[11]           Mme Lefebvre, qui est assistante juridique, fournit simplement des copies de 15 enregistrements appartenant à l’Opposante pour différentes marques MARTINI, à savoir :

1.                  MARTINI FIERO enregistrée en liaison avec des boissons alcoolisées comprenant des vins mélangés à du jus d’orange ou à des extraits d’orange (LMC512391);

2.                  MARTINI & Dessin de l’étiquette enregistrée en liaison avec des boissons alcoolisées, nommément, vermouth, apéritifs alcoolisés, vins et eaux-de-vie (LMC502486);

3.                  MARTINI & ROSSI ASTI SPUMANTE & Dessin enregistrée en liaison avec des vins mousseux (LMC436346);

4.                  MARTINI SPORTLINE & Dessin en forme de ceinture enregistrée en liaison avec des vêtements et des souliers (LMC399681);

5.                  MARTINI & Dessin de balle enregistrée en liaison avec des amandes et d’autres collations (LMC311312);

6.                  MARTINI enregistrée en liaison avec des vêtements (LMC284026);

7.                  Dessin MARTINI (étiquette de devant) enregistré en liaison avec du vermouth, des vins mousseux et tranquilles et des apéritifs préparés (LMC664889);

8.                  MARTINI & Dessin de balle enregistrée en liaison avec des vins, du vermouth, des boissons alcoolisées et des eaux-de-vie (LMC194734);

9.                  MARTINI & ROSSI enregistrée en liaison avec des boissons alcoolisées, nommément vermouth et vins mousseux (LMC140457);

10.              MARTINI ELIXIR DI CHINA & Dessin enregistrée en liaison avec des boissons alcoolisées contenant de la quinine (LMC125763;)

11.              MARTINI & Dessin de l’étiquette (#2) enregistrée en liaison avec du vermouth (LMC105899);

12.              MARTINI & Dessin de balle (vert) enregistrée en liaison avec des boissons alcoolisées et non alcoolisées et sirops pour ces dernières (LCD050801);

13.              MARTINI & Dessin de balle (rouge) enregistrée en liaison avec des boissons alcoolisées et non alcoolisées et sirops pour ces dernières (LCD050803);

14.              MARTINI & Dessin de l’étiquette verte enregistrée en liaison avec du vermouth (LCD000214);

15.              MARTINI enregistrée en liaison avec des apéritifs, du vermouth, des boissons alcoolisées, des vins mousseux et des vins (LMCDF057478).

Affidavit Amato

[12]           Dans son affidavit du 18 décembre 2006, M. Amato atteste qu’il est le chef de marque pour les produits MARTINI de Bacardi Canada Inc.

[13]           M. Amato définit les 16 marques déposées énumérées dans la déclaration d’opposition comme les marques de commerce MARTINI; je signale que ces 16 marques comprennent les 15 marques mises en preuve par Mme Lefebvre, plus la marque MARTINI & ROSSI & Dessin enregistrée sous le no LMC207908, qui a été radiée le 28 février 2006. M. Amato affirme que les marques de commerce MARTINI sont employées au Canada par l’Opposante et/ou ses prédécesseurs, licenciés et distributeurs, y compris Bacardi Canada Inc., en liaison avec les marchandises énumérées dans leurs enregistrements (que M. Amato appelle les [traduction] « produits MARTINI ») depuis des décennies.

[14]           Le paragraphe 7 de l’affidavit de M. Amato dit ceci :

[traduction] Les produits MARTINI qui consistent en des boissons alcoolisées sont mis dans des bouteilles en verre de différentes dimensions. Ces produits portent les marques de commerce MARTINI et sont distribués par [Bacardi Canada Inc.] dans environ 2000 points de vente au détail partout au Canada, dont environ 600 sont situés en Ontario seulement. Les réseaux de vente au détail dans tout le Canada passent généralement par les sociétés des alcools provinciales.

[15]           Au paragraphe 8, M. Amato fournit un total approximatif des ventes canadiennes réalisées au cours de chacune des années financières 1989 à 2006, exprimées sous forme de caisses de 9 L (plus de 200 000 caisses de 9 L par année depuis l’an 2000). Au paragraphe 10, M. Amato déclare qu’environ 900 000 $ ont été dépensés annuellement pour appuyer les produits MARTINI par [traduction] « différentes dépenses de marketing, de publicité et de promotion ayant trait, notamment, à la créatique, à l’emballage et aux médias », mais ne dit pas expressément que ces dépenses se rapportent exclusivement au Canada.

[16]           M. Amato a fourni des échantillons d’étiquettes de bouteilles représentatifs de celles utilisées au Canada depuis au moins aussi tôt que 1995 (pièce A). Ces échantillons établissent l’emploi des marques MARTINI, MARTINI & Dessin de balle et MARTINI & ROSSI en liaison avec du vermouth et du vin mousseux.

[17]           M. Amato a fourni des échantillons d’emballages et de publicités représentatifs de ceux utilisés pour promouvoir les produits MARTINI en liaison avec les marques de commerce MARTINI depuis au moins aussi tôt que 1995 (pièce B). Je signale que ces échantillons ne concernent que le vin mousseux et ne montrent que les marques de commerce MARTINI, MARTINI & ROSSI et MARTINI & Dessin de balle.

[18]           M. Amato affirme que d’autres produits portant les marques de commerce MARTINI (les produits de marchandisage MARTINI) sont distribués partout au Canada dans le cadre de promotions auprès du consommateur et par l’entremise des représentants commerciaux de son entreprise. La pièce C donne des exemples de produits de marchandisage MARTINI, à savoir des autocollants, parasols de jardin, porte‑clés, montres, affiches, miroirs, enseignes, tableaux, agitateurs, mélangeurs, cendriers, plateaux, cartes‑chevalets, porte‑menus, supports pour serviettes, seaux à glace, bols et verres qui arborent les marques MARTINI ou MARTINI & Dessin de balle.

[19]           L’entreprise de M. Amato emploie 65 représentants dont les responsabilités consistent notamment à composer des étalages avec les produits MARTINI et les produits de marchandisage MARTINI pour accroître la visibilité des marques de commerce MARTINI partout au Canada.

[20]           M. Amato nous dit que l’Asti MARTINI & ROSSI est l’Asti le plus vendu dans le monde et le vin mousseux importé no 1 au Canada, et que le vermouth de marque MARTINI est le vermouth qui se vend le mieux au Canada et dans le monde (paragraphe 13).

[21]           Je signale que l’affidavit de M. Amato n’établit l’emploi que de trois des marques MARTINI invoquées par l’Opposante, à savoir: MARTINI & Dessin de balle pour le vermouth, MARTINI & ROSSI pour le vin mousseux et MARTINI pour le vermouth et le vin mousseux (soit les marques déposées mentionnées aux nos 8, 9 et 15 de mon résumé de l’affidavit Lefebvre). La marque MARTINI & Dessin de balle est illustrée ci‑dessous :

MARTINI & DESIGN

[22]           Je signale également que, même si M. Amato dit fournir les chiffres de ventes relatifs aux produits MARTINI, étant donné que ces ventes sont exprimées en litres, il est tout à fait raisonnable de considérer qu’elles se rapportent uniquement aux boissons de l’Opposante.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30e)

[23]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30e) est rejeté parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de celui-ci. Contrairement aux prétentions de l’Opposante, la Requérante n’a pas à prouver son intention d’employer la Marque en l’absence de preuve indiquant que la Requérante n’avait pas l’intention nécessaire.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

[24]           Lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée par l’alinéa 30i), le motif fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve de mauvaise foi de la part du requérant [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co., (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la page 155]. La Requérante a fourni la déclaration nécessaire et il ne s’agit pas d’un cas exceptionnel; le motif fondé sur l’alinéa 30i) est donc rejeté.

Motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 12(1)d)

[25]           J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire de consulter le registre pour confirmer l’existence des enregistrements invoqués par l’Opposante au titre de l’alinéa 12(1)d) [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c. Menu Foods Ltd., (1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)]. Des 16 enregistrements invoqués, 10 seulement sont toujours en vigueur. Les enregistrements suivants ont été radiés ou annulés : LMC436346, LMC399681, LMC140457, LMC125763, LCD000214 et LMC207908. L’Opposante ne s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial au titre de l’alinéa 12(1)d) qu’à l’égard des marques déposées mentionnées ci‑dessus aux nos 1, 2, 5, 6, 7, 8, 11, 12, 13 et 15 de mon résumé de l’affidavit Lefebvre.

[26]           Parmi les 10 enregistrements toujours en vigueur, l’enregistrement no LMCDF057478 pour la marque MARTINI constitue la position la plus solide de l’Opposante, tant parce que cet enregistrement porte sur la marque MARTINI simpliciter que parce qu’il existe des éléments de preuve concernant l’emploi de cette marque en liaison avec au moins quelques‑unes des marchandises visées par son enregistrement. J’axerai donc mon examen de la probabilité de confusion sur cette marque déposée – si la confusion est peu probable entre cette marque de l’Opposante et la Marque de la Requérante, alors il risque peu d’y en avoir entre la Marque de la Requérante et l’une ou l’autre des autres marques déposées de l’Opposante.

[27]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[28]           En appliquant le test en matière de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’attribuer un poids équivalent à chacun de ces facteurs. [Voir, généralement, l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.).]

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[29]           Une marque de commerce n’a aucun caractère distinctif inhérent si elle évoque une caractéristique des marchandises qui y sont liées. Je pense pouvoir admettre d’office que le consommateur canadien moyen de boissons alcoolisées d’aujourd’hui saurait qu’il existe un type de cocktail appelé « martini ». Quoi qu’il en soit, je peux prendre connaissance d’office des définitions du dictionnaire du mot « martini » [voir Envirodrive Inc. c. 836442 Canada Inc., 2005 ABQB 446.; Aladdin Industries, Inc. c. Canadian Thermos Products Ltd., (1969), 57 C.P.R. 230 (C. de l’Éch.), confirmé (1974), 6 C.P.R. (2d) 1 (C.S.C.)]. Dans le Canadian Oxford Dictionary, le mot « martini » est défini comme [traduction] « un cocktail fait de vermouth sec et généralement de gin » et dans le Webster’s Third New International Dictionary, comme [traduction] « un cocktail constitué généralement d’au moins deux mesures de gin et d’une mesure de vermouth sec que l’on agite avec de la glace et que l’on garnit d’une olive, d’un oignon perle ou d’une tranche d’écorce de citron ». J’admets donc que « martini » est le nom générique d’un certain type de boisson contenant de l’alcool mélangé.

[30]           Aucune des marchandises énumérées dans les enregistrements de l’Opposante n’est visée par la définition du nom « martini », tandis que certaines des marchandises énumérées dans la demande de la Requérante le sont (comme les cocktails à base de gin). Il n’en reste pas moins que « martini » est un mot du dictionnaire qui a une signification par rapport à la catégorie générale de marchandises dont les deux parties font le commerce (boissons alcoolisées) et que le nom « martini » n’est pas un formant ayant un caractère distinctif inhérent pour une marque de commerce employée dans le domaine des boissons alcoolisées. Les mots « the devil’s », par contre, ont un caractère distinctif inhérent, car ils n’ont aucune signification particulière par rapport aux boissons alcoolisées.

[31]           Une marque peut acquérir un caractère distinctif par l’emploi ou la promotion, et il existe une preuve établissant que la marque MARTINI de l’Opposante a acquis un caractère distinctif par son emploi et sa promotion en liaison avec du vermouth et du vin mousseux. La preuve dont je dispose manque de précision parce qu’elle fait état d’un seul chiffre de ventes pour l’ensemble des produits MARTINI de l’Opposante (qui ne se limitent pas au vermouth et au vin mousseux); de plus, le chiffre fourni concerne toutes les marques de commerce MARTINI de l’Opposante, et non seulement la marque MARTINI simpliciter. Cependant, il est clair que la marque MARTINI de l’Opposante a acquis un caractère distinctif en liaison avec le vermouth et le vin mousseux, en partie à cause de la déclaration non contestée de M. Amato portant qu’il s’agissait du vermouth le plus vendu et du vin mousseux importé no 1 au Canada en 2006. Cela contraste nettement avec l’absence de preuve de l’acquisition d’un caractère distinctif par la Marque de la Requérante.

[32]           La Marque de la Requérante possède donc un caractère distinctif inhérent plus fort, mais seule la marque de l’Opposante est devenue connue.

Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[33]           Dans son enregistrement, l’Opposante revendique le 1er juillet 1906 comme date de premier emploi au Canada, et M. Amato expose ses ventes canadiennes depuis 1986. Par contre, il n’existe aucune preuve établissant que la Marque de la Requérante a été employée à ce jour.

Genre de marchandises, services ou entreprises et nature du commerce

[34]           La Requérante a demandé l’enregistrement de sa Marque en liaison avec diverses boissons, tant alcoolisées que non alcoolisées. L’enregistrement no LMCDF057478 de l’Opposante ne vise aucune boisson non alcoolisée, mais je remarque que ses enregistrements pour les versions rouge et verte de la marque MARTINI & Dessin de balle visent des boissons non alcoolisées. L’Opposante n’a établi l’emploi de sa marque MARTINI qu’en liaison avec deux types de boissons alcoolisées, soit le vermouth et le vin mousseux – l’état déclaratif des marchandises figurant dans la demande de la Requérante ne comprend pas de vermouth ou de vin mousseux, mais mentionne des « cocktail à base de vermouth » et « cocktail à base de vin ».

[35]           Les marchandises des parties se ressemblent et il est donc raisonnable de conclure, en l’absence de preuve contraire, que leurs voies de commercialisation pourraient se recouper.

Degré de ressemblance entre les marques de commerce

[36]           Selon un principe bien établi, le premier élément d’une marque de commerce est le plus pertinent quant au caractère distinctif. Le premier élément des marques en cause n’est pas le même, ce qui donne lieu à d’importantes différences entre les marques dans leur ensemble dans la présentation et le son. Quant aux idées qu’elles suggèrent, la marque de l’Opposante évoque un certain type de boisson mélangée, soit le « martini »; de plus, la marque de l’Opposante est employée en liaison avec un ingrédient important du « martini », soit le vermouth. La Marque de la Requérante évoque par ailleurs une version fantaisiste du type de boisson appelé « martini ».

Conclusion

[37]           La présente affaire est inhabituelle. En règle générale, comme l’a fait valoir l’Opposante, lorsque le requérant produit une demande fondée sur l’emploi projeté d’une marque de commerce qui englobe la totalité d’une marque déposée en liaison avec des marchandises qui ressemblent à celles de la marque déposée, sans produire la moindre preuve, l’opposant aura vraisemblablement gain de cause au motif que le requérant ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve. Cependant, ce qui distingue la présente affaire de ce scénario, c’est que la marque déposée de l’Opposante est un mot qui constitue un terme générique dans le domaine des parties et que la marque dont l’enregistrement est demandé utilise la marque déposée de l’Opposante essentiellement comme terme/nom générique.

[38]           La question est de savoir si, en voyant une boisson alcoolisée ou non alcoolisée THE DEVIL’S MARTINI, le consommateur canadien typique qui a un vague souvenir de la marque de boisson alcoolisée MARTINI de l’Opposante (surtout du vermouth ou du vin mousseux) aurait comme première impression que les boissons proviennent toutes de la même source. Compte tenu de la signification de « martini » et du caractère distinctif du premier élément dominant de la Marque de la Requérante, je conclus que la confusion n’est pas raisonnablement probable quant à l’ensemble des marchandises de la Requérante, à l’exception du « cocktail à base de vermouth » et du « cocktail à base de vin ». Comme il est indiqué dans Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd., (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.), à la page 149, confirmé dans 60 C.P.R. (2d) 70 : « À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire ». Toutefois, en ce qui concerne les « cocktail à base de vermouth » et « cocktail à base de vin », je suis arrivée à la conclusion que les probabilités sont équivalentes en raison du caractère distinctif que la marque de l’Opposante a acquis en liaison avec le vermouth et le vin mousseux. Le fardeau ultime de la preuve incombant à la Requérante, la demande sera repoussée en ce qui a trait à ces deux marchandises.

[39]           Pour arriver à ma conclusion, je n’ai pas tenu compte de la validité de l’enregistrement de la marque de commerce de l’Opposante, mais seulement de la portée de la protection à laquelle elle pourrait avoir droit [voir Molson Canada 2005 c. Anheuser-Busch, Incorporated, (2010), 82 C.P.R. (4th) 169 (C.F.)]. En d’autres termes, j’estime que la protection à accorder à la marque MARTINI de l’Opposante ne doit pas être étendue au point d’empêcher les tiers d’employer le nom générique « martini » avec un préfixe distinctif en liaison avec des boissons qui ne comprennent pas du vermouth ou du vin mousseux.

[40]           Les motifs fondés sur l’alinéa 12(1)d) sont donc rejetés à l’égard de l’ensemble des marchandises, sauf pour les « cocktail à base de vermouth » et « cocktail à base de vin ». Le motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) reposant sur l’enregistrement no LMCDF057478 est retenu en ce qui concerne les « cocktail à base de vermouth » et « cocktail à base de vin » seulement.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a)

[41]           Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial au titre de l’alinéa 16(3)a), l’Opposante doit démontrer que sa marque était employée au Canada au 16 novembre 1999, ce qui a été fait.

[42]           Les circonstances de l’espèce ne jouant pas davantage en faveur de l’Opposante en date du 16 novembre 1999 qu’en date d’aujourd’hui, le motif fondé sur l’alinéa 16(3)a) n’a pas plus de succès que ceux fondés sur l’alinéa 12(1)d).

Motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

[43]           La date pertinente pour examiner la probabilité de confusion selon le motif fondé sur le caractère distinctif est le 26 mars 2002. L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial concernant la probabilité de confusion à cette date puisqu’elle a démontré que sa marque était connue au Canada à cette date [voir Bojangles' International LLC c. Bojangles Café Ltd., (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.)]. Cependant, comme les circonstances de l’espèce ne jouent pas davantage, encore une fois, en faveur de l’Opposante en date du 26 mars 2002 qu’en date d’aujourd’hui, ce motif n’a pas plus de succès non plus que ceux fondés sur l’alinéa 12(1)d).

Décision

[44]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi en ce qui concerne les marchandises suivantes seulement : « boissons, nommément préparations pour cocktail sans alcool, boissons gazéifiées, jus de fruits et jus de légumes; boissons alcoolisées, nommément cocktail à base de vodka, de rhum, de whisky, de gin, de liqueur, de brandy; vodka, rhum, whisky et gin ». La demande est repoussée en ce qui concerne les « cocktail à base de vermouth » et « cocktail à base de vin ». [Sur la question des décisions partagées, voir Produits Ménagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh, (1986), 10 C.P.R. (3d) 482 (C.F.1re inst.).]

 

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Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, trad. a.

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