Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 150

Date de la décision : 2016-09-06
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Heather Ruth McDowell

Opposante

et

 

The Body Shop International plc

Requérante

 

 

 



 

1,600,908 pour la marque de commerce HONEYMANIA

 

Demande

Contexte

[1]               L'Opposante est la propriétaire de l'enregistrement no LMC767,134 de la marque de commerce HONEY & DESSIN et de l'enregistrement no LMC767,075 de la marque de commerce HONEY. De plus, l'Opposante détient la demande en instance no 1,556,448 pour la marque de commerce PINK & HONEY.

[2]               La demande et les enregistrements de l'Opposante visent des produits qui peuvent généralement être catégorisés comme suit : vêtements; articles chaussants; couvre-chefs; bijoux; accessoires de mode; accessoires pour les cheveux; cosmétiques; articles-cadeaux; et ornements. De plus, la demande et les enregistrements de l'Opposante visent des services décrits comme étant des [Traduction] « services de magasin de détail, nommément exploitation d'un magasin de vêtements, d'articles chaussants, de couvre-chefs, d'accessoires de mode et d'articles-cadeaux ». La liste des produits et des services précis qui sont énoncés dans la demande et les enregistrements de l'Opposante est jointe à l'annexe A de la présente décision.

[3]               Le 2 novembre 2012, la Requérante a produit la demande d'enregistrement susmentionnée pour la marque de commerce HONEYMANIA (la Marque). La demande est fondée sur l'emploi projeté au Canada en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

Cosmétiques, produits de soins des lèvres, de la peau et des cheveux, crèmes et lotions pour le visage, savons pour les soins personnels et sacs à savons, huiles, perles, crèmes, poudres effervescentes et gels pour le bain et la douche ainsi que bains moussants, déodorants, produits solaires, produits de rasage, parfums, eau de toilette, huiles essentielles et huiles parfumées à usage personnel, pour aromathérapie, pour la fabrication de parfums, à usage cosmétique et pour les soins de la peau et du corps, ainsi qu'huiles parfumées, produits de soins des ongles, coton-tiges à usage personnel, papiers-mouchoirs poudrés et papiers-mouchoirs imprégnés de lotions de beauté, parfums d'ambiance, bâtonnets d'encens, pot-pourri et sachets, nécessaires et ensembles-cadeaux contenant des cosmétiques et des produits de soins des lèvres, de la peau, des cheveux et des ongles.

[4]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 26 juin 2013 et, le 26 novembre 2013, l’Opposante s'y est opposée en produisant une déclaration d'opposition en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Les motifs d'opposition sont fondés sur les articles 30i), 12(1)d), 16(3)a), 16(3)c) et 2 (caractère distinctif) de la Loi.

[5]               Le 3 février 2014, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations formulées dans la déclaration d'opposition.

[6]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit d’Elenita Anastacio, souscrit le 2 juin 2014 (l’affidavit Anastacio). Mme Anastacio n'a pas été contre-interrogée. Son affidavit fournit essentiellement des copies des détails de la demande et des enregistrements de l'Opposante.

[7]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit de Peterson Eugenio, souscrit le 2 octobre 2014 (l'affidavit Eugenio), et l'affidavit de Nathan Haldane, souscrit le 2 octobre 2014 (l'affidavit Haldane). Tous deux ont été contre-interrogés, et les transcriptions de leur contre-interrogatoire ont été versées au dossier.

[8]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit.

[9]               Les parties étaient toutes deux présentes à l’audience qui a été tenue.

[10]           Pour les raisons exposées ci-dessous, l'opposition est rejetée.

Fardeau de preuve

[11]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298].

Analyse des motifs d’opposition

Article 30i)

[12]           L'Opposante soutient que, à la date de production de la demande, une recherche effectuée dans le registre des marques de commerce ou une recherche en common law aurait révélé l'existence de ses marques de commerce et, en conséquence, que la requérante ne pouvait pas être convaincue de son droit à l'emploi de la Marque au titre de l'article 30i) de la Loi.

[13]           Lorsqu'un requérant a fourni la déclaration exigée à l'article 30i) dans sa demande, un motif d'opposition fondé sur cet article ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu'il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p 155]. La Requérante a fourni la déclaration exigée et l'Opposante n'a pas produit la moindre preuve pour démontrer qu'il s'agit d'un cas exceptionnel. De plus, je souligne qu'il a été statué que la simple connaissance de l'existence de la marque de commerce d'un opposant n'étaye pas en soi une allégation selon laquelle un requérant ne pouvait pas être convaincu de son droit à l'emploi d'une marque à la date de production de sa demande [Woot, Inc c WootRestaurants Inc Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197 (CanLII)].

[14]           Par conséquent, ce motif d'opposition est rejeté.

Articles 16(3)a) et c)

[15]           L'Opposante allègue que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque compte tenu de l'emploi antérieur par l'Opposante de ses marques de commerce HONEY & DESSIN (enregistrement no LMC767,134) et HONEY (enregistrement no LMC767,075). De plus, l'Opposante allègue que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque compte tenu de son emploi antérieur de son nom commercial HONEY.

[16]           En ce qui concerne ces motifs d'opposition, l'Opposante a le fardeau de preuve initial de démontrer que ses marques de commerce ou son nom commercial étaient employés avant la date de production de la demande de la Requérante et de démontrer qu'elle n'avait pas abandonné ses marques de commerce ou son nom commercial à la date de l'annonce de la demande de la Requérante [article 16(5)].

[17]           L'Opposante n'a produit aucune preuve d'emploi de ses marques de commerce ou de son nom commercial. L'affidavit Haldane produit par la Requérante fournit certains renseignements se rapportant à l'emploi par l'Opposante. Cependant, il est de nature limitée (comme on le verra plus loin dans ma décision) et il est postérieur à la date pertinente pour l'examen de ce motif d'opposition. Par conséquent, je conclus que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait à l’égard de ses motifs d'opposition fondés sur les articles 16(3)a) et c).

[18]           Par conséquent, ces motifs d'opposition sont rejetés.

Article 2

[19]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas distinctive ni ne peut distinguer les produits de la Requérante, compte tenu des marques de commerce de l'Opposante même, qui sont formées du mot HONEY [miel; chéri; sucré] ou qui intègrent ce mot.

[20]           Pour s'acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l'égard de son motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif, l'Opposante devait démontrer que, à la date de production de la déclaration d’opposition, une ou plusieurs des marques de commerce qui y sont mentionnées étaient connues dans une certaine mesure et que leur notoriété au Canada était importante, significative ou suffisante [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 2006 CF 657 (CanLII), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[21]           Étant donné que l'Opposante n'a pas produit la moindre preuve pour démontrer que l'une quelconque de ses marques de commerce était employée ou connue au Canada à la date pertinente applicable, et étant donné que la preuve de la Requérante est de nature limitée et est postérieure à la date pertinente pour l'examen de ce motif d'opposition, l'Opposante ne s'est pas non plus acquittée de son fardeau de preuve initial à l'égard de ce motif

[22]           En conséquence, ce motif d'opposition est également rejeté.

Article 12(1)d)

[23]                 L'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable parce qu'elle crée de la confusion avec ses marques de commerce déposées HONEY (enregistrement no LMC767,075) et HONEY & DESSIN (enregistrement no LMC767,134).

[24]           La date pertinente pour évaluer un motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[25]           Comme pièce A de l'affidavit Anastacio, l'Opposante a fourni des copies des détails de ses enregistrements. J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre et je confirme que ces enregistrements existent [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. L'Opposante s'est donc acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l'égard de ce motif.

[26]           L'Opposante s'étant acquittée de son fardeau de preuve, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre sa marque de commerce et les marques de commerce de l'Opposante.

[27]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L'article 6(2) de la Loi porte que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[28]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

[29]           J'axerai mon analyse sur la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce HONEY de l'Opposante (enregistrement no LMC767,075). Comme il s'agit d'une marque nominale, j'estime qu'elle est légèrement plus similaire à la Marque, et je suis par conséquent d'avis qu'elle me permettra de me prononcer concrètement sur ce motif d'opposition.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce

[30]           Dans Masterpiece [supra], la Cour suprême du Canada s'est penchée sur l'importance de l'article 6(5)e) au moment d'analyser la probabilité de confusion (voir le para 49) [Traduction] :

... le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) ... si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. ...ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires... En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion.

[31]           Dans Masterpiece, la Cour a également fait observer qu’il est préférable, lorsqu'il s'agit d'évaluer le degré de ressemblance avec une marque de commerce, [Traduction] « de se demander d’abord si l’un des aspects de celle‑ci est particulièrement frappant ou unique » (para 64).

[32]           En l’espèce, j'estime qu'aucun des aspects des marques des parties n'est particulièrement frappant ou unique. Le mot HONEY [miel; chéri; sucré] est un mot anglais d'usage courant, tout comme le mot MANIA [manie]. Bien qu'aucun de ces mots, employés seuls ou en combinaison, n'ait nécessairement une signification claire en lien avec les produits et les services des parties, comme je l’expliquerai plus en détail ci-dessous, le mot HONEY [miel; chéri; sucré] est en quelque sorte élogieux et/ou suggestif. Si l'on peut considérer que quelque chose est unique dans la Marque, c'est le fait qu'elle est formée du mot inventé et indissociable HONEYMANIA et qu'elle se compose de deux éléments qui n'apparaissent généralement pas ensemble. Compte tenu de ce qui précède, j'estime qu'il est pertinent en l'espèce de considérer les marques des parties dans leur ensemble, tout en gardant à l'esprit le principe selon lequel le premier mot ou la première syllabe d'une marque de commerce est souvent le plus important aux fins de la distinction [Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)].

[33]           À l'audience, l'Opposante a fait valoir qu'il y a un degré de ressemblance significatif entre les marques de commerce, parce que la Marque intègre l'ensemble de sa marque de commerce HONEY comme premier élément. L'Opposante est d'avis que MANIA sert simplement à modifier le mot HONEY [miel; chéri; sucré] dans la Marque et que les consommateurs comprendraient que HONEY fait référence à la marque de l'Opposante.

[34]           J'estime qu'il a une certaine ressemblance entre les marques des parties, étant donné qu'elles contiennent toutes deux le mot HONEY [miel; chéri; sucré], surtout parce que ce mot apparaît dans la première partie dominante des marques de commerce des deux parties. Cependant, je conviens avec la Requérante que le suffixe MANIA réduit la ressemblance entre les marques de commerce respectives des parties, dans la présentation et dans le son, et entraîne également des différences au plan des idées suggérées.

[35]           Le mot HONEY [miel; chéri; sucré] peut être employé pour désigner la substance sucrée et collante produite par les abeilles, comme un terme d'affection et/ou pour signaler quelque chose de sucré ou un goût sucré [Canadian Oxford Dictionary en ligne (2e éd.); voir Tradall SA c Devil’s Martini Inc (2011), 92 CPR (4th) 408 (COMC), au para 29, qui confirme que je peux prendre connaissance d'office des définitions du dictionnaire]. Il peut avoir l'une ou l'autre de ces significations dans la marque de commerce de l'Opposante. La Marque contient aussi le mot MANIA [manie] et suggère par conséquent l’idée d'un [Traduction] « désir ou enthousiasme extrême » se rapportant à du « honey » ou pour du « honey » [miel; chéri; sucré] [Canadian Oxford Dictionary (2e éd.)]. Par conséquent, les marques de commerce des parties ont une connotation quelque peu différente.

[36]           En ce qui concerne l'observation de l'Opposante selon laquelle le mot MANIA [manie] dans la Marque sert simplement à modifier le mot HONEY [miel; chéri; sucré] et que HONEY serait perçu par les consommateurs comme évoquant la marque de l'Opposante, je m'appuie sur les commentaires de la membre de Paulsen dans McDowell c Laverana GmbH & Co. KG, 2015 COMC 56 (CanLII). Dans cette affaire, au moment d'évaluer le degré de ressemblance entre la marque de commerce HONEY de l'Opposante et la marque HONEY MOMENTS, la membre de Paulsen a présenté l'observation suivante [Traduction] :

En ce qui concerne les observations de l'Opposante selon lesquelles les consommateurs sont susceptibles de croire que HONEY MOMENTS indique le moment auquel un produit de marque HONEY est employé, en l'absence de preuve d'emploi de la marque de commerce de l'Opposante, j'estime qu'il est peu probable que les consommateurs canadiens croient ceci, puisqu'il n'existe aucune preuve que les consommateurs ont été exposés à la marque HONEY de l'Opposante.

[37]           En l'espèce, l'Opposante n'a produit aucune preuve d'emploi de sa marque de commerce HONEY. La Requérante a produit l'affidavit Haldane, dans lequel M. Haldane (un stagiaire en droit pour le compte de l'agent du cabinet de la Requérante) fournit des renseignements relatifs à des visites qu'il a rendues à deux magasins de détail de l'Opposante, le 1er octobre 2014, pour déterminer si ces magasins vendaient des produits identifiés dans la demande relative à la Marque ou l'un quelconque des produits de cosmétiques identifiés dans les enregistrements de l'Opposante [para 2].

[38]           Dans son affidavit, M. Haldane déclare que les seuls accessoires non vestimentaires/vestimentaires qu'il a vus en vente étaient des bougies en cire et des produits d'onguent et de baume pour lèvres qui étaient fabriqués par une société différente et étaient vendus sous un nom de marque différent [para 4 à 7; pièce A]. M. Haldane a acheté de l'onguent dans un des magasins; une copie du reçu lié à cet achat est jointe comme pièce B à son affidavit. En particulier, la marque de commerce HONEY & DESSIN de l'Opposante figure sur le reçu. De plus, en contre-interrogatoire, M. Haldane a confirmé que HONEY figurait sur les enseignes des deux magasins dans lesquels il s'est rendu [Q 15 et 16].

[39]           Au paragraphe 6 de son affidavit, M. Haldane affirme qu'il a demandé à un employé d'un des magasins si ce dernier vendait des cosmétiques ou des lotions autres que le produit d'onguent, et l'employé lui a répondu que non. Au paragraphe 8 de son affidavit, M. Haldane affirme qu'il a également consulté le site Web de l'Opposante pour y chercher des mentions des cosmétiques ou de l'un quelconque des autres produits mentionnés dans l'enregistrement de l'Opposante et qu'il n'a pas été en mesure d'en trouver. Divers imprimés tirés du site Web de l'Opposante sont joints comme pièce C à son affidavit.

[40]           Bien que l'affidavit Haldane puisse établir que la marque de l'Opposante était employée en liaison avec au moins certains des services de magasin de détail de l'Opposante lorsque M. Haldane s'est rendu dans ces magasins en particulier et a consulté le site Web de l'Opposante, il n'établit pas que la Marque a été employée en liaison avec l'un quelconque des produits de cosmétiques identifiés dans l'enregistrement de l'Opposante, pas plus qu'il me permet de tirer de conclusion significative en ce qui concerne la mesure dans laquelle elle a été employée ou est devenue connue en liaison avec les services de magasin de détail de l'Opposante en date d'aujourd'hui.

[41]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime que les commentaires de la membre de Paulsen dans la décision McDowell c Laverana GmbH & Co KG s'appliquent également en l'espèce. En l'absence de preuve démontrant que les consommateurs ont été suffisamment exposés à la marque de l'Opposante en l'espèce, je ne suis pas en mesure de conclure que les consommateurs seraient susceptibles de croire que la Marque suggère un enthousiasme ou un désir pour la marque HONEY de l'Opposante ou se rapportant à la marque HONEY de l'Opposante.

[42]           Pour conclure, bien que j'estime qu'il existe un degré de ressemblance assez élevé entre les marques de commerce des parties en raison de l'élément HONEY, j'estime qu'elles ne se ressemblent pas substantiellement, car l'ajout du mot MANIA [manie] entraîne des différences dans la présentation, dans le son et dans les idées suggérées par les marques.

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[43]           Il n'y a aucune preuve que les produits de l'une ou l'autre des parties contiennent du miel comme ingrédient ni aucune preuve expliquant la signification, s'il en est, qu'a le mot « honey » [miel; chéri; sucré] en lien avec les marques de commerce des parties. En l'absence d'une telle preuve, j'estime que ni l'une ni l'autre des marques de commerce des parties n'a de signification claire dans le contexte de leurs produits et de leurs services respectifs. Compte tenu de ceci, on peut affirmer qu'elles possèdent toutes deux un certain caractère distinctif inhérent. Ceci étant dit, j'estime que ni l'une ni l'autre des marques ne possède un caractère distinctif inhérent particulièrement marqué, parce que le mot HONEY [miel; chéri; sucré] a des significations courantes, peut être élogieux et peut fort bien être perçu par les consommateurs comme étant suggestif, d'une façon ou d'une autre, d'un certain aspect des produits et/ou services qui lui sont liés.

[44]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue au Canada par la promotion ou l'emploi. Cependant, la demande relative à la Marque est fondée sur l'emploi projeté, et la Requérante n'a produit aucune preuve pour démontrer qu'elle a acquis une notoriété au Canada. De même, l'Opposante n'a produit aucune preuve concernant la promotion ou l'emploi de sa marque et, pour les raisons énoncées précédemment, la preuve limitée produite par la Requérante à cet égard n'est pas suffisante pour me permettre de tirer quelque conclusion significative que ce soit à propos de la mesure dans laquelle la marque de commerce de l'Opposante est devenue connue. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que ce facteur ne favorise de manière significative ni l'une ni l'autre des parties.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[45]           La Requérante n'a produit aucune preuve d'emploi de la Marque.

[46]           Je peux seulement inférer un emploi de minimus de la marque de commerce de l'Opposante en liaison avec ses produits, compte tenu de l'existence de son enregistrement, et je ne peux en inférer bien davantage en ce qui concerne ses services uniquement d'après la preuve produite par la Requérante [Entre Computer Centers Inc c Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC), à la p 430]. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que ce facteur ne favorise pas non plus de manière significative l'une ou l'autre des parties.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de produits, services ou entreprises et la nature du commerce

[47]           Pour évaluer ces facteurs, je dois comparer l'état déclaratif des produits de la Requérante qui figure dans sa demande avec les produits et les services visés par l'enregistrement de l'Opposante [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktein c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr. Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); Miss Universe Inc c Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)].

[48]           Il y a un recoupement direct entre certains des produits des parties et, pourrait-on soutenir, au moins certains des autres produits sont étroitement apparentés. Il n'y a aucun recoupement ou lien évident entre les produits de la Requérante et les services de l'Opposante, mais je souligne que [Traduction] « articles-cadeaux » et « accessoires de mode » ont une portée assez large.

[49]           Compte tenu du recoupement dans le genre de certains des produits des parties et en l'absence de preuve du contraire, j'estime raisonnable de conclure qu’il y aurait également un certain recoupement de leurs voies de commercialisation respectives, surtout parce que l'enregistrement de l’Opposante et la demande relative à la Marque n’indiquent aucune restriction à cet égard.

[50]           Par ailleurs, je souligne que, dans son plaidoyer écrit (au para 68), la Requérante a fait remarquer que, bien que la demande de la Requérante et l'enregistrement de la marque HONEY de l'Opposante visent des produits qui se recoupent, l'Opposante n'a fourni aucune preuve d'emploi de sa marque en liaison avec des produits et, dans une récente procédure prévue à l'article 45, il a été conclu que son enregistrement de la marque HONEY et son enregistrement relatif à HONEY & Dessin devaient être modifiés afin de radier tous les produits, comme aucune preuve d'emploi n'avait été produite en liaison avec des produits dans le cadre de cette procédure [voir Laverna GmbH & Co KG c Heather Ruth McDowell, 2015 COMC 125 (CanLII), aux para 49 à 52]. Si cette modification est apportée, les deux enregistrements de l'Opposante viseront seulement des [Traduction] « services de magasin de détail, nommément exploitation d'un magasin de vêtements, d'articles chaussants, de couvre-chefs, d'accessoires de mode et d'articles-cadeaux » qui, affirme la Requérante, sont très différents des produits visés par la demande relative à la Marque.

[51]           Bien que ce puisse très bien être le cas, je souligne que la décision susmentionnée fait actuellement l'objet d'un appel et, jusqu'à ce que l'appel soit tranché, les produits demeurent visés par les enregistrements de l'Opposante et doivent être pris en considération dans mon examen de ces facteurs.

[52]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime que ces facteurs favorisent l'Opposante.

Circonstances de l'espèce

État du registre

[53]           Comme preuve de l'état du registre, la Requérante a produit l'affidavit Eugenio. M. Eugenio a effectué une recherche dans la base de données du Bureau canadien des marques de commerce pour repérer des marques de commerce comprenant le mot HONEY [miel; chéri; sucré] ou un équivalent phonétique de ce mot, employées en liaison avec des produits et/ou des services se rapportant, par exemple, à des produits de cosmétiques, de baume, de lotion, de shampooing, de savon, pour cheveux, de beauté, etc. [para 2(a) et (b)]. Les résultats de ses recherches sont joints à son affidavit comme pièces A à J. M. Eugenio a effectué des recherches semblables pour repérer des produits et des services liés à des vêtements et à des articles chaussants [para 3(a) et (b)]. Les résultats de ces recherches sont joints à son affidavit comme pièces K à O. Les détails liés à toutes les marques repérées dans les recherches de M. Eugenio sont joints à son affidavit comme pièce P.

[54]           Il a été établi que la preuve de l'état du registre n'est pertinente que dans la mesure où l'on peut en dégager des conclusions sur l'état du marché, et l'on ne peut tirer de conclusions sur l'état du marché que si l'on relève un grand nombre d'enregistrements pertinents [Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); et Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[55]           Comme l'a souligné l'Opposante à l'audience, bon nombre des marques visant des produits de cosmétiques, de beauté et/ou de soins personnels qui sont identifiées dans les pièces A à J de l'affidavit Eugenio ne sont plus pertinentes ou ne sont pas particulièrement pertinentes. Par exemple, l'une d'entre elles fait l'objet de la procédure en l'espèce, certaines appartiennent à l'Opposante, certaines ont été abandonnées ou radiées, certaines sont toujours en instance et sont fondées sur l'emploi projeté et certaines ne comportent pas l'élément HONEY à titre d'élément dominant.

[56]           Ceci étant dit, à la lumière de mon examen des résultats de recherche de M. Eugenio, à la date de ma décision, une fois écartées les marques de cette nature, il reste encore un nombre assez élevé de marques pertinentes, dont bon nombre sont inscrites au nom de différentes entités. Parmi ces marques figurent les suivantes : HONEY BRONZE & Dessin (enregistrement no LMC862,532) visant des cosmétiques, du maquillage, des produits de soins de la peau et des poudres pour le corps; HONEYWATER (enregistrement no LMC916,622) visant des cosmétiques; SPRING HONEY (enregistrement no LMC170,342) visant des cosmétiques; A TOUCH OF HONEY (enregistrement no LMC595,003) visant des produits cosmétiques; HONEYFIG (enregistrement no LMC779,462) visant des services de magasin de détail en ligne offrant des produits de soins personnels, des cosmétiques, des produits de beauté, etc.; BEELINE HONEY (enregistrement no LMC784,751) visant du colorant capillaire; NATURAL HONEY (enregistrement no LMC249,122) visant du shampooing, etc.; TOASTED HONEY (enregistrement no LMC547,379) visant des produits de soins corporels; HAPPY HONEY (enregistrement no LMC143,976) visant des produits de teinture et de coloration; NATURAL HONEY (enregistrement no LMC329,528) visant des produits de soins corporels et des produits de beauté, nommément hydratant pour la peau et le visage; HONEY MARC JACOBS (enregistrement no LMC922,815) visant des parfums, des produits de beauté, des produits de soins de la peau, etc.; HONEY I’M STRONG (enregistrement no LMC841,182) visant des produits de soins capillaires; et HONEY DO (enregistrement no LMC766,763) visant des produits de soins personnels.

[57]           Les commentaires suivants du juge de Montigny dans la décision Hawke & Company Outfitters LLC c Retail Royalty Company and American Eagle Outfitters, Inc 2012 CF 1539 (CanLII), au para 44, offrent un certain éclairage en ce qui concerne l'appréciation de la preuve de l'état du registre [Traduction] :

Le nombre exact de marques similaires nécessaires pour démontrer que l’élément d’une marque a été couramment adopté comme composante des marques employées en liaison avec les marchandises ou les services pertinents à la date de référence n’est pas absolu; tout dépend des faits de l’espèce. Dans Groupe Procycle Inc c Chrysler Group LLC, 2010 CF 918 (CanLII), 87 CPR (4th) 123 (CF) [Procycle], la Cour a estimé que la conclusion du registraire suivant laquelle dix enregistrements pertinents n’étaient pas suffisants pour tirer des conclusions reposait sur de la jurisprudence et n’était « aucunement déraisonnable » (au paragraphe 46). La Cour a également jugé pertinent l’arrêt Park Avenue Furniture Corp c Wickes/Simmons Bedding Ltd, [1991] ACF no 546, 37 CPR (3d) 413 (CAF), suivant lequel « il ne suffisait que de sept marques pertinentes enregistrées pour pouvoir tirer des conclusions sur l’état du marché » (Procycle au paragraphe 46), sans toutefois formuler d’observation au sujet de la conclusion du registraire suivant laquelle cinq enregistrements étaient insuffisants pour tirer des conclusions au sujet de l’état du marché en ce qui concerne une marque distincte (Procycle, au paragraphe 19).

[58]           En l'espèce, je suis convaincue qu'on peut raisonnablement inférer du nombre de marques déposées repérées par M. Eugenio qu'au moins certaines de ces marques sont employées. On peut par conséquent aussi raisonnablement conclure que les consommateurs seraient dans une certaine mesure habitués à voir des marques intégrant le mot HONEY [miel; chéri; sucré] dans le contexte de produits et de services de cosmétiques, de soins personnels et de beauté. En conséquence, il est raisonnable d'inférer que ces consommateurs seraient vraisemblablement à même de distinguer ces marques en s'attardant à leurs autres éléments.

[59]           À tout le moins, je suis d'avis que l'existence de ces enregistrements étaye la conclusion que j'ai déjà tirée portant que le mot HONEY [miel; chéri; sucré] serait vraisemblablement perçu comme ayant une certaine importance dans l'industrie des produits de cosmétiques/beauté/soins personnels et que les marques des parties ne possèdent par conséquent pas un caractère distinctif inhérent particulièrement marqué.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[60]           Je conclus que la Requérante s'est acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n'est pas susceptible de créer de la confusion avec les marques de commerce de l'Opposante. Toute ressemblance entre les marques de commerce des parties s'explique exclusivement du fait qu'elles comprennent toutes deux le mot HONEY [miel; chéri; sucré]. En réalité, la totalité de la marque de commerce de l'Opposante est constituée du mot HONEY. Cependant, pour les raisons exposées ci-dessus, j'estime que HONEY ne possède pas un caractère distinctif inhérent particulier, comme ce mot peut être perçu comme étant en quelque sorte élogieux/suggestif. De plus, l'Opposante n'a produit aucune preuve pour démontrer que ses marques de commerce ont été employées ou qu'elles ont acquis un caractère distinctif, et la preuve produite par la Requérante n'est pas suffisante pour établir que c'est le cas. À la lumière de ce qui précède, malgré le recoupement dans le genre des produits des parties et le recoupement potentiel de leurs voies de commercialisation, j'estime que l'élément supplémentaire que contient la Marque (c.-à-d. le mot MANIA [manie]) entraîne des différences suffisantes dans la présentation, dans le son et dans l'idée suggérée pour que je conclue que, selon la prépondérance des probabilités, il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce des parties.

[61]           Par conséquent, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est également rejeté.

Décision

[62]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition selon les dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

______________________________

Lisa Reynolds

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : 2016-05-31

 

COMPARUTIONS

 

Nathan Fan                                                                                          POUR L'OPPOSANTE

 

Meghan Dillon                                                                                     POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Sim & McBurney                                                                                 POUR L'OPPOSANTE

 

Bereskin & Parr                                                                                   POUR LA REQUÉRANTE


 

Annexe « A »

 

Enregistrement no LMC767,075 de la marque de commerce HONEY

Enregistrement no LMC767,134 de la marque de commerce HONEY & DESSIN

Demande no 1,556,448 pour la marque de commerce PINK & HONEY

 

Produits :

 

[Traduction] (1) Vêtements, nommément pantalons, jeans, pantalons d'entraînement, pantalons de yoga, vêtements d'exercice, pantalons, chandails, pulls d'entraînement, polos, chemises, jupes, chemisiers, robes, bonneterie, vestes, blazers, manteaux, vestes de ski, vestes en duvet, vestes de fourrure, manteaux de laine, shorts, maillots de bain, vêtements de détente; lingerie; articles chaussants, nommément chaussures, sandales, bottes, pantoufles; chaussures pour hommes, femmes et enfants en cuir, en suède ou en soie, nommément escarpins, chaussures à talons hauts, chaussures habillées de toutes sortes, espadrilles, chaussures de course, chaussures de basketball, chaussures de golf, chaussures d'entraînement, escarpins, chaussures de piste, chaussures de plage, nommément sandales et tongs; couvre-chefs, nommément chapeaux, casquettes, bandanas, bandeaux, visières; bijoux; accessoires de mode, nommément foulards, châles, sacs à main, gants, montres; accessoires pour cheveux, nommément peignes, brosses, bandeaux pour cheveux en tissu ou en plastique, barrettes, chouchous, attaches de queue de cheval, pinces pour cheveux, épingles à cheveux et ornements pour cheveux; ceintures, lunettes de soleil; cosmétiques, nommément fond de teint liquide ou en poudre, crèmes pour le visage, fard à joues, ombre à paupières, traceur pour les yeux, mascara, rouge à lèvres, brillant à lèvres, crayon à lèvres, sacs à cosmétiques vendus vides; articles-cadeaux, nommément lampes, plateaux, vases; ornements et figurines en céramique, en porcelaine, en verre; bonbonnières.

 

Services :

 

[Traduction] (1) Services de magasin de détail, nommément exploitation d'un magasin de vêtements, d'articles chaussants, de couvre-chefs, d'accessoires de mode et d'articles-cadeaux.

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