Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS TRADUCTION

Référence : 2010 COMC 217

Date de la décision : 2010-12-10

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Convenience Food Industries (Private) Limited visant l’enregistrement n° LCM323215 de la marque de commerce LAZIZA & Dessin au nom de Clic International Inc.

[1]               Le 5 décembre 2008, à la demande de Convenience Food Industries (Private) Limited (la partie requérante), le registraire a fait parvenir l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), à Clic International Inc. (Clic), la propriétaire inscrite de la marque de commerce LAZIZA & Dessin (la Marque) illustrée ci-dessous :

LAZIZA & DESIGN

[2]               La Marque est enregistrée pour un emploi en liaison avec des « fèves en conserve » (les Marchandises).

[3]               Cet avis exige que le titulaire de l’enregistrement indique si la Marque a été employée au Canada en liaison avec les Marchandises à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente s’étend du 5 décembre 2005 au 5 décembre 2008 (la période pertinente).

[4]               En réponse à l’avis du registraire, l’affidavit de M. Antoine Kassas a été fourni avec les pièces A à C. Les deux parties ont produit des observations écrites et ont été représentées lors de l’audience.

[5]               L’article 45 prévoit des procédures simples et expéditives visant à éliminer le « bois mort » du registre; c’est pourquoi le critère applicable est peu exigeant [voir Smith Lyons c. Vertag Investments Ltd. (2000), 7 C.P.R. (4 th) 557].

[6]               Une simple allégation d’utilisation de la Marque ne constitue pas une preuve suffisante de l’emploi de celle-ci en liaison avec les Marchandises au sens du paragraphe 4(1) de la Loi. Il n’y a pas lieu d’exiger une surabondance de preuves. Cependant, toute ambiguïté que comporte la preuve produite sera interprétée à l’encontre du propriétaire de la Marque [voir Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (4 th) 62].

[7]               Je dois donc décider si je suis convaincu que la preuve décrite ci-après me permet de conclure que la Marque a été employée en liaison avec les Marchandises au Canada au cours de la période pertinente.

[8]               M. Kassas affirme dans son affidavit qu’il est le premier vice-président de Clic depuis environ six ans. Il décrit les différentes activités commerciales de Clic, qui incluent une usine de mise en conserve et une usine de fabrication de produits spécialisés à St-Léonard (Québec).

[9]               Il atteste que Clic est la propriétaire inscrite de la Marque et il produit comme pièce A un relevé de la base de données sur les marques de commerce canadiennes. M. Kassas prétend que la Marque a été employée sur une base permanente en liaison avec les Marchandises par Clic au Canada pendant la période pertinente. Pour confirmer cette allégation, il a produit comme pièce B des échantillons d’étiquettes apposées sur les boîtes de conserve vendues au Canada par Clic pendant la période pertinente.

 

[10]           Il admet que la marque de commerce que l’on voit sur les étiquettes produites ont subi quelques modifications qu’il qualifie de [TRADUCTION] « légères » et soutient que la différence entre la marque de commerce employée et la Marque n’est pas substantielle. Par souci de clarté, je reproduis ci-après un échantillon d’étiquette produite par M. Kassas.

(version modifiée de la Marque)

[11]           Je reproduis également le paragraphe 7 de son affidavit :

[TRADUCTION] Sont annexés au présent affidavit, sous la cote « B », des échantillons représentatifs d’étiquettes apposées sur des boîtes de conserve de fèves fabriquées par Clic, vendues au Canada en liaison avec la [Marque] pendant la période qui s’étend du 5 décembre 2005 au 5 décembre 2008 et en vente encore aujourd’hui. Bien que de légères modifications aient été apportées à la [Marque], celle-ci ne diffère pas substantiellement de l’enregistrement canadien portant le n° LCM323215. Les clients de Clic reconnaissent encore la [Marque] et l’associent à Clic et à ses produits.

[12]           Enfin, il a produit des échantillons de factures dressées pendant la période pertinente pour appuyer ses allégations voulant que Clic ait vendu les Marchandises portant la version modifiée de la Marque pendant la période pertinente.

[13]           Les parties s’entendent sur le fait qu’il existe des preuves d’emploi de la version modifiée de la Marque en liaison avec les Marchandises au Canada pendant la période pertinente. La seule question encore en litige est de savoir si l’emploi de la version modifiée de la Marque constitue l’emploi de la Marque. Dans la négative, je serais dans l’obligation de radier l’enregistrement de la Marque à défaut de preuves établissant l’emploi de la Marque pendant la période pertinente.

[14]           Les deux parties ont cité Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.) et commenté Promafil Canada Ltee c. Munsingwear Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 59 (C.A.F.). Il est important de citer les extraits pertinents de chacune de ces affaires.

[15]           Dans CII Honeywell, le juge Pratte a défini ainsi le critère qu’il faut appliquer afin de déterminer si une dérogation à la forme d’une marque de commerce peut être considérée comme constituant l’emploi de la marque de commerce déposée :

Il ne s’agit pas de déterminer si CII a trompé le public quant à l’origine de ses marchandises. Elle ne l’a manifestement pas fait. La seule et véritable question qui se pose consiste à se demander si, en identifiant ses marchandises comme elle l’a fait, CII a employé sa marque de commerce « Bull ». Il faut répondre non à cette question sauf si la marque a été employée d’une façon telle qu’elle n’a pas perdu son identité et qu’elle est demeurée reconnaissable malgré les distinctions existant entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée. Le critère pratique qu’il faut appliquer pour résoudre un cas de cette nature consiste à comparer la marque de commerce enregistrée et la marque de commerce employée et à déterminer si les distinctions existant entre ces deux marques sont à ce point minimes qu’un acheteur non averti concluerait, selon toute probabilité, qu’elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine.

[16]           Dans Promafil, le juge MacGuigan, après avoir renvoyé à l’extrait ci-dessus, a fait ce commentaire :

20       Le juge Pratte a formulé le même critère de deux façons : sur le plan théorique, en considérant le maintien de l’identité et du caractère reconnaissable de la marque bien qu’elle revête des formes différentes; sur le plan pratique, en appréciant la confusion probable créée chez l’acheteur non averti. Ce critère pratique doit manifestement viser une probabilité puisque, en règle générale, on ne peut énoncer un tel critère de façon à exiger la certitude d’une conclusion.

[17]           Je voudrais également invoquer cette citation du juge Maclean dans la décision Honey Dew, Limited c. Rudd, [1929] Ex.C.R. 83 :

[TRADUCTION] La pratique de s’éloigner de la forme précise d’une marque de commerce enregistrée est contestable et constitue un grand danger pour l’inscrivant.

[18]           En l’espèce, la marque de commerce déposée comporte une partie nominale et une partie graphique. La marque de commerce employée par Clic possède aussi ces caractéristiques générales. Les deux parties s’entendent sur le fait que la composante nominale est un élément dominant dans chacun des cas. Le désaccord porte sur la composante graphique.

[19]           La partie requérante soutient que les caractéristiques dominantes sont, dans les deux cas, la police de caractères des lettres. Quant à la composante graphique, les caractéristiques dominantes sont les palmiers dans un cercle, en ce qui concerne la Marque, tandis que pour la version modifiée de la Marque ce sont les caractères arabes à l’intérieur d’une forme ovale, le motif sur la partie supérieure de l’étiquette et l’autre motif semblable en travers de l’étiquette, sous la partie nominale de la marque de commerce.

[20]           Par conséquent, la partie requérante allègue que la version modifiée de la Marque est non seulement dépourvue d’une des caractéristiques de la Marque, c’est-à-dire les palmiers dans le cercle, mais que de plus, elle présente des caractéristiques supplémentaires. La Marque aurait perdu son identité par suite de ces modifications.

[21]           Clic affirme que la seule caractéristique dominante de la Marque est la composante nominale. C’est un mot de langue étrangère et c’est ce mot tout particulier, qui fait partie de la Marque prise dans son ensemble, que le consommateur gardera en mémoire. Tant que la marque de commerce employée porte ce mot, elle ne peut créer de confusion dans l’esprit des consommateurs quant à la source des marchandises vendues en liaison avec cette marque de commerce.

[22]           Chacune des parties a produit des décisions à l’appui de ses prétentions en essayant d’établir une analogie entre la jurisprudence et la situation présente. La partie requérante s’est fortement appuyée sur l’affaire Bierrsdorf AG c. Becton, Dickinson & Co (1992), 44 C.P.R. (3d) 151, dans laquelle la marque déposée était composée des lettres « B-D » faisant partie d’un dessin de feuille d’érable. La marque employée présentait les lettres « B-D » dans un dessin de boîte. Le registraire a conclu que la marque employée n’était pas la marque déposée, car une des caractéristiques dominantes, le dessin de la feuille d’érable, était absente et l’enregistrement a été radié.

[23]           Clic considère que la présente situation est semblable à l’affaire Alibi Roadhouse Inc. c. Grandma Lee’s International Holdings Ltd. (1997), 76 C.P.R. (3d) 327 (CFPI). C’était une procédure en vertu de l’article 57 de la Loi dans laquelle la partie requérante réclamait la radiation de la marque déposée ALIBI BAR & GRILL et Dessin. Pour démontrer que cette marque de commerce était en usage avant l’emploi de la marque de commerce de la partie requérante, le propriétaire inscrit de la marque contestée s’est appuyé sur une version modifiée de sa marque déposée, ALIBI, qui n’incluait pas les mots BAR et GRILL, ni le dessin en diamant prévu dans son enregistrement. Dans cette affaire, la cour a fait remarquer que le propriétaire de la marque déposée avait renoncé à l’usage exclusif des mots « BAR » et « GRILL ».

[24]           Bien que la cour ait conclu que la version modifiée de la marque de commerce constituait un emploi de la marque déposée ALIBI BAR & GRILL et Dessin, le juge Teitelbaum a déclaré, après recension de la jurisprudence similaire invoquée par les parties en cause dans notre affaire, incluant l’affaire Beiersdorf, précitée :

La question de savoir si tous les éléments d’une marque de commerce donnée sont importants et doivent être présents pour permettre de conclure qu’il y a emploi est une question de fait qui doit être tranchée dans chaque cas.

[25]           En appliquant les principes exposés précédemment, je conclus que Clic n’a pas établi que la Marque a été employée pendant la période pertinente. Je conviens avec la partie requérante que le dessin des palmiers et du cercle est un des traits essentiels de la Marque. C’est un élément distinctif de la Marque. L’absence de ce trait modifie l’identité de la Marque. Si Clic avait voulu protéger ses droits à l’emploi du mot LAZIZA, elle aurait pu simplement demander l’enregistrement de ce mot, seul, comme marque de commerce. Comme l’a déclaré le registraire dans l’affaire Stikeman, Elliott c. Wm. Wrigley Jr. Co. (2001), 14 C.P.R. (4 th) 393 :

[TRADUCTION] [...] dans le cas d’un mot servant de marque de commerce, l’emploi du mot ou des mots servant de marque de commerce, qu’importe la forme ou la couleur, peut être considéré comme constituant l’emploi de la marque déposée. 

[26]           Si Clic avait enregistré le mot LAZIZA comme marque de commerce, il n’y a aucun doute dans mon esprit que l’emploi de la Marque ou de sa version modifiée aurait constitué un emploi de cette marque. Toutefois, en l’espèce, Clic a pris la décision d’obtenir la protection du mot LAZIZA jumelé à un dessin de palmiers.

[27]           La version modifiée de la Marque, telle qu’illustrée précédemment, ne comporte pas le dessin de palmiers et possède des caractéristiques absentes de la Marque, créant ainsi un style différent. La version modifiée de la Marque contient des variations et des ajouts qui sont loin d’être « légers » ou « mineurs ». La Marque a perdu son identité en raison de l’emploi de la version modifiée. Donc, un consommateur non averti conclurait, selon toute probabilité, que les Marchandises vendues en liaison avec la version modifiée de la Marque n’ont pas la même origine. Il n’y a en l’espèce aucune raison de maintenir les droits exclusifs de Clic sur une marque composée du mot LAZIZA et d’un dessin de palmiers qui n’est plus employée.

Décision

[28]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement n° LMC323215 sera radié du registre conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

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