Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de

Clic Import Export Inc. à

la demande no 1,027,777 présentée au nom de 3430961 Canada Inc.

en vue de l’enregistrement de la marque de commerce

AAAAA Jaguar Brand & dessin

 

                                                        

 

Le 2 septembre 1999, Amico Fine Foods Inc. a déposé une demande en vue de faire enregistrer la marque de commerce AAAAA Jaguar Brand & dessin, qui est reproduite ci-dessous.

                                                

La requérante revendique la couleur comme faisant partie de la marque de commerce. Les lettres A sont noires, le mot JAGUAR et le JAGUAR sont jaunes parsemés de taches noires.

 

La demande se fonde sur l’emploi de la marque de commerce au Canada depuis le 1er août 1993. L’état déclaratif des marchandises est actuellement libellé comme suit : « Produits alimentaires, nommément : riz ».

 

La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 18 avril 2001. Le 18 juin 2001, l’opposante Clic Import Export Inc. a déposé une déclaration d’opposition.

 

La demande d’Amico Fine Foods Inc. a été cédée à 3430961 Canada Inc. et, le 17 septembre 2001, cette cession a été inscrite au registre par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada. Le 11 décembre 2001, une contre‑déclaration a été déposée et signifiée au nom d’Amico Fine Foods Inc. Par lettre datée du 26 avril 2002, l’agent de la requérante a signalé avoir erronément fait mention d’Amico Fine Foods Inc. dans la contre‑déclaration et il a autorisé la Commission des oppositions à la modifier pour qu’il y soit fait mention du propriétaire actuel.

 

Le 15 mai 2002, en application de la règle 41, l’opposante a déposé l’affidavit d’Assad Abdelnour. Le 5 décembre 2002, en application de la règle 42, la requérante a déposé l’affidavit de Maurice Yammine. En réponse, l’opposante a déposé le 2 mai 2003, en application de la règle 43, un affidavit supplémentaire souscrit par Assad Abdelnour.

 

Le 2 mai 2003, l’opposante a également demandé l’autorisation de déposer une déclaration d’opposition modifiée et cette demande a été accueillie par lettre datée du 17 novembre 2003.

 

Seule l’opposante a déposé un plaidoyer écrit. Les parties n’ont pas demandé la tenue d’une audience.

 

Trois motifs d’opposition sont invoqués. Je vais d’abord examiner le troisième motif.

 

Selon le troisième motif d’opposition la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce en ce que, depuis le 1er août 1993, ni la requérante 3430961 Canada Inc. ni son prédécesseur en titre désigné n’ont utilisé la marque de commerce AAAAA Jaguar Brand & dessin en liaison ave des produits alimentaires, nommément du riz. 

 

Pour ce qui est du non‑respect de l’alinéa 30b), l’opposante doit s’acquitter du fardeau initial qui lui incombe, mais celui‑ci est peu exigeant [voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.) à la p. 89]. Elle peut s’acquitter de ce fardeau en se référant non seulement à sa preuve mais aussi à celle de la requérante [voir La Brasserie Labatt Limitée c. Les Brasseries Molson, Société en nom collectif (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), p. 230].

 

En l’espèce, l’opposante s’est acquittée du fardeau qui lui incombe en s’appuyant sur la preuve que la requérante a elle‑même soumise. Ainsi, dans son affidavit, M. Yammine, le directeur général de la requérante, atteste ce qui suit :

       [traduction]

      « le prédécesseur en titre de la requérante a vendu du riz Jaguar à ses clients dès janvier 1995 » [paragraphe 1];

      « la marque de commerce comprenant le mot “Jaguar” a été employée au Canada depuis au moins janvier 1995 » [paragraphe 2];

      « malgré le caractère distinctif de la marque de commerce, qui comporte le dessin d’un “jaguar”, qui est en soi distinctif, nous avons décidé d’ajouter les lettres AAAAA de manière à rendre la marque encore plus distinctive » [paragraphe 5];

      « sauf pour les lettres AAAAA, qui ont été ajoutées en 2001, la marque de commerce a été continûment utilisée depuis 1995 » [paragraphe 11].

 

Mis à part le fait qu’il n’a pas démontré que la marque a été utilisée avant 1995, M. Yammine admet que la marque de commerce demandée n’a pas été employée avant 2001, ce qui est fatal dans les circonstances. On ne peut considérer qu’usage a été fait de la marque AAAAA Jaguar Brand & dessin du fait de l’emploi de la marque Jaguar Brand & dessin sans les lettres AAAAA. Dans Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.), aux page 538 et 539, deux principes fondamentaux ont été énoncés sur la question de savoir quelles sont les variantes acceptables d’une marque de commerce. Le deuxième principe est applicable en l’espèce [traduction] : « On considérera qu’il est fait usage d’une marque de commerce donnée si la marque qui est véritablement employée n’est pas sensiblement différente et si les différences ne sont pas de nature à induire le public en erreur ou à lui nuire d’une quelconque façon [...]. En général […] ce principe semblerait n’être applicable que lorsque les différences sont très mineures ».

 

Le président de la requérante a lui‑même affirmé que les lettres AAAAA rendent la marque de la requérante plus distinctive. L’importance de cette caractéristique est davantage mise en relief du fait que cet élément est placé en premier, une position généralement reconnue comme étant dominante. Il est par conséquent raisonnable de conclure qu’il ne s’agit pas d’un ajout « très mineur ».

 

Je ne crois pas que la requérante puisse raisonnablement prétendre qu’elle pouvait à juste titre énoncer dans sa demande que la marque AAAAA Jaguar Brand & dessin a été utilisée depuis le 1er août 1993. Compte tenu de la déclaration faite sous serment selon laquelle la marque comportant les lettres AAAAA n’a pas été utilisée depuis 2001, l’emploi projeté de la marque et non son utilisation depuis le 1er août 1993 aurait dû servir d’assise à la demande. Il ne s’agit pas du cas d’un propriétaire ayant, au fil des ans, apporté des changements minimes à sa marque. Ici, le requérant, qui veut se voir accorder un droit exclusif, s’appuie sur des faits inexacts. Une telle demande ne saurait être accueillie et l’opposante a donc gain de cause en ce qui concerne le troisième motif d’opposition.

 

Comme j’ai déjà conclu que le motif d’opposition à l’appui duquel l’alinéa 30b) est invoqué doit être accueilli, je n’examinerai pas l’argument de l’opposante selon lequel la requérante ne peut prétendre avoir utilisé la marque depuis le 1er août 1993 parce que, jusqu’en 1998, le prédécesseur en titre de la requérante était le distributeur de l’opposante.

 

Je vais maintenant traiter du premier motif d’opposition, selon lequel la requérante ne serait pas, en raison de l’alinéa 38(2)c) de la Loi sur les marques de commerce, la personne ayant droit à l’enregistrement étant donné qu’à la date à laquelle la requérante prétend avoir fait usage de sa marque pour la première fois, la marque demandée créait de la confusion avec la marque de commerce AAAAA Tiger Brand & dessin, qui avait été antérieurement utilisée par l’opposante en liaison avec du riz. La marque de commerce de l’opposante est reproduite ci‑dessous.

 

 

 

 

 

 

 

                                              

Il incombe à la requérante d’établir, selon la prépondérance de la preuve, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi sur les marques de commerce. Toutefois, l’opposante a la charge initiale de présenter une preuve admissible permettant raisonnablement de conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298]. En ce qui concerne ce motif d’opposition, l’opposante a le fardeau initial de démontrer qu’elle a utilisé sa marque de commerce avant la date de l’annonce de sa demande et qu’à cette date elle ne l’avait pas abandonnée.

 

Dans les cas où, invoquant l’alinéa 30b), un opposant conteste avec succès la date de premier emploi revendiquée par un requérant, la date pertinente pour examiner un motif d’opposition fondé sur le paragraphe 16(1) est la date du dépôt de la demande [voir American Cyanamid Co. c. Record Chemical Co. Inc. (1972), 6 C.P.R. (2d) 278 (C.O.M.C.); Everything for a Dollar Store (Canada) Inc. c. Dollar Plus Bargain Centre Ltd. (1998), 86 C.P.R. (3d) 269 (C.O.M.C.)]. Par conséquent, en l’espèce, l’opposante doit démontrer qu’elle a utilisé sa marque avant le 2 septembre 1999 et qu’en date du 18 avril 2001 elle ne l’avait pas abandonnée.

 

L’opposante s’est acquittée du fardeau initial qui lui incombait. M. Abdelnour, le président de l’opposante, explique que celle‑ci [traduction] « fabrique, exporte, importe, distribue, commercialise, offre en vente et vend des aliments ethniques et non ethniques du monde entier », notamment du riz. Il décrit les activités qu’exerce généralement sa société et souligne le succès qu’elle connaît dans son domaine. Il dépose en preuve l’emballage du riz que vend sa société, sur lequel figure la marque AAAAA Tiger Brand & dessin et il fournit les chiffres faisant état des ventes annuelles réalisées au Canada chaque année, de 1998 à 2001, ainsi que les dépenses engagées, de 1995 à 2001, pour faire de la publicité au Canada. À l’appui de son témoignage, il a aussi versé au dossier des copies de factures et du matériel publicitaire.

 

Déterminer s’il y a risque de confusion est une question de première impression et de vague souvenir. Pour appliquer le critère de la confusion fondé sur le paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, le registraire doit prendre en compte toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. L’importance devant être accordée à chacun des facteurs peut varier selon les circonstances; [voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1966), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].

 

Les marques de commerce des deux parties ont un caractère distinctif inhérent. À la date pertinente, soit le 2 septembre 1999, seule la marque de l’opposante est devenue plus distinctive en raison de l’usage qui en a été fait et des activités promotionnelles dont elle a fait l’objet.

 

La période pendant laquelle les marques ont été en usage est favorable à l’opposante.

 

Les marchandises sont identiques et il est permis de conclure que les canaux de distribution utilisés par les parties sont similaires.

 

Sur le plan de la présentation, les marques se ressemblent remarquablement, les deux étant composées des lettres AAAAA, suivies du nom d’un chat sauvage et ensuite d’un dessin le représentant. Bien qu’il existe plusieurs façons de représenter un chat sauvage, dans les deux cas il est montré de profil s’élançant vers la gauche. Les marques en cause mettent toutes deux en évidence leurs trois composantes de manière fort similaire. Bien que les composantes formées de lettres, comme AAAAA, soient habituellement considérées intrinsèquement faibles [voir GSW Ltd. c. Great West Steel Industries Ltd. (1975), 22 C.P.R. (2d) 154 (C.F. 1re inst.)], cet élément commun aux deux marques est placé au début, une position en règle générale jugée dominante [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.)]. De plus, l’auteur de l’affidavit souscrit au nom de la requérante atteste que les lettres AAAAA ont été ajoutées pour rendre la marque plus distinctive.

 

Sur le plan des idées qu’elles suggèrent, les deux marques sont analogues. C’est au niveau sonore qu’elles diffèrent le plus.

 

Ayant pris en compte toutes les circonstances, je conclus que la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir qu’il n’y a pas de risque de confusion entre les deux marques. Cette conclusion se fonde notamment sur le fait que l’opposante utilise sa marque depuis plus longtemps et qu’elle en a fait un usage plus répandu, et ce, en liaison avec des marchandises identiques. De plus, il n’a pas été établi que d’autres personnes utilisent une marque de commerce sur laquelle figure un chat sauvage en liaison avec du riz. Compte tenu que les marques se ressemblent, il est raisonnable de conclure, selon la prépondérance de la preuve, que suivant sa première impression un consommateur ordinaire, qui connaît la marque de l’opposante mais qui en a un vague souvenir, pensera à la vue de la marque de la requérante que le riz de cette dernière provient de la même source que le riz de l’opposante. Je souligne que le fait que la requérante a choisi de ne produire aucun argument à l’appui de sa position ne l’a pas aidée. Le premier motif d’opposition est par conséquent accueilli.

 

L’opposante aurait peut-être eu gain de cause en ce qui concerne le dernier motif invoqué à l’encontre de la demande, mais je n’examinerai pas ce point étant donné que deux motifs ont déjà été accueillis.

 

En vertu des pouvoirs qui m’ont été conférés par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je rejette l’opposition en vertu du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), CE 4 JANVIER 2005.

 

 

 

Jill W. Bradbury                                

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

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