Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Traduction/Translation

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 125

Date de la décision : 2011-07-25

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par l'Association dentaire canadienne/Canadian Dental Association à l'encontre de la demande d’enregistrement no 1265950 pour la marque de commerce CDA au nom de Ontario Dental Assistants Association

[1]               Le 22 juillet 2005, l'Ontario Dental Assistants Association (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de certification CDA (la Marque) employée au Canada depuis au moins 1965 en liaison avec des « services d'assistance dentaire » (ci-après, les Services). La demande énonce la norme définie suivante :

Les personnes qui rendent les services doivent être membres en règle du requérant et avoir obtenu la note de passage à un examen de certification des assistants dentaires approuvé par le requérant et les personnes doivent avoir complété un programme d’assistance dentaire approuvé par le requérant, ou avoir obtenu un certificat, un diplôme ou un grade en assistance dentaire, en hygiène dentaire ou en dentisterie approuvé par le requérant (mais ne pas détenir un certificat d’inscription d’une profession de la santé réglementée où que ce soit au Canada), ou avoir pratiqué le métier pendant deux années complètes, sous réserve de vérification, de pratique à titre d’assistant dentaire ou l’équivalent. Cette norme peut être modifiée par le requérant de temps en temps.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 15 mars 2006.

[3]               Le 15 août 2006, l'Association dentaire canadienne/Canadian Dental Association (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition. Le 7 juin 2007, l'Opposante a produit une déclaration d'opposition modifiée que le registraire a autorisée le 14 septembre 2007. Cette déclaration d'opposition est celle qui est actuellement inscrite au dossier. Les motifs de l'opposition peuvent être résumés comme suit :

a)      Sur le fondement des alinéas 30b) et 38(2)a) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C., 1985, ch. T-13 (la Loi), la Requérante ou son licencié n'ont pas employé la Marque au Canada en liaison avec les Services depuis la date de premier emploi alléguée, à savoir 1965, ou ne l'ont pas employé du tout;

b)      Sur le fondement des alinéas 30i) et 38(2)a) de la Loi, la Requérante ne pouvait être convaincue qu'elle avait le droit d'employer la Marque au Canada en liaison avec les Services puisque la Requérante a coexisté au Canada pendant 35 ans avec la Certified Dental Assistants of British Columbia (CDABC), laquelle a, avec l'Association des assistants et assistantes dentaires du Nouveau-Brunswick (AADNB) et la Newfoundland Dental Assistants Association (NDAA), employé le sigle CDA, ou octroyé une licence pour son emploi, en liaison avec « assistant dentaire certifié » [Certified Dental Assistant] pendant de nombreuses années, aux mêmes dates que la Requérante allègue avoir employé sa Marque;

c)      Sur le fondement des alinéas 12(1)b) et 38(2)b) de la Loi, la Marque donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Services, ou des personnes qui les exécutent, puisque la Marque est, et a été à toutes les dates pertinentes, un sigle bien établi au Canada pour désigner « assistant dentaire certifié »;

d)     Sur le fondement de l'article 2 et de l'alinéa 38(2)d) de la Loi, la Marque n’est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas les Services de ceux fournis par la CDABC, ni n’est adaptée à les distinguer, vu, entre autres choses, que la CDABC emploie depuis longtemps le sigle CDA, qui désigne « assistant dentaire certifié », au Canada;

e)      Sur le fondement de l'article 2 et de l'alinéa 38(2)d) de la Loi, la Marque n’est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas les Services de ceux fournis par l’AADNB et la NDAA, ni n’est adaptée à les distinguer, vu, entre autres choses, que l’AADNB et la NDAA emploient depuis des décennies le sigle CDA, qui désigne « assistant dentaire certifié », au Canada;

f)       Sur le fondement de l'article 2 et de l'alinéa 38(2)d) de la Loi, la Marque n'est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas les Services de ceux fournis par l'Opposante, vu, entre autres choses, que l'Opposante emploie depuis longtemps le sigle CDA, qui désigne son nom anglais au Canada, au dates qui correspondent à l’emploi de la Marque et même bien avant la date de premier emploi alléguée par la Requérante. L’Opposante emploie le sigle CDA pour désigner son association professionnelle, ainsi que ses marchandises et ses services depuis au moins 1912.

[4]               La Requérante a produit et a signifié une contre-déclaration dans laquelle elle niait les allégations de l’Opposante. Le 15 octobre 2007, la Requérante a produit une contre-déclaration modifiée dans laquelle elle invoque le paragraphe 12(2) de la Loi que le registraire a autorisée le 22 avril 2008. Cette contre-déclaration modifiée est celle qui est actuellement inscrite au dossier.

[5]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l'affidavit de Bernard Dolansky, daté du 20 avril 2007, auquel sont jointes les pièces A à X; l'affidavit de Ronald G. Smith, daté du 19 avril 2007, auquel sont jointes les pièces A à F; et celui de Deborah N. Stymiest, daté du 19 avril 2007. La Requérante a contre-interrogé les trois auteurs des affidavits le 13 novembre 2007. Les transcriptions, les réponses données aux engagements et les réponses différées à certaines questions ont été produites le 8 février 2008.

[6]               À l’appui de sa demande d’enregistrement, la Requérante a produit l'affidavit de Judith A. Melville, daté du 5 juin 2008, auquel sont jointes les pièces A à P. L'Opposante a obtenu une ordonnance pour contre-interroger Mme Melville, mais elle ne l’a pas fait.

[7]               Le 2 septembre 2009, la Requérante a produit une demande d'enregistrement modifiée dans laquelle elle invoquait le paragraphe 12(2) de la Loi, tout en se limitant géographiquement à la province d'Ontario. La demande a initialement été acceptée par une lettre datée du 4 septembre 2009, mais elle a été ultérieurement retirée par une lettre datée du 25 septembre 2009. La correspondance entre la Requérante et l'Office de la propriété intellectuelle du Canada a donné lieu à une lettre, datée du 28 octobre 2009, dans laquelle on informait la Requérante que son renvoi au paragraphe 12(2) était inscrit au dossier et que, si nécessaire, il serait évalué à l'étape de la décision.

[8]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées lors d'une audience.

La preuve de l’Opposante

Affidavit et contre-interrogatoire de Bernard Dolansky

[9]               Le docteur Dolansky a obtenu un doctorat en chirurgie dentaire à l'Université de Montréal en 1970 et il est titulaire d’une maîtrise ès sciences et d’un certificat en endodontie de la Northwestern University de Chicago. Le docteur Dolansky pratique l'endodontie à Ottawa depuis qu'il a terminé ses études à Chicago. Il déclare qu'au cours de sa carrière, il a joué un rôle actif à tous les niveaux au sein d’organismes dentaires, dont l’Ottawa Dental Society, l’Ontario Dental Association et l'Opposante, au fil des ans.

[10]           Le témoignage du Dr Dolansky couvre deux points généraux : a) son expérience personnelle auprès d’assistants dentaires au cours de sa pratique de la médecine dentaire; b) sa connaissance des activités de l'Opposante.

[11]           Lors de son contre-interrogatoire, le Dr Dolansky a répondu à un certain nombre de questions au sujet de l’interaction qu’il a eue avec les assistants dentaires au cours de sa carrière. Il a déclaré qu'il a embauché environ entre 20 et 30 assistants dentaires au cours de sa carrière. Il a indiqué qu'ils n'étaient pas tous des « assistants dentaires certifiés », et que, selon sa compréhension, la certification n’était pas nécessaire pour permettre à un assistant dentaire de pratiquer (Q. 158 et 159).

[12]           Lors de son contre-interrogatoire, le Dr Dolansky a déclaré qu'il ne considérerait pas tous les assistants dentaires de « Niveau I » avec qui il a travaillé comme des « CDA » (Q. 172); il a, en outre, déclaré qu'il n'a jamais entendu ses assistants dentaires certifiés parler d'eux-mêmes en tant que CDA (Q. 176).

[13]           Lors de son contre-interrogatoire, le Dr Dolansky a déclaré que la référence à « CDA » pour désigner les « assistants dentaires certifiés » crée de la confusion avec le sigle qui, selon lui, désigne l'Opposante (Q. 177, Q. 179). Le docteur Dolansky a, en outre, déclaré qu'il est incapable de faire la distinction entre l'emploi du sigle par l'Opposante et son emploi par la Requérante, mis à part le contexte dans lequel il est employé (Q. 180). Il indique que si le sigle était utilisé pour décrire une personne, il ne le confondrait probablement pas avec l'Opposante, mais dès qu’il l’entend, il pense d'abord à l'Opposante et devra, en conséquence, se demander à quoi le sigle renvoie (Q. 180 à 182).

[14]           Le docteur Dolansky déclare qu'il joue un rôle au sein de l'Opposante depuis 24 ans et qu'il est actuellement membre de cette organisation. Il dit qu'à la suite de son adhésion et compte tenu des postes qu’il a occupés dans l'organisation, actuellement et antérieurement, il est personnellement au courant des activités de l'Opposante.

[15]           Le docteur Dolansky déclare que l'Opposante est un organisme fédéral sans but lucratif fondé en 1902. Il précise que depuis sa fondation, l'Opposante a employé le sigle CDA pour désigner son association professionnelle et promouvoir ses services.

[16]           Selon l'affidavit du Dr Dolansky, l'Opposante agit à titre de porte-parole national, de ressource et d’agent pour l’unification de la profession dentaire au Canada. Le docteur Dolansky déclare que l'Opposante se consacre à satisfaire les besoins de ses membres et à promouvoir la santé bucco-dentaire optimale pour les Canadiens. Comme l’indique l'affidavit du Dr Dolansky, l'Opposante collabore avec les associations dentaires provinciales et des organismes affiliés afin de fournir des services dans les deux langues officielles, et de fournir de l’appui et des conseils dans tous les domaines de la dentisterie. En résumé, le Dr Dolansky indique que l'Opposante est un organisme pancanadien de soins de santé qui sert à représenter la profession de dentiste qui se régit elle-même et qui veille sur l’intérêt supérieur du public et des dentistes.

[17]           L'affidavit et le contre-interrogatoire du Dr Dolansky seront examinés en détail plus loin dans l'analyse du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

Affidavit et contre-interrogatoire du Dr Ronald G. Smith

 

[18]           Le docteur Smith a obtenu un doctorat en médecine dentaire de l’Université de l’Alberta en 1974 et pratique la médecine dentaire à Duncan, en Colombie-Britannique, depuis 1979.

[19]           Selon le témoignage du Dr Smith, la CDABC et le College of Dental Surgeons of British Columbia emploient le signe CDA. Il témoignage en outre de son expérience personnelle avec des assistants dentaires dans sa pratique de la dentisterie en Colombie-Britannique.

[20]           Lors de son contre-interrogatoire, le Dr Smith a déclaré qu'il est membre de l'Opposante depuis qu'il a obtenu son diplôme de la faculté de médecine dentaire en 1974 (Q. 69 et 70) et qu'il a antérieurement été membre du Conseil exécutif de l'Opposante et membre du conseil d’administration depuis les trois dernières années (Q. 69). Le docteur Smith a déclaré que les lettres CDA constituent, à son avis, la forme abrégée du nom de l'Opposante et qu'elles ont été employées de cette manière depuis aussi tôt qu'il s'est joint à l'organisation (Q. 74 à 76).

Affidavit et contre-interrogatoire de la Dr Deborah N. Stymiest

[21]           La docteure Stymiest a obtenu un doctorat en médecine dentaire de l’Université Dalhousie en 1983 et pratique la médecine dentaire à Fredericton (Nouveau-Brunswick) depuis.

[22]           La docteure Stymiest témoigne de son expérience personnelle avec des assistants dentaires dans sa pratique de la dentisterie.

[23]           La docteure Stymiest a déclaré, lors de son contre-interrogatoire, qu'elle est membre de l'Opposante depuis qu'elle a obtenu son diplôme de la faculté de médecine dentaire; elle a également déclaré avoir été membre alors qu’elle poursuivait ses études. Elle indique qu'elle a été vice-présidente de l'Opposante d'avril 2006 à avril 2007 et qu'elle est la présidente élue depuis avril 2007. La docteure Stymiest déclare également qu'elle est membre du conseil d’administration de l'Opposante depuis 1997. Elle dit qu'elle a également exercé le mandat de présidente de la Société dentaire du Nouveau-Brunswick (Q. 55 à 65).

[24]           La docteur Stymiest a déclaré, en contre-interrogatoire, qu’elle croit que les lettres CDA servent à désigner l'Opposante.


La preuve de la Requérante

Affidavit de Mme Judith A. Melville

[25]           Madame Melville est la directrice administrative de la Requérante. Elle déclare que la Requérante est un organisme sans but lucratif qui œuvre dans la province d'Ontario à titre d'organisme responsable de la certification des assistants dentaires et à titre d’association professionnelle. Madame Melville déclare que la Requérante fournit des services variés, dont la certification, la formation continue, les conseils d’experts et le leadership, des publications ainsi que des réunions locales d’organismes affiliés et des colloques à l’échelle provinciale. Elle déclare que la Requérante fait également des pressions pour que la fonction d'assistant dentaire soit réglementée par le gouvernement de l'Ontario. Madame Melville joint à son affidavit des extraits tirés du site Web de la Requérante (www.odaa.org) décrivant ses activités (pièce A).

[26]           Madame Melville déclare que la Requérante a été constituée par lettres patentes en vertu des lois de l'Ontario en 1934 sous le nom « Ontario Dental Nurses’ and Assistants’ Association ». Madame Melville joint à son affidavit une copie d'un article paru dans l’édition de janvier-mars 2000 du Journal (une publication distribuée partout en Ontario par la Requérante) qui résume l'histoire de l'association (pièce B).

[27]           Madame Melville soutient que la Requérante est dirigée par un conseil d’administration composé de membres élus provenant des onze régions administratives de l'Ontario. Elle déclare que des organismes de partout dans la province sont affiliés à la Requérante. Elle joint à son affidavit des copies de pages Web tirées du site Internet de la Requérante qui donnent la nomenclature des membres du conseil d’administration pour l'année 2007‑2008 et des organismes affiliés (pièce D).

[28]           Madame Melville précise que la Requérante, en sa qualité d'organisme responsable de la certification des assistants dentaires de l'Ontario, est chargée d’autoriser l’emploi d’un certain nombre de marques de certification qui désignent généralement des titres professionnels, dont la Marque, ainsi que CDR (marque de certification déposée no LMC684088, la pièce E est une copie certifiée conforme de l'enregistrement) employée en liaison avec des services de réceptionniste dentaire; et CDTC (marque de certification déposée no LMC684089, la pièce F est une copie certifiée conforme de l'enregistrement) employée en liaison avec des services de coordination pour traitement dentaire.

[29]           Madame Melville déclare que depuis 1961, les assistants dentaires ayant démontré à la Requérante, de façon satisfaisante, au moyen de travaux, de cours, d'examens et d'expérience, qu'ils se conforment aux normes prescrites exigées pour pouvoir offrir des services d'assistance dentaire en Ontario sont autorisés par la Requérante à employer la Marque en liaison avec les services d’assistance dentaire. Depuis, la Marque a été largement employée par les utilisateurs certifiés en Ontario en liaison avec les services d'assistance dentaire. Madame Melville déclare que les membres que la Requérante autorise à employer la marque sont appelés des « assistants dentaires certifiés ».       

[30]           Madame Melville énonce les exigences permettant à un assistant dentaire d’être autorisé à employer la Marque. Plus précisément, elle mentionne que l'assistant dentaire doit être un membre en règle de la Requérante et qu'il doit réussir un examen de certification approuvé par la Requérante. L'assistant dentaire doit également avoir terminé un programme d'assistance dentaire. De plus, il doit détenir un certificat ou un diplôme en hygiène ou en assistance dentaire ou posséder un minimum confirmé de deux années d'expérience pratique à temps plein en tant qu'assistant dentaire ou l'équivalent. Madame Melville énonce également les exigences pour permettre à un assistant dentaire de continuer à être en règle et d’employer la Marque, notamment au moyen de la formation continue et du respect d’un code de déontologie (pièce G).

[31]           Selon Mme Melville, depuis 1961, les assistants dentaires certifiés inscrivent la Marque après leur nom à titre de désignation professionnelle, ce qui indique que les services d’assistance dentaire qu'ils fournissent sont conformes à la norme établie par la Requérante. Madame Melville ajoute qu’ils emploient la Marque en l’affichant sur un porte-nom ‑ lequel est revêtu lorsque l'assistant dentaire fournit ses services à un patient – et en l’inscrivant à la suite des noms des membres certifiés, lorsque leurs noms figurent sur des imprimés, dont les publications diffusées en Ontario.

[32]           Madame Melville déclare qu'il y a actuellement en Ontario environ 7 500 assistants dentaires autorisés par la Requérante à employer la Marque en liaison avec des services d'assistance dentaire. Elle indique que s'il est difficile d'estimer le nombre de patients qui ont été servis par les assistants dentaires certifiés en Ontario depuis 1961, elle croit qu’ils se comptent par millions. Lors de l'audience, l'Opposante a soutenu que ce nombre était purement hypothétique. Je suis d'accord.

[33]           Madame Melville déclare que la Requérante a toujours été et reste toujours la seule autorité qui permet aux assistants dentaires certifiés d'employer la Marque en Ontario. Elle ajoute que les assistants dentaires qui ne sont pas certifiés par la Requérante ne sont pas autorisés à employer la Marque en Ontario.

[34]           En conclusion, Mme Melville déclare que la Marque, largement et exclusivement employée par les utilisateurs certifiés depuis près de 50 ans, est devenue bien connue en Ontario, désignant des services d'assistance dentaire fournis par des utilisateurs certifiés.

[35]      Le reste de l'affidavit de Mme Melville sera examiné ci-dessous, lors de l'analyse du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi.

Le fardeau de preuve et les dates pertinentes

[36]      Le fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), incombe à la Requérante. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels elle appuie chacun de ses motifs d'opposition [voir John Labatt Limited c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298].

[37]      Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition sont les suivantes :

a)      alinéas 38(2)a), 30b) et 30i) - la date de la production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), p. 475, et Tower Conference Management Co. c. Canadian Exhibition Management Inc. (1990), 28 C.P.R. (3th) 428 (C.O.M.C.), p. 432.

b)      alinéas 38(2)b) et 12(1)b) - la date de la production de la demande [voir Fiesta Barbeques Ltd. c. General Housewares Corp. (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)].

c)      alinéa 38(2)d) – article 2 - la date de la production de l'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Les motifs d’opposition fondés sur l'article 30

Alinéa 30i) de la Loi

[38]           L'alinéa 30i) de la Loi exige que la demande d'enregistrement renferme une déclaration portant que la Requérante est convaincue qu'elle a le droit d'employer la marque au Canada en liaison avec les marchandises ou services décrits dans la demande. La Requérante a produit cette déclaration dans sa demande d’enregistrement.

[39]           Si la Requérante fournit la déclaration exigée à l'alinéa 30i), le motif d'opposition fondé sur cette disposition ne peut être retenu que dans des cas exceptionnels, par exemple, lorsque la mauvaise foi de la Requérante est établie [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155].

[40]           Puisque ce n'est pas le cas en l'espèce, je rejette ce motif d'opposition.

Alinéa 30b) de la Loi

[41]           Le fardeau de preuve initial de l’Opposante est peu exigeant en ce qui concerne la question de la non-conformité à l’alinéa 30b) de la Loi, étant donné que la Requérante est bien au courant des faits concernant son premier emploi de la Marque [voir Tune Masters c. Mr. P.'s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), p. 89]. L’Opposante peut s’acquitter de ce fardeau, non seulement au moyen de sa propre preuve mais également de la preuve de la Requérante [voir Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), p. 230]. Cependant, s’il est vrai que l’Opposante peut se fonder sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter du fardeau qui lui incombe à l’égard de ce motif, l’Opposante doit établir que la preuve de la Requérante est « manifestement » incompatible avec les prétentions formulées dans sa demande d’enregistrement.

[42]           Afin d'évaluer le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi, je dois d'abord déterminer si la Marque peut être désignée en tant que marque de certification. Il est utile de reproduire les articles de la Loi qui concernent l'emploi des marques de certification.

[43]           L'article 2 de la Loi définit une marque de certification comme suit :

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

« marque de certification » marque employée pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises ou services qui sont d’une norme définie par rapport à ceux qui ne le sont pas, en ce qui concerne :

a) soit la nature ou qualité des marchandises ou services;

b) soit les conditions de travail dans lesquelles les marchandises ont été produites ou les services exécutés;

c) soit la catégorie de personnes qui a produit les marchandises ou exécuté les services;

d) soit la région à l’intérieur de laquelle les marchandises ont été produites ou les services exécutés.

 

[44]           En outre, l'article 23 de la Loi dispose :

23. (1) Une marque de certification ne peut être adoptée et déposée que par une personne qui ne se livre pas à la fabrication, la vente, la location à bail ou le louage de marchandises ou à l’exécution de services, tels que ceux pour lesquels la marque de certification est employée.

 

(2) Le propriétaire d’une marque de certification peut autoriser d’autres personnes à employer la marque en liaison avec des marchandises ou services qui se conforment à la norme définie, et l’emploi de la marque en conséquence est réputé en être l’emploi par le propriétaire.

[45]           Enfin, le paragraphe 4(2) de la Loi prévoit qu’une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[46]           La preuve de la Requérante donne à penser que la Marque est employée en tant que titre professionnel au lieu d'être employée comme marque de certification comme la Loi le prévoit. En fait, la Requérante a admis, au moyen de l'affidavit de Mme Melville (voir l'affidavit de Mme Melville aux paragraphes 5, 6 et 10) et de son plaidoyer écrit que CDA est le sigle qui désigne les « assistants dentaires certifiés » lequel, selon l'aveu de la Requérante, est un titre professionnel. Seuls les assistants dentaires qui satisfont aux normes prescrites par la Requérante ‑ la réussite d'examens et la conformité à un code de déontologie ‑ peuvent employer la marque de certification CDA afin de se désigner en tant qu'assistants dentaires certifiés.

[47]           L'Opposante affirme qu'un titre professionnel ne peut pas servir de marque de certification. À cet égard, elle s'appuie sur Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. Alberta Institute of Power Engineers (2008), 71 C.P.R. (4th) 37 (C.O.M.C.) [Power Engineers], où la marque de commerce PE ne pouvait être employée comme marque de certification puisque la preuve démontrait qu’il s’agissait de l’abréviation de « Power Engineers », lequel est un titre professionnel. L'Opposante s’appuie également sur la décision Association des assureurs-vie du Canada c. Association provinciale des assureurs-vie du Québec (1988), 22 C.P.R. (3d) 1 (C.F. 1re inst.) [Association des assureurs-vie], dans laquelle le juge Dubé a déclaré ce qui suit [à la p. 581, dans [1989] 1 C.F. 570] (non souligné dans l'original) :

Pour sa part, la Provinciale soutient, dans un premier temps, que les titres en litige sont des titres professionnels et non des marques de certification et ne peuvent donc être enregistrés. En effet, la preuve documentaire déposée par la Nationale indique à multiples reprises qu'elle-même considère les assureurs-vie agréés comme des professionnels et les désignations en question comme des titres professionnels. Étant des titres professionnels, ils sont utilisés en association avec des personnes et non en association avec des marchandises ou des services.

Dans la même mesure ou l'on ne pourrait pas enregistrer les mots « avocats », « notaires », « médecins », « ingénieurs », etc. comme marques de certification, l'on ne peut non plus considérer le titre « assureur-vie agréé » comme étant une marque de certification. A mon sens, le nom même d'une profession ne peut être utilisé comme un standard, une norme définie, un cachet de distinction apposable à des marchandises ou des services.

[48]           La Requérante soutient, par contraste, que le registraire a appliqué à tort la décision Association des assureurs-vie, laquelle ne fait plus autorité. La Requérante soutient que la décision Association des assureurs-vie était fondée sur un ensemble particulier de faits et sur une jurisprudence qui a, depuis, été infirmée. Plus précisément, il était question dans Association des assureurs-vie du partage des compétences provinciales et fédérales et on renvoyait à la décision Conseil canadien des ingénieurs c. Lubrication Engineers (1984), 1 C.P.R. (3d) 309, rendue par la Section de première instance de la Cour fédérale, laquelle décision a ensuite été infirmée par la Cour d'appel fédérale [voir Lubrication Engineers, Inc. c. Conseil canadien des ingénieurs (1992), 41 C.P.R. (3d) 243]. La Requérante soutient que la décision Association des assureurs-vie a été effectivement écartée lorsque la Cour d’appel fédérale a infirmé la décision Lubrication Engineers.

[49]           Lors de l'audience, l'Opposante a soutenu que l’élément infirmé en appel dans Association des assureurs-vie n’était que la conclusion ultra vires à l’égard de la loi fédérale en vertu de laquelle les titres professionnels avaient été conférés, et non celle qui portait sur le fait qu’un titre professionnel ne puisse être utilisé comme marque de certification. Selon l'Opposante, son affirmation est étayée par la citation suivante tirée du paragraphe 1 de l’arrêt Lubrication Engineers de la Cour d'appel fédérale :

… ce texte n'a tout simplement pas pour effet, comme semble le croire le juge, de transposer dans le droit fédéral les diverses prohibitions à l’égard de l’usage de certaines appellations professionnelles contenues dans les lois provinciales réglementant les professions concernées.

[50]           L'Opposante me renvoie également à la décision Groupe Conseil Parisella, Vincelli Associés Inc. c. CPSA Sales Institute (2003), 31 C.P.R. (4e) 308 (C.O.M.C.) [Parisella], où le Me Carrière, membre de l Commission, a examiné, entre autres choses, si la Requérante avait employé la marque de certification PVA en liaison avec des services de professionnel de vente et de direction des ventes pour le compte d'autrui. Dans cette décision, le Me Carrière a décidé ce qui suit :

Je suis en accord avec la position formulée par l'Opposante dans son plaidoyer écrit à l'effet que la preuve au dossier révèle que l'acronyme PVA n'est pas utilisé relativement à des « services of professional sales person, and sales manager, on behalf of others » car il n'est pas utilisé en association avec des services mais seulement comme titre professionnel apparaissant à la suite du nom d'une personne sur une carte d'affaires, sur un en-tête de lettre ou sur un certificat d'accréditation.

[51]           Je souscris à l’argument de l'Opposante concernant la décision Association des assureurs-vie et je trouve également que la conclusion de Me Carrières’applique à l’espèce.

[52]           Selon la Requérante, les titres professionnels sont visés par l'article 2 de la Loi puisque l’alinéa 2c) de la Loi prévoit une norme définie pour la catégorie de personnes qui a exécuté les services. Elle soutient que les titres professionnels relèvent de cette définition, car le titre professionnel est la reconnaissance qu’un professionnel donné est qualifié pour fournir des services conformes aux normes établies par un organisme d’agrément [voir Ordre des comptables agréés du Québec c. Computer Automation, Inc. (1991), 36 C.P.R. (3d) 98 (C.O.M.C.) [Computer Automation]]. Selon la Requérante, pour qu’un titre professionnel puisse être utilisé comme marque de certification, il suffit qu’il distingue les services qui sont d’une norme définie par rapport à la catégorie de personnes qui les exécutent.

[53]           L'Opposante soutient, au contraire, que la déclaration sur laquelle s’appuie la Requérante est une remarque incidente dans la décision Computer Automation. À l'appui de son argument, l'Opposante cite l’extrait supplémentaire suivant qui figure à la p. 111 de cette décision :

En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur la marque de certification C.A. de l’opposante, j’ai des doutes à savoir si l’utilisation des lettres C.A. par les membres de l’association de l'opposante constitue l’utilisation d’une marque de certification. La preuve démontre que les initiales C.A. sont utilisées à la suite du nom de la personne qui est qualifiée comme comptable agréé.

[54]           Je souscris aux arguments de l'Opposante sur ce point.

[55]           De plus, je remarque que la Marque, en tant que sigle pour le titre professionnel « assistant dentaire certifié » [Certified Dental Assistant], ne sert qu'à distinguer les personnes qui l’emploient parce qu’ils sont des assistants dentaires certifiés, plutôt que les services qu’ils offrent.

[56]           S'appuyant sur l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., (2006) 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.), la Requérante affirme que si le registraire devait rejeter d’emblée tous les titres professionnels, il serait plus facile pour les personnes non qualifiées de les utiliser frauduleusement. En réponse, l'Opposante fait valoir que les observations de la Requérante sont indéfendables puisqu’il est interdit à plusieurs professionnels de se livrer à l’exercice illégal de leur profession et d’utiliser sans autorisation leur titre professionnel, la profession d’avocat en constituant un exemple évident.

[57]           Je souscris aux affirmations de l'Opposante. Je remarque que l'observation de la Requérante est de nature politique. En réponse, je conclus qu’il n’appartient pas au registraire de dire, de facto, qui peut être autorisé à employer un titre professionnel. De telles décisions appartiennent aux organisations qui arrêtent les exigences et les normes.

[58]           Après avoir examiné les observations des parties, j’estime que le raisonnement de la décision Association des assureurs-vie fait toujours autorité et qu'en conséquence, les titres professionnels ne peuvent pas être utilisés comme marques de certification.

[59]           Il ne fait aucun doute, en l’espèce, que la Marque constitue l'abréviation du titre professionnel « assistant dentaire certifié » [Certified Dental Assistant]. À ce titre, il ne saurait être employé comme marque de certification.

[60]           Même si la Marque, un titre professionnel, pouvait être employée comme marque de certification, je suis d'accord avec l'Opposante pour dire que la Requérante n'a pas établi l’emploi de sa marque en liaison avec les Services au sens du paragraphe 4(2) de la Loi, pour les raisons suivantes.

[61]           La Requérante soutient qu’il faut, dans l’examen des titres professionnels, se rappeler que la personne qui emploie la marque est celle qui, au bout du compte, fournit le service. Par conséquent, le fait pour la Marque d’être employée et affichée pendant que la personne exécute les services ou qu'elle les annonce constitue un emploi de la Marque au sens du paragraphe 4(2) de la Loi.

[62]           Selon l'Opposante, la Requérante a voulu invoquer son propre emploi au soutien de sa demande pour l’enregistrement d’une marque de certification, ce qui n’est pas permis. La Requérante doit être en mesure de prouver que la Marque est employée par les licenciés. L'Opposante affirme que les licences octroyées à des personnes ‑ les pièces H et I de l'affidavit de Mme Melville en font foi ‑ datent de bien après 1965 (plus précisément aux alentours de l'année 2000). En outre, la preuve que la Marque a été employée comme titre professionnel après le nom des personnes dans des publications ou sur des plaques, des affiches ou des certificats, ne constitue pas une preuve d'emploi [voir Parisella, précitée].

[63]           La Requérante fait valoir que les documents suivants constituent tous une preuve de l'emploi de la Marque en liaison avec les Services :

a)      les photographies d'étiquettes de noms portées par des assistants dentaires certifiés qui arborent la Marque à la suite de leur nom (pièce N). Madame Melville déclare que celles-ci représentent bien les étiquettes que les utilisateurs certifiés de la Marque portent réellement lorsqu'ils fournissent des services d'assistance dentaire au public en Ontario depuis 1961;

b)      les diplômes décernés aux assistants dentaires certifiés qui, selon la Requérante, sont affichés dans l'exécution des services (pièce I);

c)      une plaque affichant les noms des présidents antérieurs de l'organisation Requérante depuis 1961 sur laquelle la Marque figure à la suite de leurs noms (pièce J);

d)     un article de l'édition du 29 septembre 1965 d'un journal de Kingston qui fait référence à des assistants dentaires certifiés dans lequel la Marque est placée après leurs noms (pièce K).

e)      des extraits provenant du Journal, une publication distribuée par la Requérante en Ontario, dans laquelle la Marque est écrite à la suite du nom des personnes (1974, 1977, 1982, 1985,1996 à 2000, 2002, 2004) (pièces L et M);

f)       des échantillons d'annonces de tiers qui renvoient aux services fournis par des utilisateurs certifiés de la Marque (2001 à 2004) (pièces O et P).

[64]           L'Opposante se fonde sur Power Engineers pour appuyer sa conclusion que l'emploi de la Marque après le nom d'une personne sur des imprimés ne constitue pas un emploi de la Marque au sens du paragraphe 4(2) de la Loi. Je souscris à la prétention de l'Opposante.

[65]           Me fondant sur le même raisonnement, j’estime que la plaque susmentionnée en c) ou l'article de journal susmentionné en d) ne constituent pas des emplois de la Marque au sens du paragraphe 4(2) de la Loi. J’estime également que les certificats susmentionnés en b) ne constituent pas des emplois de la Marque au sens du paragraphe 4(2) de la Loi [voir Parisella, précitée]. Les étiquettes de noms susmentionnées en a) pourraient constituer des emplois de la Marque si les assistants dentaires certifiés les portent dans l'exécution des services d'assistance dentaire. Or, il s’agirait d’un emploi de la Marque indiquant que les assistants dentaires répondent aux critères qui les autorisent à employer le titre CDA plutôt qu’un emploi distinguant les services qu’ils exécutent. En d'autres termes, cet élément constituerait un emploi de la Marque comme titre professionnel, lequel ne peut être employé comme marque de certification comme je l'ai déjà conclu.

[66]           Me fondant sur l'examen de l'affidavit de Mme Melville dans son ensemble, j’estime qu’il ne contient pas d’éléments établissant que les licenciés de la Requérante emploient la Marque depuis au moins 1965 comme marque de certification au sens du paragraphe 4(2), comme l’allègue la Requérante dans sa demande d’enregistrement. En conséquence, la preuve de la Requérante n’étaye manifestement pas son allégation. Vu ce qui précède, j’estime que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau à l’égard de ce motif.

[67]           Puisque l'Opposante s'est acquittée de son fardeau, il incombe à la Requérante d’établir l'emploi de la Marque en liaison avec les Services depuis la date qu’elle allègue dans sa demande, soit 1965. La Requérante n'a pas établi un tel emploi. En conséquence, ce motif d'opposition est retenu.

Les motifs fondés sur l'alinéa 38(2)d) :

[68]           L'Opposante a allégué trois motifs d'opposition fondés sur l’absence de caractère distinctif, chacun étant fondé sur l'emploi allégué du sigle CDA par une autre entité (l'Opposante, la Certified Dental Assistants of British Columbia [CDABC], l'Association des assistants et assistantes dentaires du Nouveau-Brunswick [AADNB] et la Newfoundland Dental Assistants Association [NDAA]).

[69]           Il incombe à la Requérante d’établir que la Marque est adaptée à distinguer ou qu'elle distingue véritablement ses Services de ceux d’autres propriétaires partout au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)], mais l'Opposante a le fardeau initial d’établir les faits sur lesquels elle appuie le motif d'opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif. Pour s’acquitter de son fardeau, l'Opposante est tenue d’établir que le 15 août 2006, une ou plusieurs de ces entités avaient suffisamment fait connaître le sigle CDA pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd. (2004), 40 C.P.R. (4th) 553, confirmé par (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F. 1re inst.) [Bojangles]].

L'Opposante

[70]           Le troisième motif d'opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif s’appuie sur l’emploi du sigle CDA par l'Opposante pour son nom anglais (Canadian Dental Association). L'Opposante affirme qu'elle emploie le sigle CDA pour se désigner elle-même et désigner ses marchandises et services depuis au moins 1912.

[71]           L'Opposante avance que l'affidavit du Dr Dolansky fournit un exemple des publications de l'Opposante ainsi que des publications de tiers qui désignent toutes l'Opposante par le sigle CDA. L'Opposante affirme qu'elle a utilisé à maintes reprises le sigle CDA après ou très près de son nom complet, une pratique qui, selon l'Opposante, renforce l'association entre le sigle et l'Opposante et qui établit que ces tiers savent que le sigle CDA désigne l'Opposante. Je remarque que le sigle CDA est employé dans tous ces documents, parfois entre parenthèses à la suite du nom complet de l'Opposante, mais, encore plus important, qu'il est aussi utilisé seul pour désigner l'Opposante.

[72]           Le docteur Dolansky affirme que le sigle CDA est employé par l'Opposante pour se désigner elle-même et désigner ses services depuis sa création en 1902. L'affidavit du Dr Dolansky fournit un certain nombre de documents publiés par l'Opposante dans lesquels celle-ci se désigne au moyen du sigle CDA, comme le démontrent les documents suivants :

Publications visant les dentistes

Publications visant les membres de l'Opposante

Publications visant le public

« 100 Years of Smiles » dans le Journal of the Canadian Dental Association (2002) – pièce C

COMMUNIQUÉ (1989-1999, 2000-01) – pièce F

Site Internet de l'Opposante - imprimé le 3 juin 2007 – pièce L

Extraits du Dominion Dental Journal (1912, 1918, 1934, 1935) – pièce D

Revue annuelle de l'Opposante (1988-89, 1989-90, 1992-93 - 1995-96, 1997-1998, 1999-2000) – pièce G

The National Post – section publicitaire spéciale « Oral Health » (2001, 2004-2006) – pièce XYZ

Extraits du Journal of the Canadian Dental Association (1982, 1989, 1994, 1994-99, 2000-06) – pièce E

Lettre du gouverneur adressée aux membres (1945) – pièce H

 

Brochure des avantages des membres (1992-93) – pièce K

 

 

Matériel publicitaire pour le congrès annuel de l'Opposante – pièce R

 

 

Documents de l'assemblée générale annuelle de l'Opposante (1958) – pièces I, J

 

 

[73]           En ce qui concerne la section publicitaire spéciale « Oral Health » publiée dans le National Post, le Dr Dolansky affirme qu'en 2001, l'Opposante et l'éditeur du National Post se sont associés pour promouvoir l'hygiène buccale. Le docteur Dolansky joint à son affidavit une copie de l'encart du 21 avril 2001 intitulé « Oral Health » qui a été publié à cette date dans une section du journal (pièce X1). Le docteur Dolansky joint aussi les articles datant des années ultérieures (pièces X2 à X4 pour les années 2004, 2005 et 2006, respectivement).

[74]           Le docteur Dolansky affirme que depuis qu'il a commencé à pratiquer la médecine dentaire à la fin des années 1960, il a personnellement eu connaissance que le sigle CDA désigne l'Opposante, fréquemment et abondamment, dans la profession dentaire en général ainsi que dans les autres organisations de fournisseurs de soins de santé. Le docteur Dolansky fournit dans son affidavit un certain nombre de documents publiés par des tiers dans lesquels le sigle CDA désigne l'Opposante, comme le démontrent les documents suivants :

Publications visant les dentistes et les professionnels dentaires

Publications visant le public

Extraits du Journal of the Ontario Dental Association (1971, 2006) – pièce O

Site Internet de l'« Ontario Dental Assistants Association » (imprimé le 27 février 2007) – pièce S

« Oral Health » (1976) – pièce P

Site Internet de la « Canadian Association of Orthodontists » (imprimé le 16 février 2007) – pièce V

Site Internet de l'« Ontario Dental Assistants Association » (imprimé le 27 février 2007) – pièce S

« Protect Yourself » (1985) – pièce W

« The Journal » : Ontario Dental Nurses and Assistants Association (2004) – pièce U

Extraits du Globe and Mail (1986-88, 1993) – pièce W

Site Internet de la « Canadian Association of Orthodontists » (imprimé le 16 février 2007) – pièce V

Lettres patentes supplémentaires pour l'Opposante (1992, 1998) – pièce A

[75]           L'Opposante affirme que ces nombreuses publications, distribuées par l'Opposante, par d'autres organisations dentaires ou médicales canadiennes ou par des médias d'information, servent à démontrer que le sigle CDA de l'Opposante a acquis une réputation significative en liaison avec ses services.

[76]           Je remarque que tous les sites Internet joints à l'affidavit du Dr Dolansky ont été imprimés après la date pertinente.

[77]           En contre-interrogatoire, le Dr Dolansky a admis, en réponse à une série de questions concernant les documents joints à son affidavit, que le sigle CDA est souvent placé juste après le nom complet de l'Opposante (lequel est écrit en premier). (À partir des questions Q. 109 et Q. 200). Je remarque en passant que la preuve montre que la Requérante a également employé la Marque de cette façon. Par exemple, les certificats joints à l'affidavit de Mme Melville (en pièce I) arborent la marque entre parenthèses après les mots « Certified Dental Assistant ». En outre, après avoir examiné l'affidavit du Dr Dolansky dans son ensemble et comme je l'ai déjà fait remarquer ci-dessus, je constate que le sigle CDA est aussi fréquemment utilisé seul pour désigner l'Opposante.

[78]           La Requérante fait valoir que l'Opposante n'a pas démontré que son emploi du sigle CDA a acquis une réputation suffisamment importante ou substantielle pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif. La Requérante affirme plutôt que l'Opposante a simplement donné quelques exemples de la façon dont l'Opposante emploie le sigle comme abréviation de son nom anglais. Je fais remarquer qu'il faut s'attendre à obtenir ce genre d’élément de preuve compte tenu que le motif d'opposition renvoyait précisément à l’emploi du sigle CDA pour le nom anglais de la marque de l'Opposante. Quoi qu’il en soit, je remarque que la preuve établit que le sigle n'est pas toujours utilisé après le nom de l'Opposante, qu’il apparaît également seul. De plus, je remarque que la preuve établit que le sigle CDA, renvoyant au nom complet de l'Opposante, est utilisé à la fois par l'Opposante et par des tiers pour désigner l'Opposante.

[79]           La Requérante a présenté de nombreuses observations visant chacun des types de documents présentés par le Dr Dolansky. Plus précisément, la Requérante affirme que les pièces A, B et C – K de l'affidavit du DDolansky établissent un emploi interne du sigle CDA par l'Opposante et qu’un tel emploi ne suffit pas pour appuyer un motif d'opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif. Je remarque que les pièces C – K comportent des publications diffusées aux membres de l'organisation Opposante. Bien que je sois d’accord pour dire qu'un emploi interne – par exemple, une note de service ou un bulletin d'information diffusé à l'intérieur de l'organisation ‑ ne constitue peut-être pas un emploi [voir Banque Royale du Canada c. Registraire des marques de commerce et coll. (1995), 63 C.P.R. (3d) 322 (C.F. 1re inst.)], je ne crois pas que les publications distribuées aux membres d'une organisation puissent être considérées comme un emploi interne au sens propre. J’estime que les membres de l'Opposante œuvrent à l’extérieur du fonctionnement interne de l'organisation et qu'en conséquence, la diffusion de ce genre de publications aux membres ne constitue pas un simple emploi interne.

[80]           La Requérante affirme en outre que les pièces O – V de l'affidavit du Dr Dolansky établit l'emploi du sigle dans la profession dentaire et dans d'autres professions médicales, ces professions ne constituant qu'une petite population précise : un tel emploi ne suffit pas à satisfaire au fardeau exigé à l’égard du motif d'opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif. La Requérante affirme en outre que les pièces W1 – W8 et X1 – X3 démontrent l'emploi externe du sigle au sein du grand public, mais qu’en l’absence d'information quant au tirage, on ne peut conclure que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau. Je ne suis pas d'accord pour dire que ces affirmations suffisent à empêcher l'Opposante de s'acquitter du fardeau qui lui incombe à l’égard de ce motif d'opposition, et ce, pour les raisons suivantes.

[81]           Comme je l’ai mentionné précédemment, le Dr Dolansky affirme qu’au moment où il a souscrit son affidavit, il y avait environ 18 861 dentistes autorisés à exercer leur profession, 61 % d'entre eux étaient membres de l'organisation Opposante. Selon le Dr Dolansky, l'adhésion à l'organisation Opposante était historiquement liée à l'octroi de licences pour les dentistes autorisés à exercer leur profession. Ce n'est plus le cas au Québec et en Ontario, mais cette situation vaut toujours dans certaines provinces. Bien qu'aucun nombre concernant le tirage n'ait été fourni au sujet des documents ciblant l'ensemble des effectifs œuvrant en médecine dentaire, j’estime que l'affidavit du Dr Dolansky me permet de déduire que ces documents seraient distribués minimalement à ces personnes. Ce nombre n’est peut-être pas élevé si on le compare au reste de la population canadienne dans son ensemble, mais il est important de souligner que la Requérante et l'Opposante dispensent toutes deux leurs services dans le domaine de la médecine dentaire.

[82]           La Requérante indique que sa clientèle cible est composée de patients qui nécessitent des soins dentaires, ou plus largement, le public en général. Je remarque que l'Opposante a fourni, dans ses éléments de preuve, des documents illustrant des publicités dans les journaux nationaux qui ciblent le public. Là encore, on ne m’a pas fourni de nombre concernant le tirage : il m’est toutefois permis de prendre connaissance d’office de journaux nationaux comme le Globe and Mail et le National Post dont le tirage est important au Canada [voir Northern Telecom Ltd. c. Nortel Communications Inc. (1987), 15 C.P.R. (1990), 28 C.P.R. (3d) 540, p. 543 (C.O.M.C.)] En conséquence, j’estime que le public en général a été exposé à diverses publications dans lesquelles l'Opposante est désignée au moyen du sigle CDA.

[83]           Il convient également de remarquer que la Requérante peut cibler pour ses Services le public en général – les patients qui obtiennent les soins dentaires ‑, ceux-ci ne peuvent obtenir ces Services qu’en faisant appel aux effectifs qui œuvrent dans le domaine de la médecine dentaire. Par définition, les « services d’assistance dentaire » ne peuvent être offerts que dans le cadre d’un traitement dentaire (c'est à dire une visite chez le dentiste). En conséquence, il est raisonnable de déduire que le public peut voir les désignations des deux parties simultanément dans un même cabinet dentaire.

[84]           Conformément à ce qui précède, je suis convaincue que l'Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, et que le sigle CDA lorsqu’il désigne l’Opposante est devenu suffisamment connu pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif. En conséquence, le troisième motif d’opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif est retenu.

Certified Dental Assistants of British Columbia (CDABC), l'Association des assistants et assistantes dentaires du Nouveau-Brunswick (AADNB) et Newfoundland Dental Assistants (NDAA).

[85]           Comme j'ai déjà repoussé la demande pour ces deux motifs, je n’examinerai pas les autres motifs d’opposition fondés sur l’absence de caractère distinctif.

Les motifs fondés sur l’alinéa 12 (1)b) :

[86]           Comme j'ai déjà repoussé la demande pour ces deux motifs, je n’examinerai pas l’autre motif.  

 

 

Décision

[87]           Par conséquent, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

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