Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Traduction/Translation

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

                                                                                    Référence : 2011 COMC 126

Date de la décision : 2011-07-26

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par 1742280 Ontario Limited faisant affaire sous la raison sociale Where Canada à l’encontre de la demande n° 1,274,047 pour la marque de commerce WHERE CHILDREN HAVE FUN LEARNING TO READ au nom de Pancil, LLC

Le dossier

[1]        Le 29 septembre 2005, Pancil, LLC a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce WHERE CHILDREN HAVE FUN LEARNING TO READ, fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec les marchandises et services suivants :

marchandises

livres pour enfants; livres de contes pour enfants

 

services

(1) services éducatifs, nommément tenue de programmes dans le domaine de l’alphabétisation, de l’initiation à l’analyse numérique et de l’apprentissage de la lecture; publication en ligne de livres pour enfants; (2) services d’informatique en ligne permettant d’accéder à des jeux et à des activités pour enfants, et à du matériel didactique.

 

[2]        Le droit à l’usage exclusif des mots CHILDREN et LEARNING TO READ en dehors de la marque n’est pas accordé. La requérante revendique le 24 septembre 2005 comme date de priorité de production, en vertu de l’art. 34 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, sur la base de la production d’une demande de marque de commerce correspondante aux États-Unis.

[3]        La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 27 septembre 2007. Le 20 novembre 2007, 1742280 Ontario Limited faisant affaire sous la raison sociale Where Canada a produit une déclaration d’opposition dont le registraire a transmis copie à la requérante le 4 décembre 2007, conformément au par. 38(5) de la Loi sur les marques de commerce. La requérante a alors produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’opposante.

[4]        La preuve de l’opposante consiste en l’affidavit d’Elenita Anastacio. La preuve de la requérante consiste en l’affidavit de Frank Maurer. Ce dernier a été contre-interrogé au sujet de son affidavit; la transcription de ce contre-interrogatoire a été jointe à la preuve au dossier. Seule la requérante a produit un plaidoyer écrit, mais les deux parties étaient représentées à l’audience du 21 juin 2011.

 

La déclaration d’opposition

 

[5]        L’opposante affirme être propriétaire des marques énumérées ci-après :

 

 

Marques déposées

 

marchandises et services

 

WHERE

livres, revues […]

 

WHERE

Logiciels pour le contenu rédactionnel […] services ayant trait aux voyages […]

 

WHERE MAGAZINES INTERNATIONAL

 

publication de livres, magazines […]

 

WHERE FAMILY

magazines, bulletins, cartes […]

 

WHERE ON-LINE

logiciels, matériel informatique […] 

édition électronique […]

 

WHERE THE FINDS ARE

exploitation de magasins de détail, de restaurants […]

services de divertissement

 

WHERE LOCALS HIKE

 

guides et cartes postales de randonnées pédestres et de plein air

 


 

 

 

Marques faisant l’objet d’une demande

 

Services

 

WHERE TELEVISION

services éducatifs et informationnels destinés aux visiteurs et aux touristes […]

 

 

Services éducatifs et informationnels destinés aux visiteurs et aux touristes […]

 

[6]        Selon le premier motif d’opposition, fondé sur l’al. 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, la marque faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable du fait qu’elle crée de la confusion avec les marques déposées de l’opposante énumérées ci-dessus.

[7]        Selon le deuxième motif d’opposition, fondé sur le par. 16(3) de la Loi, la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque visée par la demande parce que, à la date de production de la demande (soit, la date de priorité de production), elle créait de confusion avec les marques énumérées ci-dessus et le nom commercial de l’opposante, employés antérieurement au Canada.

[8]        Selon le troisième motif d’opposition, fondé sur l’al. 30i), la requérante savait que l’opposante employait ses marques et son nom commercial et, par conséquent, elle ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque visée par la demande.

[9]        Selon le quatrième motif d’opposition, fondé sur l’al. 30d), [traduction] « l’enregistrement des É.-U. invoqué est invalide et n’est pas plaidé convenablement » parce que la requérante n’a jamais employé sa marque aux États-Unis en liaison avec les marchandises et services énumérés dans la demande.

[10]      Selon le cinquième et dernier motif d’opposition, fondé sur l’art. 2, la marque visée par la demande n’est pas distinctive de la requérante et elle n’est pas non plus adaptée à la distinguer.  

 

 

 

La preuve de l’opposante

Elenita Anastacio

[11]      Madame Anastacio atteste qu’elle travaille comme recherchiste en marques de commerce pour les agents de l’opposante. Son affidavit sert à introduire en preuve, sous forme de pièces jointes, des détails concernant les enregistrements et les demandes invoqués par l’opposante dans sa déclaration d’opposition.

 

La preuve de la requérante

Frank Maurer

[12]      Monsieur Maurer se présente comme un professeur en informatique à l’Université de Calgary. On lui avait demandé [traduction] « d’analyser la probabilité que les utilisateurs d’Internet confondent le site web www.starfall.com [celui de la requérante] et le site www.where.ca [celui de l’opposante] et leurs marques de commerce respectives ». Il conclut qu’il est peu probable qu’un utilisateur des moteurs de recherche Internet confonde les sites (1) parce que l’objet, le contenu et la conception des sites sont très différents, et (2) parce qu’une recherche Internet, à partir de mots clés, ne donnerait pas les deux sites sur la première page de résultats.  

[13]      À mon avis, l’affidavit de M. Maurer et son témoignage lors du contre-interrogatoire portent sur deux questions. Premièrement, les utilisateurs d’Internet cherchant le site web de l’opposante pourraient-ils être amenés au site web de la requérante (et vice versa)? Deuxièmement, les utilisateurs d’Internet distingueraient-ils facilement les deux sites? Il existe une preuve assez convaincante que la réponse à la première question est « non » (et « non) alors que la réponse à la deuxième question est « oui ». Cependant, le témoignage de M. Maurer avait une valeur probante assez faible en ce qui concerne la question de la confusion, au sens du par. 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, ce qui soulève une question différente des questions examinées par M. Maurer. Par conséquent, je n’accorde aucune valeur probante à sa déclaration (page 3, paragraphe deux, de son rapport) selon laquelle [traduction] « la probabilité de confusion est extrêmement faible ». De plus, il ressort clairement de la transcription du contre-interrogatoire que M. Maurer n’utilise pas le mot « confusion » dans le contexte des marques de commerce prévu au par. 6(2). Son témoignage peut néanmoins être considéré comme un renseignement au sujet des circonstances de l’espèce, qui s’applique à la question de la confusion des marques de commerce, conformément au par. 6(5) de la Loi sur les marques de commerce.

 

Le fardeau de preuve

[14]     Il incombe à la requérante de démontrer que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce, contrairement à ce qu’allègue l’opposante dans sa déclaration d’opposition. Cependant, conformément aux règles de preuve habituelles, l’opposante a le fardeau de prouver les faits sur lesquels reposent les allégations formulées dans sa déclaration d’opposition : voir John Labatt Limited c. Les Compagnies Molson Ltée, 30 C.P.R. (3d) 293, p. 298. L’imposition d’un fardeau de preuve à l’opposante au sujet d’une question donnée signifie que cette question ne pourra être prise en considération que si la preuve est suffisante pour permettre raisonnablement de conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question.

 

La principale question et les dates pertinentes

[15]      En ce qui concerne le troisième motif d’opposition, l’al.30i) s’applique si une fraude de la part de la requérante est alléguée ou si certaines dispositions législatives fédérales empêchent l’enregistrement de la marque visée par la demande : voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol‑Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155, et Société canadienne des postes c. Registraire des marques de commerce (1991), 40 C.P.R. (3d) 221. En l’espèce, les allégations n’étayent pas le motif d’opposition fondé sur l’al. 30i), qui est par conséquent rejeté. En ce qui concerne le quatrième motif d’opposition, fondé sur l’al. 30d), il n’apparaît pas clairement que les allégations soulèvent un motif d’opposition valable. Quoi qu’il en soit, l’opposante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que le quatrième motif d’opposition devait être examiné, et celui-ci est donc rejeté. Je signale que, à l’audience, l’avocat de l’opposante a indiqué qu’il n’allait pas aborder les troisième et quatrième d’opposition, bien que ceux-ci n’aient pas été retirés.

 [16]     La question principale que soulèvent les autres motifs d’opposition est de savoir si la marque WHERE CHILDREN HAVE FUN LEARNING TO READ, faisant l’objet de la demande, crée de la confusion avec l’une ou l’autre des marques WHERE et WHERE FAMILY de l’opposante. À cet égard, les deux marques susmentionnées de l’opposante ressemblent plus à la marque visée par la demande que toute autre marque de l’opposante. Il incombe à la requérante de démontrer l’absence de probabilité raisonnable de confusion, au sens du par. 6(2) de la Loi, lequel est reproduit ci-dessous, entre la marque visée par la demande et l’une ou l’autre des marques l’opposante :  

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées […], ou que les services liés à ces marques sont […] exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[17]      Ainsi, le par.6(2) ne traite pas de la confusion entre les marques mêmes, mais de la confusion quant à la source des marchandises ou des services. En l’espèce, l’application du par. 6(2) amène à se demander si le consommateur serait susceptible de confondre les marchandises et services de la requérante, lesquels sont axés sur l’éducation des enfants, avec les marchandises et services fournis, parrainés ou approuvés par l’opposante. 

 [18]     Les dates pertinentes pour évaluer la question de la confusion sont (i) la date de la décision, pour ce qui est du premier motif d’opposition selon lequel la marque n’est pas enregistrable; (ii) la date de priorité de production de la demande, le 24 septembre 2005 en l’espèce, pour ce qui est du deuxième motif d’opposition, soit l’allégation de non-admissibilité; et (iii) la date de production de la déclaration d’opposition, le 30 novembre 2007 en l’espèce, pour ce qui est du motif d’opposition relatif à l’allégation d’absence de caractère distinctif. Pour un examen de la jurisprudence relative aux dates importantes dans les procédures d’opposition, voir American Retired Persons c. Association canadienne des individus retraités (1998), 84 C.P.R.(3d) 198 (C.F. 1re inst.) p. 206 ‑ 209. Cependant, en l’espèce, peu importe que la question de la confusion soit évaluée à une date importante particulière.

 

 

Le test en matière de confusion

[19]     Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs dont il faut tenir compte pour décider si deux marques créent de la confusion sont « toutes les circonstances de l’espèce, y compris » celles expressément mentionnées au par. 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chacune des marques a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive. Tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération, mais ils n’ont pas tous nécessairement le même poids. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun dépend des circonstances :  voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R.(3d) 308 (C.F. 1re inst.).

 

Examen des facteurs énoncés au par. 6(5)

[20]      Aucune des marques WHERE et WHERE FAMILY de l’opposante ne possède un caractère distinctif inhérent élevé puisque les marques sont composées de mots anglais usuels. La marque visée par la demande ne possède pas non plus un caractère distinctif inhérent élevé. Elle est fondée sur un emploi projeté au Canada et rien n’indique qu’elle a été employée à un moment ou à un autre. Par conséquent, elle n’aurait pas acquis une réputation pendant la période pertinente. Certains éléments de preuve indiquent que la marque WHERE de l’opposante, employée en liaison avec des magazines, avait acquis une certaine réputation pendant la période pertinente : voir page 5, question 21, page 6, question 14 de la transcription du contre-interrogatoire de M. Maurer. Cependant, rien n’indique que la marque WHERE FAMILY de l’opposante avait acquis une réputation pendant la période pertinente. Par conséquent, le premier facteur, qui est une combinaison du caractère distinctif inhérent et du caractère distinctif acquis, joue en faveur de l’opposante pour ce qui est de sa marque WHERE, mais très légèrement.

[21]      Si l’on se fie à la question 4, à la page 6, de la transcription du contre-interrogatoire de M. Maurer, l’opposante a prouvé l’emploi de sa marque WHERE depuis environ 2005. Par conséquent, la période pendant laquelle les marques ont été employées est un facteur qui joue en faveur de l’opposante pour ce qui est de sa marque WHERE. Cependant, comme la preuve concernant l’étendue de l’emploi de la marque WHERE est négligeable et que la seule preuve d’emploi de cette marque dont dispose l’opposante remonte quasiment à la date de production de la demande, la période pendant laquelle les marques en cause ont été employées est un facteur qui joue en faveur de l’opposante, mais très légèrement.  

[22]      Selon les marchandises et services des parties énumérés dans leurs enregistrements et leurs demandes de marques de commerce, et d’après la description faite par M. Maurer du contenu des sites web des parties, il semble que l’entreprise de l’opposante consiste à donner aux voyageurs, de différentes façons, des renseignements à propos des restaurants, magasins, hôtels et activités des villes canadiennes. L’entreprise de la requérante consiste à fournir des services éducatifs aux enfants. Par conséquent, le genre des marchandises, services ou entreprises des parties est très différent. En l’absence d’une preuve contraire, je suppose que la nature du commerce des parties est également différente.

[23]      Les marques des parties se ressemblent dans une certaine mesure puisque le mot WHERE est le préfixe de la marque visée par la demande ainsi que celui de la marque WHERE FAMILY de l’opposante et constitue la marque WHERE de l’opposante. Cependant, lorsque l’on compare l’ensemble des marques en cause, leurs différences visuelles et auditives l’emportent sur les similitudes. De plus, les marques des parties ne suggèrent pas les mêmes idées.  

 [24]     Comme l’explique la Cour fédérale dans Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.), à la p. 149 :

À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire.

                                     (Non en caractères gras dans l’original.)

 

En l’espèce, le principe énoncé dans l’affaire Beverly Bedding, précitée, est particulièrement pertinent puisque les parties n’ont fourni que très peu d’éléments de preuve pour établir l’importance des autres facteurs énumérés au par. 6(5) portant sur la question de la confusion.

 

Décision

[25]      Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, l’absence de probabilité raisonnable de confusion entre la marque visée par la demande et l’une des marques de l’opposante aux dates pertinentes.  

[26]      L’opposition est donc rejetée. La présente décision est rendue dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du par.63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

 

___________________

Myer Herzig                             

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

 

 

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