Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                                               THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 57

Date de la décision : 2011-03-28

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Alpina Salami Inc. à l’encontre de l’enregistrement no 1,226,045 pour la marque de commerce ALPINA & Dessin au nom d’Alpina Productos Alimenticios S.A.

 

 

[1]               Le 5 août 2004, Alpina Productos Alimenticios S.A. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce ALPINA & Dessin reproduite ci‑dessous (la Marque). La demande contient la revendication de couleur suivante :

 

ALPINA & DESIGN

 

Le mot « ALPINA » et le trait de soulignement sont en blanc. La montagne est en blanc avec un ombrage en bleu clair. L’arrière-plan est en bleu clair et les surfaces de chaque côté de la montagne sont en bleu foncé.

 

[2]               La demande est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins le 20 janvier 2004 en liaison avec les marchandises suivantes :

 

Fruits et légumes en conserve, séchés et cuits, gelées, confitures, compotes de fruits; oeufs, lait, produits laitiers, nommément lait à durée de vie prolongée, lait aromatisé à durée de vie prolongée, boissons à base de lait et de yogourt, boissons à base de lait avec fruits, boissons à base de lait avec céréales, chicha (boisson au lait fabriquée de farine de riz), lait d’avoine, boissons à base de lait avec avoine, fromage; gelées (confiseries), aliments à base de soja, nommément boissons à base de soja servant de lait de remplacement, yogourt à base de soja, aliments pour bébé, confitures, jus, nectars et rafraîchissements, nommément boissons de fruits sans alcool, jus de fruits pour bébés, boissons rafraîchissantes sans alcool à saveur de fruits, boissons rafraîchissantes légères sans alcool à saveur de fruits, fruits dans le sirop; huile alimentaire et corps gras; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcoolisées, nommément jus de fruits gazéifiés, boissons à base de café et boissons à base de soja; boissons aux fruits et jus de fruits non alcoolisés; sirops et autres produits pour la préparation de boissons, nommément poudres, gazéification et saveurs de fruits.

 

[3]               La demande est également fondée sur l’emploi et l’enregistrement de la Marque en Colombie sous le no 141717 en liaison avec les marchandises suivantes :

 

Fruits et légumes cuits, séchés et en conserve, gelées, confitures, compotes de fruits; œufs, lait, produits du lait, nommément lait de longue conservation, lait aromatisé de longue conservation, boissons à base de lait avec yogourt, boissons à base de lait avec fruits, boissons à base de lait avec céréales, chicha (boisson au lait à base de farine de riz), lait d’avoine, boissons à base de lait avec avoine, fromage; gelées (confiseries), aliments à base de soja, nommément boissons à base de soja utilisées comme lait de remplacement, yogourt à base de soja; fruits en sirop; huile alimentaire et matières grasses

 

[4]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 19 octobre 2005.

[5]               Le 21 décembre 2005, Alpina Salami Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition dans laquelle elle prétend que la demande ne satisfait pas aux exigences des alinéas 30a), b), c) et i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch T-13 (la Loi). Dans la déclaration d’opposition, l’Opposante fait également valoir que la Marque n’a pas de caractère distinctif au sens de l’article 2 et de l’alinéa 38(2)d) de la Loi et que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’alinéa 16(3)a) de la Loi. L’Opposante soulève ces motifs d’opposition compte tenu du fait que la Marque crée de la confusion avec les marques ALPINA et ALPINA & Dessin reproduites ci-dessous, qui sont employées au Canada depuis au moins aussi tôt que 1960 en liaison avec des produits alimentaires, nommément des « salamis, jambons, saucisses, pattes de porc, bacon, pepperettes, pâté de foie, pâté, porc en gelée, porc, pattes de porc et coupes de porc ». La déclaration d’opposition indique également que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi puisqu’elle créée de la confusion avec ladite marque ALPINA & Dessin qui, en plus d’être employée par l’Opposante comme il a été mentionné précédemment, a été enregistrée au Canada sous le no LMC357659 en liaison avec les mêmes marchandises.

 

ALPINA & DESIGN

 

[6]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

 

[7]               Le 23 mars 2009, l’Opposante a demandé l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition afin s’appuyer plus adéquatement sur les alinéas 16(1)a) et (2)a) de la Loi plutôt que sur l’alinéa 16(3)a). Le 14 octobre 2009, le registraire a autorisé la modification de la déclaration d’opposition.

 

[8]               À l’appui de sa déclaration d’opposition, l’Opposante a produit les affidavits de Peter Piacek, président de l’Opposante, souscrit le 8 juin 2007, de Vanessa Jodoin, étudiante en droit embauchée par le cabinet d’avocats représentant l’Opposante dans le cadre de la présente procédure d’opposition, souscrit le 14 juin 2007, et de Viktorya Aksoy, stagiaire embauchée par le même cabinet d’avocats, souscrit le 6 juillet 2007, ainsi qu’une copie certifiée de l’enregistrement no LMC357659. Au soutien de sa demande, la Requérante a produit les affidavits de Manon Goudreault, qui se décrit comme une employée du cabinet d’avocats représentant la Requérante dans la présente instance, souscrit le 20 février 2008, et de Thelma Thibodeau, une agente de marques de commerce travaillant pour le même cabinet, souscrit le 20 février 2008.

 

[9]               Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue à laquelle les deux parties étaient représentées.

 

Fardeau de la preuve

 

[10]           C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de faire en sorte de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); et Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Résumé de la preuve des parties

 

La preuve de l’Opposante

 

L’affidavit de M. Piacek

 

[11]           M. Piacek affirme que l’Opposante exploite une entreprise qui s’occupe de la transformation de la viande et de la préparation de produits à base de viande préparée. De plus, il décrit brièvement l’historique de l’Opposante à partir du moment où elle a été constituée en personne morale pour la première fois en 1960, sous le nom Marché Alpina Inc., jusqu’à sa constitution en personne morale sous son nom actuel en vertu de la Companies Act, le 22 avril 1970.

 

[12]           Monsieur Piacek affirme que l’Opposante est la propriétaire de la marque de commerce déposée ALPINA & Dessin reproduite ci-dessus.

 

[13]           Monsieur Piacek affirme que l’Opposante a employé la marque ALPINA & Dessin et le nom commercial « alpina » comme composante de son nom commercial et de sa dénomination commerciale depuis le début de ses activités en 1960.

 

[14]           Monsieur Piacek affirme que l’Opposante a distribué et distribue encore ses produits à base de viande sous la marque ALPINA & Dessin dans de grandes chaînes de supermarchés comme Metro, Provigo, Sobeys, Loblaws, Super C et IGA, et dans des magasins spécialisés comme des charcuteries et des boulangeries, des dépanneurs, des hôtels et des restaurants partout au Canada. L’Opposante vend également ses produits à base de viande sous le nom ALPINA & Dessin à plusieurs distributeurs de produits alimentaires, dont la majorité distribue également une grande variété de produits alimentaires en même temps, y compris de la viande et des produits laitiers.

 

[15]           Monsieur Piacek joint, à titre de pièces PP-2 à PP-5, un choix représentatif d’emballages et d’étiquettes sur lesquels figure la marque ALPINA & Dessin de l’Opposante employée en liaison avec des produits à base de viande. L’Opposante souligne que sur l’un des emballages arborant la marque ALPINA & Dessin, qui semble être un emballage sous film plastique, on y voit aussi le dessin d’une montagne. Je souligne que la montagne fait partie d’un paysage où figure également le dessin d’un chalet suisse. Le paysage entier est décoratif et totalement distinct de la marque ALPINA  & Dessin. Par conséquent, j’estime que cette pièce en particulier ne représente pas un intérêt considérable dans le cadre de la présente procédure, sans compter qu’aucun des produits à base de viande de l’Opposante figurant dans les diverses pièces produites par l’Opposante n’est emballé dans un tel film plastique.

 

[16]           De plus, l’Opposante souligne que l’un des emballages joints à titre de pièce PP-2 arbore la marque nominale ALPINA en plus de la marque ALPINA & Dessin. Après avoir examiné cette pièce précise, je note que l’emballage représente une étiquette vierge sur laquelle est écrit « Alpina Salami ». Il est difficile de savoir si les mots « Alpina Salami » entendent faire allusion à la marque de commerce de l’Opposante ou à du salami devant être commercialisé sous la marque nominale ALPINA. Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec l’Opposante pour dire que l’emploi de la marque ALPINA & Dessin illustrée par l’Opposante constitue également un emploi de la marque nominale ALPINA puisque le mot ALPINA est nettement plus en évidence que les éléments graphiques supplémentaires [voir Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984) 2 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.)]. À mon avis, malgré l’élément graphique, la marque de commerce ALPINA est clairement reconnaissable à titre de marque de commerce en soi. Ma conclusion est renforcée par les pièces PP-8 et PP-9 dont il est question ci-dessous.

 

[17]           Monsieur Piacek fournit ensuite les chiffres d’affaires de 1997 à 2007 pour les produits à base de viande sous le nom ALPINA & Dessin, lesquels sont ventilés par année au Canada et dont le total est supérieur à 60 millions de dollars. Il joint à titre de pièce PP-6 des factures représentatives des ventes de produits à base de viande portant la marque ALPINA & Dessin pour chacune de ces années.

 

[18]           Monsieur Piacek fournit également les dépenses pour le marketing et la publicité se rapportant aux produits à base de viande portant la marque ALPINA & Dessin entre 1997 et 2007 ventilés par année au Canada, lesquelles totalisent 3 millions de dollars. Il joint à titre de pièce PP-7 une affiche utilisée par l’Opposante sur laquelle figurent les produits portant la marque ALPINA & Dessin, qui est distribuée par l’Opposante à ses clients afin que ceux-ci l’exposent dans leurs magasins. Il joint également à titre de pièce PP-8 un choix représentatif de dépliants et de circulaires d’information distribués par l’Opposante ainsi que par ses clients, comme les magasins à succursales Provigo, IGA et Metro, ainsi que des annonces publiées dans des journaux par les clients de l’Opposante, lesquelles ont toutes été publiées entre 1989 et 2007 et qui annoncent les produits de l’Opposante. Ces documents présentent soit la marque ALPINA & Dessin, telle qu’elle figure sur l’emballage des produits à base de viande de l’Opposante ou la marque nominale ALPINA ou les deux (voir par exemple, le dépliant d’IGA daté de juin 2003 annonçant du [traduction] « jambon blanc ALPINA » ainsi qu’une photo de l’emballage du même produit sur lequel figure la marque ALPINA & Dessin).

 

[19]           Monsieur Piacek joint également à titre de pièce PP-9 des copies d’articles publiés au fil des ans dans divers journaux et d’autres publications concernant l’Opposante et ses produits. Certains de ces documents se rapportent à la marque nominale ALPINA et au dessin-marque de l’Opposante.

 

[20]           Monsieur Piacek affirme que l’Opposante a employé dans une large mesure le nom commercial Alpina Salami Inc., comme l’illustre le choix représentatif de papier à en-tête, d’enveloppes et de cartes professionnelles joints à titre de pièce PP-10.

 

[21]           Monsieur Piacek affirme que le nom commercial de l’Opposante et la marque ALPINA & Dessin sont devenus bien connus et reconnus au Canada compte tenu de leur emploi substantiel et continu. Il joint à titre de pièce PP-11 une copie du dépliant distribué par l’Opposante suivant la réception du « Merit of Charcuterie Award » (prix d’excellence en charcuterie) en 1980. Il joint également à titre de pièce PP-12 un extrait du « Millenium Edition » du « National Register’s Whose Who in Executives and Professionals » où figure le nom de M. Piacek.

 

[22]           Monsieur Piacek conclut son affidavit en fournissant son avis sur la probabilité de confusion entre la Marque, d’une part, et le nom commercial et la marque ALPINA & Dessin de l’Opposante, d’autre part. Il affirme à cet égard que la demande de la Requérante vise une longue liste de marchandises qui contient plusieurs produits alimentaires divers et que, suivant son expérience, les produits à base de viande de l’Opposante vendus sous la marque ALPINA & Dessin se retrouvent habituellement dans les mêmes sections des épiceries et des supermarchés que ces marchandises. Il ajoute que selon son expérience, plusieurs salons professionnels sont commercialisés comme des salons portant sur des produits laitiers et des produits de charcuterie et que les produits de l’Opposante sous la marque ALPINA & Dessin seront fort probablement exposés près des marchandises de la Requérante. Bien que je ne suis pas prête à accorder du poids à l’avis de M. Piaced quant à la probabilité de confusion puisqu’une telle conclusion comprend des questions mixtes de droit et de fait devant être tranchées par le registraire suivant la preuve factuelle au dossier, je suis disposée à accorder un certain poids aux deux déclarations de fait qu’il a tirées qui sont fondées sur son expérience professionnelle acquise chez l’Opposante. De plus, je souligne qu’aucune de ces déclarations n’est corroborée par l’affidavit de Mme Jodoin qui est examiné plus loin dans les présents motifs.

 

 

 

 

L’affidavit de Mme Lefort

 

[23]           L’affidavit de Mme Lefort vise essentiellement à présenter en preuve une série de circulaires distribuées par certaines chaînes d’épiceries qui vendent les produits à base de viande de l’Opposante.

 

[24]           Plus particulièrement, Mme Lefort affirme qu’au fil des ans, plusieurs circulaires ont annoncé les produits à base de viande de l’Opposante près de produits similaires à ceux visés par la demande d’enregistrement de la Marque produite par la Requérante. Madame Lefort joint, à titre de pièces NL-1 à NL-5, une série de circulaires distribuées par les chaînes d’épiceries Metro, IGA et Mourelatos pour les années 2004, 2005 et 2007, qui placent les produits de l’Opposante sous la marque nominale et la marque figurative ALPINA près des produits laitiers, ainsi que des boissons, des légumes en conserve, etc.

 

L’affidavit de Mme Jodoin

 

[25]           Madame Jodoin affirme qu’en mai 2007, elle s’est rendue dans diverses épiceries situées dans la région de Montréal (y compris Metro Plus, Super C, IGA, Loblaws, etc.) et fournit des photos, jointes à titre de pièces VJ-1 à VJ-16, qu’elle a prises alors qu’elle se trouvait dans ces endroits dans la section des produits laitiers (y compris le fromage), de la charcuterie et des produits à base de viande, des fruits séchés, des produits à base de légumes et des boissons.

 

[26]           Plus particulièrement, Mme Jodoin affirme que chacune des pièces VJ-1, 2, 3, 4, 11, 14, 15 et 16 démontre clairement que les produits figurant sur ces photos sont situés près les uns des autres dans les épiceries respectives. Comme l’a fait remarquer la Requérante, rien n’indique que les produits à base de viande de l’Opposante se trouvaient dans les sections précises où elle a pris ses photos. Il n’est pas non plus possible d’identifier précisément chacun des produits alimentaires exposés dans les sections précises des épiceries qui ont été photographiées. Or, les photos donnent un aperçu des différentes sections des épiceries, tout en mettant l’accent sur les sections réfrigérées adjacentes où se trouvent les produits à base de viande, les produits laitiers, les boissons ainsi que les fruits séchés non réfrigérés situés près de ces sections.

 

[27]           En ce qui concerne les pièces VJ-5 à VJ-8, VJ-9 et VJ-10, VJ-12 et VJ-13, elles démontrent différents types de produits comme des produits de charcuterie, des boissons, des produits laitiers, etc. offerts en vente à certaines de ces épiceries sous les marques « COMPLIMENTS », « PRESIDENT’S CHOICE PC LE CHOIX DU PRÉSIDENT » et « MERIT SELECTION MÉRITE », respectivement.

 

L’affidavit de Mme Aksoy

 

[28]           L’affidavit de Mme Aksoy vise à produire en preuve des extraits d’imprimés datant des mois de mai et juillet 2007 et tirés de sites Web de tiers, nommément www.kraft.com; www.costco.com; http://magasin.iga.net; www.presidentchoice.ca; www.saralee.com; et www.kerrygroup.com. Ces extraits ont été déposés pour étayer la prétention de l’Opposante selon laquelle plusieurs fabricants et distributeurs de produits alimentaires reconnus comme Kraft, Sara Lee et Kerry Group, ont élargi leur gamme de produits pour y inclure des boissons, des produits à base de viande et des produits laitiers.

 

La preuve de la Requérante

 

L’affidavit de Mme Goudreau

 

[29]           Madame Goudreau affirme dans son affidavit que conformément aux directives formulées par son employeur, elle a obtenu des copies de renseignements se rapportant aux enregistrements ou aux demandes d’enregistrement figurant dans la base de données sur les marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canda (OPIC). Elle joint à titre de pièce MG-1 des copies de tous les enregistrements de marques de commerce et de demandes d’enregistrement de marques de commerce en cours résultant de ses recherches.

 

[30]           Comme le souligne l’Opposante, Mme Goudreau joint simplement des imprimés, comme le lui a demandé son employeur, sans fournir d’explications sur la façon dont les recherches ont été faites ni de précisions sur les directives en question. Dans son affidavit, elle ne mentionne pas non plus les conclusions de fait qui devraient être tirées suivant les résultats obtenus, lesquels sont joints à son affidavit. Toutefois, lors de l’audience, l’agent de la Requérante a précisément mentionné certaines des marques de commerce figurant dans la pièce MG-1 pour appuyer la prétention de la Requérante selon laquelle des marques de commerce identiques ou similaires se rapportant à différentes entités et concernant une variété de produits alimentaires coexistent sur le registre des marques de commerce de l’OPIC. Je reviendrai sur ce point plus loin dans ma décision lorsque j’examinerai les circonstances de l’espèce en vertu du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d).

 

L’affidavit de Mme Thibodeau

 

[31]           Madame Thibodeau affirme dans son affidavit que, suivant les directives formulées par son employeur, elle a effectué des recherches dans la base de données sur les marques de commerce de l’OPIC afin de trouver des demandes d’enregistrement de marques de commerce accueillies ou des marques de commerce déposées contenant le préfixe « ALP » en liaison avec des produits alimentaires ou des boissons; elle a joint les résultats de ses recherches à titre de pièces TTH-1 à TTH-4. Je reviendrai sur ce point plus loin dans ma décision lorsque j’examinerai les circonstances de l’espèce en vertu du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d).

 

Analyse des motifs d’opposition

 

[32]           À l’audience, l’Opposante a volontairement retiré trois motifs d’opposition, soit ceux fondés sur les alinéas 30a), b) et c) de la Loi. L’Opposante a admis ne pas s’être acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de ces trois motifs.

 

[33]           J’examinerai maintenant les autres motifs d’opposition en tenant compte de la preuve au dossier, sans nécessairement suivre l’ordre dans lequel ils ont été invoqués dans la déclaration d’opposition.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

 

[34]           L’Opposante a fait valoir que la demande ne respecte par les exigences de l’alinéa 30i) de la Loi [traduction] « puisque la demande ne contient pas de déclaration portant que la [R]equérante était convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada comme il est exigé et puisque la [R]equérante ne pouvait être convaincue, et n’est toujours pas convaincue, qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises décrites dans la demande étant donné qu’à la date de production de la demande, la [R]equérante était bien au courant de la marque de commerce de l’[O]pposante décrite dans les présentes et de l’emploi continu de cette Marque par l’Opposante ».

 

[35]           La date pertinente pour examiner les circonstances relatives à la question du non-respect de l’alinéa 30i) est la date de production de la demande [voir Tower Conference Management Co. c. Canadian Exhibition Management Inc. (1990), 28 C.P.R. (3d) 428 (C.O.M.C.)].

 

[36]           Contrairement à l’allégation de l’Opposante, la Requérante s’est officiellement conformée à l’alinéa 30i) en fournissant la déclaration requise. De plus, le simple fait que la Requérante puisse avoir été au courant de l’existence de la marque de commerce ALPINA & Dessin de l’Opposante ne l’empêche pas de faire la déclaration exigée par l’alinéa 30i) dans sa demande. Lorsque le requérant a fourni la déclaration prévue par l’alinéa 30i), le motif fondé sur cet alinéa ne devrait être accueilli que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsque la mauvaise foi du requérant a été établie [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)], ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

[37]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) est rejeté.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

 

[38]           L’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable compte tenu des dispositions de l’alinéa 12(1)d) de la Loi en ce qu’elle créée de la confusion avec la marque de commerce ALPINA & Dessin de l’Opposante enregistrée sous le no LMC357659, dont les renseignements figurent ci-dessus.

 

[39]           La date pertinente pour examiner le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corp. c. Wickers/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

 

[40]           Comme il a été dit précédemment, l’Opposante a fourni une copie certifiée de cet enregistrement. J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire pour confirmer que l’enregistrement est en règle à la date de la présente décision.

 

[41]           Étant donné que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, la Requérante doit donc démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité de confusion entre la Marque et la marque ALPINA & Dessin de l’Opposante.

 

[42]           Le test applicable en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[43]           Pour l’application du test régissant la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles précisées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, de services ou d'entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’attribuer un poids équivalent à chacun des facteurs énumérés ci-dessus [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.) pour une analyse approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

 

a)         Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus

 

[44]           Les marques des parties ont un caractère distinctif inhérent, puisqu’elles ne décrivent pas une caractéristique particulière de leurs biens respectifs.

 

[45]           Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion ou l’emploi. Or, l’Opposante a choisi de ne présenter aucun élément de preuve établissant que ses produits ont été vendus sous sa Marque au Canada (ou ailleurs dans le monde). La Requérante n’a donc pas établi que la Marque était devenue connue dans quelque mesure que ce soit au Canada. En revanche, la preuve de l’Opposante démontre un emploi substantiel de la marque de commerce ALPINA & Dessin par l’Opposante au Canada en liaison avec ses produits de charcuterie depuis longtemps.

 

[46]           En ce qui concerne mon examen de l’affidavit de M. Piacek ci-dessus, l’Opposante a suffisamment établi l’emploi de la marque de commerce ALPINA & Dessin au Canada en l’étayant par des preuves documentaires comme des factures, des données sur les ventes et la publicité, ainsi que des échantillons d’emballages. Bien que la preuve de l’Opposante ne démontre pas l’emploi continu de la marque de commerce ALPINA & Dessin en liaison avec les marchandises décrites dans l’enregistrement de l’Opposante depuis la première date d’emploi revendiquée dans celle-ci (c’est-à-dire 1960), les chiffres des ventes fournis pour les années 1997 à 2007, dont le total est supérieur à 60 millions de dollars, ainsi que la publicité et la promotion de la marque de commerce ALPINA & Dessin par l’Opposante au Canada au cours des mêmes années, m’amènent à conclure que la marque de commerce ALPINA & Dessin a des racines plus profondes et est devenue connue dans une large mesure au Canada en liaison avec des produits de charcuterie.

 

b) La période pendant laquelle la marque de commerce a été en usage

 

[47]           Pour les motifs qui précèdent, ce facteur favorise également l’Opposante.

 

c) le genre de marchandises, services ou entreprises et d) la nature du commerce

 

[48]           Lors de l’examen du genre de marchandises et de la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises de la Requérante à l’état déclaratif des marchandises dans les enregistrements présentés par l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); et Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)]. Cependant, ces états déclaratifs doivent être interprétés dans le but de déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce que les parties souhaitent plutôt que tous les types de commerces que le libellé peut inclure. À cet égard, la preuve de la véritable nature du commerce des parties est utile [voir McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.); Procter & Gamble Inc. c. Hunter Packaging Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 266 (C.O.M.C.); et American Optional Corp. c. Alcon Pharmaceuticals Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 110 (C.O.M.C.)].

 

[49]           L’enregistrement de l’Opposante vise des « salamis, jambons, saucisses, pattes de porc, bacon, pepperettes, pâté de foie, pâté, porc en gelée, porc, pattes de porc et coupes de porc » tandis que la demande de la Requérante vise divers produits alimentaires qui relèvent essentiellement de trois catégories principales, nommément des fruits et légumes en conserve, séchés et cuits; des produits laitiers; et des boissons non alcoolisées.

 

[50]           L’Opposante soutient que la Requérante et l’Opposante travaillent toutes les deux dans l’industrie alimentaire. À cet égard, L’Opposante prétend avoir démontré la convergence de l’industrie des produits laitiers, des boissons et des produits à base de viande et que ces produits sont souvent vendus dans les mêmes voies de commercialisation, y compris les épiceries, soit dans les mêmes sections de ces magasins. L’Opposante fait également valoir qu’elle a prouvé que les produits laitiers, les boissons et les produits à base de viande sont souvent commercialisés dans les mêmes parties des circulaires ou des sites Web et qu’il est donc plus facile d’en conclure à une probabilité de confusion.

 

[51]           La Requérante soutient pour sa part que l’Opposante a prouvé l’emploi de la marque de commerce ALPINA & Dessin uniquement en liaison avec ses produits de charcuterie et qu’il n’existe aucune preuve établissant que l’Opposante a élargi sa gamme de produits pour englober d’autres produits alimentaires. La Requérante soutient que le simple fait que les marchandises de la Requérante et que celles de l’Opposante relèvent de la vaste catégorie générale des produits alimentaires ne rend pas les marchandises des parties similaires étant donné qu’on peut trouver des milliers de types de produits alimentaires différents sur le marché.

 

[52]           En ce qui concerne plus particulièrement l’argument de l’Opposante portant que plusieurs fabricants et distributeurs de produits alimentaires comme Kraft et Sara Lee ont élargi leur gamme de produits pour inclure des boissons, des produits à base de viande et des produits laitiers, la Requérante soutient qu’il s’agit de l’essence même de leur entreprise. Il s’agit de gigantesques conglomérats alimentaires et de fabricants de produits alimentaires mondiaux. L’Opposante n’est pas l’un d’eux.

 

[53]           De plus, la Requérante soutient que la preuve de l’Opposante n’établit pas que les produits liés aux marques de commerce en cause pourraient être vendus côte à côte.

 

[54]           Bien qu’il soit vrai que la nature des marchandises de la Requérante diffère de celle de l’Opposante, il n’en reste pas moins qu’il s’agit de produits alimentaires. En l’absence de toute preuve contraire, je suis d’accord avec l’Opposante pour dire qu’il existe une possibilité de chevauchement dans les commerces des parties. En ce qui concerne l’examen de l’affidavit de M. Piacek, les produits de charcuterie de l’Opposante sont vendus dans des épiceries et d’autres magasins d’alimentation au détail. Les marchandises de la Requérante seront ou pourront vraisemblablement être vendues dans les mêmes types de magasins.

 

[55]           De plus, même si je reconnais que, de façon générale, les marchandises des parties ne seraient pas vendues côte à côte, il faut se rappeler que le paragraphe 6(2) de la Loi n’exige pas que les marchandises des parties soient vendues côte à côte, ni qu’elles soient de la même catégorie générale.

 

e) Le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent

 

[56]           Comme l’a souligné l’Opposante, les marques des parties sont identiques sur le plan du son étant donné que leur partie nominale est composée du mot ALPINA dans les deux cas.

 

[57]           Bien que le mot ALPINA n’ait aucune signification en français ou en anglais, il possède une connotation italienne qui évoque quelque chose qui « a un lien avec les Alpes » (qui fait référence au mot français « alpin »), plus particulièrement en observant les marques. En effet, la Marque montre de manière évidente une montagne blanche entourée par une chaîne de montagnes bleu foncé. L’image en forme de V inversé de la marque ALPINA & Dessin de l’Opposante évoque également une montagne, tout en évoquant également la tête d’un bœuf formant la ligne horizontale de la lettre « A » pour « ALPINA ».

 

[58]           Cependant, les marques des parties diffèrent sur le plan de la présentation en raison de leurs conceptions graphiques très différentes.

 

Circonstances additionnelles

 

Preuve de l’état du registre

 

[59]           Comme il a été dit précédemment, la Requérante a produit une preuve de l’état du registre au moyen de l’affidavit de Mme Thibodeau. La preuve de l’état du registre sert à établir le caractère commun ou distinctif d’une marque ou d’une partie de marque par rapport au registre dans son ensemble. La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où il est possible d’en tirer des conclusions concernant l’état du marché, et des conclusions au sujet de l'état du marché ne peuvent être tirées que si un grand nombre d'enregistrements pertinents sont retracés [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Welch Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); et Maximum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Canada Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

 

[60]           Plus particulièrement, Mme Thibodeau reproduit sommairement au paragraphe 7 de son affidavit les détails des 43 enregistrements de marques de commerce retracés où le préfixe « ALP » est utilisé comme composante d’une marque de commerce employée en liaison avec des produits alimentaires et des boissons et elle joint ,à titre de pièce TTH-3, les détails informatisés tirés de la base de données de l’OPIC pour chacune de ces marques de commerce. Parmi ces 43 enregistrements de marques de commerce, Mme Thibodeau joint également à titre de pièce TTH‑4 un tableau résumant les détails des marques de commerce trouvées comprenant le mot ALPEN seul ou le mot ALPEN utilisé comme composante et qui sont employées en liaison avec des produits alimentaires et des boissons.

 

[61]           Les enregistrements trouvés par Mme Thibodeau comprennent l’enregistrement no LMC357659 pour la marque ALPINA & Dessin.

 

[62]           Certains des enregistrements relevés sont détenus par cinq entités distinctes. Voici ces enregistrements en question (que j’ai regroupés par propriétaire par souci de commodité) :

         ALPENDORF (LMC633650) et ALPENGUT (LMC631960) en liaison avec des produits de viande, des repas prêts à servir, des produits laitiers, etc.;

         ALPENHORN et ALPENHORN & Dessin (LMC183164 et LMC180765) en liaison avec des produits laitiers;

         ALPENWEISS (LMC235777) et ALPENWEISS SPARKLING & DESSIN (LMC300231) en liaison avec du vin;

         ALPINE (UCA10970); ALPINE & Dessin (LMC233652); ALPINE & Dessin (LMC262136); ALPINE & Dessin (LMC324680); ALPINE & Dessin (LMC690245); ALPINE & Dessin (LMC470884); ALPINE GENUINE COLD FILTERED (LMC417378); ALPINE GENUINE COLD FILTERED & Dessin (LMC414046); ALPINE LAGER (LMC386450); ALPINE LAGER BEER & Dessin (LMC146228); ALPINE LIGHT (LMC387125); et ALPINE LIGHT & Dessin (LMC696935) en liaison avec de la bière et des boissons alcoolisées;

         ALPINE ASTER (LMC657645); Dessin ALPINE BELL (LMC695952); et ALPINE ROSE (LMC661539) en liaison avec des produits laitiers.

 

[63]           Les enregistrements suivants (que j’ai regroupés par catégorie de marchandises par souci de commodité) sont tous détenus par des entités distinctes :

 

         ALPEN SPRINGS (LMC446319); ALPIAN (LMC382353); ALPINE (LMC435451); ALPENROCK HOUSE (LMC526769); et ALPINE-SUBTERRANEAN INTERNATIONAL GUIDING SERVICES INC. (LMC537394) en liaison avec de l’eau ou d’autres boissons et des produits pour préparer des boissons;

         ALPENBERGER (LMC696591); ALPENFRESH (LMC339530); ALPENJOY (LMC245521); et ALPI (LMC337617) en liaison avec divers produits laitiers;

         ALPINE LACE (LMC530010) en liaison avec des fromages et de la viande;

         ALPENKRAFT (LMC406520) en liaison avec des médicaments à base d’herbes et des bonbons à base d’herbes;

         ALPINE (LMC565425) en liaison avec des pastilles médicamenteuses et pastilles non médi[ca]menteuses, bonbons pour la gorge, bonbons et gomme à mâcher;

         ALPENICE (LMC425631) en liaison avec des bonbons;

         ALPINE (LMC139149) en liaison avec des produits de boulangerie-pâtisserie congelés;

         ALPIA (LMC534480); et ALPROSE (LMC519837) en liaison avec des chocolats et des produits de confiserie;

         ALPREZ (LMC511791) en liaison avec des légumes;

         TRANS ALPINE & Dessin (LMC323331) en liaison avec des escargots, câpres, légumes en boîtes et marinés, huiles, sauce soja, vinaigre et sirop de table.

 

[64]           L’Opposante souligne qu’aucun de ces enregistrements n’est composé du mot ALPINA seul ou combiné à d’autres mots ou éléments graphiques. Par conséquent, l’Opposante soutient que rien de prouve que le mot ALPINA est couramment employé comme partie d’une marque de commerce dans l’industrie alimentaire. L’Opposante soutient également que deux des enregistrements ci-dessus visent des produits laitiers et des produits à base de viande, ce qui étaye l’argument de l’Opposante ci-dessus quant à la convergence de l’industrie des produits laitiers, des boissons et des produits à base de viande.

 

[65]           J’estime que le nombre de marques enregistrées identifiées par Mme Thibodeau est suffisant pour conclure qu’il est courant au sein de l’industrie alimentaire d’adopter les marques de commerce composées des mots « ALPEN » ou « ALPINE » en liaison avec une variété de produits alimentaires, plus particulièrement les produits laitiers et les boissons. Cependant, il est vrai qu’il n’y a aucune preuve que le mot ALPINA en soi est couramment employé comme partie d’une marque de commerce dans l’industrie alimentaire.

 

[66]           Cela m’amène à analyser l’affidavit de Mme Goudreau. Comme il a été dit précédemment, l’affidavit de Mme Goudreau a été produit pour appuyer la prétention de la Requérante selon laquelle des marques de commerce identiques ou similaires employées en liaison avec une variété de produits alimentaires et détenues par différentes entités coexistent sur le registre des marques de commerce de l’OPIC, par exemple :

 

  • BARON BRAND (LMC685805) en liaison avec du « jambon »; BARON BURGER et BURGER BARON (LMC488523 et LMC495236) en liaison avec des « hamburgers »; LE BARON (LMC665228) en liaison avec du « pain de jambon cuit »); BARON (LMC491460) en liaison avec « beurre de sucre, choucroute, compote de pommes, fèves au lard, fruits frais, fruits en conserve, [etc.] »; BARON DE LUZE (LMC287064) en liaison avec des « vins, à l’exclusion des vins mousseux »; LE BARON (LMC247789) en liaison avec des « tomates, jus de tomates, maïs en grains et en crème, petits pois, fèves jaunes et vertes, carottes, macédoine de légumes »; LE BARON (LMC301646) en liaison avec des « fromages »; LE GRAND BARON (LMC297043) en liaison avec des « vins »; RED BARON (LMC320125) en liaison avec de la « pizza »; et RED BARON (LMC351199) en liaison avec de la « bière »;
  • THE BEEFEATER (LMC376046) en liaison avec « viande, volaille, poisson, viandes surgelées » et BEEFEATER (LMC250814) en liaison avec des [traduction] « protéines végétales hydrolysées »; BEEFEATER (LMC271275 et LMC667125) en liaison avec des [traduction] « pommes de terres frites congelées » et des « hors-d’oeuvre et goûters, nommément pommes de terre surgelées, légumes en pâte à frire, rondelles d’oignon, [etc.] », respectivement; et BEEFEATER (LMC120981) en liaison avec du [traduction] « gin »;
  • BIG RED (LMC224704) en liaison avec des [traduction] « produits à base de viande, nommément des saucisses de Francfort »; WRIGLEY’S BIG RED CHEWING GUM (LMC202538) en liaison avec de la [traduction] « gomme à mâcher »; BIG RED (LMC403953) en liaison avec « bières, bières anglaises et porter; eaux minérales et gazeuses »; et BIG RED’S (LMC255606) en liaison avec [traduction] « sandwiches et pizzas »;
  • BLUE RIBBON (LMC373191) en liaison avec « viandes cuisinées, nommément saucisson de Bologne »; BLUE RIBBON & Dessin (LMC339911) en liaison avec « produits alimentaires, nommément, épices, décorations et extraits de parfums pour desserts; café; thé; poudre à pâte »; et BLUE RIBBON GOLDEN (LMC391445) en liaison avec du « riz ».

 

[67]           Bien que je sois d’accord avec la Requérante que l’affidavit de Mme Goudreau appuie, dans une certaine mesure, la prétention de la Requérante selon laquelle des marques identiques ou similaires employées en liaison avec une variété de produits alimentaires peuvent coexister sur le registre des marques de commerce, il reste que chaque affaire est un cas d’espèce. Par conséquent, le simple fait que diverses marques de commerce coexistent sur le registre en liaison avec une variété de produits alimentaires ne lie pas le registraire.

 

Conclusion concernant la probabilité de confusion

 

[68]           Comme il a été dit précédemment, la Requérante a le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Le fardeau imposé à la Requérante signifie qu’en l’absence d’une conclusion décisive aux termes de la production de l’ensemble des éléments de preuve, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante.

 

[69]           S’agissant de mon examen de la preuve de l’Opposante ci-dessus, l’Opposante a établi l’emploi important de la marque ALPINA & Dessin au Canada en liaison avec ses produits de charcuterie depuis longtemps. La preuve documentaire sous la forme de factures, de données sur les ventes et la publicité, de matériel promotionnel, ainsi que d’échantillons d’emballages étayent la prétention de l’Opposante portant que la marque ALPINA & Dessin est devenue connue dans une large mesure au Canada en liaison avec les produits de charcuterie.

 

[70]           Le caractère distinctif acquis par la marque ALPINA & Dessin de l’Opposante n’est pas sérieusement miné par la preuve de l’état du registre en l’espèce puisqu’aucun des enregistrements relevés par Mme Thibodeau ne comprend le mot ALPINA en soi.

 

[71]           Comme il a été dit précédemment, les marchandises des parties sont susceptibles de se trouver dans le même type d’épiceries et d’autres magasins d’alimentation au détail. De plus, la preuve produite par l’Opposante tend à corroborer dans une certaine mesure la convergence possible de l’industrie des produits laitiers, des boissons et des produits à base de viande, bien qu’une telle convergence ne peut être généralisée.

 

[72]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les probabilités se repartissent également entre les conclusions selon lesquelles (i) il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion quant à la source des marchandises des parties compte tenu du fait qu’il y a peu de ressemblance entre la nature exacte des marchandises des parties et que les marques des parties se ressemblent peu puisque leur représentation graphique est très différente et (ii) il existe une probabilité raisonnable de confusion en ce qui concerne la source des marchandises des parties compte tenu de l’emploi et de la promotion, dans une large mesure, de la marque ALPINA & Dessin de l’Opposante, des différences entre les marques attribuables au fait que les parties nominales des marques comprennent le mot « ALPINA » et du chevauchement possible des voies de commercialisation des parties et des industries. Comme il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion, je dois rendre une décision défavorable à la Requérante.

 

[73]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est accueilli.

 

[74]           Il convient d’ajouter que dans la mesure où ma conclusion à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité est étayée par la preuve au dossier, la présente affaire se distingue de ma décision rendue à la même date dans la procédure d’opposition en instance produite par Weetabix Limited.

 

 

 

Motifs d’opposition fondés sur l’article 16

 

[75]           L’Opposante a fait valoir que la Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des alinéas 16(1)a) et (2)a) de la Loi. Elle affirme qu’à la date de premier emploi de la Marque et à la date de production de sa demande d’enregistrement, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce ALPINA et ALPINA & Dessin de l’Opposante, qui sont employées au Canada depuis au moins aussi tôt que 1960 en liaison avec des produits alimentaires, nommément « salamis, jambons, saucisses, pattes de porc, bacon, pepperettes, pâté de foie, pâté, porc en gelée, porc, pattes de porc et coupes de porc ».

 

[76]           Un opposant s’acquitte de son fardeau de preuve relativement à un motif d’opposition fondé sur les alinéas 16(1)a) ou (2)a) s’il démontre qu’à la date de premier emploi revendiquée dans la demande d’enregistrement du requérant ou à la date de production de sa demande d’enregistrement, respectivement, sa marque de commerce a été précédemment employée au Canada et n’a pas été abandonnée à la date où la demande a été annoncée [paragraphe 16(5) de la Loi]. S’agissant de mon examen de la preuve de l’Opposante, cette dernière s’est acquittée de son fardeau de preuve.

 

[77]           Ayant conclu, au vu de la preuve au dossier, qu’il est tout aussi vraisemblable de conclure (i) qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause et (ii) qu’il y a une probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause, et que l’écart entre les dates pertinentes n’a aucune incidence importante sur mon analyse, je dois trancher à l’encontre de la Requérante. Les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(1)a) et (2)a) sont donc également accueillis.

 

Motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif

 

[78]           L’Opposante a fait valoir que la Marque ne distingue pas les marchandises de la Requérante des marchandises de tiers, plus particulièrement des marchandises de l’Opposante en liaison avec lesquelles elle a employé, et emploie toujours, ses marques de commerce ALPINA et ALPINA & Dessin au Canada.

[79]           Un opposant s’acquitte de son fardeau de preuve relativement à un motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif s’il démontre qu’à la date de production de l’opposition, sa marque de commerce était devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la marque visée par la demande [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.)]. S’agissant de mon examen de la preuve de l’Opposante, cette dernière s’est acquittée de son fardeau de preuve.

 

[80]           Ayant conclu, au vu de la preuve au dossier, qu’il est tout aussi vraisemblable de conclure (i) qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause et (ii) qu’il y a une probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause, et que l’écart entre les dates pertinentes n’a aucune incidence importante sur mon analyse, je dois trancher à l’encontre de la Requérante. Le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est donc également accueilli.

 

Décision

 

[81]           Compte tenu de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, LL.B.

 

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