Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

                                                                       Référence : 2013 COMC 37

Date de la décision : 27-02-2013

 

 

 

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Bennett Jones LLP visant l’enregistrement no LMC601 387 de la marque de commerce ZERO au nom de Pirelli Tyre S.p.A.

 

 

[1]               Le 12 mai 2010, à la demande de Bennett Jones LLP (la Partie requérante), le registraire a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) à Pirelli Tyre S.p.A. (l’Inscrivante), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC601 387 de la marque de commerce ZERO (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les marchandises suivantes : « pneus; pneumatiques, semi-pneumatiques et bandages pleins pour roues de véhicules; roues pour chambres à air de véhicules, jantes, pièces et accessoires pour tout le matériel susmentionné » (les Marchandises).

[3]               L’article 45 de la Loi exige que la propriétaire inscrite d’une marque de commerce indique si la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services visés par l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l'avis et, dans la négative, qu’elle précise la date où la marque a été employée pour la dernière fois et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi de la Marque s'étend du 12 mai 2007 au 12 mai 2010 (la Période pertinente).

[4]               La définition d’« emploi » qui s’applique en l’espèce est énoncée au paragraphe 4(1) de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que l’article 45 de la Loi a pour objet d’offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour éliminer le « bois mort » du registre. En droit, de simples affirmations d’emploi sont insuffisantes pour établir l’emploi [voir Aerosol Fillers Inc. c. Plough (Canada) Ltd. (1979), 45 C.P.R. (2d) 194 (C.F. 1re inst.)]. Le destinataire d’un avis donné en vertu de l’article 45 doit produire des éléments de preuve indiquant comment il a employé la marque de commerce, afin que le registraire puisse déterminer si les faits constituent un emploi de la marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi. Toute ambiguïté dans la preuve doit être interprétée à l’encontre des intérêts de la propriétaire inscrite [Aerosol Fillers Inc, précitée].  

[6]               En réponse à l’avis transmis par le registraire, l’Inscrivante a produit l’affidavit de Giovanni Giannesi. Les parties ont toutes deux présenté des observations écrites et pris part à une audience.

[7]               À titre préliminaire, je souligne que la preuve et les observations présentées par l’Inscrivante ont trait uniquement aux marchandises décrites comme des « pneus ». Par conséquent, les autres marchandises décrites seront supprimées de l’enregistrement. J’examinerai maintenant la preuve produite afin de déterminer si cette dernière établit l’emploi en liaison avec des « pneus ».

[8]               Dans son affidavit, M. Giannesi explique qu’il agit actuellement à titre de mandataire de l’Inscrivante. Il affirme avoir une connaissance personnelle des renseignements contenus dans son affidavit ou tenir ces renseignements de dossiers constitués par l’Inscrivante dans le cours normal de ses activités commerciales.

[9]               M. Giannesi atteste qu’au cours de la Période pertinente, l’Inscrivante a vendu des pneus portant la Marque au Canada, par l’intermédiaire de Pirelli Pneus Inc./Pirelli Tire Inc. (Pirelli Tire). Il affirme que l’Inscrivante emploie toujours la Marque en conjugaison avec d’autres marques de commerce telles que P (qui, explique-t-il, est une marque maison de l’Inscrivante), SCORPION, ROSSO, CORSA et NERO. Il soutient que cet emploi combiné est caractéristique de la gamme de pneus ZERO, qui comprend, entre autres, les pneus P ZERO, SCORPION ZERO, P ZERO ROSSO, P ZERO CORSA, et P ZERO NERO.

[10]           Pour étayer cette déclaration d’emploi, M. Giannesi a joint à son affidavit les pièces 1 et 2. La pièce 1 est constituée d’un petit échantillon de factures représentatives qui, atteste-t-il, font état de ventes réalisées dans le cours normal du commerce de ces pneus au Canada. Les factures portent toutes une date comprise dans la Période pertinente et ont toutes trait à la vente de pneus, y compris les pneus appelés P ZERO et divers pneus de marque SCORPION par Pirelli Tire, [TRADUCTION] « à titre d’agent de vente pour Pirelli Tire LLC ». M. Giannesi explique que l’Inscrivante a concédé à Pirelli Tire LLC une licence l’autorisant à vendre au Canada des produits portant, entre autres, la marque de commerce ZERO en liaison avec des pneus. Il affirme que, dans le cadre de cette licence d’emploi de la marque ZERO, l’Inscrivante veille à ce que tous les pneus ZERO vendus au Canada respectent certaines normes de qualité.

[11]           La pièce 2, quant à elle, a trait à la manière dont la Marque était représentée sur les pneus qui ont été vendus au Canada au cours de la Période pertinente. Elle est formée de brochures et de documents promotionnels représentatifs qui, selon M. Giannesi, ont été distribués à des acheteurs et à des acheteurs potentiels au Canada pendant la Période pertinente. M. Giannesi affirme que les photos comprises dans les brochures et les documents promotionnels sont représentatives de la façon dont la Marque figure sur les pneus eux-mêmes, y compris les pneus vendus au Canada pendant la Période pertinente. Je souligne que, comme l’a spécifié M. Giannesi dans sa déclaration sous serment, la Marque ne figure jamais seule sur les pneus; elle est accompagnée d’autres éléments, comme dans les cas suivants : P ZERO, SCORPION ZERO, P ZERO CORSA, et P ZERO NERO.

[12]           Au vu de la preuve produite, j’admets que des pneus ont été vendus au Canada par la licenciée de l’Inscrivante au cours de la Période pertinente. La question, cependant, est de savoir si la façon dont la Marque était représentée sur les pneus qui ont été vendus constitue un emploi de la Marque telle qu’enregistrée.

[13]           Lorsque la marque qui est employée diffère de la marque qui est enregistrée, la question à se poser est celle de savoir si la marque a été employée d’une manière telle qu’elle a conservé son identité et est demeurée reconnaissable malgré les différences entre la forme sous laquelle elle a été employée et la forme sous laquelle elle est enregistrée [Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie International pour l’informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.), p. 525]. Pour trancher cette question, il faut se demander si les « caractéristiques dominantes » ont été préservées [Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc, 44 C.P.R. (3d) (C.A.F.), p. 59]. La question de savoir si les différences entre les marques sont « à ce point minimes qu’un acheteur non averti conclurait, selon toute probabilité, qu’elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine » [Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie International pour l’informatique CII Honeywell Bull, précitée, p. 525], est une question de fait. 

[14]           Enfin, l’emploi d’une marque de commerce en conjugaison avec d’autres mots ou éléments constitue un emploi de la marque déposée si le public y voit, sous le coup de la première impression, l’emploi de la marque de commerce en soi. Il s’agit là d’une question de fait qui dépend de celles de savoir si la marque de commerce se démarque des autres éléments présents, par exemple par l’emploi d’une police ou d’une taille de caractères différentes, et si les autres éléments seraient perçus par le public comme étant manifestement descriptifs ou comme constituant une marque de commerce ou un nom commercial distincts [voir le 1er principe énoncé dans Nightingale Interloc Ltd c. Prodesign Ltd (1984), 2 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.), p. 538; et 88766 Canada Inc c. National Cheese Co (2002) 24 C.P.R. (4th) 410 (C.O.M.C.)].

[15]           L’Inscrivante soutient que bien que la preuve démontre que la marque de commerce ZERO est employée en conjugaison avec d’autres éléments, cet emploi serait perçu par le public comme un emploi de la marque de commerce ZERO en soi. Par exemple, relativement à la présence de la mention SCORPION ZERO sur les pneus, l’Inscrivante fait valoir que la marque SCORPION désigne une gamme de pneus qui peuvent, dans certains cas, portés également la marque ZERO. Elle compare cette situation à celle observée dans l’affaire Mantha & Associates c. Old Time Stove Co (1990), 30 C.P.R. (3d) 574 (C.O.M.C.), dans laquelle le registraire a statué que l’emploi de BEAUMONT CHALET, BEAUMONT ACADIAN, BEAUMONT LAURENTIA, etc., équivalait, dans chaque cas, à l’emploi de deux marques distinctes et que la marque BEAUMONT servait à désigner une gamme de produits similaires.

[16]           L’Inscrivante ajoute qu’étant donné qu’il est expliqué dans ses publicités et documents promotionnels qu’il existe une gamme de pneus SCORPION, les consommateurs percevraient le mot SCORPION comme une marque de commerce distincte de la marque ZERO. Elle attire également mon attention sur un extrait du matériel publicitaire qu’elle a produit, dans lequel le mot ZERO se distingue visuellement du mot SCORPION, soutenant que ce genre de matériel est également de nature à influencer la perception du public, qui serait porté à en conclure que ZERO est une marque de commerce en soi.

[17]           L’Inscrivante soutient que le 1er principe énoncé dans Nightingale, précitée, s’applique à ce qui précède.

[18]           Je souligne, à cet égard, que la présence de la Marque dans les brochures et le matériel publicitaire est considérée comme de la publicité et, à ce titre, ne constitue pas un emploi de la marque de commerce en liaison avec des marchandises au sens du paragraphe 4(1) de la Loi [Davis & Co c. Oasis Corp (2002), 25 C.P.R. (4th) 540 (C.O.M.C.)]. L’Inscrivante ne conteste pas ce point. Elle insiste plutôt sur le fait que le matériel publicitaire influe sur la perception du public en donnant à penser que ZERO est une marque de commerce en soi.

[19]           La preuve produite est cependant muette quant à l’importance de la diffusion dont ces brochures et documents promotionnels auraient fait l’objet et rien n’indique que ces documents auraient été exposés à la vue des consommateurs au moment du transfert des marchandises. Rien n’indique non plus que les consommateurs, au moment d’acheter des pneus, auraient pu se souvenir de certaines pages de ces brochures et autres documents promotionnels dans lesquels le mot ZERO est illustré dans une police et une taille de caractères différentes, et en déduire que le mot ZERO est une marque de commerce en soi.

[20]           Les brochures et documents promotionnels corroborent cependant le fait que divers pneus SCORPION étaient offerts en vente, tels les pneus SCORPION ZERO, SCORPION ATR, SCORPION STR, SCORPION MUD, et SCORPION ICE & SNOW.  En effet, ces documents promotionnels comprennent des photos de pneus qui confirment que les marques SCORPION ZERO, SCORPION MUD, SCORPION STR, et SCORPION ATR figurent bien en vue sur les parois latérales des pneus. En outre, les factures démontrent que des ventes de pneus SCORPION STR, SCORPION ATR et SCORPION ZERO ont eu lieu et que différents consommateurs ont acheté différents types de pneus SCORPION. 

[21]           Ces éléments de preuve corroborent la thèse de l’Inscrivante voulant qu’il existe une gamme de pneus SCORPION et que les pneus ZERO en soient un sous-ensemble. Par conséquent, j’admets que la présente instance est comparable à l’affaire Mantha, précitée, dans laquelle il a été déterminé que les consommateurs considéreraient BEAUMONT comme une marque de commerce distincte par rapport à une marque de commerce secondaire servant à identifier des marchandises particulières parmi une gamme substantielle de produits similaires. En l’espèce, j’admets que, si l’on applique le 1er principe énoncé dans Nightingale, précitée, le mot ZERO serait perçu par les consommateurs comme cette marque de commerce secondaire servant à identifier un produit appartenant à un sous-ensemble. J’arrive à cette conclusion du fait de l’existence de la gamme de produits SCORPION et parce qu’il appert de la preuve que des consommateurs ont acheté plusieurs types différents de pneus SCORPION.

[22]           La Partie requérante invoque une série d’affaires dans lesquelles le registraire a statué que l’emploi d'une marque de commerce comme élément d’une marque composite ne constituait pas un emploi de la marque de commerce telle qu’enregistrée. Or, j’estime, comme le fait valoir l’Inscrivante, que ces affaires sont toutes différentes de la présente espèce en ce qu’elles concernent des éléments graphiques intégrés, des éléments évocateurs ou descriptifs, etc. et que, par conséquent, les marques en cause dans ces affaires seraient perçues par les consommateurs comme des marques composites.

[23]           Compte tenu des conclusions auxquelles je suis parvenue ci-dessus, je n’évoquerai que brièvement la preuve et les observations de l’Inscrivante concernant sa gamme de pneus « P ». À la différence de la conclusion à laquelle je suis arrivée relativement à la gamme de pneus SCORPION, je ne suis pas disposée à admettre que les mentions P ZERO, P ZERO CORSA et P ZERO NERO établissent l’emploi de la marque ZERO en soi. Bien qu’il s’agisse, au dire de l’Inscrivante, d’une marque maison, le P ne se démarque pas de l’élément ZERO; il apparaît dans une police et une taille de caractères identiques, et ce, aussi bien sur les pneus que dans les brochures et documents promotionnels. Je ne suis pas convaincue qu’un consommateur se dirait d’emblée que le P désigne l’Inscrivante. J’ajouterai, relativement à la gamme de pneus « P » de l’Inscrivante, que la mention P ZERO ne suit pas le même modèle de présentation que les autres marques P auxquelles il est fait référence dans la preuve. En effet, ces marques sont constituées d’un P suivi d’un numéro, comme dans le cas des pneus P4, P6, P7, P2500, etc. Conséquemment, je ne peux conclure que les consommateurs déduiraient nécessairement que les pneus P ZERO appartiennent à la gamme des pneus P et, même si tel était le cas, le P serait sans doute perçu comme un élément faisant partie intégrante de la marque de commerce.

Décision

[24]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’emploi de la marque de commerce en cause a été établi en liaison avec les marchandises décrites comme des « pneus »; l’emploi n’a cependant pas été établi en liaison avec les autres marchandises décrites dans l’enregistrement et aucune preuve de circonstances particulières justifiant le défaut d’emploi n’a été produite. Conséquemment, en vertu des pouvoirs qui me sont délégués au titre du paragraphe 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement no LMC601 387 sera modifié afin de radier l’inscription des marchandises suivantes :

« pneumatiques, semi-pneumatiques et bandages pleins pour roues de véhicules; roues pour chambres à air de véhicules, jantes, pièces et accessoires pour tout le matériel susmentionné ».

 

 

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Kathryn Barnett

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme
Judith Lemire

 

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