Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de 9013-0501 Québec Inc. à la demande no 897394 produite par Gen-X Sports Inc. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce RAGE

 

 

 

I Les actes de procédure

 

Le 24 novembre 1998, Gen-X Sports Inc. (la « Requérante ») a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce RAGE (la « Marque »), numéro de demande 897394, en liaison avec : planches à neige, planches à roulettes et accessoires connexes, nommément bottes de planche à neige, chaussures pour patin à roulettes, fixations, sacs de sport, casques, protège-poignets, coudières, genouillères et gants (les « Marchandises »). La demande est fondée sur un emploi projeté au Canada, et elle a été annoncée à des fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 3 juillet 2002. Par suite d’une série de cessions, le propriétaire inscrit de cette demande est maintenant Lifestyle Brands Corporation (« Lifestyle »).

 

Le 10 octobre 2002, 9013-0501 Québec Inc. (« l’Opposante ») a produit une déclaration d’opposition, que le registraire a transmise à la Requérante le 22 octobre 2002, et qui soulevait les motifs d’opposition suivants :

  1. La demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i) puisque l’Opposante et la Requérante font affaire dans le même domaine, à savoir la vente de vêtements de sport et d’accessoires de sport. Par conséquent, chaque partie est généralement au fait des produits et des marques de commerce de ses concurrents. L’Opposante emploie ses marques de commerce ORAGE depuis au moins septembre 1988, et de ce fait, l’Opposante soutient que la Requérante ne pouvait pas faire et ne peut toujours pas faire la déclaration exigée en vertu de l’al. 30i), puisqu’elle ne pouvait pas et ne peut toujours pas être convaincue qu’elle avait le droit d’utiliser la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises, étant donné qu’à la date de production de la demande la Requérante était au courant de l’emploi des marques de commerce de l’Opposante. En outre, la Requérante ne pouvait pas et ne peut toujours pas faire la déclaration exigée en vertu de l’al. 30i), puisqu’elle ne pouvait pas et ne peut toujours pas être convaincue qu’elle emploiera la Marque ou le mot RAGE en tant que marque de commerce;
  2. La marque n’est pas enregistrable en vertu des dispositions de l’al. 38(2)b) et de l’al. 12(1)d) de la Loi parce que la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce enregistrées suivantes de l’Opposante :

 

    1. LMC386694, ORAGE;
    2. LMC452745, ORAGE & DESSIN;
    3. LMC556050, ORAGE & DESSIN;
    4. LMC556048, ORAGESKI.COM;
    5. LMC558316, A ORAGE & DESSIN

 

  1. La Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions de l’al. 38(2)c) et de l’al. 16(3)a) de la Loi puisque la Marque crée de la confusion avec au moins une des marques de commerce susmentionnées employées antérieurement au Canada par l’Opposante en liaison avec des vêtements de sport et des accessoires de sport;

 

  1. Selon l’al. 38(2)d) et l’art. 2 de la Loi, la Marque de la Requérante n’est pas distinctive, et elle n’est pas capable de distinguer ni n’est adaptée à distinguer les marchandises de la Requérante de celles de l’Opposante étant donné l’emploi au Canada par l’Opposante des marques de commerce énumérées ci-dessus;

 

La Requérante a produit une contre-déclaration le 24 février 2003 dans laquelle elle conteste pour l’essentiel tous les motifs d’opposition décrits ci-dessus.

 

L’Opposante a produit l’affidavit d’Alain Nolet. La Requérante a produit l’affidavit de Kenny Finkelstein. Seul M. Nolet a été contre-interrogé, et la transcription de son contre-interrogatoire a été versée au dossier.

 

Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et ont été représentées à une audience.

 

II Principes généraux applicables dans le cadre d’une opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce

 

Le fardeau de persuasion incombe à la Requérante qui doit démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi. Cependant, l'Opposante a le fardeau initial de produire une preuve admissible suffisante à partir de laquelle on pourrait raisonnablement conclure que les faits allégués à l'appui de chaque motif d'opposition existent. Si l'Opposante s'acquitte de ce fardeau initial, la Requérante doit ensuite prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d'opposition ne devraient pas faire obstacle à l'enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd et al. c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329 et 330; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293, et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

Les dates pertinentes pour l’analyse des motifs d’opposition sont les suivantes :

 

  Conformité aux exigences énumérées à l’al. 30i) de la Loi : la date de production de la demande (le 24 novembre 1998) [voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293 et Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469];

  Caractère enregistrable de la Marque en vertu de l’al. 12(1)d) de la Loi : la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 à la p. 424 (C.A.F.)];

  Caractère distinctif de la Marque : la date de production de la déclaration d’opposition est généralement admise comme date pertinente (10 octobre 2002) [voir Andres Wines Ltd. and E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la p. 130 (C.A.F.) et Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)];

  Droit à l’enregistrement de la Marque lorsque la demande est fondée sur un emploi projeté : la date de production de la demande (le 24 novembre 1998) [voir le par. 16(3) de la Loi].

 

III Conformité aux exigences de l’al. 30i) de la Loi

 

Le fait que la Requérante ait été au courant des marques de commerce de l’Opposante n’empêcherait pas nécessairement la Requérante d’être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada. Il se pourrait bien que la Requérante n’ait pas cru que les marques en cause créaient de la confusion. Il n’y a eu aucune allégation de mauvaise foi de la part de la Requérante dans la déclaration d’opposition. [Voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol Myer Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152] Je rejette donc le premier motif d’opposition tel qu’il est rédigé.

 

IV Caractère enregistrable, droit à l’enregistrement et caractère distinctif

 

Tous les autres motifs d’opposition portent sur la question de la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce susmentionnées de l’Opposante. La différence entre les dates pertinentes n’aura aucune incidence sur mon appréciation de cette question. J’examinerai la question du caractère enregistrable de la Marque, puis la conclusion à laquelle je serai parvenu s’appliquera également aux autres motifs d’opposition.

 

Je constate que l’Opposante a produit des certificats d’authenticité pour chacune de ses marques de commerce déposées à titre de pièces jointes à l’affidavit de M. Nolet, le vice-président aux finances, depuis le 1er janvier 1997, de Coalision Inc. (« Coalision »), la filiale de l’Opposante. Par conséquent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial relativement au motif d’opposition concernant le caractère enregistrable fondé sur l’al. 12(1)d).

 

Mon analyse sera axée sur la comparaison entre la Marque et les marques de commerce de l’Opposante ORAGE, certificat d’enregistrement no LMC 386694, enregistrée en liaison avec :

vêtements de sport et accessoires pour hommes, femmes et enfants, nommément pantalons, chemises, shorts, jupes, blouses, costumes, manteaux, anoraks, tee-shirts, blousons, chandails, maillots de bain, sacs, bas, ceintures, chapeaux, tuques, foulards, gants et mitaines, chaussures, nommément souliers, pantoufles et bottes.

 

et ORAGE & Dessin, illustrée ci-dessous :

 

ORAGE DESSIN

 

certificat d’enregistrement no LMC 556050, enregistrée en liaison avec :

vêtements de ski, nommément pantalons de ski, chandails, chandails cols roulés, combinaisons de ski, sous-vêtements; vêtements de sport et accessoires pour hommes, femmes et enfants, nommément pantalons, chemises, shorts, jupes, blouses, costumes, manteaux, anoraks, tee-shirts, blousons, maillots de bain, bas, chapeaux, ceintures, tuques, foulards, gants et mitaines, bandeaux, masques de ski, lunettes de soleil, cordons de lunettes, étuis de lunettes et pochettes de lunettes, sacs fourre-tout, sacs de voyage; chaussures, nommément souliers, pantoufles, bottes, bottes de skis; skis, bâtons de ski et sacs pour le transport des skis.

 

puisqu’elles sont les plus favorables à la cause de l’Opposante. Je considère que l’emploi de la marque de commerce ORAGE & Dessin est un emploi de la marque nominale ORAGE [voir Promafil Canada Ltd. c. Munsingwear Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 59].

 

Le critère pour déterminer s'il existe un risque raisonnable de confusion est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi et je dois tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs et il n'est pas nécessaire de leur accorder un poids égal [Voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.) et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].

 

Je renvoie à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., (2006) 49 C.P.R. (4th) 321 pour une analyse détaillée du critère applicable en l’espèce.

 

Pour ce qui est tout d’abord du caractère distinctif inhérent des marques de commerce en cause, la Marque de la Requérante appliquée aux Marchandises a un caractère distinctif inhérent. Les marques de commerce déposées ORAGE et ORAGE & Dessin visant les marchandises énumérées plus haut ont un caractère distinctif inhérent moins fort que la Marque en ce qu’elles pourraient donner à entendre que les marchandises de l’Opposante pourraient être employées par temps orageux, étant donné que le mot « orage » évoque pareilles conditions climatiques en français.

 

Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être renforcé par son emploi. Par conséquent, je résumerai les éléments de preuve pertinents produits par les deux parties au sujet de l’emploi de leurs marques de commerce respectives.

 

Mr. Nolet explique que le 5 janvier 1996, l’Opposante a concédé la marque de commerce ORAGE et ses différentes versions sous licence à Diffusion Bel-Gam Inc. (« Bel-Gam »). Depuis, Bel-Gam a changé de nom pour devenir Coalision. Une copie du contrat de licence susmentionné a été produite. Le contrat de licence comporte les dispositions générales concernant le contrôle exercé par l’Opposante sur la qualité des produits portant ses marques de commerce. Par conséquent, toute preuve d’emploi des marques de commerce ORAGE ou ORAGE & Dessin par Coalision au sens de l’art. 4 de la Loi sera réputé être un emploi de ces marques par l’Opposante conformément aux dispositions de l’art. 50 de la Loi.

 

Entre le 20 septembre 1988 et le 5 janvier 1996, Coalision a employé la marque de commerce ORAGE en liaison avec toutes les marchandises décrites plus haut sauf des skis, des bottes de ski et des bâtons de ski. M. Nolet a admis au cours de son contre-interrogatoire le non-emploi de toutes les marques de commerce de l’Opposante en liaison avec ces marchandises et le non-emploi des marques de l’Opposante depuis 1995 en liaison avec des souliers, des pantoufles et des sandales. Je reviendrai sur ce point plus loin.

 

Pour étayer son allégation d’emploi des marques de commerce ORAGE et ORAGE & Dessin, M. Nolet a fourni l’information et/ou la documentation suivante. Il a produit des échantillons de factures portant des dates comprises entre 1990 et 2004 pour démontrer la vente de produits portant les marques de commerce ORAGE et ORAGE & Dessin. M. Nolet affirme que chaque produit porte une étiquette ORAGE ou que la marque de commerce est soit imprimée ou brodée à même le produit. Des échantillons d’étiquettes sur lesquelles apparait la marque de commerce ORAGE & Dessin sont joints à son affidavit. Il a aussi produit des échantillons de catalogues distribués entre 1995 et 2004 dans lesquels les produits sont illustrés et sur lesquels apparait la marque de commerce ORAGE & Dessin. Je constate qu’aucun des catalogues publiés après 1995 n’illustre de chaussures et qu’aucun des catalogues publiés après 1999 n’illustre de vêtements d’été.

 

M. Nolet communique les chiffres de ventes annuelles de produits portant la marque de commerce ORAGE au Canada entre 1990 et 2004 qui totalisent plus de 110 millions de dollars. Coalision a dépensé plus de 6 millions de dollars entre 1990 et 2003 pour promouvoir la marque de commerce ORAGE au Canada, au moyen d’un catalogue publié à chaque saison et de publicités à la radio, dans des revues et dans les catalogues de clients de l’Opposante. Des échantillons de ces publicités étaient joints à l’affidavit de M. Nolet. Coalision a aussi commandité des athlètes et des événements spéciaux tels que des compétitions de ski acrobatique et de planche à neige.

 

Ces éléments de preuve m’amènent à conclure que la marque de commerce ORAGE de l’Opposante était connue dans une large mesure au Canada en liaison avec : les vêtements de ski et les accessoires énumérés plus haut.

 

M. Finkelstein est directeur financier et secrétaire de Lifestyle. Lifestyle est une société de concession de licences et de marketing mondiale diversifiée qui concède sous licence tout un éventail de noms de marques associées à des styles de vie et à des sports intenses, dont la Marque. Il explique que les Marchandises ont été initialement conçues, fabriquées et distribuées par la Requérante et des sociétés liées non identifiées jusqu’à ce que Huffy Corporation (« Huffy ») acquière la Marque en septembre 2003. Par la suite, Lifestyle a fait l’acquisition en janvier 2005 de la Marque et de la cote d’estime associée à la Marque. M. Finkelstein affirme qu’en raison de son poste chez Lifestyle et de ses liens avec la Requérante, et grâce à son accès aux documents de l’entreprise de Lifestyle, il a connaissance des faits décrits dans son affidavit. Il désigne la Requérante dans son affidavit comme une licenciée. Je présumerai pour les besoins de la décision à intervenir en l’espèce que Huffy est une prédécesseure en droit de Lifestyle.

 

Il y a certaines ambiguïtés reliées à ces allégations, et l’auteur de l’affidavit n’explique pas la nature de ses liens avec la Requérante. Est-ce en vertu du contrat de licence ou à titre d’employé ou à titre de dirigeant et d’administrateur de cette entité? Aucune copie d’un contrat de licence entre la Requérante et Lifestyle n’a été fournie, et nous n’avons donc aucune information quant à savoir si Lifestyle exerce un certain contrôle sur la qualité et les caractéristiques des Marchandises. L’affidavit de M. Finkelstein ne comporte aucune allégation en ce sens, en particulier au paragraphe 11 de son affidavit où la Requérante est désignée comme une licenciée. En l’absence d’une telle preuve, aucun emploi de la Marque après janvier 2005 ne peut être réputé un emploi par Lifestyle conformément aux dispositions de l’art. 50 de la Loi.

 

En outre, en l’absence de tout renseignement concernant la relation entre l’auteur de l’affidavit et la Requérante, toute allégation concernant l’emploi de la Marque par la Requérante avant janvier 2005 constituerait une preuve par ouï-dire inadmissible. Par conséquent, il me reste très peu d’éléments de preuve admissibles. M. Finkelstein allègue que depuis que Lifestyle a acquis la Marque en 2005, les ventes totales se sont élevées à 230 000 $, mais nous ne savons pas si ces ventes ont été réalisées par Lifestyle ou par la Requérante, et, pour les motifs évoqués plus haut, je ne puis conclure qu’il s’agit de ventes réputées avoir été réalisées par Lifestyle. Dans tous les cas, elles sont beaucoup moins impressionnantes que les ventes réalisées par l’Opposante. Dans l’ensemble, le premier critère favorise l’Opposante.

 

La période pendant laquelle les marques ont été en usage favorise aussi l’Opposante puisqu’il y a des éléments de preuve indiquant un emploi de sa marque de commerce ORAGE depuis au moins 1990, tandis que la Marque de la Requérante aurait été employée tout au plus depuis 1999.

 

Les parties ont accordé beaucoup d’attention à la nature de leurs marchandises respectives. Comme on pouvait s’y attendre, les parties sont en désaccord sur ce point. Le représentant de Lifestyle, la nouvelle propriétaire de la Marque, prétend que les marchandises de la Requérante sont des « biens durs », tandis que celles de l’Opposante sont des « biens mous ». L’Opposante soutient que les marchandises respectives des parties n’ont pas à être identiques mais simplement reliées. Elles sont des articles de sport. L’Opposante soutient aussi que je devrais tenir compte du contenu des certificats d’enregistrement peu importe si la Marque a été employée ou non en liaison avec certaines des marchandises qui y sont énumérées. Je conviens avec la Requérante que je dois tenir compte du fait que l’Opposante n’emploie pas ses marques de commerce ORAGE en liaison avec des skis, des bottes de ski et des bâtons de ski [voir Park Avenue, précité]. Cependant, compte tenu du fait que l’Opposante a prouvé qu’elle vend des habits de ski et des accessoires tels que des tuques, des gants et des mitaines, je considère qu’il existe un lien étroit entre ces marchandises de l’Opposante et certaines des Marchandises énumérées dans la demande telles que des planches à neige, des fixations, des sacs de sport et des gants.

 

Pour ce qui est des planches à roulettes et des accessoires, par exemple les chaussures pour patins à roulettes, les protège-poignets, les coudières et les genouillères, je ne vois pas le même lien qu’entre des vêtements de ski et des planches à neige et des accessoires. M. Nolet a admis au cours de son contre-interrogatoire que Coalision œuvrait principalement dans les domaines du vêtement de sport d’hiver et du vêtement de loisirs. D’ailleurs, l’Opposante n’a pas évoqué dans son plaidoyer écrit les similarités entre ses marchandises et les planches à roulettes et les accessoires. Ce facteur favorise aussi l’Opposante mais seulement dans la mesure où les planches à neige, les bottes de planche à neige, les fixations, les sacs de sport et les gants sont concernés.

 

M. Nolet allègue que les marchandises de l’Opposante portant ses marques de commerce ORAGE et ORAGE & Dessin sont vendues chez les détaillants suivants : André Lalonde Sport, Sports Experts, Bernard Trottier Sports et Tommy & Lefebvre. Ces magasins sont souvent situés dans des centres commerciaux où l’on retrouve différents types de magasins de vente au détail. Il a visité certaines des boutiques spécialisées susmentionnées qui vendent de l’équipement et des accessoires de sport, y compris des articles vestimentaires, et dans toutes ces boutiques les articles vestimentaires sont offerts à la vente à proximité des équipements de sport.

 

M. Finkelstein affirme que les Marchandises portant la Marque sont vendues au Canada dans des chaînes nationales de magasins comme Canadian Tire, Sportchek, Sport Mart et Sports National. Je conclus qu’il y a un chevauchement des voies commerciales empruntées par les parties.

 

Il a souvent été dit que le degré de ressemblance est le facteur le plus important lorsque l’on évalue la probabilité de confusion entre deux marques de commerce. Monsieur le juge Cattanach dans Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd., [1980] A.C.F. no 201, a défini la question comme suit :

 

À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire.

 

Les marques ne devraient pas être placées côte à côte et décomposées en leurs éléments constitutifs pour les analyser en détail. M. Nolet allègue qu’un anglophone prononcerait la marque de commerce ORAGE en mettant l’accent sur la dernière syllabe, et en anglais, de sorte que l’on entendrait quelque chose comme « oh-RAGE ». Lorsqu’il parle de la marque de commerce ORAGE à des anglophones, il utilise la même prononciation qu’eux afin que ceux-ci le comprennent. Il affirme qu’un francophone mettrait aussi l’accent sur la dernière partie, soit « rage ». Au cours de son contre-interrogatoire, il a admis qu’il n’avait aucune formation académique en linguistique et ne pouvait donc pas être considéré comme un expert, et qu’il ne pouvait pas donner un avis sur la prononciation des marques en cause par un anglophone. Je ne tiendrai donc pas compte de ces affirmations.

 

Le critère linguistique applicable a été énoncé comme suit dans SmithKline Beecham Corp. c. Pierre Fabre Médicament, [2001] 2 C.F. 636 (C.A.F.) :

 

Il s'ensuit que dès lors qu'il y a risque de confusion dans l'une ou l'autre des deux langues officielles du pays, une marque de commerce ne peut être enregistrée. Le problème particulier auquel étaient confrontés les juges Joyal et Strayer était la possibilité qu'une marque de commerce qui ne crée aucune confusion chez un francophone ou chez un anglophone, en crée une chez une personne bilingue par l'emploi de mots usuels, distincts en français et en anglais, mais renvoyant, chez une personne qui en connaîtrait le sens dans les deux langues, à une même réalité. Ainsi, dans Les Produits Freddy Inc., le mot "noixelle" pouvait ne rien dire à une personne anglophone, et le mot "nutella", ne rien dire à une personne francophone, mais il n'était pas impossible que l'emploi de l'un et l'autre de ces mots confonde une personne bilingue qui en connaîtrait le sens dans l'une et l'autre langue. C'est aux seules fins de parer à cette éventualité que le test a été étendu au consommateur bilingue moyen.

 

Par conséquent, l’analyse de la probabilité de confusion doit être effectuée en prenant en compte le consommateur francophone moyen, le consommateur anglophone moyen et le consommateur bilingue moyen. Si l’un quelconque d’entre eux est susceptible d’éprouver de la confusion entre l’emploi de la Marque en liaison avec les marchandises et les marques de commerce ORAGE et ORAGE & Dessin de l’Opposante, alors il faut conclure qu’il existe une probabilité de confusion.

 

Les marques ont des sens différents en français puisque « rage » signifie un état de colère extrême, tandis qu’un « orage » est un phénomène météorologique violent caractérisé par de fortes averses auxquelles se mêlent souvent du tonnerre et des éclairs. Un anglophone considérerait la marque de commerce ORAGE de l’Opposante comme un mot inventé. Cependant, les deux mots présentent une ressemblance visuelle. D’après le dictionnaire français Le Nouveau Petit Robert, leurs prononciations en français ne différeraient que par la lettre « o » placée au début du mot « orage ». Par conséquent, à tout le moins en français, au plan phonétique, les marques en cause présentent un degré élevé de ressemblance. Il n’y a aucun élément de preuve admissible indiquant comment un anglophone prononcerait le mot « orage ».

 

À mon avis, le consommateur anglophone unilingue moyen doté d’une intelligence ordinaire, ayant un souvenir imparfait de la marque de commerce ORAGE de l’Opposante, n’aurait peut-être pas relevé la distinction entre ORAGE et RAGE à cause de la ressemblance visuelle des marques en cause.

 

À titre d’élément contextuel additionnel, la Requérante soutient qu’il n’y a eu aucun cas de confusion rapporté à Lifestyle au cours de la longue période de coexistence des marques sur le marché canadien. M. Finkelstein fait l’affirmation suivante :

[traduction] « Malgré cette exposition et cette disponibilité continues de notre marque, nous n’avons jamais entendu parler de confusion chez aucun distributeur, détaillant ou client entre notre marque et nos accessoires RAGE et les vêtements ORAGE. »

 

Le mot « nous » désignerait Lifestyle, et cette entité est la concédante de licence et propriétaire actuelle de la Marque. Il n’y a aucun élément de preuve indiquant qu’elle vendrait, fabriquerait ou distribuerait des Marchandises portant la Marque. Il n’y a aucun élément de preuve indiquant que M. Finkelstein aurait consulté la Requérante pour vérifier si des cas de confusion lui auraient été rapportés. En tout état de cause, l’absence de cas de confusion ne veut pas nécessairement dire que, selon la prépondérance des probabilités, il n’y a aucune probabilité de confusion entre les marques respectives des parties.

 

Autre élément contextuel pertinent, je prends en compte le fait que l’Opposante commandite des compétitions de planche à neige et de ski acrobatique (voir la pièce AN-9 jointe à l’affidavit de M. Nolet).

 

J’aimerais aborder la question de savoir si l’Opposante possède une famille de marques de commerce. La Requérante soutient qu’il n’y a aucune famille de marques de commerce puisque les éléments de preuve montrent que les différentes versions graphiques de la marque de commerce ORAGE représentent l’évolution d’une seule marque de commerce, soit ORAGE. Or, même si la prétention de la Requérante était bien fondée, cela ne constituerait pas un facteur déterminant au regard de ma décision. En fait, cela renforce ma conclusion selon laquelle toutes les formes graphiques employées par l’Opposante en liaison avec le mot « orage » constitueraient un emploi, au sens de l’art. 4 de la Loi, de la marque de commerce nominale ORAGE, étant donné que je ne considère pas que ces versions graphiques, à l’exception peut-être de la marque ORAGE & Dessin d’un arbre, soient si distinctives de la marque de commerce nominale ORAGE qu’un consommateur moyen penserait que les marchandises portant ces marques-dessins avec le mot « orage » proviennent d’une autre source que l’Opposante. Peu importe la police ou le style employé par l’Opposante pour le mot « orage » en liaison avec des vêtements et des accessoires de sport, le consommateur canadien moyen ferait encore le lien avec l’Opposante comme source des produits.

 

Comme l’a affirmé le représentant de la Requérante à l’audience, tout ce que la Requérante avait à faire était de faire pencher la balance en sa faveur. Cependant, l’appréciation des différents critères pertinents ne me permet pas de parvenir à une telle conclusion pour ce qui concerne les planches à neige, les bottes de planche à neige, les fixations, les sacs de sport et les gants. Comme je l’ai expliqué plus haut, la marque de commerce ORAGE de l’Opposante est connue dans une large mesure au Canada en liaison avec des habits et des accessoires de ski. Il y a un lien entre ces marchandises et les planches à neige, les bottes de planche à neige, les fixations, les sacs de sport et les gants. Les voies de commercialisation respectives des parties sont les mêmes et il existe une ressemblance visuelle entre RAGE et ORAGE ainsi qu’une ressemblance phonétique en français. Par conséquent, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité de confusion entre sa Marque et la marque de commerce ORAGE de l’Opposante en ce qui a trait aux planches à neige, aux bottes de planche à neige, aux fixations, aux sacs de sport et aux gants. Cependant, la Requérante s’est acquittée de ce fardeau relativement aux planches à roulettes et accessoires, nommément chaussures pour patins à roulettes, casques, protège-poignets, coudières et genouillères, ce qui ne comprend pas toutes les Marchandises.

 

Puisque la question principale est la même au regard de tous les autres motifs d’opposition, j’accueille en partie les deuxième, troisième et quatrième motifs d’opposition.

 

V Conclusion

 

En vertu des pouvoirs que m’a délégués le registraire sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi, et en vertu des principes énoncés dans Produits Ménagers Coronet Inc. c. Coronet Werke Heinrich SCH 10 C.P.R. (3d) 482 quant aux décisions partagées, j’accueille la demande de la Requérante, mais seulement quant aux marchandises suivantes :

 

planches à roulettes et accessoires connexes, nommément, chaussures pour patin à roulettes, casques, protège-poignets, coudières et genouillères.

 

Et je repousse la demande relativement aux marchandises suivantes :

 

planches à neige, bottes de planche à neige, fixations, sacs de sport et gants.

 

 

Le tout en vertu du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), LE 19 JUIN 2008.

 

 

 

Jean Carrière

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

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