Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRANSLATION/TRADUCTION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 117

Date de la décision : 2010‑07‑13

 

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l., visant l’enregistrement n° LMC540291 de la marque de commerce OPTIMA au nom de Cascades Canada Inc.

[1]               Le 25 octobre 2007, à la demande de Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l., (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a envoyé l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi) à Atlantic Packaging Products Ltd. (Atlantic), à l’époque propriétaire inscrite de l’enregistrement de la marque de commerce susmentionné. Je signale que l’Office de la propriété intellectuelle du Canada a inscrit Cascades Canada Inc. (l’Inscrivante) comme propriétaire de l’enregistrement le 8 décembre 2009, à la suite d’une cession d’Atlantic, prédécesseur en titre, en date du 28 août 2009.

[2]               La marque de commerce OPTIMA (la Marque) est enregistrée pour un emploi en liaison avec les marchandises suivantes : « [p]apier hygiénique, essuie‑tout et serviettes de table en papier » (les marchandises visées par l’enregistrement).

[3]               L’article 45 de la Loi prévoit que le propriétaire inscrit est tenu d’établir que la marque de commerce a été employée au Canada à l’égard de chacune des marchandises et de chacun des services que spécifie l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. La période pertinente en l’espèce pour établir l’emploi va du 25 octobre 2004 au 25 octobre 2007 (la Période pertinente).

[4]               La définition de l’« emploi » en liaison avec des marchandises figure aux paragraphes 4(1) et (3) de la Loi :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[…]

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

[5]               En réponse à l’avis du registraire, l’Inscrivante a fourni l’affidavit de Paul Neale, accompagné des pièces 1 à 13. M. Neale atteste qu’il est le directeur général des ventes de la division des Produits de consommation chez Atlantic depuis 1997. Les deux parties ont présenté des observations écrites et ont été représentées à l’audience.

[6]               Il est de droit constant que de simples assertions d’emploi ne suffisent pas à établir l’emploi pour l’application de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (2d) 62 (C.A.F.)]. De plus, dans le cas de marchandises, il n’incombe pas au registraire ou à la Cour de rechercher et d’établir les critères de la pratique normale du commerce [Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. et al. (1987), 17 C.P.R. (3d) 237 (C.A.F.)]. Bien que le critère pour établir l’emploi soit relativement peu exigeant dans cette procédure [Woods Canada Ltd. c. Lang Michener (1996), 71 C.P.R. (3d) 477 (C.F. 1re inst.) à la page 480] et qu’une surabondance de preuves ne soit pas nécessaire [Union Electric Supply Co. Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.)], il faut néanmoins présente en preuve des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure à l’emploi d’une marque de la commerce en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services que spécifie l’enregistrement au cours de la période pertinente.

[7]               S’agissant de la manière dont la Marque a été associée aux marchandises visées par l’enregistrement, M. Neale produit trois photographies d’essuie‑tout à titre de pièces 2 à 4. L’auteur de l’affidavit dit qu’Atlantic vend de manière continue depuis 2001 des essuie‑tout de marque Optima sous les formes représentées. Je note que la Marque figure bien en vue sur les trois emballages individuels d’essuie‑tout. Au paragraphe 26 de son affidavit, M. Neale explique qu’en plus de figurer sur les emballages en plastique individuels représentés sur ces photographies, la Marque apparaît sur les caisses en carton ondulé contenant les rouleaux au moment où la possession des marchandises est transférée au consommateur.

[8]               La Partie requérante soutient que ces photographies ne sont pas datées et que [traduction] « comme les photographies représentent des étiquettes différentes, on ne peut préciser à partir de l’affidavit Neale si elles ont été utilisées et à quel moment ». Premièrement, bien que les photographies ne soient pas datées, M. Neale affirme sans ambiguïté qu’elles sont représentatives des produits essuie‑tout vendus depuis 2001 jusqu’à la date de rédaction de l’affidavit; je suis donc convaincue qu’elles représentent les façons dont la Marque apparaissait sur l’emballage des essuie‑tout au cours de la Période pertinente. Deuxièmement, trois photographies différentes de produits essuie‑tout sont présentées, mais je note que les trois rouleaux d’essuie‑tout sont manifestement enveloppés dans des emballages portant la Marque; les seules différences concernent les dimensions, le nombre de feuilles et les maquettes imprimées. Si j’observe ces photographies en regard des factures établies au cours de la Période pertinente, qui constituent les pièces 7 et 8 que j’examinerai ci‑dessous, je suis convaincue que la Marque a été représentée en association avec divers types de produits essuie‑tout au cours de la Période pertinente.

[9]               S’agissant de la pratique normale du commerce, contrairement à l’observation de la Partie requérante, l’affidavit de M. Neale ainsi que le dépliant promotionnel joint en pièce 1 établissent clairement qu’au nombre de ses activités commerciales, Atlantic vend des produits du papier destinés au consommateur, dont les essuie‑tout de marque Optima, à des commerces de détail, notamment les épiceries et les dépanneurs, ainsi qu’à des distributeurs aux commerces de détail au Canada et aux États-Unis.

[10]           S’agissant des ventes des marchandises visées par l’enregistrement au cours de la Période pertinente, M. Neale affirme que pour la période d’avril 2006 à février 2007, les essuie‑tout de marque Optima d’Atlantic ont produit des recettes brutes de plus de 2,1 millions de dollars pour les commandes canadiennes. À l’appui, il joint les pièces 6 à 8 qui présentent des listes représentatives de commandes et une sélection de factures documentant des ventes d’essuie‑tout en rouleaux emballés individuellement et arborant la Marque au cours de la période allant de 2005 à 2007. Je constate que les documents produits à titre de pièce 6 indiquent des ventes d’essuie‑tout « Optima SAS » (Select A Size) en 2006 et 2007 à des entités ayant une adresse d’expédition et de facturation américaine; une liste semblable de commandes et une sélection de factures adressées à des entités ayant des adresses d’expédition et de facturation canadiennes sont jointes à titre de pièces 7 et 8 à l’égard des produits « Optima SAS » et « Optima ». M. Neale précise que chaque rouleau individuel d’essuie‑tout est enveloppé dans un emballage qui porte la Marque, comme on l’a vu dans les pièces précédentes.

[11]           L’un des arguments avancés par la Partie requérante à l’audience était [traduction] « l’absence de relation » entre les photographies d’essuie‑tout et les pièces justificatives liées aux ventes produites pour la Période pertinente. Plus précisément, la Partie requérante prétend que les listes de commandes et les factures ne décrivent pas la façon dont la Marque figure sur les produits et que l’Inscrivante n’a donc pas établi la vente d’essuie‑tout arborant la Marque au cours de la Période pertinente. Après avoir examiné la preuve, je ne puis être d’accord avec l’observation de la Partie requérante. Les échantillons des listes de commandes et les factures correspondantes ne visent pas à établir la façon dont la Marque figure sur les emballages des essuie‑tout. Ils étayent simplement les affirmations de M. Neale sur la vente d’essuie‑tout de marque Optima par Atlantic dans la pratique normale du commerce au cours de la Période pertinente. La « relation » entre ces ventes et les photographies jointes à titre de pièces 2 à 4 se trouve dans l’affidavit de M. Neale, où il a fait référence à diverses reprises et sans équivoque aux essuie‑tout reproduits dans les photographies jointes en pièces comme étant les produits documentés dans ces ventes. Ces affirmations sont corroborées par les mentions « Optima » dans les listes de commandes ainsi que par les désignations des articles dans les factures. Au vu de l’ensemble de la preuve, je suis convaincue que la preuve des ventes au cours de la Période pertinente concerne les essuie‑tout de marque Optima, ce qu’illustrent les photographies jointes à titre de pièces 2 à 4.

[12]           La Partie requérante soutient également qu’Atlantic n’a pas fourni la ventilation des recettes annuelles afférentes aux essuie‑tout, notamment le nombre d’unités et le prix unitaire, et qu’il n’y a donc pas de preuve documentaire à l’appui de ces chiffres d’affaires. Comme la Partie requérante l’a signalé avec raison, il est bien établi qu’aucun type particulier de preuve n’est exigé pour établir l’emploi d’une marque de commerce [Lewis Thomson & Sons Ltd. c. Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.)]. De plus, la preuve d’une seule vente dans la pratique normale du commerce peut suffire à établir l’emploi d’une marque de commerce [Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. et al. (1987), 13 C.P.R. (3d) 289 (C.F. 1re inst.)]. En l’espèce, Atlantic a fourni un grand nombre d’échantillons de factures pour documenter les assertions de M. Neale au sujet des ventes d’essuie‑tout de marque Optima au cours de la Période pertinente à des clients canadiens. Par conséquent, je suis persuadée qu’Atlantic a vendu des essuie‑tout enveloppés dans un emballage portant la Marque dans la pratique normale du commerce au Canada au cours de la Période pertinente.

[13]           Dans une note distincte, la Partie requérante conteste la preuve de ventes à l’exportation produite dans l’affidavit de M. Neale et les factures jointes à titre de pièce 6. Comme je suis convaincue qu’Atlantic a produit une preuve suffisante à l’égard des ventes d’essuie‑tout au Canada au cours de la Période pertinente, pour les besoins de la présente procédure, il ne me sera pas nécessaire de me prononcer sur la suffisance de la preuve attestant des ventes à l’exportation des mêmes marchandises dans la même période.

[14]           S’agissant des autres marchandises visées par l’enregistrement et qui n’ont fait l’objet d’aucune preuve, soit le papier hygiénique et les serviettes de tables en papier, l’Inscrivante a cité la décision Countryside Canners Co. c. Canada (1981), 55 C.P.R. (2d) 25 (C.F. 1re inst.) pour faire valoir que dans le cas où l’emploi de la Marque est établi pour un type de marchandises, le registraire ne devrait pas modifier l’enregistrement par la suppression des autres types de marchandises si celles‑ci présentent une ressemblance étroite avec le type illustré. L’Inscrivante poursuit en expliquant que le papier hygiénique et les serviettes de table en papier ressemblent étroitement aux essuie‑tout et ont des fonctions qui se chevauchent. Je conviens que tous ces produits sont des produits du papier et qu’un type de papier pourrait vraisemblablement en remplacer un autre dans certains cas. Mais ce n’est pas là une raison pour conclure que l’Inscrivante a établi l’emploi de la Marque à l’égard de toutes les marchandises que spécifie l’enregistrement visé. De plus, le fait que l’Inscrivante puisse avoir gain de cause dans une procédure d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce similaire pour du papier hygiénique ou des serviettes de table en papier, en se fondant sur l’emploi de la Marque en liaison avec des essuie‑tout, ne change rien à la condition que doit remplir l’Inscrivante, dans la procédure prévue à l’article 45, d’établir l’emploi de la Marque à l’égard de chacune des marchandises que spécifie l’enregistrement.

[15]           En outre, les faits de l’espèce se distinguent de ceux de la décision Countryside Canners Co. Plus précisément, la marque de commerce déposée y visait des « conserves de fruits et de légumes » et la propriétaire inscrite avait produit une preuve d’emploi à l’égard des conserves de tomates. La question à trancher était de savoir si l’emploi de la marque de commerce en liaison avec des conserves de tomates était un emploi à l’égard des « conserves de fruits » ou à l’égard des « conserves de légumes » étant donné que la tomate est un légume dans l’usage populaire alors qu’elle est un fruit au sens botanique du terme. En l’espèce, nous n’avons pas affaire à une preuve d’emploi concernant un produit susceptible d’être caractérisé comme des marchandises multiples visées par un enregistrement et nous n’avons pas à débattre de la terminologie de l’état déclaratif des marchandises. Même si le « papier hygiénique », les « essuie‑tout » et les « serviettes de table en papier » sont étroitement apparentés de par leur nature, ils sont fabriqués et vendus par Atlantic comme trois produits nettement différents, sans substitution possible de l’un à l’autre aux fins de la présente procédure.

[16]           En l’espèce, la preuve porte sur l’emploi à l’égard des marchandises visées par l’enregistrement sous la seule désignation d’« essuie‑tout ». Il demeure qu’il n’y a absolument rien qui indique qu’Atlantic a produit ou vendu du papier hygiénique ou des serviettes de table en papier de marque Optima à un moment quelconque au cours de la Période pertinente. À dire vrai, selon le dépliant promotionnel d’Atlantic joint à titre de pièce 1, parmi les divers produits du papier reproduits, les seuls produits portant la Marque sont les essuie‑tout. Les produits désignés « serviettes de table en papier » et « papier hygiénique » sont vendus sous les marques « Atlantic » et « April Soft ». Comme aucune preuve d’emploi de la Marque n’a été produite à l’égard de ces deux marchandises et qu’aucune circonstance spéciale n’a été invoquée pour justifier le défaut d’emploi, leur inscription devrait être supprimée de l’enregistrement.

[17]           Compte tenu de ce qui précède, je suis persuadée de l’emploi de la Marque au sens de l’article 45 et du paragraphe 4(1) de la Loi à l’égard des « essuie‑tout » au cours de la Période pertinente. Par conséquent, en vertu des pouvoirs qui me sont délégués aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera modifié par la suppression des marchandises « papier hygiénique, … et serviettes de table en papier », conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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P. Fung

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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