Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION 

de la Société de la loterie interprovinciale, la British Columbia Lottery Corporation, la Société de la loterie Western Canada, la Société des loteries et des jeux de l'Ontario, la Société des loteries du Québec et la Société des loteries de l’Atlantique à la demande no 1,051,962 produite par Monetary Capital Corporation en vue de l’enregistrement de la marque de commerce SHOWCASE LOTTO                      

 

Le 22 mars 2000, la requérante Monetary Capital Corporation a déposé une demande en vue de faire enregistrer la marque de commerce SHOWCASE LOTTO. La demande se fonde sur l’emploi projeté de la marque de commerce au Canada en liaison avec la « vente au détail électronique, au moyen d’un réseau informatique mondial, de prix fournis par des tiers avec acceptation d’escomptes à gagner au moyen d’une loterie en ligne » et sur son emploi au Canada depuis au moins le 16 novembre 1999 en liaison avec une « loterie accessible sur un réseau informatique mondial ». La requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot LOTTO lorsque utilisé en dehors de sa marque de commerce prise comme un tout.

 

La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 31 juillet 2002. Les opposantes, la Société de la loterie interprovinciale, la British Columbia Lottery Corporation, la Société de la loterie Western Canada, la Société des loteries et des jeux de l’Ontario, la Société des loteries du Québec et la Société des loteries de l’Atlantique, ont déposé, le 20 mars 2003, une déclaration d’opposition dans laquelle elles invoquent un motif d’opposition que je résume ci‑dessous :

La requérante ne pouvait, comme l’exige l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), être convaincue d’avoir le droit d’employer la marque de commerce SHOWCASE LOTTO au Canada parce que les activités visées par la demande contreviennent au Code criminel (le Code). L’article 206 du Code interdit de manière générale les jeux et les paris alors que l’article 207 prévoit des exceptions très précises à l’interdiction générale. La requérante n’est pas un organisme autorisé, en vertu de l’article 207, à mettre sur pied une loterie et aucune des opposantes ne lui a délivré de licence. De plus, la requérante utilise ou a l’intention d’utiliser la marque de commerce en liaison avec une loterie accessible sur un « réseau informatique mondial », ce qui est contraire au Code étant donné qu’une telle activité soulève des problèmes additionnels sur le plan juridique : elle suppose l’exploitation d’une loterie « par un ordinateur » et la mise sur pied ou l’exploitation d’une loterie dans plusieurs ressorts, ce qui serait contraire au paragraphe 207(4) et aux alinéas 207(1)a), e), f) et h) du Code.

 

La requérante a déposé et signifié une contre‑déclaration dans laquelle elle conteste les prétentions des opposantes.

 

En application de la règle 41, chacune des opposantes a déposé un affidavit d’un de ses représentants, à savoir les affidavits d’Elizabeth Knebli, de Douglas Penrose, de John Matheson, de Lynne Roiter, d’Antonio Carvalho et de Scott Grant. La Société de la loterie interprovinciale est une société détenue par les dix gouvernements provinciaux, qui a pour mission de protéger les droits et intérêts des provinces ainsi que leurs organismes de loterie régionaux. Les autres opposantes sont les organismes de loterie régionaux autorisés à mettre sur pied et à exploiter des loteries visées au paragraphe 207(4) du Code dans chacune des dix provinces et les trois territoires du Canada.

 

Les auteurs des affidavits traitent des dispositions du Code qui concernent les jeux et les paris et ils établissent à première vue que la requérante n’est pas un organisme autorisé en vertu du Code à fournir des services de loterie et que les entités autorisées à cette fin ne lui ont pas délivré de licence. De plus, la preuve fait état des dispositions législatives et de la jurisprudence qui exigent que des ententes interprovinciales soient conclues conformément à l’alinéa 207(1)a) du Code pour que des activités de loterie touchant plusieurs ressorts soient légales. Enfin, la preuve démontre que seules les provinces sont autorisées à gérer les loteries qui sont exploitées au Canada « par un ordinateur » et qu’elles ne peuvent accorder de licence à un autre organisme en vue d’exploiter une loterie « par un ordinateur ». À cet égard, les opposantes s’appuient sur la décision rendue dans Reference re: Earth Future Lottery, (2002) 215 D.L.R. (4th) 656.

 

La requérante a choisi de ne pas déposer de preuve en application de la règle 42. 

 

Seules les opposantes ont déposé un plaidoyer écrit. Les parties n’ont pas sollicité la tenue d’une audience.

 

Le plaidoyer écrit des opposantes nous renvoie à plusieurs décisions de la Commission et je vais citer un extrait de l’une d’entre elles, à savoir Interprovincial Lottery Corp. c. Western Gaming Systems Inc. (2002), 25 C.P.R. (4th) 572. Voici la version française de ce que dit aux pages 575 et 576 le membre de la Commission David Martin :

Relativement au troisième motif, la Commission estime que la requérante a observé les formes prescrites par l'alinéa 30i) de la Loi en incluant dans sa demande la déclaration exigée. Il convient donc alors de se demander si elle a respecté la substance de cette disposition, c'est-à-dire, si la déclaration était véridique au moment du dépôt de la demande. La Commission a déjà accueilli des oppositions fondées sur l'alinéa 30i) lorsque leur auteur avait établi prima facie que l'emploi projeté de la marque pouvait contrevenir à une loi fédérale. Voici, par exemple, le raisonnement qu'elle a tenu aux pages 542 et 543 de la décision qu'elle a rendue dans l'affaire d'opposition Interactiv Design Pty Ltd. c. Grafton-Fraser Inc. (1998), 87 C.P.R. (3d) 537 :

 

[traduction] [...] en matière d'opposition fondée sur l'alinéa 30i), la Commission a jugé nécessaire dans le passé de déterminer si l'opposant avait apporté la preuve prima facie d'une contravention à une autre loi fédérale, plutôt que de déterminer s'il y avait eu effectivement une contravention. Elle a jugé, par exemple, que l'existence d'une violation de droit d'auteur avait été prouvée prima facie dans l'affaire E. Remy Martin & Co. S.A. c. Magnet Trading Corp. (HK) Ltd. (1988), 23 C.P.R. (3d) 242 (C.O.M.C.), dont il est question dans le plaidoyer écrit de la requérante, et elle a de même conclu à l'existence prima facie de contraventions à la Loi sur la Société canadienne des postes, L.R.C. 1985, ch. C‑10, dans diverses oppositions élevées par cette société (voir notamment Canada Post Corp. c. Metromail Corp., 19 novembre 1997 (C.O.M.C.) [maintenant publiée à 84 C.P.R. (3d) 511]). La Commission a aussi accueilli une opposition fondée sur l'alinéa 30i), dans la décision Institut National des Appellations d'Origine c. Brick Brewing Co. (1995), 66 C.P.R. (3d) 351 (C.O.M.C.), concluant à l'existence prima facie d'une contravention à la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. 1985, chap. F-27.

 

En l'espèce, il appert de la preuve présentée par les opposantes que la légalité et l'exploitation des loteries sont régies, au Canada, par les articles 206 et 207 du Code criminel, aux termes desquels seuls le gouvernement d'une province, par l'intermédiaire d'entités ou de sociétés désignées par loi, et dans certains cas déterminés, des personnes ou des organismes désignés par le lieutenant-gouverneur en conseil ou détentrices de licences délivrées par ce dernier peuvent mettre sur pied ou exploiter un système de loterie.

 

Les auteurs des affidavits déposés par les six opposantes sont des représentants de toutes les entités légalement désignées par les provinces pour mettre sur pied et exploiter des loteries ainsi que de l'organisme chargé de l'administration générale nationale de divers systèmes, à savoir la Société de la loterie interprovinciale. Ils déclarent tous que la requérante ne s'est pas mise en rapport avec leur entité depuis le mois de janvier 1998 et qu'ils ne lui ont pas demandé d'imprimer pour eux des billets de loterie, des jeux à billets à languette et d'autres billets analogues. Ils affirment de plus que la requérante ne leur a pas demandé de participer à la distribution ou à la vente, en gros ou au détail, de billets de loterie en liaison avec la marque de commerce POWWOW. Ils déclarent tous, enfin, qu'à leur connaissance, la requérante n'a pas obtenu de licence l'autorisant à mettre sur pied et à exploiter un système de loterie au Canada.

         

Je pense qu'avec ce qui précède, les opposantes se sont acquittées de leur fardeau de preuve. La requérante n'est pas de cet avis, et elle fait valoir que, sa demande reposant sur un emploi projeté, il est donc prématuré d'exiger d'elle la preuve qu'elle a obtenu une licence d'exploitation de loterie. Bien qu'il soit exact, à strictement parler, d'affirmer qu'il n'est pas nécessaire pour la requérante d'être déjà titulaire d'une licence autorisant son projet d'entreprise, la preuve des opposantes indique que cette dernière n'a rien fait pour se conformer au Code criminel. On aurait pu s'attendre à ce qu'elle ait déjà demandé une licence ou, à tout le moins, à ce qu'elle ait pris des dispositions préliminaires pour respecter les prescriptions du Code, pourtant elle n'a pas fait la preuve de telles démarches. En conséquence, je conclus que les opposantes ont établi prima facie que la requérante pourrait contrevenir au Code criminel. Elles se sont donc acquittées de leur fardeau de preuve alors que ce n'est pas le cas de la requérante. Cela ne veut pas dire que la requérante a contrevenu à une disposition du Code criminel, mais elle devait démontrer qu'elle avait à tout le moins commencé à prendre des mesures pour se conformer audit Code. J'accepte donc le troisième motif d'opposition.

 

Il est clair que l’affaire susmentionnée est, sous plusieurs aspects, analogue à la présente instance. Toutefois, en l’espèce, les arguments des opposantes sont encore plus solides étant donné que la demande se fonde non seulement sur l’emploi projeté de la marque mais aussi sur l’emploi qui en est fait. De plus, la requérante n’a aucunement étayé sa prétention portant que sa demande remplit les exigences de l’alinéa 30i).

 

La requérante a le fardeau ultime d’établir, selon une preuve prépondérante, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Les opposantes ont toutefois la charge initiale de présenter une preuve admissible permettant raisonnablement de conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, à la p. 298]. Les opposantes se sont acquittées de leur fardeau initial et il incombait par conséquent à la requérante de s’acquitter de la charge ultime qui lui incombe. Étant donné que la requérante n’a soumis ni preuves, ni arguments, je dois conclure en faveur des opposantes.

 

En vertu des pouvoirs qui m'ont été conférés par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3), je rejette la demande d'enregistrement de la requérante en vertu du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), CE 11 JUILLET 2006.

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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