Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 105

Date de la décision : 2013-06-12
TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Civitas Urban Design & Planning Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,261,444 pour la marque de commerce CIVITAS au nom de Civitas Architecture Inc.

 

[1]               Le 16 juin 2005, Civitas Architecture Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement (no 1,261,444) pour la marque de commerce CIVITAS (la Marque), fondée sur un emploi au Canada depuis au moins 1996. La demande vise présentement les services suivants : [TRADUCTION] « services d'architecture, nommément construction de bâtiments commerciaux, institutionnels et résidentiels, à l’exclusion des services de conception et de planification urbaines ». 

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 24 juin 2009. Le 21 août 2009, Civitas Urban Design & Planning Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande. Les motifs d’opposition soulevés peuvent être résumés comme suit :

a)   la demande n’est pas conforme aux exigences des alinéas 30a), b) et i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi);

b)   la marque n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, car elle crée de la confusion avec la marque de commerce CIVITAS, laquelle est enregistrée sous le no LMC379,615 au nom de l’Opposante en liaison avec des [TRADUCTION] « services de conception et de planification urbaines »;

c)   la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque aux termes de l’alinéa 16(1)a) de la Loi, car, à la date de premier emploi revendiquée dans la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce CIVITAS de l’Opposante, laquelle avait été antérieurement employée au Canada à la fois par l’Opposante et par sa licenciée, Civitas Architecture Inc. (antérieurement connue comme Joseph C.V. Hruda Architect Inc.);

d)   la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque aux termes de l’alinéa 16(1)c) de la Loi, car, à la date de premier emploi revendiquée dans la demande, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial Civitas Urban Design & Planning Inc., lequel avait été antérieurement employé au Canada par l’Opposante;

e)   la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi.

[3]               Le 7 janvier 2010, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie l’ensemble des motifs d’opposition.

[4]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Joseph C.V. Hruda, président et fondateur de Civitas Urban Design & Planning Inc. (le « premier Affidavit de M. Hruda »), souscrit le 7 mai 2010 et accompagné des pièces « A » à « I ».

[5]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Douglas Rancier, un commettant de Civitas Architecture Inc., souscrit le 14 janvier 2011 et accompagné des pièces « A » à « T ».

[6]               L’Opposante a contre-interrogé M. Rancier relativement à son affidavit et a produit une copie de la transcription le 7 juin 2011.

[7]               À titre de preuve en réponse, l’Opposante a produit un second affidavit de Joseph C.V. Hruda (le « second Affidavit de M. Hruda »), souscrit le 24 octobre 2011 et accompagné de la pièce « A ».

[8]               Le 12 avril 2012, la demande a été modifiée afin de rendre compte de l’emploi de la Marque par un prédécesseur en titre, à savoir The Civitas Group, une entreprise individuelle.

[9]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit.

[10]           Aucune audience n’a été tenue.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[11]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande d’enregistrement est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial consistant à présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298].

[12]           Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

(a)    alinéa 38(2)a)/article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 C.P.R. (3d) 469, p. 475 (C.O.M.C.) et Tower Conference Management Co c. Canadian Exhibition Management Inc (1990), 28 C.P.R. (3d) 428, p. 432 (C.O.M.C.)]

(b)   alinéas 38(2)b)/12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]

(c)    alinéa 38(2)c)/paragraphe 16(1) – la date de premier emploi revendiquée [voir paragraphe 16(1) de la Loi]

(d)   alinéa 38(2)d)/article 2 – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)]

Observations préliminaires

[13]           À titre préliminaire, je souligne que dans son plaidoyer écrit, la Requérante s’est formalisée du fait que l’Opposante a obtenu, le 24 octobre 2011, une prolongation de délai de trois semaines pour produire sa preuve en réponse au titre de l’article 43 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement). L’article 47 de la Loi confère au registraire le pouvoir discrétionnaire d’accorder une prolongation du délai fixé par la Loi ou prescrit par le Règlement si le registraire est convaincu que les faits justifient une telle prolongation de délai [voir Sandhu Singh Hamdard Trust c. Canada (Registraire des marques de commerce) (2007), 62 C.P.R. (4th) 245 (C.A.F.), confirmant 47 C.P.R. (4th) 373 (C.F.)].

[14]           Le registraire peut revoir la décision dont il est fait état dans la lettre du Bureau du 24 octobre 2011 uniquement s’il appert que cette décision est fondée sur une erreur de droit ou une erreur dans l’interprétation des faits dont le registraire était saisi au moment où cette décision a été rendue [voir Jalite Public Ltd c. Lencina (2001), 19 C.P.R. (4th) 406 (C.O.M.C.)]. Comme il n’a pas été démontré qu’une de ces erreurs s’est produite, je ne suis pas disposée à revoir la décision rendue le 24 octobre 2011.

Article 30 – Non-conformité

Non-conformité à l’alinéa 30a) de la Loi

[15]           Le fardeau de preuve initial qui incombe à l’Opposante relativement à l’alinéa 30a) est léger. En effet, pour s’en acquitter, la partie opposante n’a généralement qu’à présenter des arguments suffisants [voir McDonald’s Corporation et McDonald’s Restaurants of Canada Ltd c. MA Comacho-Saldana International Trading Ltd faisant affaire sous le nom Macs International (1984), 1 C.P.R. (3d) 101, p. 104 (C.O.M.C.)].

[16]           En l’espèce, l’Opposante n’a produit ni éléments de preuve ni arguments à l’appui de ce motif d’opposition; l’Opposante ne s’est donc pas acquittée de son fardeau initial. En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) est rejeté.

Non-conformité à l’alinéa 30i) de la Loi

[17]           L’Opposante allègue que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi, parce que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d’avoir droit d’employer la Marque compte tenu de l’enregistrement antérieur de la marque de commerce CIVITAS au nom de l’Opposante et des droits antérieurs de l’Opposante à l’égard de cette marque. L’Opposante a plaidé que la Requérante connaissait l’existence de la marque de commerce de l’Opposante. Or, même si elle connaissait l’existence de la marque de commerce de l’Opposante, la Requérante pouvait très bien être d’avis que sa Marque ne créait pas de confusion avec la marque de commerce de l’Opposante et se déclarer conséquemment convaincue d’avoir droit d’employer la Marque. En conséquence, je rejette ce motif d’opposition.

Non-conformité à l’alinéa 30b) de la Loi

[18]           L’Opposante allègue que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi, parce que la Requérante n’emploie pas la Marque au Canada en liaison avec les services depuis la date de premier emploi allégué, à savoir 1996.

[19]           Un fardeau de preuve initial incombe à l’Opposante relativement à la question du non-respect de l’alinéa 30b) par la Requérante. Pour s’acquitter de ce fardeau initial, l’Opposante peut s’appuyer aussi bien sur sa propre preuve que sur celle de la Requérante [Labatt Brewing Co c. Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) (C.F. 1re inst.) 216, p. 230]. Toutefois, bien qu’elle puisse se fonder sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif, l’Opposante doit démontrer que la preuve de la Requérante est « manifestement » incompatible avec les revendications formulées par la Requérante dans sa demande [voir Ivy Lea Shirt Co c. 1227624 Ontario Ltd (1999), 2 C.P.R. (4th) 562, p. 565-6 (C.O.M.C.), conf. par 11 C.P.R. (4th) 489 (C.F. 1re inst.)].

[20]           En l’espèce, l’Opposante s’est fondée principalement sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau initial. Dans son plaidoyer écrit, elle a soulevé les points suivants :

         le nom commercial du prédécesseur en titre de la Requérante, The Civitas Group, a été enregistré par Douglas Rancier, propriétaire unique, le 10 octobre 1997, et la Requérante, Civitas Architecture Inc., a enregistré le nom commercial The Civitas Group le 2 août 2001 (Affidavit de M. Rancier, pièce « B »);

         la Requérante a été constituée en société en 2001 et rien n’indique que les droits détenus par son prédécesseur à l’égard de sa marque de commerce CIVITAS lui ont été transférés; il n’existe pas non plus de preuve d’un emploi de la marque de commerce remontant à aussi loin que 1996 pouvant être attribué à la Requérante (Affidavit de M. Hruda, pièce « I »; et Affidavit de M. Rancier, paragraphe 17 et pièce « R »)

[21]           Au dire de la Requérante, le prédécesseur de la Requérante, The Civitas Group, a été fondé en 1996 et était exploité à titre d’entreprise individuelle. The Civitas Group a été enregistré sous le régime de la Loi sur les noms commerciaux le 10 octobre 1997. En 2001, l’entreprise a été constituée en société sous le nom « Civitas Architecture Inc. » (Affidavit de M. Rancier, paragraphe 17, pièce « B »). Le chiffre d’affaires annuel approximatif de The Civitas Group et de Civitas Architecture Inc. a varié de 6 400 $ à 1 455 000 $ de 1996 à 2011 (Affidavit de M. Rancier, paragraphe 26).

[22]           Pour s’acquitter de son fardeau initial, l’Opposante pouvait produire sa propre preuve et/ou établir l’existence d’une incompatibilité dans la preuve de la Requérante. Je ne suis pas convaincue qu’elle y est parvenue, ni d’une façon ni de l’autre.

[23]           Rien dans la preuve de l’Opposante (l’Affidavit de M. Hruda) ne me permet de douter que la marque de commerce de la Requérante était en usage à la date de premier emploi revendiquée. Le fait que la Requérante ait été constituée en société en 2001, soit après la date de premier emploi revendiquée de 1996, n’est pas pertinent, car la demande a été modifiée et fait désormais état de l’emploi effectué par le prédécesseur en titre de la Requérante, à savoir The Civitas Group, à titre d’entreprise individuelle.

[24]           En outre, j’estime que rien dans la preuve de la Requérante n’est manifestement incompatible avec la revendication d’emploi formulée par cette dernière. L’enregistrement d’un nom commercial n’est pas une condition préalable à la fourniture de services en liaison avec une marque de commerce. Il est concevable que le prédécesseur de la Requérante ait, en fait, exercé ses activités à titre d’entreprise individuelle jusqu’à ce qu’il fasse enregistrer son nom commercial en 1997.

[25]           Il aurait, certes, été préférable que la Requérante fournisse des détails relativement au transfert des droits par son prédécesseur, ainsi qu’une preuve d’emploi supplémentaire remontant à aussi loin que 1996, mais le fait qu’elle ne l’ait pas fait ne rend pas sa preuve incompatible. Par conséquent, il m’est impossible de conclure que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial.

[26]           En conséquence, ce motif d’opposition est rejeté.

Alinéa 12(1)d) – Non-enregistrabilité

[27]                 L’Opposante allègue que la marque de commerce de la Requérante n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec sa marque de commerce CIVITAS, laquelle est l’objet de l’enregistrement no LMC379,615. J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre et je confirme que l’enregistrement de l’Opposante est en règle [voir Quaker Oats Co of Canada c. Menu Foods Ltd (1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)]. L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau initial à l’égard de ce motif.

[28]           L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre sa marque de commerce et la marque de commerce de l’Opposante.

[29]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[30]           Dans l’application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même [voir, de manière générale, Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.) et Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.)].

[31]           Dans la plupart des cas, le facteur le plus important lorsqu’il s’agit de trancher la question de la confusion est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou dans le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent; les autres facteurs jouant un rôle secondaire dans l’ensemble des circonstances de l’espèce [voir Beverly Bedding & Upholstery Co c. Regal Bedding & Upholstery Ltd (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, conf. par 60 C.P.R. (2d) 70 (C.F. 1re inst.)].

[32]           Dans l’arrêt Masterpiece, la Cour suprême du Canada a formulé les observations suivantes relativement à l’importance que revêt l’alinéa 6(5)e) dans l’analyse de la probabilité de confusion (voir le para. 49) :

[TRADUCTION]
[…] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu au para. 6(5) […] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires […] En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion.

[33]           J’examinerai donc en premier lieu le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)e). 

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce

[34]           Les marques de commerce des parties sont identiques. Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante. 

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[35]           Comme je l’ai mentionné ci-dessus, les marques de commerce CIVITAS des parties sont identiques. Le terme CIVITAS a été défini comme [TRADUCTION] « un ensemble de citoyens formant un État » et comme se rapportant au concept de [TRADUCTION] « citoyenneté et, plus particulièrement aux notions de partage des responsabilités, de but commun et de sentiment d’appartenance à la communauté » (Affidavit de M. Rancier, paragraphe 35, pièce « S »).

[36]           La Requérante soutient que la marque de commerce CIVITAS ne possède pas de caractère distinctif inhérent du fait, d’une part, de l’existence de cette définition du dictionnaire et, d’autre part, parce que le terme est employé par de nombreuses entreprises en liaison avec des services divers. La Requérante appuie ce dernier argument principalement sur les résultats d’un rapport de recherche de dénominations sociales et de noms commerciaux généré par la base de données NUANS (Affidavit de M. Rancier, paragraphe 34, pièce « R »), d’une recherche dans la base de données sur les marques de commerce accessible au public de l’OPIC (Affidavit de M. Rancier, paragraphes 30 à 33, pièce « P ») et d’une recherche dans Internet (Affidavit de M. Rancier, paragraphe 36, pièce « T »).

[37]           Je ne suis pas convaincue que les résultats de recherche invoqués par la Requérante permettent à cette dernière d’établir que le terme CIVITAS est dépourvu de caractère distinctif inhérent dans le contexte des services auxquels les marques des parties sont associées.  

[38]           Les marques de commerce repérées lors de la recherche effectuée dans la base de données sur les marques de commerce de l’OPIC, lesquelles sont reproduites à la pièce « P » de l’Affidavit de M. Rancier, sont apparemment employées dans des industries complètement différentes. De même, bon nombre des résultats de la recherche effectuée dans la base de données NUANS, lesquels sont reproduits à la pièce « R » de l’Affidavit de M. Rancier, semblent être liés à des industries différentes et il m’est impossible d’établir avec certitude la nature exacte des entreprises ou services auxquels sont associées les autres marques figurant dans ces résultats de recherche. La Requérante n’a fourni aucun élément de preuve supplémentaire à cet égard, pas plus qu’elle n’a expliqué en quoi ces résultats étaient pertinents. Et, il en va de même pour les résultats de la recherche effectuée dans Internet à l’aide du mot clé CIVITAS, joints comme pièce « T ». Je souligne, en outre, que les résultats de recherche dans Internet ne sont pas tous liés à des entités canadiennes. 

[39]           Bien que le terme CIVITAS soit défini dans le dictionnaire, j’estime qu’il ne s’agit pas d’un terme particulièrement courant, sans compter qu’il n’existe aucune preuve qui me permettrait de conclure que le Canadien moyen connaît la signification de ce mot ou qu’il l’associe aux services précis en liaison avec lesquels les marques des parties sont employées.

[40]           Compte tenu de ce qui précède, j’estime raisonnable de conclure que les marques des parties possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent considérable dans le contexte des services auxquels elles sont respectivement associées

[41]           Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en faisant connaître cette dernière par la promotion ou l’emploi au Canada. J’examinerai maintenant la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues au Canada.

[42]           Selon l’Affidavit de M. Rancier :

       la Requérante a été fondée en 1996 sous le nom The Civitas Group, une entreprise individuelle. L’entreprise a été constituée en société sous le nom Civitas Architecture Inc. en 2001, sur l’initiative de M. Rancier (paragraphe 17);

       le chiffre d’affaires annuel brut approximatif de The Civitas Group et de Civitas Architecture Inc. a varié de 6 400 $ à 1 455 000 $ de 1996 à 2011 (paragraphe 26);

       la Requérante a accompli un grand nombre de projets pour un large éventail de clients, y compris des collèges, des universités et des écoles, ainsi que des institutions municipales, provinciales et fédérales, œuvrant dans différents secteurs, notamment la médecine, les sciences, la santé, l’industrie, le commerce, l’éducation, le tourisme d’accueil, la finance et d’autres (paragraphe 21, pièce « D »);

       la Requérante annonce ses services sur son propre site Web depuis 2001 (paragraphe 28).

[43]           Selon le premier Affidavit de M. Hruda :

         M. Hruda est le président et fondateur de l’Opposante, Civitas Urban Design & Planning Inc., et le président de Civitas Architecture Inc., une société autorisée par l’Opposante à employer la marque de commerce CIVITAS (paragraphes 1, 3 et 4);

         Civitas Architecture Inc. a été constituée en société en Alberta en 1980; à partir de 1994, elle a poursuivi ses activités à titre de société britanno-colombienne sous le nom de Joseph C.V. Hruda Architect Inc. Elle a changé son nom pour Civitas Architecture Inc. en 1999. Civitas Architecture Inc. fournit des services d’architecture à l’Opposante depuis 1994 (paragraphe 4);

         l’Opposante a initialement été constituée en société en Alberta en 1980; à partir de 1989, elle a poursuivi ses activités à titre de société britanno-colombienne en conservant le même nom (paragraphe 2). M. Hruda a fondé l’Opposante et commencé à l’exploiter sous le nom CIVITAS en 1988 (paragraphe 3). Il a entrepris son premier projet (Coal Harbour, au centre-ville de Vancouver) vers la fin de 1988 ou le début de 1989 (paragraphe 9);

         l’Opposante a pris part à un large éventail de projets, tant au pays qu’à l’étranger, et s’est vue décerner plusieurs prix en lien avec ces projets (paragraphes 5 et 8);

         le chiffre d’affaires annuel de l’Opposante en lien avec la marque de commerce CIVITAS a été de l’ordre d’environ deux millions de dollars par année au cours de période de sept ans qui a précédé la souscription de l’affidavit (paragraphe 11);

         l’Opposante fait connaître ses services en liaison avec sa marque de commerce CIVITAS par l’intermédiaire de son site Web depuis 2001 (paragraphe 14).

[44]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les marques des parties sont toutes deux assez bien connues au Canada.

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque été en usage

[45]           Comme il est mentionné ci-dessus, l’Opposante emploie sa marque de commerce depuis 1988 ou 1989. La Requérante a commencé à employer sa marque de commerce en 1996. Ce facteur joue donc légèrement en faveur de l’Opposante.

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprise, et la nature du commerce

[46]           Pour apprécier ce facteur, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises et services figurant dans la demande de la Requérante avec les marchandises visées par l’enregistrement de l’Opposante [voire Esprit International c. Alcohol Countermeasure Systems Corp (1997), 84 C.P.R. (3d) 89 (C.O.M.C.)].

[47]            Les services de l’Opposante sont décrits comme des [TRADUCTION] « services de conception et de planification urbaines ». La Requérante a modifié l’état déclaratif des services figurant dans sa demande afin que ces services précis en soient exclus. Les services de la Requérante sont donc maintenant les suivants : [TRADUCTION] « services d'architecture, nommément construction de bâtiments commerciaux, institutionnels et résidentiels, à l’exclusion des services de conception et de planification urbaines ».

[48]           L’Opposante fait valoir que, bien que les services des parties puissent différer, ils n’en sont pas moins intimement liés. Je suis aussi de cet avis.

[49]           L’Opposante est une société d’experts-conseils multidisciplinaire qui a réalisé de nombreux projets d’envergure dans les domaines de l’urbanisme, de la conception urbaine et de l’aménagement de villes et de centres de villégiature. L’Opposante compte, parmi son équipe de professionnels qualifiés, des planificateurs urbains, des architectes-paysagistes et des architectes, et les services de l’Opposante impliquent de recourir aux services d’architectes pour démontrer la faisabilité d’un projet et réaliser des études de planification et d’aménagement de sites (voir les paragraphes 5 et 6 du premier Affidavit de M. Hruda). M. Hruda, qui est à la fois architecte et planificateur urbain, fournit lui-même des services d’architecture à l’Opposante par l’intermédiaire d’une société apparentée distincte, Civitas Architecture Inc., depuis 1994 (voir le paragraphe 6 du premier Affidavit de M. Hruda et le paragraphe 5 du second Affidavit de M. Hruda).

[50]           L’Opposante prétend qu’au Canada, les professionnels du domaine qui détiennent à la fois le titre d’architecte et le titre de concepteur/planificateur urbain sont nombreux (voir le second Affidavit de M. Hruda, paragraphes 4 et 5). À l’appui de cette prétention, M. Hruda cite des sites Web de tiers. Je souligne que le contenu réel de ces sites Web n’a pas été produit en preuve, mais que même s’il l’avait été, je ne serais pas disposée à considérer ces sites Web comme faisant preuve de la véracité de leur contenu [voir Candrug Health Solutions Inc. c. Thorkelson 207 C.F. 411 (CanLII), (2007), 60 C.P.R. (4th) 35 (C.F. 1re inst.), inf. par 2008 C.A.F. 100 (CanLII), (2008), 64 C.P.R. (4th) 431 (C.A.F.)]. Je suis cependant disposée à admettre l’affirmation de M. Hruda voulant qu’il y ait des professionnels qui détiennent les deux titres puisque M. Hruda est lui-même à la fois architecte et concepteur/planificateur urbain.

[51]           D’après l’Affidavit de M. Rancier, la Requérante fournit des services professionnels d’architecture qui comprennent la conception de projets de construction. Ses services comprennent la conception de projets de construction, y compris la réalisation d’études d’organisation, de faisabilité et de planification préliminaire, la définition de concepts, l’élaboration d’avant-projets, la préparation de documents contractuels, la présentation de soumissions, et le suivi et l’administration des travaux de construction. Elle se spécialise dans les méthodes de conception-construction et de gestion des travaux de construction, et fournit et supervise des équipes de construction et d’architecture pour les projets de bâtiment qui lui sont confiés (voir l’Affidavit de M. Rancier, paragraphe 20, pièce « C »). 

[52]           Dans son affidavit, M. Rancier tente d’établir une distinction entre les services d’architecture et les services de conception et de planification urbaines. Il affirme qu’un client aurait recours aux services d’un concepteur ou d’un planificateur urbain pour élaborer un concept ou un plan d’ensemble pour des sites et endroits à aménager. Ce plan engloberait les espaces libres entre les bâtiments, y compris la circulation piétonnière et automobile, les parcs et les espaces verts, les utilisations des bâtiments, la trame des structures et certaines considérations d’ordre esthétique (voir le paragraphe 11). Les autorisations requises sont sollicitées auprès des services d’urbanisme municipaux ou régionaux (voir le paragraphe 16). Il affirme qu’en revanche, un client souhaitant faire construire un bâtiment aurait recours aux services d’un architecte. L’architecte est généralement embauché pour des services allant de la création du plan à la clôture du projet, en passant par la présentation d’une demande de permis de construire et la construction du bâtiment lui-même, et les autorisations requises sont accordées par les autorités responsables du code du bâtiment (voir le paragraphe 15).

[53]           Il convient de souligner que la Requérante emploie le terme « planification urbaine » sur son propre site Web, dans lequel il est indiqué également qu’elle a réalisé [TRADUCTION] « la conception d’une multitude de projets, y compris des projets de parcs ou d’espaces verts en milieu urbain […] » (voir l’Affidavit de M. Rancier, pièce « N »). Bien que M. Rancier ait indiqué en contre-interrogatoire que cet emploi du terme « planification urbaine » désignait une réalité différente des services de planification et de conception urbaines offerts par l’Opposante, je ne suis pas certaine que le public percevrait d’emblée cette distinction. 

[54]           Il ressort clairement de la preuve que les services d’architecture et les services de conception et de planification urbaines ne sont pas complètement distincts. Les services de planification urbaine de l’Opposante semblent impliquer le recours à des services d’architecte. Rien n’empêche un concepteur/planificateur urbain de concevoir un bâtiment et, inversement, un architecte peut très bien concevoir des plans pour l’aménagement d’un environnement urbain (voir l’Affidavit de M. Rancier, paragraphe 12). En outre, M. Rancier a affirmé que le rôle du concepteur/planificateur urbain s’achève là où commence le rôle de l’architecte (voir l’Affidavit de M. Rancier, paragraphe 13). Il est donc concevable que de tels services soient sollicités à des étapes différentes d’un même projet pour répondre à des besoins différents, d’autant plus que les services des parties semblent s’adresser, dans une certaine mesure du moins, aux mêmes genres de clients.

[55]           À cet égard, je souligne que les clients de la Requérante comprennent des institutions du secteur public, tels que le gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et des administrations municipales, des commissions scolaires, des collèges et des universités, ainsi que des sociétés du secteur privé spécialisées dans la gestion immobilière et la gestion d'installations (voir l’Affidavit de M. Rancier, paragraphe 21 et 22, pièce « D »). De même, les clients de l’Opposante sont aussi pour la plupart des ministères et organismes gouvernementaux et des sociétés de développement du secteur privé (voir le premier Affidavit de M. Hruda, paragraphe 10, pièce « B »).

[56]           M. Rancier a indiqué qu’un des moyens que prend son entreprise pour trouver des clients consiste à répondre par écrit à des demandes de propositions (DP) ou à des demandes de qualification (DQ) affichées sur les sites Web d’approvisionnement nationaux. Il arrive également que son entreprise, à titre de fournisseur présélectionné, soit avisée de projets à venir par des clients dans le cadre d’une convention d’offre à commandes. M. Rancier affirme que les clients procèdent à un examen approfondi de toutes les soumissions reçues avant d’attribuer quelque mandat que ce soit. M. Rancier affirme, en outre, qu’il n’est jamais arrivé qu’un client publie une DP, une DQ ou une autre déclaration d’intérêt, ou encore communique avec son bureau relativement à un projet pour lequel sa société et l’Opposante comptaient toutes deux parmi les fournisseurs envisagés (voir l’Affidavit de M. Rancier, paragraphes 23 à 25). Bien que cela puisse très bien être le cas, cette situation n’a rien d’étonnant, car la Requérante exerce ses activités principalement en Ontario et dans la région de la capitale nationale, tandis que l’Opposante est établie en Colombie-Britannique. Toutefois, comme aucune restriction géographique n’est spécifiée ni dans la demande de la Requérante ni dans l’enregistrement de l’Opposante, rien n’empêche les parties d’étendre leur territoire éventuellement.

Autres circonstances de l’espèce

[57]           M. Hruda affirme qu’il y a eu des cas de confusion réelle entre les services de l’Opposante et ceux de la Requérante (voir le premier Affidavit de M. Hruda, paragraphes 15, 16 et 17, et le second Affidavit de M. Hruda, paragraphe 6). Ces cas de confusion concernent des appels téléphoniques et du courrier reçu par erreur. Comme aucun détail n’a été fourni relativement à la nature de ces appels téléphoniques, il m’est impossible de déterminer s’il s’agit de cas de confusion réelle ou non. Quant au courrier reçu par erreur, je ne suis pas prête à conclure qu’il s’agit de confusion quant à la source. Il me semble plutôt s’agir d’une erreur d’écriture [voir 385229 Ontario Ltd c. ServiceMaster Co (2012), 101 C.P.R. (4th) 380 (C.O.M.C.)].


Conclusion

[58]           Après examen de l’ensemble des circonstances de l’espèce, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité de confusion entre sa marque de commerce et la marque de commerce déposée de l’Opposante. Bien que les services de la Requérante ne soient manifestement pas les mêmes que ceux de l’Opposante, il existe un lien entre eux, sans compter que les services des parties s’adressent, dans une certaine mesure, aux mêmes genres de clients. Qui plus est, les marques des parties sont identiques.

[59]           En conséquence, ce motif d’opposition est accueilli.

Article 2 – Absence de caractère distinctif

[60]           Bien que la Requérante ait le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses Marchandises de celles de tiers partout au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (TMOB)], l’Opposante a le fardeau de preuve initial d’établir les faits invoqués à l’appui du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

[61]           Pour s’acquitter de son fardeau de preuve, l’Opposante doit démontrer qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, sa marque CIVITAS était devenue suffisamment connue pour faire perdre à la marque de commerce de la Requérante son caractère distinctif [voir Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd (2004), 40 C.P.R. (4th) 553, confirmée par (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.)].

[62]           Comme il est exposé plus en détail dans l’analyse du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), l’Opposante a démontré que sa marque CIVITAS était devenue assez bien connue en liaison avec ses services à la date de production de la déclaration d’opposition; par conséquent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve.

[63]           Le fait que les dates pertinentes diffèrent n’a pas d’incidence; par conséquent, pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus dans l’analyse du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), je ne suis pas convaincue que la Requérante s’est acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques des parties. En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est également accueilli.

Alinéas 16(1)a) et 16(1)c) – Absence de droit à l’enregistrement

[64]           Comme j’ai déjà donné gain de cause à l’Opposante relativement à deux motifs d’opposition, je n’examinerai pas ces autres motifs d’opposition.

Décision

[65]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Cindy R. Folz

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme
Judith Lemire

 

 

 


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