Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 85

Date de la décision : 2016-06-02

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Anheuser-Busch, LLC

Opposante

et

 

Coors Brewing Company

Requérante

 

 

 



 

1,565,713 pour la marque de commerce STONES

 

Demande

[1]               Le 24 février 2012, Coors Brewing Company (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement à l'égard de la marque de commerce STONES (la Marque). La demande est fondée sur l'emploi projeté en liaison avec les produits [Traduction] « boissons alcoolisées brassées, nommément bière ».

[2]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 24 octobre 2012.

[3]               Le 25 mars 2013, Anheuser-Busch, LLC (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition. Les motifs d'opposition sont résumés ci-dessous :

  • Suivant les articles 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi, la Marque n'est pas enregistrable parce qu'elle crée de la confusion avec chacune des marques de commerce déposées énumérées ci-dessous :
    • ROLLING ROCK – LMC343,589 – [Traduction] « bière et ale » – détenue par l'Opposante;
    • ROLLING ROCK & Dessin – LMC468,289 – [Traduction] « boissons alcoolisées brassées » – détenue par l'Opposante;
    • ROLLING ROCK – LMC508,752 – [Traduction] « boissons alcoolisées brassées » – détenue par l'Opposante;
    • ROLLING ROCK – LMC605,320 – [Traduction] « boissons alcoolisées brassées » – détenue par l'Opposante;
    • ROLLING ROCK & DESSIN – LMC819,129 – [Traduction] « bière et boissons brassées à base de malt, nommément bière; verres à boire et sous-verres (sous-bocks) » – détenue par l'Opposante;
    • STONE’S – LMC169,502 – [Traduction] « vins » – détenue par Western Wines Holdings Limited;
    • STONE’S & Dessin – LMC244,602 – [Traduction] « vins » – détenue par Western Wines Holdings Limited;
    • KEYSTONE – LMC406,906 – [Traduction] « bière » – détenue par la Requérante; et
    • KEYSTONE – LMC544,677 – [Traduction] « bière » – détenue par la Requérante.
  • Suivant les articles 38(2)c) et 16(3)a) de la Loi, la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque, parce qu'à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce ROLLING ROCK de l'Opposante qui avaient été antérieurement employées et/ou révélées au Canada par l'Opposante en liaison avec les produits susmentionnés et n'avaient pas été abandonnées.
  • Suivant les articles 38(2)d) et 2 de la Loi, la Marque n'est pas distinctive, car elle ne distingue pas et n'est pas adaptée à distinguer les Produits des produits de l'Opposante liés à ses marques de commerce ROLLING ROCK, ni des produits de tiers, nommément ceux de Western Wine Holdings Limited et de la Requérante qui sont liés aux marques STONE’S et KEYSTONE susmentionnées.
  • Suivant les articles 38(2)a) et 30e) de la Loi, la déclaration portant que la Requérante avait l'intention d'employer la Marque en liaison avec les Produits était fausse pour au moins une des raisons suivantes :
    • la Requérante n'avait pas l'intention, elle-même ou par l’entremise d’un licencié, de lier la Marque aux Produits d'une manière qui constituerait un emploi au sens de l'article 4 de la Loi;
    • la Requérante avait déjà employé la Marque au Canada à la date de production;
    • à la date de production, la Requérante avait l'intention de céder la marque à une autre société – Molson Coors Brewing Company (UK) Limited ou une autre société de Molson Coors – avant de commencer l'emploi de la Marque au Canada;
    • la Requérante n'a jamais eu l'intention d'afficher la Marque en soi, mais plutôt une marque mixte (KEYSTONES ou l'expression GRAB SOME STONES [ramassez quelques pierres, au sens propre; ou prenez quelques Stones (mis pour « bières »), au sens figuré], et pas d'une manière telle que la Marque se démarquerait du texte environnant ou serait autrement perçue comme une marque; et
    • Molson Coors Brewing Company (UK) Limited a l'intention d'employer la Marque au Canada par l'entremise d'un licencié, mais n'a pas l'intention de contrôler les caractéristiques ou la qualité de la Marque dans une mesure suffisante pour être en conformité avec l'article 50.
  • Suivant les articles 38(2)a) et 30i) de la Loi, la Requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit d'employer la Marque parce qu'à la date de production, elle avait connaissance de l'existence des marques de commerce de l'Opposante avec lesquelles la Marque est présumée créer de la confusion; et
  • Suivant les articles 38(2)a) et 30b) de la Loi, la demande n'est pas conforme à l'article 30b) de la Loi, car la Requérante ou ses prédécesseurs en titre ont employé la Marque au Canada, mais n'ont pas revendiqué de date de premier emploi.

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l'Opposante et somme cette dernière d'en prouver le bien-fondé.

[5]               À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit les affidavits de Dane Penney, un recherchiste en marques de commerce, et de Michael Burgess, un stagiaire en droit, tous deux à l'emploi de l'agent de l'Opposante. Les déposants de l'Opposante ont tous deux été contre-interrogés et les transcriptions ont été versées au dossier.

[6]               À l'appui de sa demande, la Requérante a produit les affidavits de D. Jill Roberts, une parajuriste, et d'Ashley Lam, une stagiaire en droit, toutes deux à l'emploi de l'agent de la Requérante.

[7]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[8]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun de ses motifs d'opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298].

[9]               Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition sont les suivantes :

         articles 38)(2)b)/12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

         articles 38(2)c)/16(3) – la date de production de la demande [article 16(3) de la Loi];

         articles 38(2)d) et 2 – la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

         articles 38(2)a)/30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469, à la p 475 (COMC) et Tower Conference Management Co c Canadian Exhibition Management Inc (1990), 28 CPR (3d) 428, à la p 432 (COMC)];

Remarque préliminaire

[10]           Bien que j'aie examiné et tenu compte de l'ensemble de la preuve et des observations au dossier, pour les besoins de ma décision, je ne mentionnerai que les éléments de preuve et les observations qui sont en rapport direct avec mes conclusions.

Motifs d'opposition rejetés sommairement

[11]           À l'audience, l'Opposante a indiqué qu'elle ne présenterait d'observations qu'à l'égard du motif d'opposition fondé sur la non-enregistrabilité aux termes de l'article 12(1)d). Bien qu'elle n'ait pas abandonné les autres motifs d'opposition, l'Opposante a admis que le motif d'opposition alléguant la confusion avec la marque de commerce déposée STONES (LMC169,502) était celui qui lui offrait le plus de chances d'obtenir gain de cause.

[12]           À l'audience, j'ai indiqué que je conclurais, dans ma décision, que l'Opposante ne s'était pas acquittée de son fardeau de preuve à l'égard des motifs d'opposition alléguant la non-conformité à l'article 30, l'absence de droit à l'enregistrement et l'absence de caractère distinctif. Je vais me pencher sur ces motifs dès maintenant.

Non-conformité à l'article 30b) de la Loi

[13]           Bien que le fardeau ultime de démontrer que la demande est conforme aux exigences de l'article 30 de la Loi incombe à la Requérante, l'Opposante n'en doit pas moins s'acquitter du fardeau de preuve initial d'établir les faits allégués à l'appui de son motif d'opposition fondé sur l'article 30. Toutefois, le fardeau de preuve qui incombe à l'Opposante relativement à la question de la non-conformité de la Requérante à l'article 30b) est léger [voir Molson Canada c Anheuser-Busch Inc (2003), 29 CPR (4th) 315 (CF 1re inst)].

[14]           L'Opposante n'a pas produit la moindre preuve pour appuyer la conclusion que la Marque a été employée au Canada avant la date de production. L'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve et ce motif d'opposition est rejeté.

Non-conformité à l'article 30e) de la Loi

[15]           Par souci de commodité, les allégations de l'Opposante sur lesquelles repose ce motif d'opposition sont reproduites ci-dessous. L'Opposante n'a pas produit la moindre preuve à l'appui de ces allégations de non-conformité à l'article 30e) de la Loi [Traduction] :

a.       la Requérante n'avait pas l'intention, elle-même ou par l’entremise d’un licencié, de lier la Marque aux Produits d'une manière qui constituerait un emploi au sens de l'article 4 de la Loi;

b.      la Requérante avait déjà employé la Marque au Canada à la date de production;

c.       à la date de production, la Requérante avait l'intention de céder la marque à une autre société – Molson Coors Brewing Company (UK) Limited ou une autre société de Molson Coors – avant de commencer l'emploi de la Marque au Canada;

d.      la Requérante n'a jamais eu l'intention d'afficher la Marque en soi, mais plutôt une marque mixte (KEYSTONES ou l'expression GRAB SOME STONES [ramassez quelques roches, au sens propre; ou prenez quelques Stones (mis pour « bières »), au sens figuré], et pas d'une manière telle que la Marque se démarquerait du texte environnant ou serait autrement perçue comme une marque; ou

e.       Molson Coors Brewing Company (UK) Limited a l'intention d'employer la Marque au Canada par l'entremise d'un licencié, mais n'a pas l'intention de contrôler les caractéristiques ou la qualité de la Marque dans une mesure suffisante pour être en conformité avec l'article 50.

[16]           S'agissant du point c) ci-dessus, malgré le fait que la demande a été cédée à Molson Coors Brewing Company (UK) Limited le 1er septembre 2012, puis cédée de nouveau à la Requérante le 2 septembre 2012 (voir les cessions produites en tant que pièces de l'affidavit Lam), cette situation, à elle seule, ne démontre pas que la Requérante n'avait pas l'intention d'employer la marque de commerce à la date de production. Il n'y a rien dans les cessions qui donne à penser que la Requérante n'avait pas l'intention d'employer la Marque à la date pertinente.

[17]           L'Opposante ne s'est donc pas acquittée de son fardeau de preuve et ce motif d'opposition est, en conséquence, rejeté.

Non-conformité à l'article 30i) de la Loi

[18]           Lorsqu'un requérant a fourni la déclaration exigée par l'article 30i), un motif d'opposition fondé sur l'article 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu'il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p 155]. Comme il n'y a aucune preuve permettant de conclure qu'il s'agit d'un cas exceptionnel, ce motif d'opposition est rejeté.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement – article 16(3) de la Loi

[19]           L'Opposante a le fardeau initial de démontrer qu'au moins une des marques invoquées avait déjà été employée à la date de production de la demande pour la Marque (le 24 février 2012) et qu'elle n'avait pas été abandonnée à la date d'annonce (le 24 octobre 2012).

[20]           L'Opposante n'a fourni aucune preuve admissible établissant l'emploi au Canada de ses marques de commerce invoquées ROLLING ROCK en liaison avec les produits invoqués à la date pertinente qui s'applique à ce motif d'opposition. Bien que l'affidavit de M. Burgess démontre que des bières ROLLING ROCK étaient offertes en vente dans divers magasins d'alcools au Canada et fasse état d'un unique achat du produit, sa preuve date d'août 2013 et est, par conséquent, postérieure à la date pertinente (le 24 février 2012). La seule preuve de vente des produits de l'Opposante consiste en un unique achat effectué par un employé du cabinet de l'agent de l'Opposante après la date pertinente (affidavit Burgess). Il n'y a aucune preuve de chiffres de ventes, de dépenses publicitaires, etc. démontrant que les marques de commerce ROLLING ROCK de l'Opposante avaient acquis une notoriété au Canada. L'existence des enregistrements n'est pas suffisante pour permettre à l'Opposante de s'acquitter de son fardeau de preuve [voir Rooxs, Inc c Edit-SRL (2002), 23 CPR (4th) 265 (COMC)]. J'estime donc que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait à l'égard de ce motif d'opposition, lequel est, en conséquence, rejeté.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif

[21]           Bien que la Requérante ait le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses Produits de ceux de tiers partout au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)], l'Opposante n'en doit pas moins s'acquitter du fardeau de preuve initial d'établir les faits allégués à l'appui de son motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif.

[22]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve, l'Opposante a l'obligation de démontrer qu'à la date de production de la déclaration d'opposition, au moins une des marques de commerce invoquées était devenue suffisamment connue à la date de l'opposition (le 25 mars 2013) pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd (2004), 40 CPR (4th) 553, confirmée par (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[23]           Comme je l'ai expliqué plus en détail ci-dessus dans l'analyse du motif d'opposition fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement (et comme je l'explique ci-dessous dans l'analyse du motif fondé sur la non-enregistrabilité), l'Opposante n'a pas établi que les marques de commerce invoquées étaient en usage à la date pertinente (le 25 mars 2013) et la simple existence des enregistrements n'est pas suffisante pour permettre à l'Opposante de s'acquitter de son fardeau de preuve. L'Opposante ne s'est donc pas acquittée de son fardeau de preuve à l'égard de ce motif d'opposition.

Motif d'opposition fondé sur la non-enregistrabilité – article 12(1)d)

[24]           Un opposant s'acquitte du fardeau initial qui lui incombe à l'égard d'un motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) si le ou les enregistrements invoqués sont en règle à la date de la décision relative à l'opposition. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l'existence d'enregistrements invoqués par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)].

[25]           J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire et je souligne que chacun des enregistrements invoqués existe bel et bien; l'Opposante s'est donc acquittée de son fardeau de preuve initial.

[26]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L'article 6(2) de la Loi porte que l'emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[27]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même. [Voir, de manière générale, Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC) et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 96 CPR (4th) 361 (CSC).]

[28]           Les enregistrements invoqués par l'Opposante peuvent être regroupés en trois catégories : a) les marques de commerce ROLLING ROCK de l'Opposante; b) les marques de commerce STONE'S de Western Wines Holdings Limited; c) les marques de commerce KEYSTONE de la Requérante.

[29]           À l'audience, l'Opposante a présenté des observations uniquement à l'égard de la marque de commerce STONE’S (LMC169,502), admettant que cette marque de commerce constituait son argument le plus solide.

[30]           J'évaluerai la probabilité de confusion avec les marques de commerce comprises dans chacune des trois catégories, successivement.

Les enregistrements STONE’S détenus par Western Wines Holdings Limited

Articles 6(5)a) et b) de la Loi

[31]           Bien que l'Opposante ait fourni certains éléments de preuve datant d'août 2013 qui indiquent que le vin aromatisé au gingembre STONE'S de Western Wines Holdings Limited était offert en vente dans des magasins d'alcools au Canada et montrent que les marques de commerce déposées STONE’S figurent sur l'étiquette (affidavit Burgess), elle n'a pas fourni la moindre preuve de chiffres de ventes, de dépenses publicitaires, de visites de Canadiens sur les sites Web présentés en preuve, ou d'autres éléments de preuve qui me permettrait de parvenir à une conclusion quant à la mesure dans laquelle les marques de commerce STONE’S étaient devenues connues au Canada. La seule preuve d'emploi des marques STONE’S au sens de l'article 4(1) de la Loi concerne un unique achat du vin aromatisé au gingembre STONE’S effectué par un employé de l'agent de l'Opposante.

[32]           Il convient de souligner que la simple existence des enregistrements STONE'S de Western Wines Holdings Limited me permet seulement d'inférer un emploi minimal [voir Entre Computer Centers Inc c Global Upholstery Co. (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC)].

[33]           La demande pour la Marque est fondée sur l'emploi projeté et il n'y a au dossier aucune preuve établissant l'emploi de la Marque au sens de l'article 4(1) de la Loi et aucune preuve de chiffres de ventes ou d'autres éléments de preuve qui me permettraient de parvenir à une conclusion quant à la mesure dans laquelle la Marque est devenue connue au Canada.

[34]           Compte tenu de ce qui précède, je peux seulement inférer que ni la Marque ni les marques déposées STONE’S ne sont devenues connues dans une quelconque mesure au Canada.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce

[35]           L'Opposante cite la preuve présentée dans l'affidavit Burgess qui démontre que la bière et le vin sont vendus par les mêmes détaillants. L'Opposante s'appuie également sur l'affaire Molson Companies Ltd c Gustav Adold Schmittsches Weingut (1991), 35 CPR (3d) 371 (COMC) dans laquelle le registraire s'est penché sur la question de la confusion entre la marque de commerce GOLDEN EAGLE en liaison avec du vin et la marque de commerce GOLDEN de l'opposant en liaison avec la bière :

[Traduction]
En ce qui concerne le genre de marchandises et les voies de commercialisation respectives associées aux marchandises des parties, les boissons alcoolisées brassées et les vins sont tous deux des produits de l’industrie des alcools et pourraient très bien être vendus dans les mêmes établissements ou points de vente au détail, à la p 375

…le consommateur moyen ne percevrait pas de différence appréciable entre les marchandises des parties et que les voies de commercialisation associées à ces marchandises pourraient en fait se recouper en ce sens que de la bière et du vin pourraient être vendus à proximité immédiate l’un de l’autre dans le même point de vente au détail, à la p 376

(je souligne)

[36]           La Requérante, en revanche, invoque l'affaire Bénédictine Distilleries de la Liqueur de l’Ancienne Abbaye de Fécamp c John Labatt Ltd/Ltée (1990), 28 CPR (3d) 487 (CF 1re inst) pour appuyer la proposition portant que la bière et le vin sont des produits différents et que le public qui achète ces produits est suffisamment connaisseur pour faire la distinction entre les deux.

[37]           À l'audience, la Requérante a invoqué l'affaire Andres Wines Ltd. c Vina Concha Y Toro S.A. (2001), 13 CPR (4th) 110 (CF 1re inst) pour appuyer la proposition portant que le fait que la bière et le vin soient vendus dans des sections différentes à l'intérieur des mêmes magasins atténue la probabilité de confusion entre les marques de commerce des parties. Dans Andres Wines, la preuve a démontré que l'origine géographique du vin influe considérablement sur la façon dont le vin est vendu et la façon dont il est sélectionné par les consommateurs. Étant donné que le vin d'une des parties était canadien et l'autre chilien, et que les vins sont regroupés par pays d'origine, il a été conclu que les vins des parties ne seraient jamais vendus à proximité immédiate les uns des autres dans les mêmes magasins.

[38]           L'affidavit Burgess démontre que bien que les bières de la Requérante et les vins de Western Wines Holdings Limited soient vendus dans les mêmes magasins, ils sont offerts en vente dans des endroits différents de ces magasins. L'affidavit Burgess présente des étalages de produits qui démontrent que les bières sont vendues à proximité d'autres bières et que les vins sont vendus à proximité d'autres vins.

[39]           Je suis d'avis que l'affaire Andres Wines se distingue de la présente espèce. Premièrement, il y avait dans cette affaire une preuve claire appuyant la conclusion que l'origine géographique du vin était un important facteur dont les consommateurs tenaient compte au moment de choisir un vin. La preuve établissait également que les vins sont regroupés par origine géographique dans les magasins. Il est vrai que ce regroupement fait en sorte que des vins d'origines géographiques différentes sont vendus dans des zones différentes du magasin, mais le fait que les vins aient des origines géographiques différentes donne également à penser qu'ils ne sont pas produits par le même fabricant. À titre d'exemple, il serait peu probable qu'un producteur de vin canadien soit également le producteur d'un vin chilien.

[40]           On ne peut pas tirer cette même inférence en l'espèce. En effet, des éléments de preuve produits en l'espèce m'empêchent de tirer l'inférence qu'il est peu probable qu'un producteur de vin produise aussi de la bière. Plus particulièrement, la preuve démontre que Western Wines Holdings Limited fabrique à la fois des vins et une bière (la bière au gingembre alcoolisée) [voir l'affidavit Burgess]. Bien que je convienne avec la Requérante que cette preuve n'appuie pas la conclusion que la bière au gingembre alcoolisée est offerte en vente au Canada – elle appuie cependant la conclusion que le producteur du vin aromatisé au gingembre STONE’S produit également de la bière au gingembre alcoolisée.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[41]           Les marques des parties présentent une importante similitude sur les plans de la présentation et du son – la seule différence tenant à la présence d'une apostrophe dans les enregistrements de Western Wines Holdings Limited. Le degré de similitude sur le plan de la présentation est légèrement moindre dans le cas de la marque figurative (LMC244,602) du fait de la présence de divers éléments graphiques.

[42]           En ce qui concerne les idées suggérées, je conviens avec la Requérante que l'ajout de l'apostrophe crée une différence sur le plan des idées suggérées. La Marque suggère une pluralité de petites particules sédimentaires (pierres), tandis que les marques de commerce de Western Wines Holdings Limited suggèrent la forme possessive du nom de famille Stone.

Autres circonstances de l'espèce – preuve de l'état du registre

[43]           Dans son affidavit, M. Penney fournit une preuve de l'existence d'autres marques de commerce STONES liées à du vin – à savoir quatre marques de commerce déposées appartenant à trois propriétaires distincts.

[44]           La preuve de l'état du registre n'est pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des inférences quant à l'état du marché. Des inférences quant à l'état du marché ne peuvent être tirées que lorsqu'un grand nombre d'enregistrements pertinents est repéré [voir Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432; Del Monte Corporation c Welch Foods Inc (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)] ou lorsqu'il existe une preuve de l'emploi des marques sur le marché.

[45]           Bien que j'estime que quatre marques de commerce déposées (appartenant à trois propriétaires distincts) ne sont pas suffisantes pour me permettre de conclure que les marques de commerce STONES ont été couramment adoptées en liaison avec du vin, je suis disposée à conclure que la preuve permet d'inférer que Western Wines Holdings Limited ne détient pas de monopole sur l'emploi de l'élément STONES dans le secteur des boissons alcoolisées [voir Jacques Vert PLC c YM Inc, 2014 COMC 88].

Conclusion

[34] Lorsque j'ai appliqué le test en matière de confusion, j'ai considéré qu'il tenait de la première impression et du souvenir imparfait. Après examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, j'estime que la prépondérance des probabilités est également partagée entre la conclusion qu'il existe une probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée STONE'S de Western Wines Holdings Limited et la conclusion qu'il n'existe pas de probabilité de confusion.

[35] Étant donné que le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne crée pas de confusion avec les marques de commerce STONE'S incombe à la Requérante, je dois trancher à l’encontre de la Requérante. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) de la Loi est accueilli en ce qui a trait à la marque de commerce déposée STONE’S (LMC169,502). Quant à la marque de commerce figurative (LMC244,602), malgré une ressemblance légèrement moindre sur le plan visuel, ma conclusion est la même.

Les marques de commerce ROLLING ROCK de l'Opposante

[46]           Dans l'affaire Masterpiece, la Cour suprême du Canada a récemment souligné l'importance que revêt le facteur énoncé à l'article 6(5)e) dans l'analyse de la probabilité de confusion entre les marques des parties conformément à l'article 6 de la Loi (voir le para 49) :

[Traduction]
... il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d'avoir le plus d'importance dans l'analyse relative à la confusion, et ce, même s'il est mentionné en dernier lieu au para. 6(5) ... si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l'analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. Les autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires ... En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l'étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l'analyse relative à la confusion ...

[47]           Vu les circonstances de la présente espèce, j'estime qu'il convient d'analyser d'abord le degré de ressemblance entre les marques des parties.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[48]           Il est bien établi en droit que, lorsqu'il s'agit d'évaluer la probabilité de confusion, il faut éviter de décomposer les marques de commerce en leurs éléments constitutifs; les marques devant plutôt être considérées dans leur ensemble [voir British Drug Houses Ltd c Battle Pharmaceuticals, [1944] RC de l'É 239, à la p 251, confirmée par [1946] RCS 50 et United States Polo Assn c Polo Ralph Lauren Corp (2000), 9 CPR (4th) 51, au para 18, conf par [2000] ACF no 1472 (CA)].

[49]           Je souligne, en premier lieu, que les marques des parties ne présentent absolument aucune similitude sur les plans de la présentation et du son.

[50]           En ce qui concerne les idées suggérées par les marques des parties, je conviens avec la Requérante que le simple fait que les mots « rock » [roche] et « stones » [pierres] suggèrent des matériaux sédimentaires n'est pas suffisant pour engendrer une similitude significative sur le plan des idées suggérées. J'estime plutôt que lorsqu'on les considère dans leur ensemble, les marques des parties suggèrent des idées différentes.

[51]           Comme j'ai conclu que les marques des parties ne se ressemblent aucunement sur les plans de la présentation ou du son et qu'elles ne présentent qu'une très légère similitude sur le plan des idées suggérées, je dois maintenant évaluer les autres circonstances pertinentes de l'espèce afin de déterminer si un ou plusieurs de ces autres facteurs sont suffisamment importants pour que je conclue à l'existence d'une probabilité de confusion [voir Masterpiece, supra, au para 49].

Articles 6(5)a) et b) de la Loi

[52]           Pour les raisons exposées ci-dessus, ces facteurs ne favorisent aucune des parties de manière significative et, par conséquent, n'ont pas d'effet déterminant sur la probabilité de confusion entre les marques des parties.

[53]           J'estime que les marques des deux parties sont intrinsèquement distinctives dans le contexte des produits des parties, à savoir de la bière/des boissons alcoolisées brassées.

[54]           Bien que l'Opposante ait fourni certains éléments de preuve datant d'août 2013 qui indiquent que les bières ROLLING ROCK de l'Opposante étaient offertes en vente dans des magasins d'alcools au Canada (affidavit Burgess), elle n'a pas fourni la moindre preuve de chiffres de ventes, de dépenses publicitaires, du nombre de visites de Canadiens sur les sites Web présentés en preuve, ou d'autres éléments de preuve qui me permettrait de parvenir à une conclusion quant à la mesure dans laquelle les marques de commerce ROLLING ROCK étaient devenues connues au Canada. La seule preuve d'emploi des marques de commerce ROLLING ROCK de l'Opposante au sens de l'article 4(1) de la Loi concerne un unique achat du produit de l'Opposante effectué par un employé de l'agent de l'Opposante.

[55]           Il convient de souligner que la simple existence des enregistrements de l'Opposante me permet seulement d'inférer un emploi minimal [voir Entre Computer Centers Inc c Global Upholstery Co. (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC)].

[56]           La demande pour la Marque est fondée sur l'emploi projeté et il n'y a au dossier aucune preuve établissant l'emploi de la Marque au sens de l'article 4(1) de la Loi et aucune preuve de chiffres de ventes ou d'autres éléments de preuve qui me permettraient de parvenir à une conclusion quant à la mesure dans laquelle la Marque est devenue connue au Canada.

[57]           Compte tenu de ce qui précède, je peux seulement inférer qu'aucune des marques des parties n'est devenue connue dans une quelconque mesure au Canada. Par conséquent, ces facteurs ne favorisent aucune des parties.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce

[58]           Le genre des produits et des entreprises des parties est identique et la nature de leur commerce est la même.

Autres circonstances de l'espèce – preuve de l'état du registre/du marché

[59]           Dans son affidavit, Mme Roberts fournit une preuve de l'existence d'autres marques de commerce ROCK liées à des boissons alcoolisées, y compris de la bière – à savoir 13 marques de commerce déposées. Plus particulièrement, l'affidavit Roberts établit l'existence des bières BIG ROCK de la brasserie Big Rock Brewery. Mme Roberts fournit une preuve établissant que les bières BIG ROCK sont offertes en vente dans des magasins d'alcools au Canada.

[60]           La preuve de l'état du registre n'est pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des inférences quant à l'état du marché. Des inférences quant à l'état du marché ne peuvent être tirées que lorsqu'un grand nombre d'enregistrements pertinents est repéré [voir Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432; Del Monte Corporation c Welch Foods Inc (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)] ou lorsqu'il existe une preuve de l'emploi des marques sur le marché.

[61]           Bien que j'estime que 13 marques de commerce (appartenant presque toutes à la même entité, c'est-à-dire Big Rock Brewery Limited Partnership) ne sont pas suffisantes pour me permettre de conclure que les marques de commerce ROCK ont été couramment adoptées en liaison avec de la bière et des boissons alcoolisées brassées, je suis disposée à conclure que la preuve permet d'inférer que l'Opposante ne détient pas de monopole sur l'emploi de l'élément ROCK dans le secteur de la bière et des boissons alcoolisées brassées. Par conséquent, ce facteur favorise légèrement la Requérante [voir Jacques Vert PLC c YM Inc, 2014 COMC 88].

Conclusion

[62]           Lorsque j'ai appliqué le test en matière de confusion, j'ai considéré qu'il tenait de la première impression. Bien que je reconnaisse que les produits des parties sont du même genre et que ces dernières exercent un commerce de même nature, je souligne que le degré de ressemblance entre les marques de commerce est souvent considéré comme le facteur le plus important (voir Masterpiece, au para 49). En l'espèce, il n'y a aucune ressemblance entre les marques des parties sur le plan de la présentation ou du son, et seulement une similitude minime sur le plan des idées suggérées. Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que la Requérante s'est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de commerce déposées ROLLING ROCK de l'Opposante.

Les enregistrements KEYSTONE de la Requérante

[63]           Ces marques de commerce déposées étant détenues par la Requérante elle-même, elles ne créent pas de probabilité de confusion et ne peuvent pas constituer un obstacle à l'enregistrement de la Marque.

Conclusion

[64]           Comme je l'ai expliqué plus en détail ci-dessus, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est accueilli en ce qui a trait aux marques de commerce déposées STONE’S (LMC169,502) et STONE’S et Dessin (LMC244,602) et, par conséquent, la demande pour la Marque sera repoussée.

Décision

[65]           Conformément aux pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement selon les dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L’AUDIENCE : 2016-05-17

 

COMPARUTIONS

 

Mark L. Robbins                                                                                  POUR L'OPPOSANTE

 

Adele J. Finlayson                                                                               POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Bereskin & Parr                                                                                   POUR L'OPPOSANTE

 

Moffat & Co.                                                                                       POUR LA REQUÉRANTE

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