Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2012 COMC 37

Date de la décision: 2012-02-27

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Bombardier Inc. à la demande d’enregistrement no°1,288,759 pour la marque de commerce DEHAVILLAND produite par Jean-Daniel Carrard

Les procédures

[1]               Jean-Daniel Carrard (le Requérant) a déposé le 25 janvier 2006 une demande portant le no no1,288,759 pour l’enregistrement de la marque de commerce DEHAVILLAND (la Marque) en liaison avec : horlogerie et instruments chronométriques nommément montres destinées aux pilotes d'avions (les Marchandises).

[2]               La demande est fondée sur un emploi projeté au Canada et le Requérant a réclamé la priorité prévue à l’article 34 de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13 (Loi) au motif qu’une demande d’enregistrement de la Marque, ou sensiblement la même, a été produite en Suisse par le Requérant le 25 juillet 2005 sous le no 56069/2005.

[3]               La demande a été publiée le 3 janvier 2007 dans le Journal des marques de commerce pour fins d’opposition. Bombardier Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition le 2 mars 2007 que le registraire a transmise le 12 mars 2007 au Requérant. Ce dernier a produit le 29 juin 2007 une contre-déclaration niant tous les motifs d’opposition ci-après décrits.

[4]               La preuve de l’Opposante sous la règle 41 du Règlement sur les marques de commerce [DORS/2007-91, art. 1] (Règlement) est constituée des affidavits de Guy Dionne, Lance Kessler, Isabelle Metzger et Frédéric Beaulieu Patenaude ainsi qu’une copie certifiée des enregistrements pour les marques DE HAVILLAND et DE HAVILLAND & Dessin. Toutefois l’affidavit de Mme Metzger a été remplacée par celui de Philippe Borms. Tous les affiants de l’Opposante ont été contre-interrogés, à l’exception de Mme Metzger, et les transcriptions de ces contre-interrogatoires ont été produites au dossier.

[5]               Le Requérant a produit, sous la règle 42 du Règlement, l’affidavit de Me Line Abecassis.

[6]               Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit et était représentée à l’audience.

Les motifs d’opposition

[7]               Les différents motifs d’opposition soulevés par l’Opposante dans sa déclaration d’opposition peuvent se résumer ainsi :

1.      La Marque n’est pas enregistrable en vertu des dispositions de l’article 12(1)(d) de la Loi car elle crée de la confusion avec les marques déposées suivantes de l’Opposante :

DE HAVILLAND, certificat d’enregistrement LMC457,308 pour des avions;

DE HAVILLAND & Dessin, ci-après illustrée, certificat d’enregistrement LMC664,499 pour des vêtements et casquettes

DE HAVILLAND & Design

2.      Le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions de l’article 16(2)(a) de la Loi puisqu’à la date de priorité de cette demande la Marque créait de la confusion avec les marques DE HAVILLAND et DE HAVILLAND & Dessin employées antérieurement au Canada par l’Opposante ou son prédécesseur en titre;

3.      Le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions de l’article 16(3)(a) de la Loi puisqu’à la date de priorité de cette demande la Marque créait de la confusion avec les marques DE HAVILLAND et DE HAVILLAND & Dessin employées antérieurement au Canada par l’Opposante;

4.      La Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi en ce qu’elle ne distingue pas les Marchandises des marchandises et services d’autres personnes et plus particulièrement des marchandises de l’Opposante puisque, à la date du dépôt de la déclaration d’opposition, la Marque portait à confusion avec les marques DE HAVILLAND et DE HAVILLAND & Dessin de l’Opposante.

Fardeau de preuve en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce

[8]               Dans le cadre de procédures d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce, l’opposante doit présenter suffisamment d’éléments de preuve se rapportant aux motifs d’opposition qu’elle soulève afin qu’il soit apparent qu’il existe des faits qui peuvent appuyer ces motifs d’opposition. Si l’opposante satisfait cette exigence, la requérante devra alors convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la marque [voir Joseph Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.) et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Limited, (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F.P.I.)].

[9]               Dans son plaidoyer écrit et lors de l’audience l’Opposante a admis qu’elle n’avait pas réussi à démontrer l’usage antérieur de sa marque de commerce DE HAVILLAND en liaison avec des avions et des pièces d’avion. Toutefois elle maintient les motifs d’opposition fondés sur les articles 16(2)(a) et 16(3)(a) en liaison avec des vêtements et accessoires en raison de l’emploi antérieur de cette marque en liaison avec ces marchandises.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi

[10]           L’Opposante allègue à son premier motif d’opposition que la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce déposées ci-haut énumérées. L’Opposante a produit un certificat d’authenticité pour chacune de ses marques. J’ai vérifié le registre en vertu de mon pouvoir discrétionnaire de le faire [voir Quaker Oats Co. of Can. c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)] et les enregistrements sont en état. Ainsi l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve initial.

[11]           Le Requérant doit donc démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’à la date de la décision du registraire il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et l’une ou l’autre des marques citées par l’Opposante [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 à la page 424 (C.A.F.)]. Le test applicable en l’espèce est décrit à l’article 6(2) de la Loi. Ainsi l’emploi de la Marque créera de la confusion avec une autre marque de commerce si l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises et services liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, loués ou exécutés par la même personne, que ces services ou marchandises soient ou non de la même catégorie générale. Une liste non exhaustive des circonstances pertinentes apparaît à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[12]           La Cour suprême du Canada dans l’arrêt de Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. et al. 2011 C.S.C. 27 a interprété l’article 6(2) et nous a éclairé sur la portée des différents critères énumérés à l’article 6(5) de la Loi. Il ressort de cette analyse que le degré de ressemblance entre les marques en litige demeure souvent le facteur le plus important.

Caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[13]           L’Opposante plaide que la Marque ne bénéficie pas d’un caractère distinctif fort lorsqu’elle est employée en liaison avec des montres destinées aux pilotes d’avion. Elle se fonde sur le fait que la Marque est un nom de famille connu dans le domaine de l’aviation. À ce sujet elle a produit en annexe de son plaidoyer écrit un extrait de l’encyclopédie Wikipedia que nous retrouvons sur l’Internet. Ma collègue Cindy Folz a eu à se pencher sur l’admissibilité du contenu de cet encyclopédie dans Canadian Council of Professional Engineers c. Alberta Institute of Power Engineers (2008), 71 C.P.R. (4th) 37. Comme il s’agit d’une encyclopédie je peux utiliser mon pouvoir discrétionnaire pour la consulter. J’ai non seulement consulté cet ouvrage mais aussi le Oxford Dictionary of English [voir Scottish Cashemere Assn. Ltd. c. Fraas Manufacturing Inc. (1988), 22 C.O.R. (3d) 185]. Ainsi j’évite toute contestation quant à l’admissibilité de l’extrait provenant de Wikipedia produit par l’Opposante au motif qu’il n’avait pas été produit en preuve.

[14]           M. De Havilland fut un pionnier de l’aviation Britannique et un ingénieur en aéronautique. Il ne fait aucun doute que ce nom est connu dans le monde de l’aviation et plus particulièrement chez les pilotes d’avions. Le registraire a reconnu, que dans les cas où la marque de commerce représente le nom d’un personnage historique, elle possède un faible degré de caractère distinctif inhérent [voir Becker Milk Co. Ltd. c. Interstate Brands Co. (1996), 67 C.P.R. (3d) 76]. Ce degré est d’autant plus réduit lorsque la Marque est employée en liaison avec des marchandises destinées aux pilotes d’avions. Cette marque de commerce est la propriété de l’Opposante tel qu’en fait foi le certificat d’enregistrement LMC457,308.

[15]           Par ailleurs M. Kessler, employé de l’Opposante, a indiqué lors de son contre-interrogatoire que DE HAVILLAND est également une marque reconnue dans le domaine de l’aviation. Il s’agit d’un modèle à hélices nécessitant qu’un court espace pour le décollage et l’atterrissage. M. Kessler affirme que le modèle DE HAVILLAND est un icône dans le domaine de l’aviation.

[16]           Il n’y a aucune preuve d’usage de la marque de commerce DE HAVILLAND par l’Opposante en liaison avec des avions. Toutefois il y preuve d’usage de la marque de commerce DE HAVILLAND & Dessin en liaison avec des vêtements et accessoires tel que ci-après décrite.

[17]           Ainsi M. Kessler, travaille depuis 1978 à l’usine de l’Opposante situé à Toronto. Présentement il occupe les fonctions de représentant de la qualité pour les clients de l’Opposante. Ainsi il agit à titre de liaison entre les clients de l’Opposante, soit ceux qui achètent ses avions et les représentants de l’Opposante qui ont la responsabilité de les construire. Il agit également sur une base volontaire comme gérant d’une boutique située dans la cafétéria principale de cette usine, où l’on y vend des marchandises portant les marques de l’Opposante incluant les marques DE HAVILLAND et DE HAVILLAND et différents graphismes. Ce commerce a débuté en 1986. Les items vendus sont des t-shirts, chandails, manteaux, casquettes, insignes, autocollants et porte-clés.

[18]           Il a produit des photos de la devanture du commerce ainsi que des photos de différents items offerts en vente portant les marques ci-haut mentionnées, incluant des vêtements et casquettes. Il mentionne que la clientèle est principalement composée d’employés de l’Opposante ainsi que ceux qui fréquentent le centre Flight Safety International adjacent au site de l’usine de l’Opposante à Toronto. Il y a également le public en général qui peut se procurer ces marchandises.

[19]           Il a fourni les chiffres de ventes totales depuis le 1er août 2001. Toutefois il ne peut donner les chiffres exacts pour les ventes de marchandises portant les marques DE HAVILLAND et DE HAVILLAND et différents graphismes. Ces ventes, selon lui, sont estimées à environ 10% des ventes totales. Ainsi les ventes de marchandises portant ces marques ont varié entre $18,000 et $40,000 annuellement durant la période du 1er août 2001 au 31 juillet 2007.

[20]           Par sa preuve le Requérant a tenté d’attaquer le caractère distinctif de la marque DE HAVILLAND de l’Opposante. Me Line Abecassis travaille à titre d’avocate au sein du cabinet des agents du Requérant. Elle a reçu instructions d’un autre membre de ce cabinet d’effectuer une recherche sur Internet afin de trouver des références faisant état du terme « dehavilland ». Elle a effectué de telles recherches en utilisant l’engin de recherche Google et a obtenu près de 2.5 millions de résultats. Elle a produit des extraits de sites web où apparaît le mot « dehavilland » ou qui offrent au Canada des produits en liaison avec le mot « dehavilland ».

[21]           Il ne faut pas perdre de vue que la validité des marques déposées de l’Opposante ne sont pas en cause dans cette procédure d’opposition. De plus il n’y a aucune preuve au dossier de l’usage au Canada au sens de l’article 4(1) de la Loi de la marque DE HAVILLAND par des tierces parties en liaison avec les marchandises apparaissant sur ces sites.

[22]           Je remarque que la plupart de ces extraits correspondent aux sites que l’agent du requérant a présenté à M. Dionne, directeur sénior des services juridiques chez Bombardier Aerospace, division de l’Opposante, lors de son contre-interrogatoire. Or en réponse aux engagements pris par M. Dionne lors de son contre-interrogatoire, il a indiqué, pour la majorité des entités identifiables sur ces sites web, qu’elles ont été à travers les années des fournisseurs de l’Opposante pour des marchandises portant sa marque DE HAVILLAND.

[23]           Il n’y a aucune preuve d’usage de la Marque au Canada. Dans les circonstances je considère que le premier facteur énuméré à l’article 6(5)(a) favorise l’Opposante.

 

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[24]           Compte tenu de la preuve ci-haut décrite ce facteur favorise l’Opposante en ce qui concerne sa marque de commerce DE HAVILLAND et Dessin employée en liaison avec des vêtements et casquettes. Elle ne favorise aucune des parties pour ce qui est de la marque DE HAVILLAND, certificat d’enregistrement LMC457,308 puisqu’il n’y a pas de preuve au dossier de l’emploi de cette marque par l’Opposante en liaison avec des avions.

Le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce des parties

[25]           À prime abord il ne semble pas y avoir de connexité entre des montres et des avions. Quant à des vêtements et accessoires d’une part et des montres d’autre part, ils sont des marchandises associées à la mode en général.

Degré de ressemblance

[26]           La Marque est identique phonétiquement à la marque DE HAVILLAND, certificat d’enregistrement LMC457,308. Je ne tiens pas compte du fait que la Marque est écrit en un seul mot. Cette distinction est trop mineure pour que le consommateur moyen avec une mémoire imparfaite différencie les marques en présence sur cette seule base. Puisque les marques en présence sont identiques, il ne peut y avoir de différences entre les idées qu’elles suggèrent. Pour ce qui est de la marque DE HAVILLAND & Dessin, ci-haut illustrée, certificat d’enregistrement LMC664,499, les composantes dominantes sont le mot DE HAVILLAND et le dessin d’un avion. Ainsi il y a une certaine ressemblance phonétique entre la Marque et cette marque de commerce de l’Opposante.

Circonstances additionnelles

[27]           Toutefois je me dois de revenir sur la preuve présentée par l’Opposante pour établir une certaine connexité entre les Marchandises et les modèles d’avions de l’Opposante.

[28]           M. Dionne allègue dans son affidavit, et cette preuve est non contredite, que l’Opposante est un leader mondial dans le domaine de la fabrication d’avions et d’équipements sur rails. Ainsi la marque BOMBARDIER est mondialement connue dans le domaine de l’aéronautique et le transport sur rails.

[29]           Pour faire la promotion de ses marques de commerce en liaison avec ses avions M. Dionne affirme que l’Opposante commercialise et distribue des objets promotionnels incluant des montres haut de gamme. Ces objets sont soit donnés à ses clients, fournisseurs ou employés ou vendus par l’Opposante ou ses licenciés/distributeurs.

[30]           Le 24 mars 2004 l’Opposante concluait une licence exclusive avec B-Watches S.a.r.l. (B-Watches) par laquelle l’Opposante autorisait cette dernière à fabriquer, distribuer, vendre et promouvoir les montres de marque BOMBARDIER au Canada, entre autres. Elles sont sophistiquées, haut de gamme et de type aviation. La clientèle ciblée est les pilotes d’avion, ingénieurs et les consommateurs et voyageurs prêts à débourser près de $5000 pour une montre. Le prix de ces montres varient dépendant du modèle entre $2000 et $40,000. L’Opposante contrôle la qualité des montres BOMBARDIER fabriquées par son licencié par l’approbation des esquisses, échantillons, emballage et matériel promotionnel.

[31]           Le matériel promotionnel met l’emphase sur le lien entre les avions fabriqués par l’Opposante et ses montres de marque BOMBARDIER (voir la pièce GD-3 à l’affidavit de M. Dionne). Il a produit également certains extraits du site web de B-Watches où on y trouve les montres de marque BOMBARDIER qui sont distribuées au Canada et dans d’autres pays depuis 2004.

[32]           M. Dionne a produit un extrait de la base de données sur les marques de commerce canadiennes concernant l’enregistrement de la marque BOMBARDIER en liaison avec des montres (LMC665,599). Avant 2006 Time to Go Imports était le distributeur Canadien de ces montres. En 2006 Valangin Inc. fut sélectionné pour en être le distributeur canadien. M. Dionne énumère les détaillants où le consommateur peut se procurer ces montres au Canada. Il a produit des factures émises par Valangin à des détaillants pour illustrer la vente de ces montres.

[33]           Il fournit le nombre d’unités vendues de montres portant la marque BOMBARDIER au Canada et ailleurs dans le monde. Bien que le nombre d’unités vendues ne semble pas impressionnant à première vue, il faut tenir compte de leur prix de vente tel que mentionné auparavant.

[34]           En 2005, M. Dionne allègue que l’Opposante a autorisé B-Watches à fabriquer des montres portant les marques de commerce LEARJET, CHALLENGER et GLOBAL qui correspondent aux marques de commerce associées à des modèles d’avions fabriqués par l’Opposante. Il allègue que la montre LEARJET est offerte en vente sur le site web de l’Opposante au prix de $1999.95 et a produit un extrait du site web.

[35]           Les montres portant les marques de commerce LEARJET, CHALLANGER et GLOBAL ont été vendues uniquement par B-Watches à l’Opposante qui par la suite les distribue à ses clients ou fournisseurs. L’Opposante envisage de mettre sur le marché ces montres par l’entremise de ses licenciés et distributeurs. M. Dionne a produit des photos illustrant les modèles de montres portant les marques CHALLENGER et GLOBAL représentatives de celles distribuées par l’Opposante depuis 2005. Il a fournit le nombre de montres vendues par B-Watches à l’Opposante depuis 2005 en liaison avec l’une de ces trois marques.

[36]           Pour promouvoir la vente de ces montres, B-Watches a placé de la publicité dans le magazine Experience publié par l’Opposante et distribué à ses clients. 300 copies sont distribuées au Canada. Il a produit une copie de la première publicité en 2005 ainsi qu’une plus récente parue en 2008. Il a produit également des exemplaires de publicités placées par B-Watches dans certains magazines spécialisés distribués au Canada.

[37]           Philippe Borms est le fondateur de la société B-Watches. Il s’agit d’une société Suisse qui fait des affaires dans le domaine de l’horlogerie sous les noms B-Watches et/ou BOMBARDIER Swiss Chronographs. B-Watches agit à titre de licencié exclusif de l’Opposante pour la fabrication, distribution, vente et promotion des montres portant la marque de commerce BOMBARDIER pour certains territoires dont le Canada.

[38]           M. Borms allègue que B-Watches s’est associée à l’Opposante en 2004 en raison de sa renommée internationale dans le domaine de l’aviation. Il a produit certains extraits du site web de B-Watches illustrant certains modèles de montres BOMBARDIER fabriquées et vendues sous licence par B-Watches. Depuis 2005 B-Watches, à la demande de l’Opposante, fabrique également des montres portant les marques CHALLENGER, LEARJET et GLOBAL.

[39]           Ainsi toute cette preuve démontre que l’Opposante s’est lancée dans le marché de la commercialisation de ses marques de commerce BOMBARDIER, CHALLENGER, LEARJET et GLOBAL, normalement associées à des avions, en liaison avec des montres haut de gamme et ce depuis 2004 en s’associant avec un fabriquant de montres et lui accordant une licence pour l’usage de ses marques de commerce.

[40]           Donc nous avons une preuve bien tangible que la vente de montres en liaison avec des marques de commerce normalement reconnues dans le domaine de l’aviation constitue une extension, non pas hypothétique, mais bien réelle des produits vendus par l’Opposante en liaison avec ses marques de commerce. Ainsi je conclus que dans le présent cas, en raison de la preuve au dossier, il existe une connexité entre le nom des modèles d’avions de l’Opposante et des montres portant les mêmes noms.

[41]           Je considère cette association entre les marques de l’Opposante pour ses modèles d’avions et des montres portant ses marques comme un facteur additionnel pertinent favorisant l’Opposante, d’autant plus que les Marchandises sont destinées à des pilotes d’avions. Il s’agit d’un cas où, en raison de la preuve produite ci-haut décrite, l’article 6(2) de la Loi est des plus pertinent. En effet tel que mentionné précédemment une marque crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce proviennent de la même personne « …que ces marchandises soient ou non de la même catégorie générale ». La connexité qui pourrait y avoir entre les montres portant la Marque et les avions de l’Opposante portant la marque DE HAVILLAND a été démontrée.

Conclusion

[42]           À la lumière de cette analyse des facteurs pertinents en l’espèce je conclus que le Requérant ne s’est pas déchargé de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne porte pas à confusion avec les marques DE HAVILLAND et DE HAVILLAND & Dessin de l’Opposante. En effet la Marque a un caractère distinctif faible. La marque DE HAVILLAND & Dessin, ci-haut illustrée, certificat d’enregistrement LMC664,499 a été employée au Canada alors qu’il n’y a aucune preuve d’usage de la Marque. Dans le présent cas il existe une certaine connexité entre les Marchandises et les marchandises couvertes par le certificat d’enregistrement LMC457,308 puisque les Marchandises, selon leur description, sont destinées aux pilotes d’avion. Il existe à tout événement un lien entre des vêtements et des montres, étant des accessoires de mode. Finalement les marques en présence se ressemblent phonétiquement. Puisque le commun dénominateur est le mot « De Havilland » je ne vois pas comment les idées suggérées par ces marques pourraient être différentes.

[43]           Je tiens à ajouter que si j’étais dans l’erreur quant au poids que j’accorde au degré de connexité qui existe entre les Marchandises et les avions de l’Opposante, et ce malgré la preuve versée au dossier à ce sujet, cette preuve serait suffisante à mon avis pour affirmer qu’il y aurait autant de raisons pour conclure que la Marque porterait à confusion avec les marques de l’Opposante qu’il y en aurait pour arriver au résultat contraire. Comme le fardeau de preuve repose sur les épaules du Requérant, il ne se serait pas déchargé de ce fardeau ultime.

[44]           Dans les circonstances je maintiens le premier motif d’opposition.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque

[45]           L’Opposante doit d’abord démontrer que ses marques de commerce étaient suffisamment connues à la date pertinente [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F.P.I.)]. Je rappelle que cette analyse doit se faire à la date de production de la déclaration d’opposition soit au 2 mars 2007. Il y a eu preuve d’usage de la marque DE HAVILLAND & Dessin avant le 2 mars 2007. Par ailleurs toute la preuve du Requérant contenue dans l’affidavit de Me Abecassis visant à minimiser le caractère distinctif de la marque DE HAVILLAND n’est pas recevable sous ce motif d’opposition car elle est postérieure à la date pertinente. Je considère de la preuve de l’Opposante ci-haut résumée que cette dernière s’est déchargée de son fardeau de preuve initial.

[46]           Le Requérant doit donc démontrer qu’au 2 mars 2007 la Marque était distinctive ou était apte à distinguer les Marchandises des marchandises vendues par l’Opposante en liaison avec ses marques de commerce DE HAVILLAND et DE HAVILLAND & Dessin. En d’autres mots, le Requérant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’à cette date, l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises ne créait pas de confusion avec lesdites marques de l’Opposante.

[47]           Je ne vois pas comment les résultats de l’analyse des différents critères pertinents fait précédemment sous le motif de l’article 12(1)(d) de la Loi, en date de ma décision, seraient différents à une date antérieure, soit le 2 mars 2007.

[48]           Pour les mêmes motifs que ceux détaillés sous le motif d’opposition précédent, je conclus qu’en date du 2 mars 2007 la Marque employée en liaison avec les Marchandises n’était pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi puisqu’elle portait à confusion avec les marques citées de l’Opposante.

[49]           Je maintiens donc le quatrième motif d’opposition.

Autres motifs d’opposition

[50]           L’Opposante ayant eu gain de cause sous deux motifs d’opposition distincts, je ne vois pas la pertinence de me prononcer sur les autres motifs d’opposition plaidés.

 

 

 

 

 

 

Disposition

[51]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement de la Marque selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre de la commission des oppositions

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

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