Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2013 COMC 57

Date de la décision : 2013-04-05

RELATIVEMENT À UNE PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande d'Easton Sports Canada Inc., contre l'enregistrement no TMA361,722 visant la marque de commerce SKATE'S EYESTAY DESIGN, actuellement au nom de Bauer Hockey Corp.

 

[1]               Le 11 janvier 2010, à la demande de Easton Sports Canada Inc. (la Partie requérante), le Registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch T-13 (la Loi) à Nike Bauer Hockey Corp., propriétaire inscrit au moment de l'enregistrement no TMA361,722 pour la marque de commerce SKATE'S EYESTAY DESIGN (la Marque). À la suite d'un changement de nom enregistré par le Registraire le 9 avril 2010, l'enregistrement est désormais au nom de Bauer Hockey Corp. (le Propriétaire actuel).

[2]               La Marque (illustrée ci-dessous) est enregistrée en association avec des « patins à glace » (les Marchandises).

SKATE'S EYESTAY DESIGN

 

[3]               L'enregistrement ne contient aucune description de la Marque, à l'exception d'une indication mentionnant que la ligne pointillée ne fait pas partie de la marque de commerce.

[4]               L'article 45 exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique, à l’égard de chacune des marchandises et de chacun des services énumérés dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente au cours de laquelle l’emploi doit être établi s’étend du 11 janvier 2007 au 11 janvier 2010 (la Période pertinente).

[5]               La définition applicable d'« emploi » est énoncée au paragraphe 4(1) de la Loi :

4(1)      Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[6]               Trois questions émergent dans le cas qui nous occupe et je les aborderai dans l'ordre :

1)      La Marque a-t-elle été employée telle qu'elle a été enregistrée? 

2)      L'emploi s'est-il fait dans la pratique normale du commerce?

3)      L'emploi s'applique-t-il en faveur du propriétaire inscrit en vertu de l'article 50 de la Loi?

La Marque a-t-elle été employée telle qu'elle a été enregistrée?

[7]               En réponse à l'avis du Registraire, le Propriétaire actuel a produit l'affidavit de Tim Pearson, assermenté le 15 juin 2010. M. Pearson atteste que, depuis 1990, il est le directeur des processus opérationnels pour le compte du Propriétaire actuel et de ses prédécesseurs, et il affirme qu'il est personnellement au courant de tous les faits énoncés dans son affidavit, sauf indication contraire.  

[8]               Dans l'ensemble de son affidavit, M. Pearson utilise « Bauer » pour désigner collectivement le Propriétaire actuel et ses prédécesseurs en titre, une question que j'aborderai plus en détail ultérieurement.   Plus particulièrement, au paragraphe 10 de son affidavit, M. Pearson affirme que « Bauer » a vendu des patins à glace en association avec la Marque pendant la Période pertinente, d'abord à titre de licencié exclusif et ensuite en tant que propriétaire de la Marque. 

[9]               Pour corroborer les ventes effectuées pendant la Période pertinente, M. Pearson a produit une seule facture, en pièce TP-2 de son affidavit, datée du 23 octobre 2007. La facture indique la vente de trois paires de patins – à savoir, une paire du modèle « Supreme 3000 Skate » de chaque taille (Senior, Junior et Youth) – de « Bauer Hockey Corp » à « Recycled Sports », de Lindsay en Ontario. 

[10]           Pour démontrer la façon dont la Marque apparaît sur ces patins, M. Pearson a fourni deux photos dans son affidavit. La première représente un patin de taille « Senior » et la deuxième, des patins de tailles « Junior » et « Youth » du modèle « Supreme 3000 » décrit ci-dessous. Il atteste de plus que les numéros de modèle et les descriptions qui apparaissent sur la facture correspondent à ceux qui figurent dans les extraits du catalogue qui est joint en pièce TP-4 de son affidavit. Cette pièce contient d'autres photos des divers patins « Bauer », y compris un modèle qui correspond à la photo des patins de taille « Senior » identifiés par M. Pearson dans son affidavit. Je remarque qu'il ne semble pas y avoir de différence majeure entre ces deux illustrations des patins vendus. 

                         

 

[11]           La Partie requérante a fait valoir que la preuve ne démontre pas l'emploi de la Marque telle qu'elle a été enregistrée, puisque les caractéristiques dominantes de la Marque n'ont pas été maintenues. Le Propriétaire actuel soutient que les caractéristiques dominantes de la Marque telle qu'elle a été enregistrée ont été préservées et que, comme la Marque est employée dans l'industrie des sports, « [traduction] on peut la reconnaître à distance, même lorsque les joueurs sont en mouvement ». Le Propriétaire actuel allègue que la marque de commerce telle qu'elle est employée contient un ajout, en l'occurrence le mot « Bauer », alors que la caractéristique dominante, « un rectangle en contraste » demeure. À mon avis, la Marque telle qu'elle a été enregistrée comprend les caractéristiques dominantes suivantes : la présence d'une boîte rectangulaire sous les œillets et parallèle à ceux-ci; ladite boîte rectangulaire placée dans le garant sur la portion extérieure de la chaussure, au centre; et le rebord inférieur du garant formant le contour de la boîte rectangulaire. 

[12]             Si la marque de commerce telle qu'elle est employée n'est pas identique à la marque de commerce telle qu'elle est enregistrée, il faut se demander si la marque de commerce a été employée de façon qu’elle ne perde pas son identité et qu’elle demeure reconnaissable malgré les différences entre la forme dans laquelle elle a été enregistrée et la forme dans laquelle elle a été employée [Canada (Registrar of Trade-marks) c. Cie International pour l’informatique CII Honeywell Bull, (1985), 4 CPR (3d) 523 à la page 525 (CAF)]. Pour répondre à cette question, il est nécessaire de déterminer si les caractéristiques dominantes des marques de commerce enregistrées ont été préservées [Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) à la page 59 (CAF)]. Dans la décision Nightingale Interloc Ltd c. Prodesign Ltd, (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC) page 538, le Registraire énonce deux principes à cet égard, et les deux s'appliquent en l'espèce. 

Principe 1
L'emploi d'une marque de commerce avec d'autres éléments constitue un emploi de la marque en soi en tant que marque de commerce si le public considère, à la première impression, que la marque en soi est employée en tant que marque de commerce. Il s’agit d’une question de fait, qui est tributaire de réponses à certaines questions comme celle de savoir si la marque est plus en évidence que les éléments supplémentaires, par exemple lorsque le caractère ou la taille utilisés sont différents […] ou comme celle de savoir si les éléments supplémentaires peuvent être perçus comme purement descriptifs ou comme une marque de commerce ou un nom commercial distincts […]

Principe 2
On considérera qu'une marque de commerce donnée est employée si la marque de commerce véritablement employée n'est pas sensiblement différente et que les différences ne sont pas graves au point de tromper le public ou de lui nuire d'une quelconque façon. Honey Dew, Ltd. c. Rudd et al., [1929] 1 D.L.R. 449 [1929] Ex. C.R. 83 à la page 89. [...]

[13]           Je suis d'avis que l'ajout du mot « BAUER » est un élément dominant de la Marque telle qu'elle est employée. Ainsi, la Marque telle qu'elle est employée ne constitue plus simplement un dessin de marque, mais elle est clairement composée de deux éléments : un design sur le garant et le mot BAUER. Quant à l'emploi du mot BAUER dans le dessin de marque, je ne suis pas convaincue que le public le percevrait comme une marque de commerce différente de la Marque en question. Un tel élément supplémentaire altérerait la perception qu'a le public de l'emploi de la marque de commerce « SKATES'S EUESTAY DESIGN » en soi (Nightingale, Supra). 

[14]           En outre, je considère que les différences entre la marque de commerce enregistrée et la Marque telle qu'elle est employée sont trop importantes pour qu'elles soient considérées comme de simples écarts; les modifications sont telles que la marque de commerce enregistrée en soi n'est plus reconnaissable. Plus particulièrement, les caractéristiques dominantes de la Marque n'ont pas été préservées. D'abord, la boîte apparaissant dans la marque de commerce telle qu'elle est employée n'a pas la forme d'un rectangle, mais plutôt d'un parallélogramme. Ensuite, bien que l'emplacement général de la boîte par rapport à la chaussure soit semblable dans la Marque telle qu'elle est employée, la boîte n'est pas contenue à l'intérieur du garant du patin. Enfin, le rebord inférieur du garant ne forme pas le contour de la boîte. 

[15]            À la lumière de ce qui précède, je conclus donc qu'il y a lieu de radier du registre la marque de commerce SKATE'S EYESTAY DESIGN, enregistrée sous le numéro TMA361,722, pour défaut de preuve d'emploi de la Marque au sens des articles 4 et 45 de la Loi. 

[16]           Toutefois, étant donné les longes observations présentées par les parties, je vais également aborder les deux autres questions soulevées par la Partie requérante. 

La Marque a-t-elle été employée dans la pratique normale du commerce? 

[17]           La Partie requérante fait valoir que la vente démontrée n'a pas eu lieu dans la pratique normale du commerce, mais qu'il s'agissait plutôt d'une « vente spéciale ». Pour corroborer ses dires, la Partie requérante s'appuie sur la décision Wallace c. Geoservices (1988), 19 CPR (3d) 561 (COMC), dans laquelle on mentionne que, dans les cas où le nombre de ventes est très faible, d'autres faits doivent être présentés pour que l'on puisse conclure que ces ventes ont eu lieu dans la pratique normale du commerce. La Partie requérante a également soutenu qu'une simple déclaration indiquant que les ventes ont eu lieu dans la pratique normale du commerce ne suffit pas en soi pour déterminer que les transactions ont bel et bien eu lieu dans la pratique normale du commerce, et que les circonstances entourant les transactions doivent être examinées [Philip Morris Inc c. Imperial Tobacco Ltd (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1re inst.)].

[18]           Bien qu'il soit préférable de fournir une preuve que d'autres ventes ont été conclues, la Loi n’exige nullement que l’emploi soit répété, périodique ou continu [voir, par exemple, Billy Bob’s Jerky Inc c. Tritap Food Broker, 2010 CarswellNat 1950 (COMC)]. En outre, il ne revient pas au Registraire de trouver et d'établir des normes concernant la pratique normale du commerce; dans le cas qui nous occupe, rien n'indique que la transaction n'est pas authentique ou qu'elle a été délibérément fabriquée ou inventée dans le but de protéger l'enregistrement [Institut National des Appellations d’Origine des Vins et Eaux-de-Vie c. Registrar of Trade Marks et al (1983), 71 CPR (2d) 1 (CF 1re inst.)]. 

[19]           Nonobstant l'emploi du terme collectif « Bauer » par M. Person, expliqué ci-dessous, il fournit des renseignements détaillés concernant le contexte entourant la vente et il a produit des preuves documentaires pour corroborer ses déclarations. Plus particulièrement, il atteste que les Marchandises énumérées dans la facture produite en tant que pièce n'avaient pas été soumises aux vérifications internes du contrôle de la qualité de Bauer et que, par conséquent, elles ont été vendues comme des produits « bas de gamme » par l'entremise de « détaillants clés » à qui l'on confie la vente de ces produits aux consommateurs, à un prix réduit. En outre, M. Pearson atteste qu'il est d'usage pour Bauer de vendre des patins bas de gamme plusieurs années après qu'ils ont été classés sans suite. Conformément à cette déclaration, même si la facture indique que la vente a eu lieu en 2007, les patins figurant sur la facture et illustrés dans le catalogue étaient sans suite depuis 2003. À la lumière de ce qui précède, je suis convaincue que la preuve démontre que la vente a eu lieu dans la pratique normale du commerce. 

L'emploi de la Marque s'applique-t-il en faveur du propriétaire inscrit?

[20]           Bien que la vente puisse par ailleurs avoir eu lieu dans la pratique normale du commerce, je ne peux conclure que la vente s'appliquait en faveur du propriétaire inscrit au moment de la vente. Pour respecter les exigences du paragraphe 50(1) de la Loi dans le contexte d'une procédure de radiation en vertu de l'article 45, il faut établir que le propriétaire inscrit détenait un contrôle direct ou indirect sur la nature ou la qualité des marchandises. Un affidavit contenant une déclaration claire à cet égard suffit, quoiqu'une copie de l'entente de licence contenant les dispositions relatives à un tel contrôle peut être acceptable [voir Gowling, Strathy & Henderson c. Samsonite Corp (1996), 66 CPR (3d) 560 (COMC) et Mantha & Associates c. Central Transport Inc (1995), 64 CPR (3d) 354 (CAF)]. De plus, tout dépendant des faits en l'espèce, on peut raisonnablement conclure que le contrôle requis existait [voir, par exemple, Lindy c. Canada (Registrar of Trade Marks), 1999 CarswellNat 652 (CAF)]. 

[21]           Cependant, le simple fait que des entreprises soient reliées ne suffit pas pour établir le contrôle requis [Flanders Filters Inc c. Trade Mark Reflections Ltd (2006), 48 CPR (4e) 269 (CF)]. En outre, la déclaration indiquant qu'une marque de commerce avait été employée par un groupe est essentiellement ambiguë; en soi, une telle déclaration ne peut démontrer l'emploi de la marque par l'inscrivant ou par un autre membre du groupe, en faveur de l'inscrivant [voir Spirits International BV c. BCF SENCRL (2012), 101 CPR (4e) 413 (CAF)].  

[22]           M. Pearson affirme que Nike International Ltd. était le propriétaire inscrit de la Marque au moment où la vente unique produite en preuve a eu lieu. En ce qui concerne la vente du 23 octobre 2007 présentée en preuve, M. Pearson explique au paragraphe 13 de son affidavit que, malgré la mention « Bauer Hockey Corp. » sur la facture produite en preuve, à la date de la vente, le nom apparaissant sur la facture « aurait été Nike Bauer Hockey Corp. ». M. Pearson soutient aussi que tous les autres renseignements figurant sur cette facture sont « exacts et correspondent à l'information telle qu'elle aurait figurée sur la facture originale du 23 octobre 2007 ».

[23]           Dans ce cas, en guise de déclaration ou de description du contrôle, M. Pearson a produit en tant que pièce une copie d'une entente de licence datant du 1er novembre 2002 conclue entre « Nike International Limited » et « Bauer Nike Hockey Inc. ».   Deux questions sont soulevées relativement à cette entente de licence. D'abord, l'entente a pris fin avant la date à laquelle la vente soumise en preuve a eu lieu, et l'entité qui aurait conclu la vente n'est pas partie à l'entente de licence. 

[24]           La section 1.3 de l'entente de licence indique que la date de fin est le 31 mai 2007, soit avant la date de la vente produite en preuve.   Même si je devais supposer que l'entente de licence produite en preuve s'était poursuivie au-delà de la date de fin indiquée et comprenait la date de la vente, il n'en demeure pas moins que la vente produite en preuve a été conclue par Nike Bauer Hockey Corp, laquelle n'est pas partie à l'entente. 

[25]           Nonobstant le fait que Nike Bauer Hockey Corp. est finalement devenue propriétaire de l'enregistrement le 16 avril 2008, je ne suis saisie d'aucune preuve démontrant qu'elle était partie à l'entente de licence produite en preuve. En outre, même si je devais conclure que Nike Bauer Hockey Corp. était en réalité un licencié au moment de la vente en octobre 2007, M. Pearson ne fournit aucun détail concernant une entente de licence qui me permettrait de conclure que Nike International Limited a exercé le contrôle requis en vertu de l'article 50 de la Loi. 

[26]           Comme le Registraire ne dispose d'aucune possibilité de contre-interrogatoire dans le cas des procédures de radiation en vertu de l'article 45, et en l'absence d'autres explications pour préciser la relation entre les diverses entités « Bauer », je conclus que les ambiguïtés contenues dans l'affidavit de M. Pearson devraient être résolues contre le propriétaire actuel [Diamant Elinor Inc c. 88766 Canada Inc (2010), 90 C.R (4e) 428 (CF)]. Par conséquent, je ne peux pas conclure que la vente d'octobre 2007 soumise en preuve s'applique en faveur du propriétaire inscrit de la Marque à ce moment-là. 

Décision

[27]           Eu égard à ce qui précède, en vertu des pouvoirs qui me sont conférés au titre du paragraphe 63(3) de la Loi, l'enregistrement sera radié aux termes des dispositions de l'article 45 de la Loi.

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Darlene H. Carreau

Présidente

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad. a.

 

 

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