Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

AFFAIRE INTÉRESSANT LOPPOSITION

de JCorp Inc. à la demande no 1105486

produite par One Step Up Ltd.

(successeure en titre de Delan Enterprises, Inc. )

pour la marque de commerce JONATHAN LOGAN Design

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Le 6 juin 2001, Delan Enterprises, Inc. a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce JONATHAN LOGAN Design, reproduite plus bas, fondée sur (1) l’emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec des robes, costumes pantalons pour femmes; chasubles pour femmes; vêtements sport pour femmes; shorts pour femmes; shorts; jupes; chemisiers; manteaux; montres et bijoux; (2) l’emploi et l’enregistrement (no 0549924) de la même marque aux États‑Unis en liaison avec des robes; (3) l’emploi et l’enregistrement (no 0937651) de la même marque aux États‑Unis en liaison avec des robes, costumes pantalons, pantalons, shorts, jupes‑culotes, chemisers, vestes, gilets et manteaux pour femmes. La requérante revendique aussi, conformément à l’article 34 de la Loi sur les marques de commerce (la Loi), une date de priorité en vertu de la Convention, fondée sur le dépôt d’une demande correspondante (no 76/204572) aux É.‑U le 5 février 2001.

 

 

 

 


La Division des examens du Bureau des marques de commerce a soulevé un certain nombre d’objections à l’égard de la demande. La requérante les a réfutées avec succès. Le Bureau a exigé d’elle qu’elle produise des copies certifiées des enregistrements américains no 0549924 et 0937651 des marques de commerce. La requérante les lui a remises le 9 juin 2003.

 

La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du 27 août 2003 du Journal des marques de commerce. Le 24 octobre 2003, JCorp Inc. a produit une opposition. Le registraire a transmis une copie de la déclaration d’opposition à la requérante le 4 novembre 2003. La requérante y a répondu en déposant et signifiant une contre‑déclaration. Seule l’opposante a présenté une preuve : l’affidavit de Marc Serero, directeur financier de la société opposante. Ni l’une ni l’autre partie n’a produit d’observations écrites, mais toutes deux ont été représentées à l’audience. La présente demande d’enregistrement, introduite par Delan Enterprises, Inc., a été cédée à One Step Up Ltd. au cours de l’instance.

 

déclaration dopposition

La déclaration d’opposition peut être résumée comme suit :

 

A)        La demande ne respecte pas l’alinéa 30 b) de la Loi parce que la requérante a employé la marque visée par la demande avant la date de production de la demande (à savoir avant le 5 février 2001, date de priorité).

 

B)        La demande ne respecte pas l’alinéa 30d) de la Loi parce que la requérante n’a pas employé et enregistré la marque visée par la demande aux É.‑U. en liaison avec des robes, costumes pantalons, pantalons, shorts, jupes‑culottes, chemisiers, vestes, gilets et manteaux pour femmes avant la date de production de la demande (à savoir avant le 5 février 2001, date de priorité).

 


C)        La demande ne respecte pas l’alinéa 30e) de la Loi parce que la requérante n’avait pas l’intention d’employer la marque visée par la demande au Canada en liaison avec des robes, costumes pantalons pour femmes, chasubles pour femmes, vêtements sport pour femmes; shorts pour femmes; shorts; jupes; chemisiers; manteaux; montres et bijoux à la date de production de la demande (à savoir le 5 février 2001, date de priorité).

 

D)        La marque visée par la demande n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)d) parce qu’elle crée de la confusion avec la marque déposée JONATHAN G Design, enregistrement no 285114, de l’opposante en liaison avec les marchandises jeans et JONATHAN G Design, enregistrement no 451591, qui vise les marchandises lunettes de soleil, montres, bijoux, ceintures, sacs à main, valises, chapeaux; vêtements, nommément jeans, chandails, sous‑vêtements, chaussettes; vêtements d’extérieur, nommément manteaux, capes, ponchos, vestes, anoraks, manteaux de pluie, pantalons, blouses, robes, tee-shirts, pulls d’entraînement, pantalons d’entraînement, espadrilles, blazers, jupes, shorts; chaussures, nommément chaussures tout‑aller en toile, pantoufles et sandales.

 

 

 

 

 

 

 

no d’enregistrement  285114                          no d’enregistrement  451591

 

E)        La requérante n’a pas le droit, en vertu des alinéas 16(2)a) et 16(3)a), d’enregistrer la marque visée par la demande parce que, à la date de priorité, la marque visée par la demande créait de la confusion avec les marques susmentionnées de l’opposante antérieurement employées au Canada.

 

F)         (voir plus bas)

 

G)        La marque visée par la demande n’est pas distinctive des marchandises de la requérante.

 

 

Le motif F) de la déclaration d’opposition se fonde sur les alinéas 16(2)b) et 16(3)b) de la Loi. L’acte de procédure contient toutefois des erreurs flagrantes dont a traité la requérante dans sa contre‑déclaration. Comme l’opposante n’a pas modifié son acte de procédure, je conclus que le motif F) ne soulève pas de motif d’opposition valide.

 


Les deux marques de l’opposante (no d’enregistrement 285114 et 451591) sont tellement semblables qu’on peut considérer que l’une est la variation de l’autre. Par conséquent, je ferai parfois simplement référence à JONATHAN G, au singulier, pour désigner ces deux marques.

 

preuve de lopposante

On peut résumer comme suit la déposition de M. Serero. L’opposante est une entreprise familiale qui a commencé à exercer ses activités en 1959 comme grossiste et importatrice de chaussettes et de sous‑vêtements. À l’heure actuelle, elle conçoit une vaste gamme de vêtements pour hommes, femmes, garçons et filles sous divers noms commerciaux. Les vêtements sont fabriqués pour l’opposante, qui les vend ensuite à titre de grossiste à des détaillants partout en Amérique du Nord. M. Serero déclare que la marque JONATHAN G a été créée à la fin des années 70. Je note toutefois que le document joint à l’affidavit de M. Serero indique que la marque visée par l’enregistrement no 285114 a été employée pour la première fois en 1983, tandis que le premier emploi de la marque visée par l’enregistrement no 451591 remonte à 1995. Il se pourrait que la marque JONATHAN G ait été employée depuis les années 70 mais pas en liaison avec les marchandises visées par les enregistrements de l’opposante.

 


Depuis 1994, les ventes de vêtements de l’opposante portant la marque JONATHAN G s’élèvent à environ 135 millions de dollars. L’opposante a vendu des vêtements JONATHAN G à de nombreux détaillants canadiens, y compris Eaton, K‑Mart, la Baie, Giant Tiger et Zellers. La marque JONATHAN G de l’opposante (en lettres cursives ou en caractères d’imprimerie) figure bien en vue sur des étiquettes volantes attachées à des vêtements, sur des articles de papeterie employés par l’opposante et sur diverses formes de publicité imprimée. Depuis 1997, l’étiquette JONATHAN G est reconnue pour être l’une des marques dominantes d’articles « fabriqués au Canada ». L’opposante a enregistré divers noms de domaine incorporant la composante « jonathan-g » et utilise son site Web pour faire la promotion de la marque de vêtements JONATHAN G.

 

charge de présentation de lopposante

Bien que le fardeau ultime repose sur la requérante, qui doit démontrer que sa demande respecte l’article 30 de la Loi, l’opposante doit s’acquitter du fardeau initial de présentation à l’égard des motifs fondés sur l’article 30 : voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R.(3d) 325, aux pages 329 et 330. Pour s’acquitter de la charge de présentation à l’égard d’un point en particulier, l’opposante doit présenter suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués au soutien de ce point. En l’espèce, l’opposante n’a présenté aucune preuve relativement aux trois premiers motifs d’opposition. Elle ne s’est pas acquittée du fardeau de présentation qui lui incombait à l’égard des motifs d’opposition fondés sur l’article 30, lesquels sont par conséquent rejetés.

 

question principale


En ce qui concerne les autres motifs d’opposition, la question déterminante est de savoir si la marque JONATHAN LOGAN Design visée par la demande crée de la confusion avec la marque JONATHAN G de l’opposante. Les dates pertinentes pour l’examen de la question de la confusion sont (i) la date de ma décision pour le motif d’opposition selon lequel la marque n’est pas enregistrable; (ii) la date d’opposition (24 octobre 2003) pour le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif; (iii) la date de production de la demande (à savoir le 5 février 2001, date de priorité) pour les autres motifs d’opposition alléguant l’absence de droit à l’enregistrement. Pour un examen de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les procédures d’opposition, voir American Retired Persons c. Association canadienne des individus retraités (1998), 84 C.P.R.(3d) 198, aux pages 206 à 209 (C.F. 1re inst.). Toutefois, dans les circonstances de l’espèce, la date pertinente pour l’appréciation de la question de la confusion n’a pas un caractère déterminant.

 


La requérante a la charge ultime d’établir qu’il n’existe pas de risque de confusion au sens du paragraphe 6(2) de la Loi entre la marque JONATHAN LOGAN Design visée par la demande et la marque JONATHAN G de l’opposante. Le fait que le fardeau de persuasion repose sur la requérante signifie que la question doit être tranchée à son encontre si, une fois toute la preuve présentée, l’on ne parvient pas à une conclusion bien définie : voir John Labatt Ltd. c. Les Compagnies Molson Ltée (1990), 30 C.P.R.(3d) 293, aux pages 297 et 298 (C.F. 1re inst.). Le critère de la confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Pour décider si deux marques créent de la confusion, il faut tenir compte des facteurs exposés au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération, mais tous n’ont pas nécessairement le même poids. Le poids qu’il convient de donner à chaque facteur dépend des circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R.(3d) 308 (C.F. 1re inst.).

 

facteurs exposés au paragraphe 6(5)


La marque JONATHAN G de l’opposante ne possède par un degré élevé de caractère distinctif inhérent parce qu’on reconnaîtrait que la première composante est un prénom et que la deuxième composante est tout simplement une lettre de l’alphabet. La marque JONATHAN LOGAN Design visée par la demande ne possède pas non plus un degré élevé de caractère distinctif inhérent parce qu’elle serait perçue comme étant le nom d’une personne réelle ou fictive. La caractéristique graphique des lettres cursives ne renforce pas son caractère distinctif inhérent : voir Canadian Jewish Review Ltd. c. Le registraire des marques de commerce (1961), 37 C.P.R. 89 (Cour de lÉchiquier). Du moins en l’absence de contre‑interrogatoire, je suis disposé à inférer à partir de l’affidavit de M. Serero, malgré le manque de précision de celui‑ci, que la marque JONATHAN G de l’opposante a acquis une notoriété importante au Canada en liaison avec des vêtements à tous les moments pertinents. Rien ne prouve que la marque visée par la demande a acquis une quelconque notoriété à l’un ou l’autre des moments pertinents. La période pendant laquelle les marques en cause ont été en usage joue en faveur de l’opposante. Le genre de marchandises des parties est essentiellement le même. L’opposante n’a toutefois pas présenté de preuve d’emploi de ses marques à l’égard de marchandises autres que des vêtements. En l’absence de preuve contraire, je présume que les marchandises des parties emprunteraient soit les mêmes canaux de distribution soit des canaux de distribution qui s’entrecoupent.

 

Les marques en litige se ressemblent beaucoup sur le plan de la présentation et des idées qu’elles suggèrent, mais la ressemblance est moindre sur le plan du son. À cet égard, les deux marques ont comme préfixe la composante JONATHAN et c’est la première partie d’une marque de commerce qui est la plus pertinente aux fins de distinction : voir Pernod Ricard c. Molson Breweries (1992), 44 C.P.R. (3d) 359, p. 370 (C.F. 1re inst.). De plus, les polices cursives qui forment les marques des parties comportent une certaine similarité et les marques en litige suggèrent un nom de personne réelle ou fictive (quoique des personnes différentes). En d’autres mots, l’effet visuel global des marques en litige est semblable. Il existe une différence nette entre les marques dans le son lorsqu’on les prononce au complet, mais, comme nous l’avons dit, c’est la première partie d’une marque de commerce qui est la plus pertinente aux fins de distinction. Je sais par ailleurs que des différences relativement faibles peuvent suffire à distinguer une marque de l’autre lorsque les marques sont intrinsèquement faibles : voir GSW Ltd. c. Great west Steel Industries Ltd. (1975), 22 C.P.R.(2d) 154 (C.F. 1re inst.).

 

décision partagée


Compte tenu de ce qui précède et gardant à l’esprit les différences entre les marques en litige, je conclus néanmoins que la requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les marques en litige ne créent pas de la confusion à l’égard des articles vestimentaires de la requérante. La demande est par conséquent rejetée à l’égard de tous les articles vestimentaires.

 

Cependant, comme l’opposante n’a pas établi la notoriété de ses marques à l’égard des marchandises « montres et bijoux », l’opposition est rejetée à l’égard de ces marchandises.

 

La décision Produits Ménagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH (1986), 10 C.P.R.(3d) 482 (C.F. 1re inst.) fait autorité en ce qui concerne les décisions partagées.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 1ER DÉCEMBRE 2006

 

 

 

 

Myer Herzig,

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

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