Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS TRADUCTION

 

Référence : 2011 COMC 149

Date de la décision : 2011-08-22

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Ultramar Ltée/Ultramar Ltd. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 851237 pour la marque de commerce GOLD EAGLE au nom de Gold Eagle Co.

Dossier

[1]        Le 18 juillet 1997, Gold Eagle Co. a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce GOLD EAGLE, fondée sur son emploi au Canada depuis au moins aussitôt que le 31 janvier 1989, en liaison avec :

Additif chimique pour empêcher la formation de gomme et de vernis dans les systèmes d’alimentation en carburant, vendu en contenants de distribution.

 

[2]        La Section de l’Examen des marques de commerce de l’Office a avisé la requérante qu’elle considérait la marque en cause comme étant non enregistrable en ce qu’elle crée de la confusion avec deux marques de commerce déposées, à savoir GOLDEN EAGLE et GOLDEN EAGLE & Dessin, lesquelles sont employées en liaison avec les marchandises [traduction] « essence, mazout, pétrole de chauffage et huile combustible pour diesel ». La requérante a répondu à l’objection en faisant valoir que les marques citées coexistent avec la marque GOLD EAGLE visée par la demande aux États-Unis depuis 1933 sans qu’il y ait confusion. La requérante a également noté que ses marchandises sont vendues dans des contenants distributeurs, alors que les marchandises liées aux marques citées sont vendues soit à la pompe dans des stations-service vendant des carburants pour automobile, soit sur le marché de gros. La Section de l’Examen des marques de commerce a accepté les arguments de la requérante, et la marque visée a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 11 juillet 2001.

 

[3]        La demande a ensuite fait l’objet d’une opposition le 11 décembre 2001 par Ultramar Ltée/Ultramar Ltd., la propriétaire des deux marques déposées citées par la Section de l’Examen des marques de commerce. En application du paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, le registraire a fait parvenir à la requérante une copie de la déclaration d’opposition le 22 janvier 2002. La requérante a répondu en produisant et signifiant une contre-déclaration dans laquelle elle nie l’ensemble des allégations contenues dans la déclaration d’opposition.

 

[4]        L’opposante, avec le consentement de la requérante, a obtenu plusieurs prorogations de délai pour présenter sa preuve, de sorte que la preuve de l’opposante, constituée de l’affidavit de Jennifer Overend, n’a pas été déposée avant le 19 mai 2006. La requérante a choisi de ne pas présenter de preuve à l’appui de sa demande. Seule l’opposante a produit un plaidoyer écrit.

 

[5]        L’opposante a demandé la tenue d’une audience en vertu du paragraphe 46(4) du Règlement sur les marques de commerce, le 16 février 2010. La requérante a fait de même le 5 mars 2010. Toutefois, la demande de la requérante a été présentée un jour trop tard. La Commission a avisé la requérante, dans un avis daté du 16 mars 2010, qu’elle devait présenter une demande de prorogation rétroactive du délai pour que sa demande soit considérée. La requérante n’a pas répondu à l’avis du 16 mars. Dans une lettre datée du 2 mai 2011, la Commission a avisé l’opposante, ainsi que la requérante, qu’une audience était prévue pour le 5 juillet 2011, à 10 h. La requérante a confirmé sa présence le 2 juin 2011. La requérante n’a pas répondu à l’avis du 2 mai. Le 28 juin 2011, l’opposante a soumis la liste des décisions de jurisprudence sur lesquelles elle comptait s’appuyer à l’audience. La requérante a fait de même le 29 juin.

 

Décision préliminaire à l’audience

[6]        Le 30 juin, l’opposante a produit des arguments s’opposant à la présence de la requérante à l’audience aux motifs que la requérante (i) n’a pas demandé la tenue d’une audience dans le délai prescrit et (ii) qu’elle n’a pas répondu à l’avis du registraire du 16 mars 2010. L’opposante a également fait valoir que toute demande de prorogation rétroactive du délai par la requérante pour répondre à l’avis du 16 mars devrait être refusée.

 

[7]        Les deux parties se sont présentées à l’audience le 5 juillet. À titre préliminaire, avant d’entendre l’affaire au fond, j’ai demandé à la requérante de présenter ses observations sur la question de savoir si elle devait être autorisée à présenter des arguments à l’audience. La requérante a produit un plaidoyer écrit, daté du 4 juillet 2011, ainsi que des observations orales, demandant une prorogation rétroactive du délai comme la Commission l’avait requis initialement dans son avis du 16 mars 2010. La requérante a déclaré s’être trompée et avoir noté le 5 mars 2010, au lieu du 4 mars 2010, comme date limite pour demander la tenue d’une audience. De plus, la requérante a fait valoir qu’elle était engagée dans plusieurs affaires connexes avec l’opposante et que cela explique probablement le fait que l’avis du 16 mars 2010 a été perdu. L’avis du 16 mars n’a jamais été porté à l’attention de la requérante, de sorte que la requérante n’était pas au courant de ses erreurs procédurales avant de lire la lettre de l’opposante du 30 juin 2011 (citée au paragraphe 6, ci-dessus).

 

[8]        Je n’ai aucune raison de douter de la véracité des observations de la requérante. J’ai avisé les parties de ma décision d’accorder une prorogation rétroactive du délai à la requérante à l’égard de l’avis du 16 mars après que les deux parties eurent présenté leurs observations sur la question. J’ajouterais également qu’à mon avis, mises à part les considérations liées aux exigences procédurales prévues par la Loi, la conduite de la requérante en l’espèce et le préjudice possiblement subi par l’opposante ne sont pas graves au point de priver la requérante de son droit de participer à l’audience, prévu par la Loi sur les marques de commerce.

 

Déclaration d’opposition

[9]        L’opposante plaide, entre autres choses, ce qui suit :

[traduction] L’opposante est la propriétaire d’une famille de marques de commerce déposées comprenant les mots GOLDEN EAGLE et/ou un élément graphique ayant la forme d’un aigle (ci‑après « les marques de commerce GOLDEN EAGLE de l’opposante »). Les marques de commerce GOLDEN EAGLE de l’opposante sont déposées en liaison avec des marchandises et des services liés de près aux marchandises et aux services figurant dans la demande d’enregistrement de la requérante pour la marque de commerce GOLD EAGLE.

 

[10]      Les motifs d’opposition sont résumés ci-dessous :

 

            1. Selon le premier motif d’opposition, la présente demande n’est pas conforme à l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, en ce que les mots GOLD EAGLE n’ont pas été employés par la requérante depuis janvier 1989, comme l’indique la demande.

 

            2. Selon le deuxième motif, la présente demande ne respecte pas les exigences de l’article 30 de la Loi en ce que la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque GOLD EAGLE, car elle connaissait, ou aurait dû connaître [traduction] « les marques de commerce GOLD EAGLE de l’opposante »

 

3.                  Selon le troisième motif, fondé sur l’alinéa 12(1)d), la marque visée par la demande n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec les marques déposées de l’opposante énumérées ci-dessous.

 

 

 

Marque déposée

 

No d’enregistrement

 

Marchandises/Services

 

AIGLE D’OR

 

 

145 304

 

Essence [...] huiles lubrifiantes

 

 

 

145 305

 

 

Essence [...] Stations‑service et centre automobile auto

 

GOLDEN EAGLE

 

 

145 303

 

Essence

 

 

 

125 715

 

 

Essence

 

 

 

351 666

 

 

Essence, huile à moteur […] programmes d’entretien mécanique

 

 

 

 

210 661

 

 

Huile […] lubrifiants

 

 

 

 

210 720

 

 

Huiles, graisses et lubrifiants et carburants industriels [...]

 

 

 

343 240

 

 

Stockage en libre-service et services d’entreposage

 

 

 

502 282

 

 

Essence, lubrifiants [...]

exploitation de stations‑service

 

 

 

 

502 278

 

 

Essence, lubrifiants [...]

exploitation de stations‑service

 

 

            4. Selon le quatrième motif, fondé sur l’alinéa 16(1)a) de la Loi, la requérante n’est pas autorisée à enregistrer la marque visée par la demande d’enregistrement parce qu’à la date de premier emploi de la marque, à savoir le 18 juillet 1997, la marque GOLD EAGLE visée par la demande créait de la confusion avec les marques sur lesquelles l’opposante s’est appuyée à l’égard du troisième motif (à l’exception des marques VALEUR PLUS & Dessin et VALUE PLUS & Dessin), lesquelles avaient été préalablement employées au Canada.

 

            5. Selon le cinquième et dernier motif, fondé sur l’article 2, la marque GOLD EAGLE visée par la demande ne permet pas de distinguer les marchandises de la requérante de celles des autres, [traduction] « incluant les marchandises de l’opposante employées en liaison avec les marques de commerce GOLDEN EAGLE de l’opposante ».

 

 

 

preuve de l’opposante

Affidavit de Jennifer Overend souscrit le 17 mai 2006

[11]      Mme Overend est la secrétaire générale et la directrice des services juridiques de l’entreprise de l’opposante. Cette dernière est une des plus grandes entreprises de raffinage et une des plus grandes vendeuses de produits pétroliers au Canada et détient environ vingt-deux enregistrements pour la marque de commerce « GOLDEN EAGLE » employés en liaison avec des carburants et des services connexes.

 

[12]      Je note que la caractéristique commune principale des enregistrements de la marque « GOLDEN EAGLE » sur lesquels s’appuie l’opposante est une représentation d’un aigle qui est montré avec la couleur jaune sur le marché.

 

[13]      L’opposante possède un large réseau de stations-service, de dépanneurs et de lave‑autos dans l’est de l’Ontario, au Québec et dans les provinces de l’Atlantique comprenant plus de 980 stations-service, 220 magasins et 70 lave-autos. La pièce B de l’affidavit de Mme Overend consiste en une photographie d’une station-service montrant la représentation graphique d’un aigle doré similaire à l’aigle décrit dans les enregistrements nos 145 305 et 125 715. La photographie indique que les stations-service de l’opposante sont identifiées principalement par la marque (et/ou le nom commercial) ULTRAMAR et que le dessin d’aigle doré est présenté comme une marque distincte et moins évidente.

 

[14]      L’opposante vend quatre types d’essence dans ses points de vente, c’est-à-dire Ordinaire, Plus, Suprême et Diesel. Sur son site Web, l’opposante déclare ce qui suit :

Toutes nos essences contiennent un additif unique qui permet un rendement optimal en gardant propres les systèmes de distribution du carburant.

 

Mme Overend déclare que l’opposante offre également des produits et des services de chauffage domestique [traduction] « en liaison avec certaines des marques de la famille de marques GOLDEN EAGLE ». On peut supposer que ces ventes ont été faites sous les marques enregistrées en liaison avec les marchandises et services de chauffage domestique :

 

                                                                                                                                                                       

                                               

 

 

 

Les illustrations ne montrent peut-être pas clairement que la représentation de l’aigle doré de l’opposante se trouve dans l’élément rectangulaire des marques ci-dessus.

 

[15]      Les revenus des ventes pour les produits et services de « la famille de marques GOLDEN EAGLE » ont dépassé 4 milliards de dollars par année de 2001 à 2005. Les frais de publicité pour les [traduction] « marques GOLDEN EAGLE d’Ultramar » à la télévision, sur Internet et sur des affiches en magasin représentent des millions de dollars par année. On peut présumer que les revenus de vente susmentionnés et les dépenses en publicité incluent les ventes et la publicité pour le chauffage domestique.

 

[16]      Après avoir examiné le registre des marques de commerce, j’ai noté (à cet égard, voir Quaker Oats Co. of Canada c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 C.P.R.(3d) 410, p. 411 (COMC)) que les quatre premières marques sur lesquelles l’opposante s’est appuyée à l’appui du troisième motif d’opposition, à savoir AIGLE D’OR; AIGLE D’OR & Dessin; GOLD EAGLE; GOLD EAGLE & Dessin, ont été radiées du registre pour non‑emploi en mars et en avril 2010. Évidemment, ces radiations ne sont pas déterminantes en l’espèce pour trancher la question de savoir si les marques ont été employées ou sont employées. La question de savoir si une marque a été employée par une partie, et le cas échéant, dans quelle mesure elle l’a été, est tranchée sur la base de la preuve au dossier de l’instance.

 

Fardeau ultime et fardeau de preuve initial

[17] C’est à la requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce comme le fait valoir l’opposante dans sa déclaration d’opposition. Toutefois, conformément aux règles habituelles de la preuve, l’opposante doit aussi s’acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels reposent les allégations contenues dans sa déclaration d’opposition : voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée, 30 C.P.R. (3d) 293, p. 298. Le fait qu’un fardeau de preuve initial soit imposé à l’opposante relativement à une question donnée signifie que la question ne sera examinée que s’il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question.

 

Premier et deuxième motifs d’opposition

[18]      L’opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve concernant le premier motif d’opposition et ce dernier est donc rejeté. En ce qui concerne le deuxième motif d’opposition, l’alinéa 30i) s’applique si une fraude de la part de la requérante est alléguée ou si des dispositions législatives fédérales précises empêchent l’enregistrement de la marque visée par la demande : voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155, et Société canadienne des postes c. Registraire des marques de commerce (1991), 40 C.P.R. (3d) 221. En l’espèce, les allégations n’étayent pas le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i), et celui-ci est donc rejeté.

 

question principale et dates pertinentes

[19]      La question principale en ce qui concerne les autres motifs d’opposition est celle de savoir si la marque GOLD EAGLE visée par la demande crée de la confusion avec une ou plusieurs marques de l’opposante. Il incombe à la requérante de démontrer qu’il n’y aurait, entre la marque visée par la demande et la marque de l’opposante, aucune probabilité raisonnable de confusion au sens du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, lequel est reproduit ci-dessous :

 

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées […] ou que les services liés à ces marques sont […] exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

 

[20]      Ainsi, le paragraphe 6(2) ne concerne pas la confusion entre les marques elles‑mêmes, mais plutôt celle entre les marchandises ou les services d’une source avec les marchandises ou les services d’une autre source. En l’espèce, la question posée par le paragraphe 6(2) consiste à se demander s’il est possible que les additifs pour carburant de la requérante vendus sous la marque nominale GOLD EAGLE soient en fait des produits provenant de l’opposante ou des produits présentés ou approuvés par celle-ci.

 

 [21] Les dates pertinentes pour l’appréciation de la question de la confusion sont (i) la date de la décision, pour le motif d’opposition fondé sur le caractère non enregistrable (ii) la date du premier emploi allégué de la marque pour le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement, en l’espèce le 31 janvier 1989; et (iii) la date de dépôt de la déclaration d’opposition, en l’espèce le 11 décembre 2001, à l’égard du motif d’opposition portant sur l’absence de caractère distinctif : pour un examen de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les affaires d’opposition, voir American Retired Persons c. Canadian Retired Persons (1998), 84 C.P.R.(3d) 198, p. 206 à 209 (C.F. 1re inst.). Évidemment, l’opposante ne peut s’appuyer sur ses marques AIGLE D’OR; AIGLE D’OR & Dessin; GOLD EAGLE; GOLD EAGLE & Dessin, qui ne figurent plus au registre des marques de commerce, en ce qui a trait au troisième motif d’opposition.

 

 

 

test en matière de confusion

[22] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs dont il faut tenir compte pour décider si deux marques créent de la confusion sont « toutes les circonstances de l’espèce, y compris » celles expressément prévues au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chacune des marques a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. Les facteurs n’ont pas nécessairement tous le même poids et l’importance à accorder à chacun d’eux dépend des circonstances: voir Gainers Inc.c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R.(3d) 308 (C.F. 1re inst.).

 

Examen des facteurs énoncés au paragraphe 6(5)

a)         caractères distinctifs inhérent et acquis

[23]      La marque GOLD EAGLE visée par l’enregistrement ne possède pas un caractère distinctif fort parce qu’elle est composée de mots du dictionnaire appartenant à la langue courante. Il s’agit d’une marque relativement faible. Les marques de l’opposante sont également, pour la plupart, relativement faibles puisque (i) les mots GOLDEN EAGLE désignent également un oiseau de proie bien connu de l’hémisphère nord, (ii) la représentation d’un aigle doré n’est pas plus distinctive en soi que les mots GOLDEN EAGLE. Évidemment, cela est également vrai pour les marques comprenant les mots AIGLE D’OR, qui est la traduction française de GOLDEN EAGLE. Les marques de l’opposante qui possèdent le caractère distinctif inhérent le plus fort sont les marques qui comprennent le mot inventé ULTRAMAR. Toutefois, le caractère distinctif inhérent de ces marques est amoindri dans la mesure où la partie ULTRA possède un caractère laudatif, c’est-à-dire, qui est supérieur à la norme.

 

[24]      En l’espèce, tout comme dans les autres instances judiciaires ou quasi judiciaires, les parties doivent faire la preuve de tous les aspects de leur cause. Cela présente quelques difficultés pour l’opposante parce que la preuve de Mme Overend concernant l’emploi de ses marques est formulée de manière tellement générale que je suis incapable de tirer des conclusions certaines pour déterminer quelles marques de l’opposante ont pu être largement employées et quelles marques n’ont pu l’être que minimalement. Vu mon examen de la preuve documentaire, il semble que la marque ULTRAMAR ait été employée pour identifier les marchandises et services de l’opposante, et je suis disposé à conclure, sur la base d’une analyse objective de l’ensemble de la preuve et en l’absence de contre‑interrogatoire, à l’existence d’une réputation importante pour la marque ULTRAMAR à toutes les époques pertinentes. Toutefois, je suis forcé de conclure que la réputation des autres marques de l’opposante est minimale. De la même manière, comme la requérante n’a fourni aucune preuve, je suis forcé de conclure que la réputation de sa marque à toutes les époques pertinentes est minimale. Par conséquent, le premier facteur, qui est une combinaison de réputation inhérente et acquise, favorise l’opposante, mais seulement à l’égard de sa marque ULTRAMAR, et n’ajoute donc rien à l’argumentation de l’opposante.

 

[25]      L’opposante s’est référée à sa [traduction] « famille de marques GOLDEN EAGLE » et il est évidemment avantageux pour une opposante de s’appuyer sur une « famille de marques de commerce ». Comme l’a noté le juge MacKay dans Consumers Distributing Co. c. United Consumers Club, Inc. (1991) 35 C.P.R.(3d) 259, p. 272, par. 21 :

La jurisprudence et la doctrine ont établi qu’il existe une présomption selon laquelle les marques qui contiennent des éléments communs constituent une série de marques connexes; considérées en groupe, la probabilité de confusion s’accroît si une autre marque dotée d’éléments communs est déposée pour un autre requérant : voir McDonald’s Corp. c. Yogi Yogurt Ltd. (1982), 66 C.P.R. (2d) 101, 16 A.C.W.S. (2d) 3 (C.F. 1re inst.).

 

[26]      Cependant, à mon avis, l’expression « famille de marques » utilisée par l’opposante pour qualifier son groupe de marques liées n’est peut-être pas appropriée. À cet égard, pour qu’un propriétaire de marque de commerce puisse revendiquer une « famille de marques » il ne suffit pas de s’appuyer sur des enregistrements qui partagent un élément commun. Il doit plutôt y avoir preuve d’un emploi ou d’une réputation pour un certain nombre de ces marques de commerce individuelles afin de profiter de la protection élargie offerte aux familles de marques : voir McDonald’s Corp., précité. En l’espèce, l’opposante n’a pas établi l’existence d’une réputation pour les marques individuelles faisant partie des marques liées et par conséquent, l’opposante ne peut revendiquer la protection destinée à une « famille de marques ».

 

b) la période pendant laquelle les marques ont été en usage

[27]      La requérante revendique l’emploi de sa marque GOLD EAGLE depuis 1989, bien que certaines marques sur lesquelles l’opposante s’est appuyée revendiquent des dates de premier emploi antérieures (mis à part les marques radiées dont il a été question précédemment). Vu l’absence de preuves concernant l’historique de l’emploi réel des marques des parties sur le marché, je conclus que la période pendant laquelle les marques des parties ont été en usage ne favorise aucune des parties.

 

c) et d) le genre de marchandises et de services et la nature du commerce

[28]      Les marchandises de la requérante sont des additifs pour carburant et sont donc liées aux marchandises et aux services de l’opposante. Par conséquent, il semble y avoir un risque de chevauchement quant à la nature du commerce des parties, puisque la requérante vendra probablement ses marchandises aux stations-service de l’opposante pour qu’elles soient revendues aux consommateurs. Toutefois, comme l’a noté l’avocat de la requérante à l’audience, ce chevauchement de marché serait entièrement contrôlé par l’opposante. Néanmoins, le lien entre les marchandises de la requérante et les marchandises et services de l’opposante est un facteur qui favorise l’opposante.

 

e) ressemblance

[29]      Les marques de l’opposante qui ressemblent le plus à la marque visée par la demande sont celles comprenant, en tout ou en partie, les mots AIGLE D’OR ou GOLDEN EAGLE. Toutefois, comme cela a été dit précédemment, l’opposante ne peut s’appuyer sur ces marques pour faire valoir la non-enregistrabilité de la marque visée par la demande d’enregistrement. Les autres marques de l’opposante qui ressemblent le plus à la marque visée par la demande sont celles qui incluent, en partie, une représentation symbolique d’un aigle doré. À cet égard, l’idée suggérée par le symbole est la même que l’idée suggérée par la marque nominale GOLDEN EAGLE visée par la demande. Comme cela a été dit précédemment, la preuve de l’opposante n’est pas assez précise pour que je puisse conclure qu’une des marques de l’opposante composée des mots AIGLE D’OR ou GOLDEN EAGLE, ou du dessin d’un aigle comme élément principal, a acquis plus qu’une faible réputation au Canada. La marque ULTRAMAR de l’opposante, qui a acquis une grande réputation, ne ressemble aucunement à la marque GOLD EAGLE visée par la demande. Dans les circonstances, la ressemblance entre les marques des parties ne favorise pas l’opposante.

 

Décision

[30]      Compte tenu de ce qui précède, et en gardant plus particulièrement à l’esprit que la preuve de l’opposante ne fait qu’établir une réputation minimale pour ses marques autres que la marque ULTRAMAR, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucun risque raisonnable de confusion, à toutes les époques pertinentes, entre la marque GOLD EAGLE visée par la demande et l’une quelconque des marques de l’opposante. J’ajouterais que l’issue aurait probablement favorisé l’opposante si elle avait été en mesure de s’appuyer sur ses marques radiées en ce qui a trait au troisième motif d’opposition, où il est moins important pour l’opposante de démontrer l’acquisition d’une réputation pour les marques déposées sur lesquelles elle s’appuie.

 

[31]      Vu ce qui précède, l’opposition est rejetée. Cette décision est rendue en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

___________________

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Vincent

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