Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 177

Date de la décision : 2016-10-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

Engineers Canada / Ingénieurs Canada

Opposante

et

 

Nicholas Reginald Bryant

Requérant



 

 

 

1,620,519 pour la marque de commerce LET NICK ENGINEER YOUR NEXT MOVE!

 

Demande

[1]               Le 2 avril 2013, Nicholas Reginald Bryant (le Requérant) a produit la demande d’enregistrement no 1,620,519 pour la marque de commerce LET NICK ENGINEER YOUR NEXT MOVE! (la Marque) sur la base de l’emploi au Canada depuis le 27 septembre 2012 en liaison avec les services suivants [Traduction] :

Marketing immobilier au profit du public, services de consultation en immobilier au profit d’acheteurs et de vendeurs d’habitations, marketing immobilier et évaluations de propriétés, évaluation financière de biens immobiliers, négociations, transactions immobilières au profit de tiers, courtage immobilier, présentations de marketing et services d’analyse de marketing, services de recherche dans le domaine de l’immobilier, données de recherche sur des biens immobiliers historiques, données sur des biens immobiliers actuels, services immobiliers commerciaux, services immobiliers industriels, services immobiliers relatifs à des propriétés en location, services immobiliers relatifs à des propriétés pour le commerce de détail, services immobiliers relatifs à des locaux à bureaux en location, services immobiliers agricoles, services immobiliers relatifs à des fermes ou ranchs, élaboration de campagnes de marketing dans le domaine de l’immobilier, développement de logiciels dans le domaine de l’immobilier, conception de sites Web dans le domaine de l’immobilier, services de coaching dans le domaine de l’immobilier, séminaires dans le domaine de l’immobilier, enseignement dans le domaine de l'immobilier au profit du public, services de consultation en matière de promotion immobilière, services immobiliers relatifs à des terrains vagues et services immobiliers relatifs à des terrains commerciaux, nommément complexes de condominiums et d'habitations, propriétés riveraines, propriétés de loisirs, domaines, vente de maisons neuves, conversion d’appartements, services de détermination du prix d’habitation au profit d’acheteurs et de vendeurs, enseignement et services en matière de placements immobiliers, avis publics concernant les nouvelles inscriptions immobilières, services de mise en valeur de propriétés pour vendeurs de maisons.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 9 juillet 2014. Engineers Canada / Ingénieurs Canada (l’Opposante), une fédération qui regroupe les douze ordres provinciaux et territoriaux des ingénieurs du Canada, s’est opposée à la demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) en produisant une déclaration d’opposition le 9 décembre 2014. Les motifs d’opposition, qui seront exposés plus en détail ci-après, sont fondés sur les articles 30b), 30i), 12(1)b), 12(1)e) et 2 de la Loi.

[3]               Le Requérant a produit une contre-déclaration dans laquelle il nie les allégations formulées dans la déclaration d’opposition. Je souligne que dans sa contre-déclaration, le Requérant allègue aussi, entre autres choses, que la Marque était employée sur un grand nombre de supports différents au moment où la demande a été produite. Cependant, le Requérant n'a pas produit la moindre preuve par voie d’affidavit ou de déclaration solennelle à l'appui de cette allégation précise. Je reviendrai sur ce point un peu plus loin, dans mon examen du motif d’opposition fondé sur l’article 30b).

[4]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Kimberly John Allen, directrice générale de l’Opposante, souscrit le 4 mai 2015 (l’affidavit Allen); l’affidavit de D. Jill Roberts, diplômée du programme de technique juridique du Cambrian College de Sudbury, souscrit le 12 mai 2015 (l’affidavit Roberts); et l’affidavit de David Grubb, un employé du cabinet des agents représentant l’Opposante dans la présente procédure, souscrit le 28 mai 2015 (l’affidavit Grubb).

[5]               Au soutien de sa demande, le Requérant a produit son propre affidavit, souscrit le 6 août 2015. Le Requérant a également produit une copie certifiée du certificat d’enregistrement original au nom de Nicholas Reginald Bryant, ing., délivré par l’Association of Professional Engineers and Geoscientists [ordre des ingénieurs et géoscientifiques professionnels] de la Colombie-Britannique et daté du 13 septembre 1994, ainsi qu’une copie certifiée de la carte de membre de 2015 délivrée à Nicholas Reginald Bryant, ing. par ce même ordre.

[6]               Il n’y a eu aucun contre-interrogatoire.

[7]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit. Aucune audience n’a été tenue.

[8]               Pour les raisons exposées ci-dessous, l’opposition est rejetée.

Fardeau de preuve

[9]               C’est au Requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Analyse

Motifs d’opposition fondés sur la non-conformité

Article 30b) de la Loi

[10]           L’Opposante a allégué que la demande pour la Marque n'est pas conforme à l’article 30b) de la Loi en ce que [Traduction] :

[...] la [Marque] n’était pas employée au Canada en liaison avec les services décrits dans la demande à la date de production de la demande ou à toute autre date et, subsidiairement, si la [Marque] était employée, ce qui n’est pas admis mais expressément nié, son emploi n’a pas été continu.

[11]           La date pertinente pour l’examen des circonstances relatives à ce motif d’opposition est la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corporation c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 à la p 475 (COMC)].

[12]           Le fardeau initial qui incombe à l’Opposante est léger en ce qui concerne la question de non-conformité à l’article 30b), car les faits concernant le premier emploi par le Requérant relèvent avant tout de la connaissance du Requérant [voir Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC) à la p 89]. L’Opposante peut s’acquitter de ce fardeau en s'appuyant aussi bien sur sa propre preuve que sur la preuve du Requérant [voir Labatt Brewing Co c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst) à la p 230]. Il a été statué que, lorsqu'un opposant souhaite s'appuyer sur la preuve du requérant pour s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’article 30b), l’opposant doit d'abord démontrer que la preuve du requérant met en doute les revendications formulées dans la demande du requérant [voir Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 CF 323 aux para 30 à 38].

[13]           S’appuyant sur la preuve produite par Mme Roberts, l’Opposante soutient que la plus ancienne date de premier emploi de la Marque, qui a pu être déterminée à l’aide d’Internet, est le 17 décembre 2012, et non le 27 septembre 2012 comme il est revendiqué dans la demande [voir les pièces 1 et 2 jointes à l’affidavit Roberts, lesquelles sont constituées de copies de saisies d’écran de la page d'accueil , de la page For My Buyers [pour mes acheteurs], de la page Property Search [recherche de propriétés] et de la page Testimonials [témoignages] du site Web du Requérant situé à l’adresse www.nickbryant.com, que Mme Roberts a consulté le 24 mars 2015, et d’une page archivée de ce site Web datant du 27 décembre 2012 obtenue à l’aide de Wayback Machine le 29 avril 2015]. L’Opposante soutient que cette preuve est suffisante pour lui permettre de s’acquitter du léger fardeau de preuve qui lui incombe au titre de l’article 30b) de la Loi. Comme le Requérant n’a produit aucune preuve à cet égard, l’Opposante soutient que le Requérant ne s’est pas acquitté du fardeau de preuve qui lui incombe au titre de l’article 30b) de la Loi.

[14]           Pour sa part, le Requérant soutient dans son plaidoyer écrit que [Traduction] :

Au moment où la demande a été produite, [la Marque] était employée sur de nombreux supports différents, y compris le site Web de services immobiliers du Requérant, des annonces de visites libres dans les journaux, et des dizaines de milliers d'articles postaux sans adresse distribués par Postes Canada; elle est aussi employée, et continue de l’être, chaque jour depuis ce temps dans le cadre des activités immobilières du Requérant sur chaque document promotionnel sans exception, y compris les cartes d’affaires, des calendriers annuels, des cartes de remerciements préimprimées, des annonces dans les journaux, des annonces dans les médias sociaux, des sites de génération de liens vers des sites Web, et d’autres supports, et ce, jusqu’à aujourd’hui. L’Opposante a même produit une preuve établissant que la [Marque] était employée sur le site Web du Requérant à la date du 17 décembre 2012 (affidavit de D. Jill Roberts, volumes 1 et 2, pièce 2), un site Web qui a été lancé avant la date de production de la demande pour la marque de commerce, et qu’elle a été employée de façon continue depuis.

[15]           Cependant, tel qu'il est indiqué ci-dessus, aucune preuve n’a été produite par le Requérant pour corroborer son allégation d’emploi de la Marque. Cela dit, le Requérant n’était pas tenu de fournir une preuve positive de l’emploi de la Marque depuis la date de premier emploi revendiquée dans sa demande.

[16]           En effet, bien qu’un opposant ait droit de s’appuyer sur la preuve du requérant pour s’acquitter de son fardeau de preuve, le requérant n’est aucunement tenu de prouver l’exactitude de la date de premier emploi qu’il revendique si cette date n’a pas d’abord été mise en doute par un opposant s’acquittant de son fardeau de preuve initial.

[17]           En l’espèce, les résultats obtenus à l’aide de Wayback Machine, joints comme pièce 2 à l’affidavit Roberts, sont postérieurs à la date pertinente. En outre, si la lecture que je fais de ces résultats de recherche est correcte, les pages Web se rapportant au site Web du Requérant, www.nickbryant.com, auraient été [Traduction] « sauvegardées 15 fois entre le 8 février 2011 et le 19 décembre 2014 ». Toutefois, seules les pages d’accueil lancées le 17 décembre 2012 sont jointes à l’affidavit. Même si je supposais que ces pages Web, qui arborent la Marque sous le nom du Requérant en liaison avec des services immobiliers en général, ne sont apparues pour la première fois sur le site Web du Requérant qu’à cette date, cela ne suffit pas pour mettre en doute l’exactitude de la date de premier emploi de la Marque revendiquée par le Requérant. Je souligne que l’état déclaratif des services tel qu’il est défini dans la demande ne se limite aucunement aux services exécutés ou annoncés exclusivement par Internet. Il est tout à fait possible que le Requérant ait commencé à employer la Marque à la date de premier emploi revendiquée autrement que sur son site Web. À cet égard, il convient de souligner que les pages Web font référence à des événements « Open House » [visites libres] qui devaient avoir lieu les 14 et 21 octobre 2012, c'est-à-dire avant le 17 décembre 2012.

[18]           Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait et le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) est rejeté.

Article 30i) de la Loi

[19]           L’Opposante a allégué que la demande pour la Marque n'est pas conforme à l’article 30i) de la Loi, en ce que [Traduction] :

[...] l’emploi du terme « engineer » [ingénieur, concepteur, concevoir] est étroitement réglementé au Canada. Cela étant, le Requérant ne pouvait pas et ne peut pas être convaincu de son [sic] droit à l'emploi de la [Marque] au Canada en liaison avec les services énoncés dans la demande.

[20]           Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i), un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) ne devrait être accueilli que dans des circonstances exceptionnelles, comme lorsqu’il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)] ou lorsqu’il existe une preuve prima facie de la violation d'un texte de loi fédéral [voir Interprovincial Lottery Corp c Monetary Capital Corp (2006), 51 CPR (4th) 447 (COMC) et Interactive Design Pty Ltd c Grafton-Fraser Inc (1998), 87 CPR (3d) 537 (COMC)]. La date pertinente pour l’examen de cette question est la date de production de la demande pour la marque [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd, supra].

[21]           En l’espèce, l’Opposante a précisé à la fois dans les paragraphes d’introduction de sa déclaration d’opposition et dans l’affidavit Allen, les textes de loi spécifiques qui soi-disant rendraient invraisemblable la déclaration faite par le Requérant au titre de l’article 30i). Plus particulièrement, l’Opposante affirme qu'au Canada, l’ingénierie est une profession réglementée par des textes législatifs provinciaux et territoriaux, qui prévoient que seuls les ingénieurs inscrits et titulaires d’un permis dans une province ou un territoire donné sont autorisés à exécuter des services d'ingénierie et à utiliser le titre d'ingénieur professionnel à l'intérieur de cette province ou de ce territoire [voir les paragraphes 2 à 4 de la déclaration d’opposition, les paragraphes 10 à 18 de l’affidavit Allen; et les pièces 2 à 5 de l’affidavit qui fournissent, entre autres choses, une liste des textes législatifs qui régissent la profession d’ingénieur, y compris les articles pertinents de ces textes]. M. Allen affirme également au paragraphe 19 de son affidavit qu’il existe d’autres textes législatifs qui restreignent l’emploi des termes « engineer » [ingénieur, concepteur, concevoir] et « engineering » [ingénierie, génie, conception]. Plus particulièrement, il affirme ce qui suit [Traduction] :

Du point de vue de l’intérêt public, l’importance des restrictions à l’emploi de termes comme « engineer » [ingénieur, concepteur, concevoir] et « engineering » [ingénierie, génie, conception] par des personnes ne détenant pas de permis d’exercice de la profession d’ingénieur au Canada est également démontrée par le fait qu’il existe des textes législatifs et des règlements provinciaux, territoriaux et fédéraux qui comportent des dispositions restreignant effectivement l’emploi des titres d’ingénieur aux seules personnes titulaires d’un permis ou d'une certification. Une liste répertoriant certaines de ces dispositions est jointe comme pièce 6. À titre d'exemple, le Règlement sur les sociétés par actions de régime fédéral, 2001 DORS/2001-512 (article 26) est libellé comme suit (en partie) :

Pour l’application de l’alinéa 12(1)a) de la Loi, une dénomination sociale est prohibée si elle porte à croire que la société [...] c) [...] est parrainée ou contrôlée par une université ou une association de comptables, d’architectes, d’ingénieurs, d’avocats, de médecins, de chirurgiens ou toute autre association professionnelle reconnue par les lois du Canada ou d’une province, ou y est affiliée, à moins que l’université ou l’association professionnelle en cause ne consente par écrit à l’emploi de cette dénomination.

[22]           Or, des allégations de non-conformité à des textes législatifs provinciaux ne constituent pas un fondement adéquat pour un motif d’opposition soulevé au titre de l’article 30i) [Interprovincial Lottery Corp c Monetary Capital Corp, supra et Lubrication Engineers, Inc c Conseil canadien des ingénieurs (1992), 41 CPR (3d) 243 (CAF), à la p 244]. Par conséquent, les textes législatifs provinciaux et territoriaux qui régissent la profession d’ingénieur ne peuvent pas servir de fondement à un motif d’opposition soulevé au titre de l’article 30i).

[23]           Quant aux textes de loi fédéraux , aucun des textes législatifs et règlements énumérés à la pièce 6 de l’affidavit Allen n’a été invoqué dans la déclaration d’opposition. En outre, la seule disposition mentionnée de façon spécifique par l’Opposante est celle concernant les dénominations sociales qui est reproduite ci-dessus au paragraphe 19 de l’affidavit Allen. Comme la demande pour la Marque ne vise pas une dénomination sociale, il ne peut y avoir de preuve prima facie de la violation de ce texte de loi fédéral.

[24]           Enfin, comme l’a souligné le Requérant, et contrairement à l’allégation de l’Opposante portant que [Traduction] « le Requérant n’est inscrit dans aucune juridiction au Canada pour exercer la profession d’ingénieur », la preuve du Requérant montre qu’il est actuellement un membre en règle de l’Association of Professional Engineers and Geoscientists [ordre des ingénieurs et géoscientifiques professionnels] de la Colombie-Britannique (qui est l’un des membres constituants de l’Opposante, selon la liste présentée au paragraphe 2 de la déclaration d’opposition) et qu’il l'a été de façon interrompue depuis 1994.

[25]           Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait et le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) est rejeté.

Motifs d’opposition fondés sur la non-enregistrabilité

Article 12(1)b) de la Loi

[26]           L’Opposante a allégué que [Traduction] :

[...] la demande n’est pas conforme à l’art. 12(1)b) en ce que la [Marque] donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des services en liaison avec lesquels elle est employée, ou en liaison avec lesquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, de leur exécution ou de leur fourniture, ou des personnes qui les produisent, les exécutent ou les fournissent. Sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, compte tenu du fait que la [Marque] inclut le terme « engineer » [ingénieur, concepteur, concevoir], lequel est étroitement réglementé au Canada, il s’ensuit que :

i.                    dans la mesure où des membres de la profession d’ingénieur au Canada participent à l’exécution et/ou à la fourniture des services, la [Marque] donne une description claire aussi bien de la nature et de la qualité des services que des personnes qui exécutent et/ou fournissent les services;

ii.                  dans la mesure où des membres de la profession d’ingénieur au Canada ne participent pas à l’exécution et/ou à la fourniture des services, la [Marque] donne alors une description fausse et trompeuse aussi bien de la nature et de la qualité des services que des personnes qui exécutent ou fournissent les services.

[27]           La date pertinente pour l’appréciation d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) est la date de production de la demande [voir Fiesta Barbeques Ltd c General Housewares Corp (2003), 28 CPR (4th) 60 (CF 1re inst)].

[28]           La question de savoir si une marque donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse doit être envisagée du point de vue de l’acheteur moyen des produits ou des services liés à la marque. De plus, il faut éviter d’analyser séparément chacun des éléments constitutifs de la marque; celle-ci doit plutôt être envisagée dans son ensemble et sous l’angle de la première impression [voir Wool Bureau of Canada Ltd c le Registraire des marques de commerce (1978), 40 CPR (2d) 25 (CF 1re inst); et Atlantic Promotions Inc c le Registraire des marques de commerce (1984), 2 CPR (3d) 183 (CF 1re inst)]. Le mot « nature » s’entend d’une particularité, d’un trait ou d’une caractéristique du produit et le mot « claire » signifie « facile à comprendre, évident ou simple » [voir Drackett Co of Canada Ltd c American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29 (C de l’É)].

[29]           Le registraire doit non seulement tenir compte des éléments de preuve dont il dispose, mais également appliquer son sens commun à l’évaluation des faits [voir Neptune SA c Procureur général du Canada (2003), 29 CPR (4th) 497 (CF 1re inst) au para 11]. En d’autres termes, la marque de commerce ne doit pas être examinée de façon isolée, mais en fonction de l’ensemble du contexte des produits et des services [voir Ontario Teachers’ Pension Plan Board c Canada (Procureur général) (2012), 99 CPR (4th) 213 (CAF) au para 29].

[30]           L’Opposante soutient que l’emploi du mot « engineer » [ingénieur, concepteur, concevoir] désigne une personne qualifiée dans un domaine de l'ingénierie, surtout en tant que professionnel certifié. L’Opposante soutient également que les services visés par la demande du Requérant s’inscrivent dans la portée des services qui seraient fournis par des ingénieurs professionnels, ou sous leur supervision, y compris des ingénieurs civils, des ingénieurs en environnement, des ingénieurs en logiciels et des ingénieurs en finance [voir, entre autres, les para 31 à 43 de l’affidavit Allen et les pièces 10 à 14 qui y sont jointes pour une description de quelques-unes des différentes spécialisations de la profession d’ingénieur; voir aussi, entre autres, les para 6 à 9 de l’affidavit Roberts et les pièces 5 à 8 qui y sont jointes pour consulter des imprimés de quelques sites Web d’universités montrant des listes de cours comme « Real Estate Finance » [finance immobilière] et « Real Estate Planning and Development » [planification et promotion de projets immobiliers] offerts dans le cadre de programmes de génie au Canada]. L’Opposante soutient que, comme l’exercice de la profession d’ingénieur englobe un large éventail de domaines d'activités en constante évolution, la présence du mot « engineer » [ingénieur, concepteur, concevoir] dans une marque de commerce employée en liaison avec des services qui recoupent ceux conçus, élaborés et offerts par un ingénieur professionnel indiquerait que la personne ou l'entité fournissant ces services est un membre de la profession d’ingénieur.

[31]           À cet égard, l’Opposante fait observer que M. Allen possède une longue expérience dans le domaine de l’ingénierie et indique, au paragraphe 31 de son affidavit, que selon son examen de la Marque, [Traduction] « il est clair pour [lui], [...] que les services visés par la demande s’inscrivent carrément dans la portée des services qui seraient fournis par des ingénieurs professionnels, ou sous leur supervision, particulièrement des ingénieurs civils, des ingénieurs en environnement, des ingénieurs en logiciels et des ingénieurs en finance ».

[32]           L’Opposante soutient que les annonces que le Requérant a lui-même faites sur son site Web sont encore plus révélatrices du fait que le domaine de l’ingénierie englobe les services visés par la demande du Requérant [voir la pièce 1 de l’affidavit Roberts]. L’Opposante fait observer que le Requérant affirme ce qui suit :

Put your trust in a Realtor® who’s also a registered Professional Engineer: Let me put my high-tech engineering background to work for you and show you the difference! [Faites confiance à un courtier immobilier qui est aussi un ingénieur professionnel inscrit : permettez-moi de mettre à votre service mon expérience de pointe en ingénierie et vous verrez la différence!]

[33]           L’Opposante soutient qu’il est très évident que le Requérant annonce ses services en liaison avec son expérience en tant qu’ingénieur professionnel. L’Opposante soutient que le fait que le Requérant indique lui-même que ses activités sont optimisées par son expérience et son travail en tant qu’ingénieur professionnel amène à conclure que le consommateur moyen, à la vue de la Marque, supposerait que le Requérant est un ingénieur professionnel exécutant les services visés par la demande dans le cadre de ses activités professionnelles normales. Au sujet de certains des témoignages que le Requérant a affichés sur son site Web, l’Opposante fait observer que l’un des témoignages indique que [Traduction] « grâce à son expérience en ingénierie, [le Requérant] a été en mesure d’aider [un de ses clients] à résoudre certains problèmes de chauffage qui auraient probablement eu une incidence négative sur le prix de vente ».

[34]           L’Opposante souligne que le Requérant a également déclaré ce qui suit dans sa contre-déclaration [Traduction] :

Par conséquent, « LET NICK ENGINEER YOUR NEXT MOVE! » [Laissez Nick concevoir votre prochain projet!] constitue, en fait, une marque de commerce très distinctive et distinguable, qui est également unique dans sa façon de présenter au public les services offerts. [Italique ajouté.]

[35]           L’Opposante [Traduction] « prend acte de cet aveu selon lequel la [Marque] décrit de façon unique la nature des services visés par la demande ».

[36]           L’Opposante soutient également qu’elle a produit des éléments de preuve démontrant qu'il y a aussi d’autres ingénieurs professionnels qui emploient et annoncent les termes « Engineer Your Next Move » [Concevez votre prochain projet] ou « Engineer you Move » [Concevez votre projet] et qui font valoir et annoncent leur formation en génie en tant que composante de leurs services immobiliers [voir, entre autres, les para 11 à 17 de l’affidavit Roberts et les pièces 10 à 16 qui y sont jointes].

[37]           Compte tenu de tout ce qui précède, l’Opposante soutient qu’il est évident que la Marque donne une description claire aussi bien de la nature des services que de l’ingénieur professionnel qui fournit ces services, en l’occurrence le Requérant, Nick Bryant.

[38]           À l'inverse, le Requérant soutient que la Marque ne donne ni une « description claire » ni une « description fausse et trompeuse ». En ce qui concerne la « description fausse et trompeuse », le Requérant soutient que la Marque ne peut d’aucune façon raisonnable donner une description « fausse » ou « trompeuse », puisque le Requérant est effectivement un ingénieur professionnel inscrit, titulaire d’un permis et membre de l’Association of Professional Engineers and Geoscientists [ordre des ingénieurs et géoscientifiques professionnels] de la Colombie-Britannique, comme l’a démontré le Requérant.

[39]           De plus, le Requérant nie que la Marque donne une « description claire ». Il soutient que la déclaration d’opposition décrit dans les moindres détails ce que le terme « Engineering » [ingénierie, génie, conception] suppose en ce qui a trait aux véritables services que fournissent les ingénieurs, et cela ne comprend d’aucune manière les services visés par la demande du Requérant. Le Requérant soutient que ses services d’achat et de vente de propriétés immobilières ne sont nulle part inclus ou mentionnés en tant que services fournis par des ingénieurs dans la déclaration d’opposition, et qu’il ne s’agit pas non plus de services que le grand public associe raisonnablement aux services fournis par des ingénieurs. Par conséquent, le Requérant soutient qu’il est impossible d'affirmer que la Marque donne, de quelque façon que ce soit, une [Traduction] « description claire » des services visés par la demande alors que les services ne correspondent aucunement à la définition du terme « engineering » [ingénierie, génie, conception] fournie par l’Opposante.

[40]           Le Requérant soutient aussi que l’on ne peut raisonnablement supposer que le grand public, étant donné sa compréhension et sa perception des agents immobiliers en général, considérerait que les services d’achat et de vente de propriétés immobilières offerts en liaison avec la Marque étaient de quelque façon que ce soit liés à l’exercice de la profession d’ingénieur, un exercice qui est fondé sur des disciplines théoriques, mathématiques et scientifiques rigoureuses, comme le décrit l’Opposante dans les paragraphes d’introduction de sa déclaration d’opposition. Le Requérant soutient que, malgré que les établissements de formation en génie puissent offrir à leurs étudiants des cours dans le domaine de la préparation des terrains et de la construction de bâtiments, la « vente de propriétés immobilières » à titre de courtier immobilier, telle que le grand public la perçoit, est aussi loin d'être une « science » rigoureuse que peut l'être l’astrologie par rapport à l’astronomie.

[41]           Au sujet de l’allégation de M. Allen au paragraphe 31 de son affidavit selon laquelle [Traduction] « il est clair pour [lui], [...] que les services visés par la demande s’inscrivent carrément dans la portée des services qui seraient fournis par des ingénieurs professionnels, ou sous leur supervision », le Requérant soutient qu’en prétendant que le travail routinier quotidien d’un agent immobilier type [Traduction] « s’inscrit dans la portée » du travail des ingénieurs professionnels, M. Allen affirme en réalité que [Traduction] « il est clair pour moi que... » tout agent immobilier au Canada, qui n’est pas également un ingénieur professionnel, enfreint la loi en exerçant la profession d’ingénieur professionnel sans détenir la certification requise.

[42]           Le Requérant soutient de surcroît que, soit les conclusions que tire M. Allen tire sont à ce point erronées que l’ensemble de son affidavit, qui est constitué d'autres conclusions tout aussi infondées et injustifiées, en devient suspect, et potentiellement inadmissible, soit, ce qui est plus probable, son affidavit est essentiellement un instrument passe-partout qui a été employé à maintes et maintes reprises dans le cadre d’autres oppositions relatives à des marques de commerce contenant le terme « Engineer » [ingénieur, concepteur, concevoir]. À cet égard, le Requérant soutient que, dans son affidavit, M. Allen, qui se dit expert dans le domaine de l’ingénierie de par ses antécédents et son expérience documentés aux paragraphes 1 à 5, emprunte pour l'essentiel le ton et le propos d’un « témoin expert », avec des déclarations telles que « selon mon expérience » [para 21] et « il est clair pour moi » [para 31], entrecoupées de déclarations qui ne sont aucunement documentées ou démontrées [paras 22 à 26, 44, 46 à 48]. Étant donné que M. Allen est le directeur général de l’Opposante, et que pour agir en qualité de témoin expert, il ne faut avoir aucun lien avec les parties, le Requérant demande que l’affidavit soit déclaré inadmissible en preuve puisqu’il est clair que M. Allen n’est pas un témoin expert impartial et que, par conséquent, les opinions personnelles qu'il exprime dans son affidavit ne sont pas crédibles dans le contexte de la présente opposition.

[43]           Au sujet des copies imprimées des 44 pages de sites Web jointes à l’affidavit Roberts, le Requérant soutient que certaines de ces pages [pièces 5 à 8] sont fournies pour démontrer que plusieurs universités canadiennes peuvent offrir des cours qui informent leurs étudiants sur différents aspects du marché immobilier canadien, et ainsi laisser entendre que la vente de propriétés immobilières est en quelque sorte une activité qui relève de l’ingénierie. Le Requérant soutient qu’il s’agit d’une conclusion absurde : des cours de rédaction technique sont obligatoires dans tous les programmes de génie; est-ce que cela signifie que tous les rédacteurs techniques exécutent des travaux d'ingénierie? Le Requérant soutient que le fait qu'une faculté de génie décide d’enseigner certaines matières à ses étudiants ne peut pas avoir pour effet de définir la profession simplement parce que ces matières figurent au programme de l’université. Est-ce qu’un cours d’économie, qui est aussi un cours standard des programmes de génie, signifierait que le travail d’économiste est également une activité qui relève exclusivement de l’« ingénierie »?

[44]           Le Requérant est également d’avis que de nombreuses pages de sites Web jointes à l’affidavit Roberts [p. ex. les pièces 10 à 13, etc.] montrent que d’autres agents immobiliers en Amérique du Nord emploient, eux aussi, le terme « engineering » [ingénierie, génie, conception] dans leurs documents promotionnels, ce qui démontre l’omniprésence du concept, et donc, appuie en réalité la demande du Requérant. Il soutient qu'il est clair, à la lumière de cette preuve produite par l’Opposante, que l’emploi de la notion « engineering a successful real estate transaction » [concevoir une transaction immobilière profitable] doit forcément être un concept accepté socialement et largement répandu.

[45]           Le Requérant est d’avis que la plupart des autres pages Web qui sont jointes à l’affidavit Roberts démontrent que les expressions « your next move » [votre prochain projet] et « realty your next move » [l’immobilier, votre prochain projet] sont, sans surprise, largement employées dans l'industrie immobilière. Cependant, il soutient surtout qu’aucun exemple contenant l'expression « Let Nick Engineer Your Next Move! » [Laissez Nick concevoir votre prochain projet!], avec le point d’exclamation, n’a été fourni. Le Requérant soutient que l’emploi du concept ou de différents mots de l'expression par des tiers dans le cadre de leur campagne de marketing n’est pas pertinent : le fait est que Mme Roberts a démontré qu’elle n'a pas pu trouver le moindre exemple d’emploi de la Marque LET NICK ENGINEER YOUR NEXT MOVE! [Laissez Nick concevoir votre prochain projet!] sur Internet.

[46]           Au sujet de l’affidavit Grubb, qui fournit une liste de tous les ingénieurs professionnels de l'Ontario dont les renseignements personnels comprennent le prénom Nick ou Nicholas [voir la pièce A], le Requérant soutient qu’il n'est aucunement pertinent.. Le Requérant soutient que le déposant tentait probablement de démontrer que le Requérant n’est pas inscrit auprès de l’Ordre des ingénieurs de l’Ontario. Toutefois, le Requérant souligne qu’il est membre de l’Association of Professional Engineers and Geoscientists [ordre des ingénieurs et géoscientifiques professionnels] de la Colombie-Britannique. Le Requérant soutient que la production de l’affidavit Grubb lorsqu'on la considère conjointement avec une appréciation de la quantité de travail requise pour assembler ledit affidavit et en tenant compte du raisonnement erroné sur lequel ce dernier repose, démontre un manque de rigueur dans la préparation de la preuve proposée et remet en question la crédibilité de l’entière revendication de l’Opposante dans la présente opposition.

[47]           Enfin, à titre subsidiaire, si la Marque donne soit une « description claire » soit une « description fausse et trompeuse », ce qui n’est pas admis mais expressément nié, le Requérant insiste sur les oppositions rejetées et l’enregistrement subséquent des marques de commerce WE ENGINEER CONFIDENCE (LMC656,321) et E-ENGINEER.COM (LMC613,608), qui ne donnent pas non plus de « description claire » ou de « description fausse et trompeuse ». Invoquant la doctrine stare decisis, le Requérant soutient expressément que, puisque l'enregistrement de ces deux marques de commerce précédemment contestées (par l’Opposante) a finalement été accordé aux demandeurs respectifs et qu'il a donc, à l'évidence, été déterminé que ces deux marques ne pouvaient pas faire l'objet de motifs d'opposition valablement fondés sur l’article 38(2)b), il s'ensuit que, de la même façon, la Marque ne donne ni une « description claire » ni une « description fausse et trompeuse ».

[48]           Je conviens avec le Requérant qu’il s’est acquitté de son fardeau de démontrer que la Marque ne donne ni une description claire ni une description fausse et trompeuse de la nature et de la qualité des services visés par la demande ou des conditions de leur exécution ou de leur fourniture, ou des personnes qui les exécutent ou les fournissent, et ce, pour les raisons qui suivent.

[49]           Le mot « engineer » [ingénieur, concepteur, concevoir] a plusieurs définitions différentes et peut être employé comme verbe ou comme nom. En tant que verbe, il peut signifier, entre autres, [Traduction] 1) « organiser, arranger ou réaliser, surtout de manière artistique » ou 2) « concevoir, fabriquer ou construire, en tant qu'ingénieur ». En tant que nom, il peut être employé, entre autres, pour désigner [Traduction] 1) « une personne compétente dans un domaine de l’ingénierie, surtout à titre de professionnel certifié », 2) un « ingénieur civil », ou 3) « une personne qui conçoit ou fabrique des moteurs » [voir l’extrait pertinent tiré du Canadian Oxford Dictionary, joint comme pièce 8 à l’affidavit Allen].

[50]           En l’espèce, la signification donnée au mot « engineer » [ingénieur, concepteur, concevoir] dans le contexte global de la Marque en conjugaison avec les services visés par la demande, ne peut être autre que celle d’un verbe, par opposition à un nom. En outre, à mon avis, il est plus probable que le consommateur moyen, dans le contexte des services visés par la demande, considérerait que le verbe « engineer » [concevoir] est utilisé selon son sens plus général (et sa principale définition), c'est-à-dire dans le sens de l’organisation habile d’une transaction immobilière.

[51]           En effet, dans la Marque, le mot « engineering » [ingénierie, génie, conception] n'est pas employé seul. La Marque est plutôt constituée de l'expression LET NICK ENGINEER YOUR NEXT MOVE! [Laissez Nick concevoir votre prochain projet!] et s’apparente davantage à un slogan. Le mot « engineer » [ingénieur, concepteur, concevoir] ne constitue qu’un élément parmi l'ensemble des éléments qui composent la Marque. Il ne domine pas la Marque. En outre, la demande pour la Marque ne vise pas des services d'ingénierie. Elle vise plutôt, de manière générale, des services immobiliers. La demande ne vise pas des services techniques sophistiqués d'une nature susceptible de donner à penser qu'ils sont fournis par un ingénieur professionnel.

[52]           À cet égard, je n’estime pas convaincante l’allégation de M. Allen portant que les services visés par la demande [Traduction] « s’inscrivent carrément dans la portée des services qui pourraient être fournis par des ingénieurs professionnels ou sous leur supervision ». D’une part, M. Allen ne peut être dûment qualifié d’expert dans la présente procédure, ne serait-ce que parce que la qualité d’expert suppose nécessairement une indépendance par rapport aux parties quant au résultat de l’affaire [voir Black Entertainment Television, Inc c CTV Limited (2008), 66 C.P.R. (4th) 212 (COMC)]. En outre, aucune preuve ne vient corroborer l’allégation de M. Allen.

[53]           En effet, le simple fait que l’exercice de la profession d’ingénieur englobe un large éventail d’activités en constante évolution, comme le génie civil (qui concerne la conception, la construction et l’entretien de l’environnement physique et naturel, et se divise traditionnellement en plusieurs sous-disciplines comme le génie architectural, le génie environnemental, le génie géotechnique, le génie des structures, le génie municipal ou urbain, le génie de la construction, etc.) [voir les para 32 et 33 de l’affidavit Allen, et la pièce 10 qui y est jointe] et le génie géomatique (qui concerne la conception, le développement et l’exploitation de systèmes de collecte et d’analyse de données spatiales sur les terres, les océans, les ressources naturelles et les éléments anthropiques) [voir les para 35 et 36 de l’affidavit Allen, et la pièce 11 qui y est jointe], n'est pas suffisant en soi pour appuyer la conclusion que les services immobiliers s’inscrivent dans la portée des services qui seraient fournis par des ingénieurs professionnels ou sous leur supervision. Il convient de souligner à cet égard que M. Allen affirme au paragraphe 30 de son affidavit que l’Opposante [Traduction] « n’est pas une concurrente du Requérant et ne fournit pas de services qui viendraient faire concurrence à ceux du Requérant ». En outre, bien que je reconnaisse le fait que des établissements de formation en génie peuvent offrir aux étudiants en génie des cours complémentaires dans les domaines de la construction et de la gestion, comme « Real Estate Finance » [finance immobilière] et « Real Estate Planning and Development » [planification et promotion de projets immobiliers] [pièces 6 et 7 de l’affidavit Roberts], ou « cadastral surveying » [arpentage cadastral] [pièce 5 de l’affidavit Roberts], il ne s’ensuit pas que la vente de propriétés immobilières à titre de courtier immobilier s’inscrit dans la portée des services qui seraient fournis par des ingénieurs professionnels, ou sous leur supervision, ou qu’il s’agit d’une activité qui relève exclusivement de l’« Engineering » [ingénierie]. Par analogie, le fait que des étudiants inscrits à la « Minor in Construction Engineering and Management » [mineure en gestion et génie de la construction] à l’Université McGill suivent des cours obligatoires en gestion et en droit totalisant 15 crédits, par exemple « Law for Architects and Engineers » [le droit pour les architectes et les ingénieurs] [pièce 7 de l’affidavit Roberts], ne signifie pas que la pratique du droit de la construction s’inscrit dans la portée des services qui seraient fournis par des ingénieurs professionnels ou sous leur supervision.

[54]           Comme je l’ai déjà souligné, le registraire doit non seulement tenir compte des éléments de preuve dont il dispose, mais également appliquer son sens commun à l’évaluation des faits. Enseigner les fondements de l'immobilier ou du droit de la construction aux étudiants en génie civil ne fait pas d’eux des courtiers immobiliers ni des avocats.

[55]           Dans le même esprit, enseigner les principes de base du génie aux avocats et aux gestionnaires immobiliers ne fait pas d’eux des ingénieurs. Le simple fait que, selon la pièce 8 de l’affidavit Roberts, une organisation appelée International Right of Way Association (« IRWA ») offrirait un cours intitulé « Principles of Real Estate Engineering » [principes de génie immobilier] à ses membres (qui comprennent des avocats, des gestionnaires immobiliers, des agents d’aide à la réinstallation, des experts en titres de propriété, des ingénieurs, etc.) ne me convainc pas. Je me bornerai à souligner que, selon la description, ce cours présente [Traduction] « une introduction aux principes fondamentaux de l'ingénierie qui s'appliquent aux professions liées au droit de passage » y compris des sujets comme « Understanding the basic principles of engineering drawings » [comprendre les principes de base des dessins techniques], « Understanding and interpreting information on plans » [comprendre et interpréter l’information présentée sur des plans], « Using an engineer’s scale to determine distances » [utiliser une règle d’ingénieur pour déterminer les distances] et « Identifying types of highway curves » [identifier les types de courbes sur les autoroutes], etc.

[56]           En outre, le fait que d’autres courtiers immobiliers détenant des connaissances en ingénierie puissent employer les expressions « Engineer your next move » [Concevez votre prochain projet] ou « Engineer You Move » [Concevez votre projet] dans l’annonce de leurs services immobiliers n’est pas utile à la cause de l’Opposante. D’une part, je souligne que tous les extraits de sites Web joints comme pièces 10 à 17 à l’affidavit Roberts sont postérieurs à la date pertinente et proviennent de sites Web américains concernant des services immobiliers exécutés aux États-Unis d’Amérique, et non au Canada. En outre, dans l’ensemble des extraits, les expressions « engineer your next move » [concevez votre prochain projet] et « engineer your move » [concevez votre projet] sont clairement employées au sens de « l’organisation habile d’une transaction immobilière profitable » et ne décrivent pas des services liés à la profession d’ingénieur ou exécutés par des ingénieurs professionnels plutôt que par des courtiers immobiliers.

[57]           La plupart des autres pages de sites Web jointes à l’affidavit Roberts ne sont pas plus utiles à la cause de l’Opposante. Les pièces 18 à 38 démontrent simplement que les expressions « your next move » [votre prochain projet] et « realty your next move » [l’immobilier, votre prochain projet] (qui, soit dit en passant, est considérablement différente de la Marque) sont couramment employées dans l'industrie immobilière. Les pièces 39 et 44 démontrent simplement qu’il existe d’autres courtiers immobiliers au Canada dont le prénom est « Nick ». Quant aux pièces 42 et 43, elles démontrent simplement que les firmes d'ingénierie peuvent offrir des services professionnels de consultation (y compris des services de vérification diligente, d’exploitation et d’entretien d’immeubles, etc.) pour aider leurs clients dans les secteurs bancaires et de la gestion immobilière.

[58]           Quant au fait que le Requérant annonce ses services immobiliers en liaison avec ses compétences à titre d’ingénieur professionnel, je souligne que cela ne change en rien la nature des services ainsi annoncés. Selon la citation tirée du site Web du Requérant, laquelle est reproduite ci-dessus au paragraphe 32 de ma décision, le Requérant se décrit comme un [Traduction] « courtier immobilier qui est également un ingénieur professionnel inscrit ». Le Requérant souligne simplement son « expérience de pointe en ingénierie » [italique ajouté]; il n’indique pas qu’il offre des services immobiliers à titre d’ingénieur plutôt qu’à titre de courtier immobilier inscrit. Le simple fait que le Requérant, « en raison de son expérience en ingénierie, a été en mesure d’aider [un de ses clients] à résoudre certains problèmes de chauffage qui auraient probablement eu une incidence négative sur le prix de vente », illustre simplement que le Requérant utilise les outils que lui ont donnés sa formation et son expérience en ingénierie pour aider ses clients. Là encore, cela ne change en rien la nature des services visés par la demande, ni n’indique que le Requérant exécute ces mêmes services dans le cadre de ses activités professionnelles normales à titre d’ingénieur professionnel plutôt qu’à titre de courtier immobilier inscrit.

[59]           En ce qui concerne la déclaration contenue dans la contre-déclaration du Requérant, selon laquelle le Requérant affirme que la Marque [Traduction] « est également unique dans sa façon de présenter au public les services offerts », je ne suis pas d’accord avec l’Opposante pour dire qu’il s’agit là d’un aveu quant au fait que la Marque donnerait soi-disant une description claire.. Cette déclaration a été faite en réponse à l’allégation de l’Opposante à l'égard de son motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif au sens de l’article 2 de la Loi (c.-à-d. que la Marque ne distingue pas les services tels qu’ils sont décrits dans la demande des services de tiers, y compris les professionnels et les entités titulaires d’un permis les autorisant à exercer la profession d’ingénieur au Canada). À mon avis, la déclaration doit être interprétée dans le contexte du paragraphe complet dans lequel elle est faite, lequel est formulé comme suit [Traduction] :

En fait, en ce qui concerne la première partie [de l'argumentation] de l’Opposante, le Requérant fait valoir que la [Marque] satisfait entièrement l'exigence du caractère distinctif visée à l’article 38(2)d) : premièrement parce que seuls les ingénieurs titulaires d’un permis sont autorisés à employer le mot « Engineer » [ingénieur], comme le souligne l’Opposante dans plusieurs de ses revendications, et il n’y a que très peu d'ingénieurs titulaires d’un permis, voire aucun, qui possèdent des marques de commerce, des slogans ou des noms commerciaux semblables, ou qui annoncent leurs services de manière semblable; deuxièmement parce que ce ne sont pas tous les ingénieurs qui ont le prénom « Nick » et l'emploient comme caractéristique distinctive; et troisièmement, ce ne sont pas tous les ingénieurs qui sont des courtiers immobiliers certifiés et qui sont capables de « engineering a move » [concevoir un projet], ce qui constitue une autre caractéristique distinctive. Par conséquent « LET NICK ENGINEER YOUR NEXT MOVE! » [Laissez Nick organiser votre prochain projet!] constitue, en fait, une [Marque] de commerce très distinctive et distinguable, qui est presque unique dans sa façon de présenter au public les services offerts. Par conséquent, l’article 38(2)d) ne peut pas être invoqué comme motif d’opposition.

[60]           Le Requérant n’admet aucunement que la Marque donne une description claire ou une description fausse et trompeuse des services visés par la demande. Comme je l’ai déjà mentionné, la Marque s’apparente davantage à un slogan. La Marque évoque l’idée qu’une personne, du nom de Nick, est capable de concevoir (organiser habilement) une transaction immobilière profitable. Le fait que cette personne soit également un ingénieur professionnel ne fait pas en sorte que la Marque donne une description claire. Tout au plus, l’emploi du verbe « engineer » [concevoir] pourrait être perçu comme un brillant jeu de mots étant donné que le Requérant est non seulement un courtier immobilier inscrit, mais aussi un ingénieur professionnel.

[61]           J'ai conscience que la jurisprudence donne à penser que la plupart des gens supposeraient que les entreprises qui emploient le mot « engineer » [ingénieur, concepteur, concevoir] ou « engineering » [ingénierie, génie, conception] dans leur nom offriraient des services d'ingénierie et emploieraient des ingénieurs professionnels, à moins que le contexte n’indique clairement le contraire [voir Canadian Council of Professional Engineers c Parametric Technology Corp (1995), 60 CPR (3d) 269 aux p 274 et 275 (CF 1re inst); et Canadian Council of Professional Engineers c John Brooks Co Ltd (2001) CPR (4th) 397 à la p 405 (COMC)]. Cependant, l’importance du contexte d’emploi ne doit pas être sous-estimée. Comme je l’ai déjà souligné, le mot « engineer » [ingénieur, concepteur, concevoir] a de nombreuses définitions. Il ne doit pas être considéré isolément, mais plutôt dans le contexte global de la Marque en conjugaison avec les services visés par la demande. Chaque affaire doit être tranchée en fonction de son bien-fondé et des faits qui lui sont propres.

[62]           Selon mon analyse ci-dessus, je suis d’avis qu’il s’agit d’une question de bon sens et de première impression, et que le consommateur moyen, à la vue de la Marque « LET NICK ENGINEER YOUR NEXT MOVE! » [Laissez Nick organiser votre prochain projet!] en liaison avec les services du Requérant visés par la demande, ne serait pas porté à conclure que le mot « engineer » [ingénieur, concepteur, concevoir] dans la Marque indique que la personne ou l’entité fournissant ces services est un membre de la profession d’ingénieur ou que des services d'ingénierie sont offerts.

[63]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) est rejeté.

Article 12(1)e) de la Loi

[64]           L’Opposante a allégué que [Traduction] :

[...] la [Marque] n’est pas enregistrable parce que, comme le prévoit l’article 12(1)e), il est interdit en vertu de l’article 10 d’enregistrer une marque de commerce qui, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devient reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité et la valeur de produits et/ou de services. Plus précisément, le mot « ENGINEER » [ingénieur, concepteur, concevoir] est aujourd’hui reconnu comme désignant le genre, la qualité et la valeur des produits et des services fournis par les ingénieurs titulaires d’un permis et, puisque le Requérant n’est pas titulaire d'un permis l'autorisant à exercer la profession d’ingénieur au Canada, son [sic] emploi de la [Marque] serait susceptible d’induire en erreur.

[65]           Toutefois, l’article 12(1)e) de la Loi exige une évaluation de la marque dans son ensemble. Par conséquent, même si l’Opposante réussissait à établir que le mot « engineering » [ingénierie, génie, conception] est devenu ainsi reconnu, cela ne serait pas suffisant pour m'amener à conclure que la Marque dans son ensemble contrevient à l’article 10 de la Loi [voir Engineers Canada c Mmi-Ipco, LLC, 2014 COMC 119, 2015 CF 839].

[66]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)e) est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

[67]           L’Opposante a allégué que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi en ce que [Traduction] :

[...] elle ne distingue pas ni n’est adaptée à distinguer ni ne peut distinguer les services du Requérant décrits dans la [d]emande des services de tiers, y compris les professionnels et les entités titulaires d’un permis les autorisant à exercer la profession d’ingénieur au Canada. De plus, tout emploi de la [Marque] par le Requérant serait trompeur, du fait qu’un tel emploi donnerait à penser que les services du Requérant sont réalisés, fournis, vendus, loués par l’Opposante ou ses membres constituants, ou font l’objet d’une licence accordée par l’Opposante ou ses membres constituants, ou que le Requérant est lié à l’Opposante ou est autorisé par elle ou par ses membres constituants [...].

[68]           La date pertinente pour l’appréciation de ce motif est la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[69]           Bien que le Requérant ait le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement les services visés par la demande de ceux de tiers partout au Canada, l’Opposante n'en doit pas moins s’acquitter du fardeau de preuve initial d’établir les faits invoqués à l’appui du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif [voir Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)].

[70]           Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante s’appuie essentiellement sur la preuve et les observations auxquelles il a été fait référence précédemment dans l'analyse du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b).

[71]           La différence entre les dates pertinentes n’est pas suffisamment importante pour avoir une incidence significative sur mes conclusions à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) exposées ci-dessus.

[72]           Plus particulièrement, en ce qui concerne la preuve de l’Opposante qui démontre soi-disant que des ingénieurs professionnels, autres que le Requérant, exercent des activités dans l'industrie immobilière et emploient des marques de commerce qui comprennent les termes « engineer » [ingénieur, concepteur, concevoir] ou « engineering your next move » [concevoir votre prochain projet], je tiens à souligner que tous les extraits de sites Web joints comme pièces 10 à 17 à l’affidavit Roberts proviennent de sites Web américains portant sur des services immobiliers exécutés aux États-Unis d’Amérique, et non au Canada. Il n’y a aucune preuve démontrant que ces sites Web ont déjà été consultés par des Canadiens, encore moins que l’un quelconque des slogans qui contiennent les termes « engineer » [ingénieur, concepteur, concevoir] ou « engineer your next move » [concevez votre prochain projet] employés sur ces sites Web sont devenus connus au Canada dans une mesure suffisante pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif.

[73]           En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est également rejeté.

Décision

[74]           Compte tenu de ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément aux dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet trad.a.

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

Aucune audience tenue

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

MACERA & JARZYNA, LLP                                              POUR L’OPPOSANTE

 

Aucun agent                                                                            POUR LE REQUÉRANT

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