Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 98

Date de la décision : 2013-05-27

TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DES PROCÉDURES DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45 engagées à la demande d’ExxonMobile Oil Corporation visant les enregistrements n° LMC459,991 et n° LMC540,161 des marques de commerce MARCHÉLINO et RESTAURANT MARCHÉLINO MÖVENPICK & Design au nom de Mövenpick-Holding AG

[1]               Le 18 janvier 2010, à la demande d’ExxonMobile Oil Corporation (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a fait parvenir des avis en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) à Mövenpick-Holding AG (l’Inscrivante). Les avis prescrivaient à l’Inscrivante de démontrer que ses marques de commerce MARCHÉLINO (n° d’enregistrement LMC459,991) et RESTAURANT MARCHÉLINO MÖVENPICK & Design (n° d’enregistrement LMC540,161) reproduites ci-dessous, avaient été utilisées au Canada en liaison avec chacun des services enregistrés au cours des trois années précédentes.

RESTAURANT MARCHÉLINO & DESIGN

[2]               Les deux marques de commerce (les Marques) sont enregistrées en vue de leur emploi en liaison avec les services décrits ainsi : [TRADUCTION] « Exploitation de restaurants; vente au détail d’aliments préparés et de boissons; services de mets à emporter » (les Services).

[3]               Le paragraphe 4(2) de la Loi définit ainsi le sens du terme « emploi » en liaison avec des services :

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[4]               S’il y a défaut d’emploi tel que défini ci-dessus, conformément au paragraphe 45(3) de la Loi, une marque de commerce est susceptible de radiation, sauf si le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales.

[5]               Les procédures en vertu de l'article 45 sont des procédures sommaires et expéditives visant à radier du registre les marques de commerce qui ne sont plus en usage. L’expression « éliminer le bois mort » est souvent employée pour décrire ce type de procédure [Philip Morris Inc c. Imperial Tobacco Ltd (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1ère inst.)]. Par conséquent, le critère pour établir l’emploi dans ce type de procédures n’est pas exigeant [Woods Canada Ltd c. Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1ère inst.)] et il n’est pas nécessaire de fournir une surabondance de preuves pour répondre de façon appropriée à un avis en vertu de l’article 45 [Union Electric Supply Co Ltd c. le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1ère inst.)]. Toutefois, c’est un fait établi que les ambiguïtés relatives à la preuve doivent être interprétées à l’encontre du propriétaire inscrit [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)].

[6]               En réponse aux avis du registraire, l’Inscrivante a produit les affidavits d’Afzal Hamid, Country Controller Canada de Marché Restaurants Canada Ltd. (Marché Canada), un licencié de l’Inscrivante. Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits et étaient représentées à l'audience.

[7]               Je remarque que les affidavits produits en réponse à chaque avis sont presque identiques et que l’Inscrivante ne fait aucune allégation d’emploi des Marques durant la période pertinente. Par conséquent, il s’agit de déterminer si l’Inscrivante a démontré des circonstances spéciales qui justifieraient le défaut d’emploi des Marques, permettant ainsi de maintenir les enregistrements. Pour conclure à l’existence de circonstances spéciales qui justifient le défaut d’emploi, il faut prendre en considération trois critères, comme il est défini dans l’arrêt Registraire des marques de commerce c. Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF). Le premier critère est la période de temps pendant laquelle la marque de commerce n'a pas été employée; ensuite, si les raisons du défaut d’emploi relevaient de circonstances indépendantes de la volonté du propriétaire, et enfin s’il existe une intention sérieuse de reprendre à brève échéance l’emploi de la marque de commerce.

[8]               La décision dans Smart & Biggar c. Scott Paper Ltd (2008), 65 CPR (4th) 303 (CAF) a clarifié davantage l’interprétation du critère de circonstances spéciales dans Harris Knitting. En particulier, la Cour a déterminé que le deuxième critère doit être rempli pour permettre de conclure à des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi d'une marque. Autrement dit, les deux autres facteurs sont pertinents, mais considérés individuellement, ils ne peuvent constituer des circonstances spéciales.

[9]               La pertinence du troisième critère est évidente, puisque les raisons qui peuvent justifier une courte période de défaut d’emploi ne justifient pas forcément une longue période de défaut d’emploi; en d’autres termes, les raisons du défaut d’emploi seront examinées à la lumière de la durée du défaut d’emploi [Harris Knitting, supra; avec renvoi à : Goldwell (1974), 29 CPR (2d) 110 (RTM)]. De plus, en ce qui concerne le deuxième critère, les circonstances du défaut d’emploi doivent être celles qui n’existent pas dans la majorité des cas de défaut d’emploi ou, de même, doivent être des « circonstances qui sont inhabituelles, rares ou exceptionnelles » [voir John Labatt Ltd c. The Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1ère inst.)]. Quoi qu’il en soit, l’intention de reprendre l’emploi doit être étayée par la preuve [Arrowhead Spring Water Ltd c. Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1ère inst.); NTD Apparel Inc c. Ryan (2003), 27 CPR (4th) 73 (CF 1ère inst.)].

La période de temps pendant laquelle les marques n’ont pas été employées

[10]           En ce qui concerne ce premier critère, M. Hamid explique que l’Inscrivante est une chaîne internationale de restaurants et d’hôtels ayant son siège social en Suisse et qu’elle a commencé d’exercer ses activités en 1950. Il explique par ailleurs que, de 1993 à la fin janvier 2005, le franchisé principal et licencié de l’Inscrivante, Richtree Inc. (Richtree), et le successeur de Richtree, ont exploité des restaurants au Canada identifiés par les marques de commerce de l’Inscrivante. Il affirme qu’en vertu des modalités d’un contrat de licence, l’Inscrivante exerçait un contrôle sur la nature ou la qualité des services fournis au Canada par Richtree et le successeur de Richtree, en liaison avec les Marques.

[11]           En ce qui concerne la façon dont les marques étaient employées, M. Hamid explique que Richtree faisait voir les Marques sur les enseignes et les menus de ses restaurants et dans la publicité pour lesdits restaurants, sur les uniformes portés par les employés pendant la prestation des services, et sur les emballages des aliments et des boissons préparés par Richtree et vendus au Canada. À l’appui, il joint un prospectus arborant les Marques dont il affirme qu’il a été distribué au Canada, ainsi que l’imprimé d’une saisie d’écran de page Web, les deux annonçant les Services fournis par Richtree au Canada.

[12]           M. Hamid explique que c’est à la fin du mois de janvier 2005 que Richtree a cessé de fournir les Services en liaison avec les Marques au Canada. Ensuite, pour des raisons qui seront apparentes ci-après, M. Hamid indique que l’Inscrivante n’a plus accès aux documents commerciaux de Richtree ni aux archives de matériels de Richtree montrant l’emploi des Marques au Canada.

[13]           La Partie requérante soutient que l’Inscrivante n’a pas fourni une preuve digne de foi démontrant la date à laquelle les Marques ont été employées en dernier lieu. Cependant, compte tenu de la détérioration de la relation entre l’Inscrivante et son licencié canadien (comme discuté ci-après), il est compréhensible que d’autres preuves documentaires directes ne soient pas disponibles [voir Frumkin, Feldman, and Glazman c. Mazza (2004), 38 CPR (4th) 567 (COMC]. Quoi qu’il en soit, aux fins d’établir la dernière date d’emploi, j’accepte les déclarations sous serment de M. Hamid telles quelles, et je suis convaincue que la preuve permet de conclure que la date à laquelle les Marques ont été employées en dernier lieu est la fin de janvier 2005.

[14]           Par conséquent, la période pendant laquelle les Marques n’ont pas été employées au Canada jusqu’à la date de l’avis en vertu de l’article 45 est approximativement de cinq ans.

Les raisons du défaut d’emploi relevaient-elles de circonstances indépendantes de la volonté de l’Inscrivante?

[15]           En ce qui concerne le deuxième critère, M. Hamid atteste que l’abandon de l’emploi des Marques résultait d’événements qui ont commencé en 2004. C’est à cette époque que Richtree et ses filiales en exploitation Richtree Markets Inc. ont été mises en règlement judiciaire et ont refait surface en tant que Richtree Markets Inc. (Richtree Markets), une nouvelle entité juridique. Un syndic nommé expressément à titre provisoire a alors terminé la vente des restaurants Richtree à Richtree Markets. M. Hamid affirme que ces restaurants portaient, entre autres marques, les Marques. M. Hamid explique également qu’en vertu d’une ordonnance du tribunal, Richtree Markets a alors acquis plus de trente ans de secrets commerciaux, de savoir-faire, de documents commerciaux de l’Inscrivante, et la totalité des baux commerciaux à Toronto et Ottawa, sécurisés et garantis auparavant par l'Inscrivante.

[16]           M. Hamid affirme que les liens entre Richtree Markets et l’Inscrivante ont été complètement rompus à la fin de janvier 2005, puisque Richtree Markets n’a pas été en mesure de remplir les conditions d’un contrat de licence proposé et de protéger les marques de commerce de l’Inscrivante du règlement judiciaire. M. Hamid explique que c’est à ce moment-là que Richtree Markets est entrée en exploitation au Canada en utilisant l’espace commercial qui avait été garanti auparavant par l’Inscrivante, ainsi que l’information exclusive et le savoir-faire obtenus de l’Inscrivante à titre confidentiel. M. Hamid qualifie le comportement de Richtree de pratique « anticoncurrentielle » ayant entraîné pour l’Inscrivante la perte de l’accès à son réseau de fournisseurs locaux et à ses contacts au Canada, et surtout à son groupe de surfaces commerciales de qualité. Ces événements, atteste M. Hamid, relevaient de circonstances indépendantes de la volonté de l’Inscrivante et ils « ont anéanti » les activités canadiennes de l’Inscrivante.

[17]           La Partie requérante reconnaît que le règlement judiciaire peut, dans certaines circonstances, justifier une période de défaut d’emploi [citant par exemple Burke-Robertson c. Swan Recreational Products Ltd (1990), 33 CPR (3d) 56 (COMB); Rogers & Scott c. Naturade Products Inc (1988), 19 CPR (3d) 504 (COMC)]. La Partie requérante différencie toutefois ces cas par le fait que le licencié, dans le cas présent, n’a pas cessé d’exister, mais qu’il a plutôt refait surface sous une autre dénomination à la suite d’une procédure de règlement judiciaire.

[18]           La Partie requérante soutient que la raison réelle du défaut d’emploi des Marques à cette époque était que l’Inscrivante n’a pu parvenir à un accord avec Richtree Markets en ce qui concerne les conditions d’un contrat de licence proposé; une situation que l’Inscrivante a perpétuée dans le temps lorsqu’elle a déterminé comment reprendre les activités au Canada. La Partie requérante fait valoir qu’il ne s’agissait pas d’une circonstance indépendante de la volonté de l’Inscrivante, mais que c’était plutôt une décision d’affaires qui, par conséquent, ne justifiait pas le défaut d’emploi. Je fais remarquer que l’affidavit de M. Hamid contenant peu de détails sur les discussions avec Richtree Markets en ce qui concerne le contrat de licence proposé, il est difficile de déterminer dans quelle mesure un tel contrat relevait de circonstances indépendantes de la volonté de l’Inscrivante.

[19]           L’Inscrivante fait valoir, d’autre part, qu’outre la faillite, le principal obstacle expliquant l’abandon de l’emploi des Marques a été la perte des surfaces commerciales de qualité, du savoir-faire accumulé, de l’information exclusive et des contacts indispensables pour mener ses activités canadiennes. L’Inscrivante soutient qu’en conséquence, elle s’est retrouvée dans la position de devoir créer une entreprise entièrement nouvelle; une situation qui, selon elle, est comparable à l’affaire Cobalt Brands, LLC c. Gowling Lafleur Henderson LLP (2010), 82 CPR (4th) 245 (CF).

[20]           Tout en convenant avec l'Inscrivante que le cas présent est quelque peu différent en ce sens que les pertes n’étaient pas strictement limitées à la faillite de ses licenciés, il ne s’agit pas en l’espèce d’une série d’événements perturbateurs consécutifs, tels que les décès des deux propriétaires inscrits suivants, comme dans le cas Cobalt. J’estime raisonnable d’accepter que les pertes supplémentaires d’actifs opérationnels subies par l’Inscrivante, tangibles et autrement, puissent retarder davantage la reprise, par un propriétaire inscrit, de l’emploi de sa marque de commerce pendant une courte période de temps; toutefois, il est permis de douter que de telles raisons justifient le défaut d’emploi prolongé des Marques pendant cinq ans. Autrement dit, le défaut d’emploi prolongé relevait-il de circonstances indépendantes de la volonté de l’Inscrivante?

[21]           Pour répondre à cette question, j’estime qu’il est nécessaire d’examiner ce qui s’est produit lorsque l’Inscrivante a entrepris d’entrer à nouveau sur le marché canadien après janvier 2005.

[22]           Dans un effort visant à reconstruire ses activités canadiennes, M. Hamid atteste que la formation spécialisée requise pour fournir les Services de l’Inscrivante comprenait une longue recherche de deux ans afin de trouver un employé pour la réinstallation au Canada. Il ne fournit toutefois aucun détail sur les mesures prises ou sur les difficultés rencontrées pour trouver cet employé, et surtout, il n'indique pas à quel moment cette recherche a commencé. Il explique simplement que, parallèlement à cette recherche, les employés et la direction de l’Inscrivante allaient et venaient entre le Canada et la Suisse pour apprendre et comprendre les obligations juridiques en vue de trouver des locaux et de faire affaire au Canada. De même qu’il manque des détails concernant le contrat de licence proposé avec Richtree Markets, j’estime que cette information ne permet pas de savoir exactement dans quelle mesure il s’agissait d’un facteur indépendant de la volonté de l’Inscrivante ayant prolongé le défaut d’emploi des Marques [Plough, supra].

[23]           De plus, M. Hamid explique qu’en 2007, après de nombreuses discussions infructueuses avec Richtree Markets, l’Inscrivante a entamé des discussions avec plusieurs propriétaires à Toronto, dans un effort visant à obtenir des surfaces commerciales viables. Ceci a finalement abouti à la location d’un local commercial au centre-ville de Toronto début 2009, approximativement quatre ans après la date du dernier emploi des Marques. M. Hamid affirme qu’il était prévu que ce local soit le restaurant principal de l’Inscrivante à Toronto. J’estime néanmoins encore une fois que les détails fournis sont insuffisants pour expliquer ce long délai. En particulier, les relations avec Richtree Markets ayant été rompues à la fin janvier 2005, on ne comprend pas bien pourquoi l’Inscrivante a attendu jusqu’en 2007 pour entamer des discussions avec d’autres propriétaires afin de trouver un local commercial. De plus, comme nous le verrons plus en détail dans l’analyse du troisième critère ci-après, la preuve indique que les efforts déployés en vue de rétablir les opérations au Canada à cette époque concernaient le restaurant principal Marché de l’Inscrivante, et non les Services en liaison avec les Marques per se.

[24]           L’Inscrivante fait valoir qu’en tant qu’entreprise établie à l’étranger, comme ce fut le cas dans Spirits International NV c. Canada (Registraire des marques de commerce) (2006), 49 CPR (4th) 196 (CF), il y a eu des retards lorsqu’elle a essayé de rétablir ses opérations locales, puisqu’il fallait s’appuyer sur des conseils canadiens sur place. Cependant, j’estime que le cas Spirits International se distingue par plusieurs points. Pour commencer, la période de défaut d’emploi en l’espèce est plus longue. Plus important encore, je n’interprète pas la décision Spirits International comme acceptant la proposition selon laquelle les retards subis par une société établie à l’étranger en essayant d’établir des opérations au Canada représentent des circonstances indépendantes de la volonté de l’Inscrivante. L’Inscrivante dans Spirits International venait d’une « nation émergente » qui, en ce qui concerne les circonstances particulières de l’affaire, retardait de manière injustifiée le début de ses activités au Canada à cause des conseils obtenus sur place qui étaient erronés ou mal compris. En l’espèce, l’Inscrivante est une grande société internationale, établie en Suisse, qui emploie environ 16 200 personnes à travers le monde. La preuve montre qu’elle possède une vaste expérience internationale, notamment le fait qu’elle a franchisé ses activités et établi des licences pour ses Marques précédemment au Canada. De plus, l’Inscrivante n’apporte aucune preuve de circonstances qui pourraient être considérées « inhabituelles, rares ou exceptionnelles » à cet égard, comme ce fut le cas dans Spirits International [John Labatt, supra].

[25]           En l’absence de ces renseignements, il est difficile de déterminer si le défaut d’emploi des Marques au Canada a persisté en raison de facteurs indépendants de la volonté de l’Inscrivante, ou s’il a simplement été le résultat de décisions d’affaires délibérées. Étant donné que le fardeau de la preuve incombe entièrement à l’Inscrivante [88766 Canada Inc c. George Weston Ltd (1987), 15 CPR (3d) 260 (CF 1ère inst.], j’estime que l’Inscrivante n’a pas démontré que le défaut d’emploi prolongé des Marques au Canada était dû à des facteurs indépendants de sa volonté.

L’intention de reprendre l’emploi des Marques est-elle étayée par la preuve?

[26]           Dans l’éventualité où j’aurais tort de conclure que l’Inscrivante n’a pas démontré que le défaut d’emploi des Marques était dû à des facteurs indépendants de sa volonté, l’Inscrivante doit néanmoins remplir le troisième critère énoncé dans Harris Knitting. L’Inscrivante doit démontrer qu’il existe une intention sérieuse de reprendre à brève échéance l’emploi des Marques [Arrowhead, supra].

[27]           En plus des mesures indiquées ci-dessus, M. Hamid explique par ailleurs que le 28 janvier 2009, l’Inscrivante a créé une nouvelle entreprise, Marché Canada, pour fournir les Services en liaison avec les Marques au Canada.

[28]           Pour illustrer l’intention de l’Inscrivante de relancer les restaurants portant les Marques au Canada, M. Hamid joint les pièces AH-4 et AH-5 à son affidavit. La pièce AH-4 consiste en une copie d’un communiqué de presse diffusé au Canada le 23 mars 2009. M. Hamid décrit la pièce AH-5 comme étant constituée de pages du site Web de l’Inscrivante qui annonçaient, depuis le 22 février 2009, des offres d’emploi pour le nouveau lancement prévu de restaurants portant les Marques.

[29]           Je remarque, toutefois, que le communiqué de presse en pièce AH-4 fait référence au lancement prévu au cours de 2010 de Marché® Restaurants, Marché® Bistros, Marchélino® et Marché® Natural Bakeries. Le communiqué de presse ne mentionne pas les restaurants portant la marque de commerce RESTAURANT MARCHÉLINO MÖVENPICK & Design. En conséquence, j'estime que le communiqué de presse est ambigu, au moins dans la mesure où la marque de commerce RESTAURANT MARCHÉLINO MÖVENPICK & Design est concernée, sur la question de savoir si le lancement prévu des restaurants comprend la fourniture des Services en liaison avec les deux Marques.

[30]           De plus, en ce qui concerne les annonces de postes en pièce AH-5, ces pages ne font pas référence à des restaurants exploités sous les Marques, mais elles comprennent plutôt une référence à un logo Marché que je ne considère pas constituer un emploi de l’une ou l’autre des Marques telles qu’enregistrées [voir Nightingale Interloc Ltd c. Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC); Registraire des marques de commerce c. Compagnie Internationale Pour L’Informatique CII Honeywell Bull, Société Anonyme et al (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF)].

[31]           Il convient toutefois de mentionner particulièrement les paragraphes ci-dessous des affidavits de M. Hamid, souscrits le 13 août 2010 :

42.       [TRADUCTION] En raison du peu d’espaces commerciaux disponibles et des limites de la logistique pour l’ouverture de tous ses commerces de détail, tous les établissements ouverts jusqu’ici au Canada portent seulement la marque de commerce Marché. Plus précisément, en raison de l’accès limité de Mövenpick à des ressources au Canada et de la réapparition récente dans le marché canadien sans l’aide de partenaires indépendants canadiens sur place Canadian, Mövenpick n’est pas en mesure de coordonner et d’exécuter simultanément le lancement de différents concepts de restaurants et de leurs marques.

43.       La marque de commerce est un concept de restaurant pour enfants et elle représente une catégorie et un concept différents des restaurants de la marque Marché. Mövenpick a l’intention de reprendre l’emploi de la marque de commerce dans ses établissements canadiens avant la fin de 2010, dès l’obtention de locaux supplémentaires.

[32]           Ainsi, à la date du 13 août 2010, le défaut d’emploi des Marques persistait, totalisant une période de défaut d’emploi de presque 6 ans. Alors que M. Hamid a indiqué une intention de reprendre l’emploi avant la fin 2010 et qu’il a montré les mesures prises pour entrer de nouveau sur le marché canadien en ce qui concerne un restaurant exploité sous une marque de commerce différente, le moment précis auquel les restaurants portant les Marques commenceront à être exploités au Canada demeure vague. M. Hamid a simplement énoncé d’autres raisons pour lesquelles la reprise de l’emploi des Marques n’a pas eu lieu, sans expliquer en détail les mesures prises à cet égard. Par conséquent, comme l’a indiqué le juge Rouleau dans Arrowhead, supra, nous demeurons [TRADUCTION] « dans l’ignorance quant à la durée pendant laquelle le défaut d'emploi persistera. » Ainsi je trouve la preuve ambiguë quant à déterminer si l’Inscrivante a démontré sa ferme intention de reprendre à brève échéance l’emploi des Marques.

[33]           Compte tenu de ce qui précède, je ne peux conclure que l’Inscrivante a démontré l'existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi des Marques durant la période pertinente.


Décision

[34]           En conséquence, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, les enregistrements n° LMC459,991 et n° LMC540,161 seront radiés conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Kathryn Barnett

Agente d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Geneviève Dard, trad. a.

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