Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 66

Date de la décision : 2011-04-20

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Havana Club Holding, Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement n1,156,401 pour la marque de commerce EL ESPIRITU DE CUBA, actuellement propriété de Ron Matusalem & Matusa of Florida Inc.

 

Introduction

 

[1]               Le 24 octobre 2002, 1872 Holdings, V.O.F. a demandé l’enregistrement de la marque de commerce EL ESPIRITU DE CUBA (la Marque). La demande porte le numéro 1,156,401, et elle est fondée sur l’emploi projeté en liaison avec les marchandises suivantes : boissons alcoolisées, nommément boissons très alcoolisées, rhum; préparations pour cocktail sans alcool destinées à être mélangées à du rhum, cocktails sans alcool (les Marchandises) et avec les services suivants : promotion de la vente de boissons alcoolisées et de cocktails sans alcool par l’administration d’incitatifs, nommément voyages, concours et cadeaux, nommément tee-shirts, chapeaux, porte-clés, verres et autocollants de tatouages amovibles à des magasins de détail, des bars, des restaurants, des boîtes de nuit et à des événements commandités spéciaux; ventes au détail de boissons alcoolisées (les Services).

 

[2]               Par suite d’un rapport du Bureau des marques de commerce, la Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot CUBA en dehors de la marque de commerce, a indiqué au registraire que la traduction anglaise des mots EL ESPIRITU DE CUBA est « the spirit of Cuba » (l’esprit de Cuba) et a dressé dans les termes ordinaires du commerce l’état des services énumérés ci‑dessus.

 

[3]               La demande a été publiée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 6 décembre 2006.

 

[4]               Le 29 janvier 2007, Havana Club Holding (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition que le registraire a transmise à la Requérante le 22 février 2007. La Requérante a nié tous les motifs d’opposition dans une contre‑déclaration produite le 22 juin 2007.

 

[5]               L’Opposante a produit les affidavits d’Annie Cormier et Linda Palmer, et la Requérante, l’affidavit souscrit par Claudio I. Alvarez Salazar en date du 20 août 2008.

 

[6]               Chaque partie a produit un plaidoyer écrit, et elles étaient toutes deux représentées à l’audience.

 

[7]               Le 21 mars 2007, le registraire a inscrit une cession constatant le transfert de la demande d’enregistrement à Ron Matusalem & Matusa of Florida Inc. par 1872 Holdings, V.O.F. Les mots « la Requérante » désigneront, selon le cas, l’une ou l’autre de ces entités.

 

Les motifs d’opposition

 

[8]               L’Opposante a invoqué les motifs d’opposition suivants.

 

1.      La Marque n’est pas enregistrable aux termes des alinéas 38(2)b) et 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), du fait que, sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des Marchandises et Services.

2.      Aux termes de l’alinéa 38(2)d), la Marque n’est pas distinctive et, plus particulièrement, elle ne distingue pas véritablement les Marchandises et Services de ceux de l’Opposante ni n’est adaptée à les distinguer au sens de l’article 2 de la Loi, du fait qu’elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des marchandises.

3.      Aux termes de l’alinéa 38(2)d), la Marque n’est pas distinctive et elle n’est pas non plus adaptée à distinguer les Marchandises et Services au sens de l’article 2, du fait qu’il s’agit d’un élément décoratif et non d’une marque de commerce.

4.      La demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi, car l’emploi projeté de la Marque n’est pas l’emploi d’une marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi mais celui d’un élément décoratif.

 

Le fardeau de la preuve dans une opposition

 

[9]               C’est sur la Requérante que repose le fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement est conforme aux exigences de la Loi, mais l’Opposante a le fardeau initial de présenter suffisamment d’éléments de preuve recevables pouvant raisonnablement étayer la conclusion que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent. Dès lors que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, la Requérante doit démontrer suivant la prépondérance des probabilités que les motifs d’opposition soulevés ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329-330; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293, et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, 41 C.P.R. (4th) 223].

 

Les dates pertinentes

 

[10]           Voici les dates pertinentes pour l’analyse des motifs d’opposition :

 

  l’enregistrabilité de la Marque suivant l’alinéa 12(1)b) de la Loi : la date de production de la demande d’enregistrement (24 octobre 2002) [voir Dic Dac Holdings (Canada) Ltd c. Yao Tsai Co. (1999), 1 C.P.R. (4th) 263; Zorti Investments Inc. c. Party City Corporation (2004), 36 C.P.R. (4th) 90; Havana Club Holdings S.A. c. Bacardi & Company Limited (2004), 35 C.P.R. (4th) 541];

  le caractère distinctif de la Marque : la date de production de la déclaration d’opposition est généralement acceptée comme la date pertinente (le 24 octobre 2005) [voir Andres Wines Ltd. and E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130, et Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317];

  la conformité à l’alinéa 30b) de la Loi : la date de production de la demande d’enregistrement [voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293, à la page 296 (C.F. 1re inst.)].

 

L’enregistrabilité de la Marque suivant l’alinéa 12(1)b) de la Loi

 

[11]           Le test à appliquer à l’égard de l’alinéa 12(1)b) de la Loi a été décrit ainsi dans Thomas J. Lipton Ltd. c. Salada Foods Ltd. (No. 3) (1979), 45 C.P.R. (2d) 157 (C.F. 1re inst.) :

 

« Connotation » s’entend d’une implication ou d’une suggestion. Même une « suggestion ou implication spécifique » ou une « implication ou suggestion claire » qu’une marque de commerce donne soit une description claire soit une description fausse et trompeuse ne suffit pas pour la rendre non enregistrable en vertu de l’article 12(1)b). Ces dispositions n’admettent pas une simple implication ou suggestion. Le Parlement a utilisé les termes « claire » et « fausse et trompeuse » après le terme « description », et le registraire n’a aucunement constaté que le terme qui nous intéresse constituait soit une description claire soit une description fausse et trompeuse. Quant à savoir si une simple description suggestive suffit, on peut se référer au jugement rendu par l’ancienne Cour de l’Échiquier du Canada dans l’affaire Kellogg Co. of Canada Ltd. c. Le registraire des marques de commerce, [1939] 3 D.L.R. 65, [1940] R.C.É. 163, aux pages 170 et 171.

 

[12]           Dans Oshawa Group Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1980), 46 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.), le juge Cattanach s’est exprimé ainsi :

 

J’admets aussi le principe proposé par l’avocat de l’intimé, selon lequel il faut commencer par conclure qu’une marque est une description avant de pouvoir conclure qu’elle est une description fausse (voir Bonus Foods Ltd. v. Essex Packers Ltd., [1965] 1 R.C.É. 735, à la page 749).

 

[13]           Mme Cormier est une avocate du cabinet d’agents de marque de commerce de l’Opposante. On lui a demandé d’effectuer une recherche dans l’Internet. Elle a consulté un site Web, à l’adresse www.matusalem.com, et elle a joint à son affidavit la copie papier de toutes les pages du site. Rien dans ces pages n’indique que le site Web visité appartient à la Requérante ou est exploité par elle. 1872 Holdings V.O.F. y est toutefois mentionnée. Certaines des pages indiquent bien que le rhum annoncé dans le site Web n’est pas fabriqué à Cuba.

 

[14]           M. Salazar est administrateur et actionnaire de la Requérante. Comme je l’indique dans ma décision, il n’est pas nécessaire pour statuer sur le présent motif d’opposition d’analyser en détail tout le contenu de son affidavit. Les origines cubaines de l’entreprise de la Requérante et le malheur qui l’a frappée lorsque Fidel Castro s’est emparé du gouvernement à Cuba au début des années 1960 ne sont pas des faits utiles pour trancher la présente affaire. Il importe toutefois de signaler que le rhum vendu en liaison avec la Marque n’est pas fabriqué à Cuba, et l’on peut renvoyer à cet égard aux paragraphes 4 et 5 de l’affidavit de M. Salazar.

 

[15]           Je conclus de cette partie de la preuve soumise que la Marque ne peut être considérée comme donnant une description claire du lieu d’origine des Marchandises et Services en ce qui concerne le rhum puisqu’il ne provient pas de Cuba. Pour ce qui est des autres marchandises et des Services, je ne dispose d’aucun élément de preuve indiquant qu’ils viennent de Cuba. La question à laquelle je dois répondre est donc si la Marque peut être considérée comme donnant une description fausse et trompeuse de lieu d’origine des Marchandises et Services. La Requérante doit, à cet égard, démontrer suivant la prépondérance des probabilités que ce n’est pas le cas.

 

[16]           L’Opposante invoque la décision rendue par le registraire dans une affaire opposant les mêmes parties et portant sur la marque de commerce THE SPIRIT OF CUBA [voir Havana Club Holdings c. Ron Matusalem & Matusa of Florida, Inc., demande 1,154,259, 2 octobre 2009 (C.O.M.C.), confirmée par 2010 CF 786 (C.F. 1re inst.)]. Le registraire a conclu que la marque de commerce THE SPIRIT OF CUBA donnait une description fausse du lieu d’origine des marchandises lorsqu’elle était employée avec des marchandises similaires.

 

[17]           Le sens de la Marque n’est pas contesté. Son équivalent en langue anglaise est bien « the spirit of Cuba » (l’esprit de Cuba), tel que l’indique la demande d’enregistrement. M. Alvarez Salazar allègue néanmoins au paragraphe 5d)(1) de son affidavit : [traduction] « Toutefois, en anglais, le mot "spirit" peut signifier "essence, fantôme et/ou incarnation ", tandis qu’en espagnol "espiritu" veut dire seulement "essence ou fantôme" ».

 

[18]           Selon la Requérante, la preuve démontre que le mot « spirit » dans la traduction anglaise de la Marque ne peut signifier « alcool » ainsi que le registraire l’avait conclu à l’égard de l’enregistrement de la marque de commerce THE SPIRIT OF CUBA. Or le sens du mot « spirit » tenait une place capitale dans cette décision concluant que la marque de commerce THE SPIRIT OF CUBA donnait une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des marchandises.

 

[19]           Pour l’Opposante, puisque le nom de la Marque se traduit en anglais par « the spirit of Cuba », la même conclusion qu’à l’égard de la marque de commerce THE SPIRIT OF CUBA s’impose. J’ai appris des parties, à l’audience, que la décision de la Cour fédérale Ron Matusalem & Matusa of Florida, Inc. c. Havana Club Holdings,  2010 CF 786, a été portée en appel devant la Cour d’appel fédérale. Il semble que l’appel concerne des conclusions du juge de première instance se rapportant à la preuve supplémentaire déposée devant lui au sujet du sens du mot anglais « spirit ». Il est peu probable, à mon avis, que l’issue de cet appel ait des conséquences pour la présente opposition.

 

[20]           L’Opposante reconnaît que la Marque n’est pas une marque de commerce en langue française ou anglaise comme le prévoit l’alinéa 12(1)b) de la Loi mais, alléguant que cette disposition a été édictée afin de protéger les consommateurs, elle exhorte le registraire à l’interpréter de façon large parce que la Marque appartient à la catégorie des marques de commerce donnant une « description fausse et trompeuse » et non des marques donnant une description claire.

 

[21]           L’Opposante cite trois décisions du registraire concluant que des marques non constituées à strictement parler de mots français ou anglais donnent une description fausse et trompeuse. Dans Rothmans of Pall Mall Canada Ltd. c. MacDonald Tobacco Inc. (1977), 34 C.P.R. 279, la marque de commerce en cause était TORONTOS. Dans Jordan & Ste-Micheline Cellars Ltd.-Les caves Jordan & Ste‑Michelle Ltée c. Les Vins La Salle Inc. (1983), 78 C.P.R. (2d) 279, il s’agissait de la marque MUSCATO et, enfin, Jordan & Ste-Micheline Cellars Ltd. c. Gillespies & Co. Ltd. (1985), 6 C.P.R. (3d) 377, portait sur la marque TOSCANO.

 

[22]           Toutes ces affaires se distinguent de celle qui nous concerne. La marque de commerce MUSCATO ne renvoyait pas au lieu d’origine des marchandises, mais elle pouvait donner à penser que le vin vendu sous ce nom était fait à partir de raisins de type muscat.

 

[23]           Pour ce qui est de TORONTOS, le registraire a conclu, bien qu’il s’agisse d’un mot inventé, que la marque était essentiellement un terme géographique. Enfin, il a déterminé, relativement à la marque TOSCANO, qu’il ressortait de la preuve soumise qu’il s’agissait du nom, en italien, du vin produit dans la région appelée Toscane.

 

[24]           Dans tous ces cas, enfin, la marque en cause ne comportait qu’un seul mot.

 

[25]           Il s’impose de prendre en compte le libellé retenu par le législateur à l’article 12 de la Loi. À l’alinéa 12(1)b), le législateur parle expressément d’une marque de commerce qui « ... donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise ... », alors qu’il emploie les mots « ... dans une langue ... » à l’alinéa 12(1)c). Par conséquent, s’il avait voulu appliquer la notion de la description claire ou de la description fausse et trompeuse aux marques de commerce de toute langue, il aurait eu recours à la formulation employée à l’alinéa 12(1)c) de la Loi. En faisant expressément mention de la langue française ou anglaise, les deux langues officielles du Canada, à l’alinéa 12(1)b), le législateur a exprimé son intention de restreindre la portée de cet alinéa aux marques de commerce françaises ou anglaises.

 

[26]           Le seul élément de la Marque qu’un consommateur moyen anglophone peut reconnaître est le mot CUBA. Pour un consommateur canadien francophone, les mots « de Cuba » peuvent signifier « venant de Cuba ». Toutefois, comme je dois déterminer si la Marque dans son ensemble donne une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des Marchandises et Services au sens de l’alinéa 12(1)b) de la Loi, je dois tenir compte des autres mots de la Marque, c’est‑à‑dire « EL » et « ESPIRITU ». Il s’agit de mots étrangers, de sorte qu’on ne peut dire que la Marque dans son ensemble donne une description claire ou une description fausse et trompeuse en langue française ou anglaise du lieu d’origine des marchandises ou services.

 

[27]           Par conséquent, je rejette le premier motif d’opposition.

 

Le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

 

[28]           Les deuxième et troisième motifs d’opposition mettent en cause, sous différents points de vue, le caractère distinctif de la Marque.

 

[29]           Dans son deuxième motif d’opposition, l’Opposante soutient que la Marque ne peut être distinctive parce qu’elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des Marchandises ou Services. Elle prétend que la restriction en matière de langue dont est assortie l’alinéa 12(1)b) ne s’applique pas à l’égard de ce motif et que, puisque la traduction anglaise de la Marque est « the spirit of Cuba », la Marque donne une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des Marchandises et Services étant donné qu’ils ne proviennent pas de Cuba. Par conséquent, la Marque ne peut être considérée distinctive à l’égard des Marchandises et Services.

 

[30]           Selon l’Opposante, l’élément dominant de la Marque est « DE CUBA » car c’est celui qui serait compris du consommateur canadien moyen. Le message communiqué au consommateur canadien moyen est que les Marchandises et Services en liaison avec lesquels la Marque est employée proviennent de Cuba, ce qui n’est pas le cas.

 

[31]           Je dois déterminer si la Marque dans son ensemble est distinctive et permet ainsi de distinguer les marchandises et Services de la Requérante de ceux d’autres personnes. Je ne dispose d’aucun élément de preuve établissant que le consommateur canadien moyen pourrait traduire la Marque en anglais ou en français. Je conviens qu’il pourrait reconnaître le mot CUBA, mais est‑ce suffisant pour conclure que la Marque dans son ensemble n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi? Ainsi qu’il en a déjà été fait mention, la Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot « Cuba » en dehors de la Marque.

 

[32]           Les deux premiers mots de la Marque, EL ESPIRITU, sont des mots étrangers. Pour le consommateur canadien moyen, ils sont intrinsèquement distinctifs. Dans son ensemble, la Marque possède donc un certain caractère distinctif inhérent malgré la présence du mot « Cuba ». Par conséquent, la Marque est adaptée à distinguer les Marchandises et Services de la Requérante.

 

[33]           Pour ces motifs, le deuxième motif d’opposition est rejeté lui aussi.

 

[34]           Dans son troisième motif d’opposition, l’Opposante affirme que la Marque n’est pas distinctive du fait qu’elle est censée être employée comme élément décoratif et non comme marque de commerce.

 

[35]           À l’audience, l’Opposante n’a pas soumis d’argumentation à l’égard de ce motif, sauf à déclarer que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve. Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante a consacré seulement quelques paragraphes à cet argument, dont voici un résumé : elle s’appuie sur la preuve produite par la Requérante, dans laquelle M. Salazar déclare que la Marque est employée comme « slogan » pour promouvoir les marchandises et les services. L’Opposante soutient qu’un tel usage est d’ordre décoratif ou promotionnel et ne constitue pas l’emploi d’une marque de commerce. Elle ajoute que la Requérante n’a pas soumis de preuve établissant l’emploi de la Marque comme marque de commerce. Elle fait état de la pièce 3 jointe à l’affidavit de M. Salazar.

 

[36]           Cette pièce 3 est constituée d’échantillons d’annonces dans lesquelles figure la Marque, mais rien n’indique que ces annonces ont connu une diffusion au Canada. La plupart d’entre elles semblent avoir paru dans des publications en espagnol. Aucune preuve n’établit que des Canadiens aient vu ces publicités. Par conséquent, je ne puis conclure que ces annonces constituent un emploi de la Marque au Canada en liaison avec des Services.

 

[37]           Par ailleurs, le fait qu’il s’agisse d’un slogan ne signifie pas qu’une marque n’est pas enregistrable. S’il est employé pour distinguer les Marchandises et Services de la Requérante de ceux d’autres personnes, il remplit les conditions pour être considéré comme une marque de commerce. De toute manière, la demande d’enregistrement est fondée sur l’emploi projeté au Canada, et rien au dossier n’indique que la Requérante n’a pas l’intention d’employer la Marque comme marque de commerce au Canada.

 

[38]           L’Opposante ne s’étant pas acquittée de son fardeau de preuve initial, ce motif d’opposition est rejeté.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi

 

[39]           Le seul argument avancé à l’audience à l’appui de ce motif d’opposition a été que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve. Un seul paragraphe du plaidoyer écrit de l’Opposante concerne ce motif. Celle‑ci y expose que la Requérante a déclaré, au moyen de l’affidavit de M. Salazar, que la Marque est employée comme slogan, mais qu’en dépit de cette déclaration, le slogan ne figure ni sur les produits ni sur leur emballage. Le seul emploi comme slogan intervient dans la publicité susmentionnée. L’Opposante affirme donc que l’intention de la Requérante est uniquement d’utiliser le slogan dans la promotion de ses produits et non de l’employer de façon à distinguer ses Marchandises et Services de ceux d’autrui comme l’exige l’article 2 de la Loi.

 

[40]           Pour les raisons exposées aux paragraphes 35 et 36, je rejette ce quatrième motif d’opposition. L’absence de preuve d’emploi de la Marque n’est pas fatale pour la demande d’enregistrement. Premièrement, cette demande est fondée sur l’emploi projeté, de sorte que la Requérante n’est pas tenue, à ce stade, de démontrer qu’elle emploie sa Marque au Canada en liaison avec les Marchandises et Services. Deuxièmement, rien dans la preuve de la Requérante n’indique que la publicité déposée dans la pièce 3 de l’affidavit de M. Salazar a été employée au Canada.

 

Conclusion

 

[41]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

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