Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 25

Date de la décision : 23-01-2013

DANS L’AFFAIRE DE DEUX OPPOSITIONS produites par Dollarama S.E.C. à l’encontre des demandes d’enregistrement nos 1 330 832 et 1 330 833 pour les marques de commerce DOLLAR GIANT NOTHING OVER A DOLLAR $1 et Dessin, et NOTHING OVER A DOLLAR $1 et Dessin au nom de Dollar Tree Stores Canada Inc.

Demande no 1 330, 32

[1]               Le 10 janvier 2007, Dollar Giant Store (B.C.) Ltée (la Requérante) a produit une demande en vue de faire enregistrer la marque de commerce DOLLAR GIANT NOTHING OVER A DOLLAR $1 et Dessin reproduite ci-dessous (la Marque). La Marque a, par la suite, été cédée à Dollar Tree Stores Canada Inc.

La demande d’enregistrement de la Marque comprend la revendication de couleur suivante :

La couleur est revendiquée comme caractéristique de la marque de commerce. Le dessin consiste en un cercle concentrique. Le cercle du centre contient le dessin d’une pièce de 1 $ jaune entourée de noir. Ce cercle noir comporte un fond vert. Le grand cercle contient les mots DOLLAR GIANT en vert et les mots NOTHING OVER A DOLLAR en noir. Ce cercle noir comporte un fond jaune.

 

[2]               La demande a été produite sur la base d’un emploi par la Requérante au Canada depuis au moins juillet 2001 en liaison avec l’exploitation de magasins de détail dans le domaine des articles d’usage courant (les Services initiaux). Les Services initiaux ont subséquemment été modifiés comme suit :

[TRADUCTION]
exploitation de magasins de détail dans le domaine des articles d’usage courant, nommément produits décoratifs pour la maison; mobilier et articles décoratifs; produits ménagers; batteries de cuisine, ustensiles de cuisine et ustensiles de table; linge de maison et serviettes pour la maison; literie; horloges et réveils; revêtements de sol; quincaillerie générale pour la maison; produits d’entretien ménager; souvenirs; articles de fantaisie; aimants; chaînes porte-clés; ornements décoratifs; articles en céramique; décorations et articles de jardin; cadeaux, articles et décorations de fête; papier d’emballage, sacs-cadeaux, boîtes-cadeaux, cartes-cadeaux; articles en papier; articles de couture; matériel d’artisanat; bougies, désodorisants ainsi que cônes, bâtons et sachets d’encens; articles de papeterie, agendas, agendas électroniques, journaux intimes, reliures, affiches, cartes de souhaits, livres à colorier, livres pour enfants, bandes dessinées, scrapbooks, livres en tous genres, magazines, autocollants, signets, calendriers et albums photographiques; crayons pour le dessin et l’écriture, ornements pour crayons, stylos, étuis à stylos et à crayons; cadres; articles de bureau; fournitures informatiques; fournitures scolaires; articles divers; vêtements, articles chaussants, couvre-chefs et accessoires connexes; bijoux et montres; sacs à main, sacs à dos, portefeuilles et porte-monnaie; articles en cuir, nommément sacs, portefeuilles, porte-monnaies, étuis porte-clés et ceintures; articles de lunetterie et lunettes de soleil; accessoires pour cheveux; articles de toilette, parfums et cosmétiques; produits d’hygiène personnelle; parapluies; jouets, jouets en peluche, jouets gonflables aquatiques, jeux, casse-tête, cartes à jouer, jeux de cartes et de plateaux, trousses de bricolage et articles de jeu; articles de sport et d’exercice; articles pour fumeurs; fournitures pour bébés; accessoires pour animaux de compagnie; produits alimentaires et boissons (les Services modifiés).

 

[3]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 14 novembre 2007.

[4]               Le 14 janvier 2008, Dollarama S.E.C. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition dans laquelle elle soulève les motifs d’opposition résumés ci-dessous :

(a)    en contravention de l’alinéa 30a) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985 ch. T-13 (la Loi), la demande ne renferme pas un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des Services initiaux;

(b)   en contravention de l’alinéa 30b) de la Loi, la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada en liaison avec les Services initiaux depuis juillet 2001 ou a abandonné la Marque en n'en faisant pas un usage continu;

(c)    en contravention de l’alinéa 30i) de la Loi, la Requérante ne pouvait pas être convaincue droit d’employer la Marque, car elle connaissait ou devait forcément connaître l’existence des marques de commerce de l’Opposante;

(d)   suivant l’alinéa 12(1)d) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable, car elle crée de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante enregistrées sous les nos TMA626 311; TMA673 081; TMA673 080; et TMA674 174;

(e)    suivant l’alinéa 16(1)a) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, car à la date de premier emploi alléguée dans la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante (ou de ses prédécesseurs en titre) mentionnées ci-dessus ainsi qu’avec d’autres marques de commerce de l’Opposante qui ont pour caractéristiques distinctives les couleurs vert et jaune;

(f)    suivant l’alinéa 16(1)c) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement, car à la date de premier emploi alléguée dans la demande, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial DOLLARAMA employé par l’Opposante ou ses prédécesseurs en titre;

(g)   suivant l’article 2 de la Loi, la Marque n’est pas et ne peut pas être distinctive des Services, car la Marque n’est pas adaptée à distinguer ni ne distingue véritablement les Services des services de l’Opposante ou de ses prédécesseurs en titre.

[5]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.  

[6]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit les affidavits de Neil Rossy, Christian Bourque, Yvon Pelletier, Anton Stajrer, Véronique Gaumond-Carignan, et Stephane Gonthier. M. Rossy et M. Bourque ont été contre-interrogés; les transcriptions et les réponses aux engagements ont été versées au dossier.

[7]               Au soutien de son opposition, la Requérante a produit les affidavits de Joseph Calvano, Mark Arden, et Dulce Campos. M. Calvano et M. Arden ont été contre-interrogés; les transcriptions et les réponses aux engagements ont été versées au dossier.

[8]               Les parties ont toutes deux présenté des observations écrites et participé à une audience qui s’est tenue le 7 novembre 2012.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[9]               La Requérante a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial consistant à présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298].

[10]           Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition soulevés sont les suivantes :

- alinéa 38(2)a)/article 30 de la Loi – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), p. 475], la demande doit cependant être examinée dans sa forme modifiée [voir, à titre d’exemple, Eaton Williams (Millback) Ltd c. Nortec Air Conditioning Industries Ltd (1982), 73 C.P.R. (2d) 70 (C.O.M.C.), p. 77];

 

- alinéas 38(2)b)/12(1)d) de la Loi – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

 

- alinéa 38(2)c)/paragraphe 16(1) de la Loi – la date de premier emploi indiquée dans la demande;

 

-    alinéa 38(2)d) de la Loi – la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a)

[11]                 Le fardeau de preuve initial qui incombe à l’Opposante au titre de l’alinéa 30a) est léger. En effet, pour s’en acquitter, la partie opposante n’a généralement qu’à présenter des arguments suffisants [McDonald's Corp c. M.A. Comacho-Saldana International Trading Ltd (1984), 1 C.P.R. (3d) 101 (C.O.M.C.), p. 104].

[12]                 L’Opposante soutient que la demande d’enregistrement de la Marque n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30a) de la Loi parce que, selon elle, la description des Services initiaux, c’est-à-dire « l’exploitation de magasins de détail dans le domaine des articles d’usage courant », peut s’appliquer à pratiquement n’importe quel commerce de détail.

[13]                 Au vu de la demande modifiée, soit celle comprenant les Services modifiés, produite par la Requérante, je suis d’avis que l’objection de l’Opposante ne tient plus. En ajoutant les différents types de marchandises vendues, la Requérante a clairement précisé le domaine d’activité de ses magasins de détail. Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) de la Loi.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b)

[14]                 S’agissant du motif fondé sur l’alinéa 30b), il est indiqué dans la demande que la Marque a été employée pour la première fois en juillet 2001, ce qui est interprété comme le 31 juillet 2001. L’alinéa 30b) de la Loi exige que la marque visée par la demande ait été employée de façon ininterrompue dans la pratique normale du commerce pendant la période s’étendant de la date de premier emploi revendiquée à la date de production de la demande [Benson & Hedges (Canada) Ltd c. Labatt Brewing Co (1996), 67 C.P.R. (3d) 258 (C.F. 1re inst.), p. 262].

[15]                 Le fardeau initial qui incombe à la partie opposante relativement à la question de la non-conformité à l’alinéa 30b) de la Loi est léger, car les faits concernant le premier emploi de la Marque par la Requérante relèvent essentiellement des connaissances de la Requérante [Tune Masters c. Mr P's Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), p. 89]. Pour s’acquitter de ce fardeau initial, la partie opposante peut s’appuyer aussi bien sur sa propre preuve que sur celle de la partie requérante [Labatt Brewing Co c. Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), p. 230]. Toutefois, lorsque la partie opposante se fonde sur la preuve de la partie requérante pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif, elle doit démontrer que la preuve de la partie requérante est « manifestement » incompatible avec les prétentions formulées dans la demande [Ivy Lea Shirt Co c. Muskoka Fine Watercraft & Supply Co (1999), 2 C.P.R. (4th) 562 (C.O.M.C.), pp. 565 et 566, conf. par (2001), 11 C.P.R. (4th) 489 (C.F. 1re inst.)].

[16]                 Je note que l’Opposante traite du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) au paragraphe 6 de ses observations écrites, puis, au paragraphe 90, demande au registraire de confirmer que la Requérante n’emploie pas la Marque depuis 2001 en liaison avec l’ensemble des Services initiaux décrits dans la demande. Aucune autre observation concernant ce motif d’opposition n’a été formulée à l’audience. Dans ces circonstances, j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve, car elle n’a présenté aucun élément de preuve relativement à ce motif d’opposition et n’a pas démontré que la preuve de la Requérante est manifestement incompatible avec la date de premier emploi revendiquée. Ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

[17]                 Relativement au motif fondé sur l’alinéa 30i), l’Opposante allègue que la Requérante ne pouvait pas être réellement convaincue qu’elle avait droit d’employer la Marque puisqu’elle devait forcément connaître l’existence des marques de commerce de l’Opposante. Lorsque la partie requérante a fourni la déclaration exigée par l’alinéa 30i), un tel motif d’opposition ne peut être retenu que dans des circonstances exceptionnelles, comme lorsqu’il existe une preuve de mauvaise foi [Sapodilla Co c. Bristol-Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155]. En l’espèce, la demande contient la déclaration exigée et il n’y a ni allégation ni preuve de mauvaise foi ou d’autres circonstances exceptionnelles. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[18]                 L’Opposante soutient que la Marque n’est pas enregistrable, car elle crée de la confusion avec une ou plusieurs des marques de commerce de l’Opposante enregistrées sous les nos TMA626 311; TMA673 080; TMA673 081; et TMA674 174. J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre et obtenu confirmation que ces quatre enregistrements sont en règle [Quaker Oats Co of Canada c. Menu Foods Ltd (1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)]. L’Opposante s’est donc acquittée du fardeau initial qui lui incombait à l’égard de ce motif.

[19]           Je dois maintenant déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de causer de la confusion avec une ou plusieurs des marques de commerce déposées de l’Opposante. J’estime que la marque la plus à même de permettre à l’Opposante d’obtenir gain de cause est celle enregistrée sous le no TMA674 174, soit la marque de commerce Dessin de polygone DOLLARAMA reproduite ci-dessous : 

La couleur est revendiquée comme une caractéristique de la marque de commerce. Le requérant revendique la couleur comme étant une caractéristique de la marque de commerce, nommément la couleur jaune pour le mot « DOLLARAMA », le nombre « 1 », le symbole « $ » et la fioriture du polygone; et la couleur verte pour l’arrière-plan du polygone et la fioriture extérieure du polygone.

[20]           Cette marque est employée en liaison avec les services suivants : 

 

 

exploitation de magasins de détail à escompte spécialisés dans la vente d’articles ménagers, articles cadeaux, vêtements, cartes de souhaits, aliments, matériel informatique, produits de parfumerie, articles de bureau, fournitures scolaires, matériel d’artisanat, ustensiles de cuisine, outils de jardinage, aliments pour animaux de compagnie, friandises et ornements.

                                                                                      

[21]           Le test à appliquer pour trancher la question de la confusion est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, qui porte que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Dans l’application du test en matière de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5), à savoir le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; dla nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[22]           Cette liste n’est pas exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chaque facteur varie en fonction du contexte [Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc, [2006] 1 R.C.S. 772 (C.S.C.), para. 54]. Je m’appuie également sur l’arrêt Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.), dans lequel la Cour suprême du Canada a indiqué, au paragraphe 49, que la ressemblance entre les marques (alinéa 6(5)e)) est souvent le facteur qui revêt le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion. La Cour suprême a également émis l’opinion, dans Masterpiece, précitée, qu’il est préférable, lorsqu’on compare des marques entre elles, de se demander d’abord si l’un des aspects des marques en cause est particulièrement frappant ou unique [para. 64].

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce

[23]           La marque de commerce Dessin de polygone DOLLARAMA possède un certain caractère distinctif inhérent. Le mot DOLLORAMA étant écrit en petits caractères, les caractéristiques les plus frappantes de cette marque sont ses éléments graphiques, ses couleurs et le symbole $1 [Sara Lee Global Finance LLC c. Abderahamane Magagi; 2006 CarswellNat 2090 (C.O.M.C.), para. 23]. Tout comme la marque de l’Opposante, la Marque possède un certain caractère distinctif inhérent, et ses éléments graphiques, ses couleurs et le symbole $1 en sont les caractéristiques dominantes; les mots DOLLAR GIANT étant écrits en petits caractères et l’expression NOTHING OVER A DOLLAR donnant une description claire des Services. Je souligne que le mot DOLLAR, le symbole $1 et/ou l’expression NOTHING OVER A DOLLAR ne contribuent en rien au caractère distinctif inhérent des marques en cause, car ces éléments évoquent sans ambiguïté ou décrivent clairement un magasin à un dollar.

[24]           Bien que les couleurs ne soient pas considérées comme intrinsèquement distinctives de marchandises [voir, à titre d’exemple, Novopharm Ltd c. Bayer Inc (1999), 3 C.P.R. (4th) 305 (C.F. 1re inst.), p. 322], la présence de couleurs dans une marque de commerce figurative unidimensionnelle contribue au caractère distinctif dans la mesure où les couleurs sont choisies de façon arbitraire et ne donnent pas une description claire des marchandises et services en liaison avec lesquels la marque est employée [Tommy Hilfiger Licensing Inc c. Produits de Qualité IMD Inc (2005), 37 C.P.R. (4th) 1 (C.F. 1re inst.), para. 101 et102; Melo’s Food Centre Ltd c. Borges Food Ltd (1995), 63 C.P.R. (3d) 289 (C.F. 1re inst.), para. 39]. 

[25]           M. Calvano, président et fondateur de la Requérante, affirme ce qui suit relativement aux couleurs jaune et verte choisies par la Requérante (au para. 5) :

[TRADUCTION]
[…] J’ai choisi la couleur « jaune », car il est bien connu dans l’industrie du détail que les consommateurs associent la couleur « jaune » à des marchandises ou des services à bas prix. […] De nombreux magasins de détail à bas prix utilisent la couleur « jaune », notamment Giant Tiger, Best Buy Canada Ltée, No Frills (une division de Loblaws Companies Ltée), Sports Mart (une division du Groupe Forzani), Liquidation World, Buy Low Foods, Payless Shoe Source et Dollar Daze. J’ai choisi la couleur « verte » parce qu’elle évoque la couleur de l’argent.

Je ne considère pas que cet élément de preuve ou les éléments de preuve dont il est fait mention dans les sections État du registre et État du marché de la présente décision appuient la conclusion que les couleurs jaune et verte ne sont pas intrinsèquement distinctives, car la preuve est insuffisante pour donner à penser que la combinaison de ses couleurs évoque systématiquement dans l’esprit des consommateurs la vente de marchandises à bas prix et l’argent.

La mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues

[26]                 Ce facteur favorise l’Opposante. La preuve de M. Rossy, directeur et premier vice-président, Marchandisage, chez l’Opposante, nous apprend ce qui suit :

         Le prédécesseur en titre de l’Opposante a commencé à employer la marque de commerce Enseigne DOLLARAMA et dessin en 1993 (para. 9). Il détenait à cette époque environ 44 magasins (para. 13). Depuis 1993, la marque de commerce DOLLARAMA et la marque de commerce Dessin de polygone DOLLARAMA sont exposées sur des affiches, des enseignes et des vitrines aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des magasins (pièce NR-4). J’estime que l’emploi de la variante de la marque de commerce Dessin de polygone DOLLARAMA comprenant les mots supplémentaires « All at » ou « Tout à » (sous le symbole 1$) équivaut à l’emploi de la marque de commerce Dessin de polygone DOLLARAMA. La marque de l’Opposante est affichée sur la devanture de la plupart des magasins de l’Opposante.

         L’Opposante est devenue l’un des plus importants exploitants de magasins à un dollar au Canada (para. 10). Elle compte aujourd’hui plus de 520 magasins (para. 13; pièce NR-3). Les magasins Dollarama de l’Opposante offrent une vaste sélection de produits d’usage courant au prix fixe de 1,00 $; certains articles sont toutefois vendus 2,00 $ (Q 68).

         Les ventes de l’Opposante au cours de la période allant de 2001 à 2008 se sont élevées à plus de 5 000 millions de dollars; des ventes d’au moins 300 millions de dollars ayant été réalisées chaque année (para. 22).

[27]           Selon la preuve de M. Calvano, la Requérante a ouvert son premier magasin DOLLAR GIANT le 5 juillet 2001 (para. 7) et ses ventes au cours de la période allant du 1er juillet 2001 au 30 juin 2008 se sont élevées à plus de 200 millions de dollars; le chiffre annuel des ventes ayant varié de 1 à 70 millions de dollars, selon l’exercice (para. 11). La preuve de M. Calvano nous apprend également qu’en date d’octobre 2008, la Requérante détenait 67 magasins de détail (para. 2). La preuve de Mark Arden, gestionnaire des ressources humaines, de la logistique, de l’administration et de la construction chez la Requérante, démontre que la Marque figure sur des enseignes qui sont apposées sur au moins un certain nombre des magasins de la Requérante (par exemple, les magasins nos 41, 44, 45, 46, 28, 29, 66 et 69; d’après les réponses fournies par M. Arden en contre-interrogatoire).

[28]           À la lumière de ce qui précède, je conclus que ce facteur favorise l’Opposante, car cette dernière a démontré que sa marque de commerce Dessin de polygone DOLLARAMA a fait l’objet d’un emploi plus important.

La période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage

[29]           Ce facteur favorise l’Opposante. L’Opposante revendique l’emploi de sa marque (par elle-même ou par son prédécesseur en titre) depuis au moins 1993 (affidavit de M. Rossy, para. 9) et a fourni des photographies de magasins, prises les 24 et 25 juin 2008, qui confirment l’emploi de la marque de commerce Dessin de polygone DOLLARAMA et qui, au dire de l'Opposante, sont représentatives de l’emploi qui a été fait depuis 1993 (pièce NR-4). En comparaison, la Requérante allègue employer la Marque depuis 2001 seulement (affidavit de M. Calvano, para. 24). 

Le genre de marchandises, services ou entreprises, et la nature du commerce

[30]           Pour évaluer le genre de marchandises et services et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des services figurant dans la demande de la Requérante avec l’état déclaratif des services figurant dans l’enregistrement de l’Opposante [Esprit International c. Alcohol Countermeasure Systems Corp (1997), 84 C.P.R. (3d) 89 (C.O.M.C.), pp. 98 et 99]. L’examen de ces états déclaratifs doit cependant avoir pour but de déterminer le genre probable d’entreprise ou d’activités commerciales envisagées par les parties, et non l’ensemble des activités commerciales que le libellé est susceptible d’englober. La preuve relative aux activités commerciales réellement exercées par les parties est utile à cet égard [McDonald's Corp v Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (FCA)]. En l’espèce, les parties exploitent toutes deux des magasins à un dollar dans lesquels le prix de la plupart des produits est fixé à 1,00 $ (l’Opposante vend également des articles à 2,00 $; contre-interrogatoire de M. Rossy, Q 68). Les parties offrent donc le même genre de services. Leurs activités commerciales sont également identiques. L’Opposante affirme tabler sur la notoriété de sa marque figurative DOLLARAMA et sur la combinaison des couleurs verte et jaune pour promouvoir ses services (contre-interrogatoire de M. Rossy, ligne 73) et soutient que ses magasins sont situés dans des zones à fort achalandage, tels des centres commerciaux et des galeries marchandes (affidavit de M. Rossy, para. 14) et que ses clients sont généralement pressés (affidavit de M. Rossy, para. 12). De même, la Requérante affirme ne pas consacrer de sommes importantes à la publicité et miser plutôt sur l’ambiance et l’image grâce à ses enseignes de magasin, ainsi qu’en choisissant des emplacements à forte circulation piétonnière, en privilégiant certaines techniques marchandes, en offrant un bon service et une grande variété de produits de qualité à bas prix (affidavit de M. Calvano, para. 12). La nature du commerce pourrait également accroître la probabilité de confusion, car il appert que les parties font peu de promotion ou de publicité et misent toutes deux fortement sur le souvenir laissé par leur marque dans l’esprit des consommateurs qui circulent dans les zones fortement achalandées où sont situés leurs magasins. Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce

[31]           Il existe une ressemblance considérable entre les marques des parties dans la présentation et dans les idées suggérées. La Marque et la marque de commerce Dessin de polygone DOLLARAMA de l’Opposante combinent toutes deux les couleurs verte et jaune avec des éléments circulaires et le symbole $1. Elles ont donc une apparence très similaire et évoquent la même idée, soit des produits offerts à un prix avoisinant 1,00 $

[32]           L’Opposante cite de nombreuses affaires dans lesquelles des marques commençant par un même préfixe d’usage courant, mais ayant une finale différente, ont été jugées suffisamment différentes pour être discernables [voir, à titre d’exemple, Eddie Presente Sposa Bella 2001 Inc c. 114243 Canada Ltee (1985), 6 C.P.R. (3d) 277 (C.F. 1re inst.); Maximum Nutrition Ltd c. Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 C.P.R. (3d) 519 (C.A.F.); Compulife Software Inc c. CompuOffice Software Inc [2001] C.F.P.I. 559 (C.F. 1re inst.)]. Or, les marques en cause dans chacune de ces affaires n’avaient pas, comme en l’espèce, de couleurs en commun.

[33]           Le registraire a déjà statué que des marques formées d’éléments graphiques similaires de couleurs semblables doivent être considérées comme des marques qui se ressemblent. Dans Canadian Assn of Blue Cross Plans c. Medex Assistance Corp; 1997 CarswellNat 2917 (C.O.M.C.), le registraire s’est exprimé ainsi au paragraphe 21 :

[TRADUCTION]
S’agissant du dessin-marque Cross de l’opposante, il est évident qu’il ressemble à la marque de la requérante, car les marques sont toutes deux formées essentiellement d’une croix. Toutefois, considérant que j’ai déjà admis que les croix sont très couramment associées à des marchandises et des services de nature médicale, ce fait revêt moins d’importance. Le fait que les marques de commerce comprennent toutes deux la couleur bleue revêt, par contre, une importance considérable, car le choix de cette couleur est totalement arbitraire; en effet, il n’existe pas de lien particulier entre la couleur bleue et des services médicaux, et l’opposante employait déjà depuis longtemps cette couleur en liaison avec son dessin de croix lorsque la requérante a commencé à employer sa marque. Pour ce qui est de la marque de l’opposante qui combine les mots BLUE CROSS et son dessin de croix, j’estime qu’elle présente certaines similitudes avec celle de la requérante, car les marques comprennent toutes deux une croix et des mots en lettres majuscules figurant près de la croix. Le mot MEDEX est distinctif, certes, mais la présence combinée d’un dessin de croix, de mots en lettres majuscules et de la couleur bleue dans chacune des marques rend les marques très semblables dans la présentation et dans les idées suggérées.

[34]           Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante de manière importante.

Importance des enregistrements antérieurs de la Requérante

[35]           La Requérante a également démontré qu’elle est déjà propriétaire de l’enregistrement no TMA718 692, qui correspond à la marque reproduite ci-dessous, et des enregistrements nos TMA638 946 et TMA639 232, qui correspondent aux marques DOLLAR GIANT et DOLLAR GIANT NOTHING OVER A DOLLAR [affidavit de M. Calvano, pièce D, E et F].

La couleur est revendiquée comme caractéristique de la marque de commerce. Le dessin consiste en un ovale concentrique séparé en deux parties. Le contour extérieur de l’ovale est jaune et le contour intérieur est vert. La partie gauche de l’ovale contient les mots HONEST! NOTHING OVER A. . . en jaune sur un arrière-plan vert. Le mot HONEST! est souligné en jaune. La partie droite de l’ovale contient le chiffre 1 et le symbole $ ainsi qu’une flèche pointant vers le bas, en vert sur un arrière-plan jaune.

Or, le fait de posséder déjà un ou plusieurs enregistrements ne confère pas le droit automatique d’obtenir l’enregistrement d’une autre marque même si celle-ci est étroitement liée aux enregistrements antérieurs [voir American Cyanamid Co c. Stanley Pharmaceuticals Ltd (1996), 74 C.P.R. (3d) 571 (C.O.M.C.), p. 576].

Autres circonstances de l’espèce – état du registre

[36]           Dans le cadre de sa preuve, la Requérante a produit l’affidavit de Mme Dulce Campos, une recherchiste en marques de commerce. Mme Campos a effectué une série de recherches dans le but de repérer des marques qui comprennent la couleur verte, la couleur jaune, des représentations de pièce de monnaie, des symboles monétaires ou le mot « dollar », et dont les états déclaratifs des marchandises et services renferment les mots « retail » [détail], « discount » [escompte], « dollar » et « store » [magasin]. J’estime que ces recherches ne sont pas pertinentes, car c’est l’emploi combiné de ces éléments qui permettrait de déterminer si les consommateurs ont l’habitude de distinguer ces éléments entre eux lorsqu’ils figurent côte à côte.

[37]           Si j’avais jugé pertinentes les recherches qu’a effectuées Mme Campos dans le but de repérer des marques de commerce comprenant le mot DOLLAR et le symbole $, j’aurais considéré ces recherches comme favorables à la cause de l’Opposante. Plus précisément, j’aurais conclu, considérant que le mot DOLLAR et le symbole $ sont des éléments couramment employés en liaison avec des magasins de détail (et, en particulier, des magasins à un dollar), que les consommateurs sont sans doute plus enclins à se fier à la couleur des marques pour déterminer la source des marchandises ou services.

[38]           J’estime cependant pertinente la recherche qu’a effectuée Mme Campos en vue de repérer des demandes actives revendiquant à la fois la couleur verte et la couleur jaune, visant des services de la catégorie 35 et dont les états déclaratifs des marchandises et services comprennent les mots « retail » [détail], discount [escompte], dollar ou « store » [magasin] (para. 3(a) et pièce 2). Au paragraphe 260 de ses observations écrites, la Requérante soutient que la recherche effectuée par Mme Campos a permis de repérer huit autres marques de commerce qui comprennent les couleurs verte et jaune. J’estime, néanmoins, que la preuve relative à l’état du registre n’aide en rien la Requérante, car, parmi les marques de commerce repérées par Mme Campos, une seule est pertinente [Kellogg Salada Canada Inc c. Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)] :

Marque de commerce (et revendication de couleur)

Propriétaire

No d’enregistrement

Marchandises et services

La couleur est revendiquée comme une caractéristique de la marque de commerce. La partie hachurée de la marque de commerce est en vert et jaune. Le mot BASICS et la série de tirets horizontaux en dessous sont représentés en jaune. Le mot FOOD est représenté en blanc. Le fond est représenté en vert.

Metro Ontario Inc.

TMA563 467

Exploitation de supermarchés et d’épiceries.

Les autres marques qu’a repérées Mme Campos lors de sa recherche de marques comprenant les couleurs verte et jaune ne sont pas pertinentes pour les raisons suivantes :

         enregistrements nos TMA616 125, TMA656 519 et TMA220 541 – les services diffèrent de manière importante des services de la Requérante et de l’Opposante [Camiceria Pancaldi & B Srl c. Cravatte Di Pancaldi Srl; 2007 CarswellNat 5674 (C.O.M.C.), para. 38];

         enregistrement no TMA718 692 – cet enregistrement appartient à la Requérante et ne peut, par conséquent, être inclus dans la preuve relative à l’état du registre [Allergan Inc c. Lancôme Parfums & Beauté & Cie, société en nom collectif (2007), 64 C.P.R. (4th) 147 (C.O.M.C.), para. 66];

         enregistrements nos TMA656 122, TMA656 467 et TMA546 662 – les couleurs verte et jaune ne sont pas des éléments dominants de ces marques de commerce ou sont présentées d’une manière qui diffère considérablement par rapport à la Marque et à la marque de l’Opposante [RPM, A Partnership c. American Biltrite Intellectual Properties (2011), 92 C.P.R. (4th) 329, para. 44].

Autres circonstances de l’espèce – état du marché

[39]           Aux paragraphes 258 et 259 de ses observations écrites, la Requérante fait valoir qu’il existe dans le secteur des magasins à un dollar ou des magasins à escompte [TRADUCTION] « d’excellents motifs d’employer la couleur verte, car cette dernière évoque un dollar (argent), et la couleur jaune est utilisée pour suggérer l’idée d’“escompte”, de “bas prix” ou de “vente au rabais”». Elle ajoute que d’autres commerçants emploient une combinaison de couleurs similaire. Pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus, j’estime non pertinente la preuve fournie par la voie des affidavits de Mme Campos et de M. Arden relativement au fait que des détaillants emploient des marques qui comprennent soit la couleur jaune soit la couleur verte, car cette preuve ne me permet pas de déterminer si les consommateurs sont à même de distinguer entre elles des marques qui comprennent à la fois la couleur jaune et la couleur verte.

[40]           Bien qu’il s’agisse de ouï-dire, j’accorde un certain poids à la preuve de la Requérante concernant la présence d’enseignes et/ou de marques de commerce combinant les couleurs verte et jaune sur des sites Web tels que ceux de Top Dollar Bargain Centre et de Food Basics, même si cette preuve n’établit pas depuis combien de temps ces marques de commerce sont employées ni dans quelle mesure. Je souligne, cependant, que je considère non pertinente l’entreprise End of the Roll, un détaillant de tapis et de revêtements de sol à bas prix (affidavit de Mme Campos, pièce 8), car les services offerts par ce détaillant ont trop peu en commun avec les services de la Requérante et de l’Opposante. J’estime que cette preuve de la Requérante ne constitue pas une circonstance additionnelle importante, car elle n'établit pas que les consommateurs sont à même de distinguer entre elles, dans le secteur des magasins à un dollar ou à escompte, des marques qui ont pour caractéristique dominante la combinaison de vert et de jaune.

Autres circonstances de l’espèce – association des couleurs verte et jaune à l’Opposante

[41]           Dans United Artists Pictures Inc c. Pink Panther Beauty Corp (1998), 80 C.P.R. (3d) 247 (C.A.F.), p. 264, la Cour d’appel fédérale a écrit que la « présentation » pouvait constituer une circonstance additionnelle pertinente :

[TRADUCTION]
La présentation ou l’emballage d’un produit, ou, en d'autres termes, la façon dont la marque est présentée aux consommateurs, est un facteur important dans l’appréciation de la probabilité de confusion.

 

En outre, dans Joseph E. Seagram & Sons Ltd c. Seagram Real Estate Ltd, (1990), 33 C.P.R. (3d) 454 (C.F. 1re inst.), la Cour fédérale a indiqué, au paragraphe 38, que les marques de commerce devaient être comparées en fonction de l’usage réel qui en est fait dans le commerce.

[42]           À titre de circonstance additionnelle, l’Opposante invoque le fait qu’elle emploie depuis longtemps une combinaison de vert et de jaune et que la Requérante a adopté des nuances de couleur identiques. Étant donné la ressemblance entre la Marque et la marque de commerce Dessin de polygone DOLLARAMA de l’Opposante, le fait qu’une présentation plus ou moins similaire soit employée n’entrera pas en ligne de compte dans ma décision finale et, par conséquent, j’estime qu’il ne s’agit pas là d’une circonstance additionnelle importante en l’espèce.

[43]           L’Opposante a également produit, dans le cadre de sa preuve, l’affidavit de Christian Bourque, un expert en sondages. La Cour suprême a conclu dans l’arrêt Masterpiece que, dans les affaires de confusion entre des marques de commerce où le test en matière de confusion doit être appliqué du point de vue du consommateur ordinaire qui ne possède pas de compétences ou de connaissances particulières, la preuve d’expert n’est généralement pas nécessaire (para 80). La Cour suprême a affirmé que, lorsque les marchandises sont vendues au grand public en vue d’un usage normal, comme en l’espèce, la question de savoir si une marque de commerce crée de la confusion peut être tranchée par les décideurs, qui peuvent se fier, à cet égard, à leur propre opinion quant à la probabilité de confusion. Plus particulièrement, la Cour suprême a déclaré que les sondages peuvent apporter une preuve empirique des réactions des consommateurs qui ne sont généralement pas connues des décideurs. La Cour suprême a affirmé que, pour satisfaire au critère de la pertinence énoncé dans R c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9 (C.S.C.), le sondage doit être à la fois fiable et valide.

[44]           Relativement à la question de la pertinence, je souligne qu’en l’espèce, l’affidavit de M. Bourque fournit des éléments de preuve quant à la façon dont les consommateurs perçoivent diverses combinaisons de couleurs formées soit de vert et de jaune, soit de rouge et de jaune, soit de la marque de commerce de la Requérante visée par la demande no 1 330 833 (cette marque reprend les couleurs décrites dans le sondage) :

NOTHING OVER A DOLLAR $1 & Design

La couleur est revendiquée comme caractéristique de la marque de commerce. Le dessin est un cercle concentrique. Le cercle interne contient le symbole monétaire $1 représenté en jaune et son contour est noir. Le cercle interne a un arrière-plan vert et son contour est noir. Le cercle externe contient les mots NOTHING OVER A DOLLAR en lettrage noir. Le cercle externe a un arrière-plan jaune et son contour est noir.

[45]           La Requérante soutient que le sondage n’est pas pertinent puisqu’il ne fournit aucun résultat se rapportant à la confusion entre la Marque et les marques de commerce déposées de l’Opposante. Je suis du même avis. Le sondage ne me permet pas de trancher la question de la confusion, car la confusion qui pourrait survenir entre la combinaison des couleurs jaune et verte, ou la marque visée par la demande no 1 330 833, et la Marque n’est pas nécessairement un indicateur fiable de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce Dessin de polygone DOLLARAMA (ou toute autre marque déposée de l’Opposante).

Autres circonstances de l’espèce – absence de preuve de confusion réelle

[46]           Il appert de la preuve que la Marque de la Requérante et la marque de commerce Dessin de polygone DOLLARAMA ont été employées dans des magasins situés, pour certains, dans les mêmes villes, notamment Calgary (Alberta), Surrey (Colombie-Britannique), Kamploops (Colombie-Britannique) et Moosejaw (Saskatchewan). La Requérante soutient que l’absence de preuve de confusion réelle constitue une circonstance additionnelle importante en l’espèce. Je ne suis pas de cet avis, car il semble que la Marque soit une marque de commerce secondaire constamment employée en conjugaison avec une ou plusieurs des marques maison de la Requérante, et, apparemment, il en va de même pour la marque de commerce Dessin de polygone DOLLARAMA de l’Opposante. Par conséquent, l’absence de preuve de confusion réelle ne constitue pas une circonstance additionnelle pertinente en l’espèce. [Simmons IP Inc c. Park Aveneue Corp; 1996 Carswell 3091 (C.O.M.C.), para. 13].

Conclusion

[47]           Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, il existe une probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce Dessin de polygone DOLLARAMA. Après examen de l’ensemble des circonstances, j’estime qu’il existe une forte ressemblance entre les marques du fait que les marques ont une forme et une présentation similaire, et parce que les couleurs jaune et verte occupent dans chacune d’elles une place prépondérante. Ce motif d’opposition est accueilli.

Motifs d’opposition fondée sur l’alinéa 16(1)a) et sur l’article 2

[48]           Les motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 16(1)a) et sur l’article 2 sont également liés à l’appréciation de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce Dessin de polygone DOLLARAMA de l’Opposante. La preuve de l’Opposante décrite à la section portant sur le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est suffisante pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve. Je n’examinerai pas ces motifs d’opposition en détail, car, malgré que les dates pertinentes qui leur sont associées soient antérieures, ils ne favorisent pas davantage la Requérante que le motif examiné précédemment. Conséquemment, ces motifs d’opposition sont, eux aussi, accueillis.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)c)

[49]           Comme j’ai déjà donné gain de cause à l’Opposante relativement à trois de ses motifs d’opposition, je n’examinerai pas ce motif.

Demande no 1 330 833

[50]           La demande d’enregistrement no 1 330 833 visant la marque de commerce NOTHING OVER A DOLLAR $1 et Dessin (reproduite ci-dessous) a été produite le 10 janvier 2007 sur la base de l’emploi de la marque en liaison avec les Services depuis au moins juillet 2001.

 

Exception faite des facteurs énoncés au paragraphe 6(5), qui sont examinés plus en détail ci-dessous, les questions à trancher et la preuve au dossier sont essentiellement les mêmes que dans le cas de la demande no 1 330 832. J’estime, dans ce cas également, que l’argument le plus solide de l’Opposante est son enregistrement no TMA674 174 visant la marque de commerce Dessin de polygone DOLLARAMA pour ce qui est du motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) et l’emploi qu’elle a fait de cette marque de commerce pour ce qui est du motif fondé sur l’article 16. Dans le cas présent, la probabilité de confusion joue encore plus en faveur de l’Opposante, car le caractère distinctif inhérent est encore moins marqué que celui de la marque faisant l’objet de la demande no 1 330 833. Étant donné mes conclusions quant au degré de ressemblance, j’estime qu’il n’est pas nécessaire que j’examine le sondage produit en preuve par la voie de l’affidavit de M. Bourque pour parvenir à la conclusion qu’il existe une probabilité de confusion. Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 12(1)d) et 16(1)a) sont accueillis. Comme je donne gain de cause à l’Opposante sur ces deux motifs, la demande s’en trouve rejetée et il n’est pas utile que j’examine les autres motifs d’opposition soulevés à l’égard de cette demande.

 

Décision

[51]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette les demandes nos 1 330 832 et 1 330 833 en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire


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