Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2013 COMC 7

Date de la décision : 2013-01-11

RELATIVEMENT À UNE OPPOSITION par Guerlain Société Anonyme à la demande no 1,417,586 concernant la marque de commerce KISS KISS BRONZE BRONZE au nom d'Australian Gold Inc.

[1]               Le 7 novembre 2008, Australian Gold Inc. (le Requérant) a déposé une demande d'enregistrement de la marque de commerce KISS KISS BRONZE BRONZE (la Marque), fondée sur son emploi au Canada depuis au moins le 3 novembre 2008 en lien avec les marchandises suivantes : « préparations de bronzage non médicamentées vendues exclusivement dans les salons de bronzage intérieur », conformément aux modifications appliquées à la suite d'une demande révisée acceptée le 15 août 2011 (les Marchandises). Le Requérant invoque dans sa demande la date de dépôt prioritaire du 13 mai 2008, s'appuyant sur la demande n77/472811 déposée aux États-Unis.

[2]               La demande a été annoncée en vue de la procédure d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 2 septembre 2009.

[3]               Le 26 janvier 2010, Guerlain Société Anonyme (l'Opposant) a produit une déclaration d'opposition, dont les motifs se résument comme suit :

         en vertu des alinéas 38(2)a) et 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), la demande n'est pas conforme à l'alinéa 30b) de la Loi parce que :

                                                                    i.      au moment de produire la demande concernant la Marque, le Requérant n'avait pas utilisé la Marque en lien avec les Marchandises, ce qui fait que la date de premier emploi alléguée est fausse;

                                                                  ii.      l'emploi allégué (qui est rejeté) de la Marque en lien avec les Marchandises a cessé.

         en vertu des alinéas 38(2)a) et 30b) et h) de la Loi, la marque que le Requérant prétend employer n'est pas la Marque, mais plutôt une marque différente.

         en vertu des alinéas 38(2)a) et 30i) de la Loi, le Requérant ne peut avoir été convaincu qu'il avait droit d'employer la Marque au Canada compte tenu des allégations dans la déclaration d'opposition, y compris la connaissance qu'avait le Requérant des droits de l'Opposant; étant donné le fait que tout emploi de la Marque serait illégal puisqu'il viole les droits de l'Opposant; et compte tenu du fait que tout emploi de la Marque diminuerait la valeur de l’achalandage attaché aux marques de l'Opposant, contrairement à l'article 22 de la Loi, et enfreindrait l'alinéa 7b) de la Loi.

         En vertu des alinéas 39(2)b) et 12(1)d), la Marque ne peut être enregistrée puisqu'elle crée de la confusion avec les marques de commerce enregistrées de l'Opposant (les Marques KISSKISS de l'Opposant).

                                                                    i.      KISSKISS Dessin, TMA462,354, illustré ci-dessous;

KISSKISS DESSIN

                                                                  ii.      KISS-KISS, TMA247,324.

         En vertu des alinéas 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi, le Requérant n'avait pas le droit d'enregistrer la Marque, parce qu'à la date de premier emploi alléguée, ainsi qu'à toute date critique, la Marque créait de la confusion avec les Marques KISSKISS de l'Opposant précédemment employées ou révélées au Canada par l'Opposant, par ses prédécesseurs en titre ou, à son avantage, par des titulaires de licences concernant divers produits, à savoir des produits de soins personnels, des parfums et des cosmétiques.

         En violation de l'alinéa 38(2)c) et de la section d'introduction du paragraphe 16(1) de la Loi, le Requérant n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque puisque la demande n'est pas conforme à l'article 30 de la Loi; la Marque n'est pas une marque employée, mais bien une marque proposée; l'emploi de la Marque a cessé; la Marque ne peut pas être enregistrée parce qu'elle ne constitue pas une marque de commerce, n'ayant pas pour but de distinguer les Marchandises de celles des autres; et la Marque est purement fonctionnelle ou décorative.

         En vertu de l'alinéa 38(2)d) et de l'article 2 de la Loi, la Marque n'est pas distinctive des Marchandises et ne peut l'être puis qu'elle ne permet pas de distinguer les Marchandises des marchandises ou des services des autres, y compris ceux de l'Opposant.

[4]               Le Requérant a produit et signifié une contre-déclaration, dans laquelle il nie les allégations de l'Opposant et le met en demeure de les prouver rigoureusement.

[5]               À l'appui de sa déclaration d'opposition, l'Opposant a produit l'affidavit de Sandrine Briatte, directrice du marketing chez Guerlain Canada Ltée, société distributrice et filiale de l'Opposant au Canada, ainsi que des copies certifiées des enregistrements de l'Opposant (TMA247,324 pour KISS-KISS et TMA462,354 pour KISSKISS DESSIN)

[6]               À l'appui de sa demande, le Requérant a produit la déclaration assermentée de Susan Phemster, directrice principale des marques de commerce d'Australian Gold LLC, titulaire de licence du Requérant; l'affidavit de Lesley Gallivan, chercheur en marques de commerce employé par l'agent du Requérant; ainsi qu'une copie certifiée de l'affidavit de Sandrine Briatte datée du 7 octobre 2010 relativement à l'enregistrement numéro TMA462,354 au Canada concernant la marque KISSKISS Dessin au nom de l'Opposant.

[7]               Les deux parties ont produit des observations écrites. Une audience a eu lieu, mais seul le Requérant y était représenté.

Obligations et dates critiques

[8]               Il incombe au Requérant de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, il revient a priori à l'Opposant de présenter suffisamment de preuves recevables desquelles on peut raisonnablement conclure que les faits allégués à l'appui de chaque motif d'opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (C.F. 1re inst.) page 298].

[9]               Les dates critiques qui s'appliquent aux motifs d'opposition sont les suivantes :

         alinéa 30(2)a)/article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 à 475 COMC) et Tower Conference Management Co c. Canadian Exhibition Management Inc (1990), 28 CPR (3d) 428 page 432 (COMC)];

         alinéas 38(2)b)/12(1)d) – la date de ma décision ‑[voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

         alinéa 38(2)c)/paragraphe 16(1) – la date de premier emploi alléguée [voir le paragraphe 16(1) de la Loi];

         alinéa 38(2)d)/article 2 – ‑la date de soumission de l'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4e) 317 (CF)].

Article 30, Motifs d'opposition

Non-respect du paragraphe 30(b) de la Loi

[10]           Le fardeau initial qui incombe à l'Opposant est peu astreignant concernant la question de la non-conformité avec l’alinéa 30b), car les faits en rapport avec le premier emploi de la marque par le Requérant relèvent essentiellement des connaissances de celui-ci [voir Tune Masters c. Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC) page 89].

[11]           L'Opposant peut s'appuyer sur la preuve du Requérant pour s'acquitter du fardeau initial qui lui incombe relativement à ce motif [voir Molson Canada c. Anheuser-Busch Inc (2003), 29 CPR (4e) 315 (C.F. 1re inst.) et York Barbell Holdings Ltd c. ICON Health and Fitness, Inc (2001), 13 CPR (4e) 156 (COMC)]. Toutefois, l'Opposant est dans l'obligation de démontrer que la preuve est « nettement » incompatible avec les prétentions exposées dans la demande du Requérant [voir Ivy Lea Shirt Co c. 1227624 Ontario Ltd (1999), 2 CPR (4e) 562 page 565-6 (COMC), conf. par 11 CPR (4e) 489 (C.F. 1re inst.)].

[12]           Dans le cas présent, l'Opposant n'a pas produit de preuve directement liée au motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30b); il a plutôt présenté des observations interprétant la preuve produite par le Requérant pour tenter de s'acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe.

[13]           La demande fait état de l'emploi de la Marque en lien avec les Marchandises depuis au moins le 3 novembre 2008. Mme Phemster fournit une preuve concernant les activités d'Australian Gold LLC, le titulaire de licence du Requérant (le Titulaire de licence). Elle déclare solennellement que le Titulaire de licence fabrique les produits vendus sous la Marque, en vertu d'une licence octroyée par le Requérant. Mme Phemster confirme que le Requérant exerce un contrôle sur le caractère et la qualité des Marchandises vendues sous la Marque (paragraphe 1). En l'absence d'un contre-interrogatoire ou d'une preuve contradictoire, je n'ai aucune raison de douter des déclarations solennelles de Mme Phemster à cet égard.

[14]           Mme Phemster déclare que la Marque est appliquée aux produits du Titulaire de licence, de pair avec la marque maison AUSTRALIAN GOLD®. Mme Phemster affirme que le Titulaire de licence applique la Marque aux produits de bronzage intérieur, lesquels sont vendus à l'échelle internationale (y compris au Canada), depuis au moins le mois de juillet 2008 (paragraphes 3 et 15).

[15]           Dans son observation écrite, l'Opposant fait valoir que Mme Phemster n'a pas fourni de preuve démontrant la manière dont la Marque est affichée sur les produits. C'est vrai. Toutefois, afin de décider si l'Opposant s'est acquitté du fardeau qui lui incombait en vertu de l'alinéa 30b) en s'appuyant sur la preuve du Requérant, l'Opposant doit déterminer que la preuve du Requérant est nettement incompatible avec la date de premier emploi alléguée.

[16]           Malgré le fait que le Requérant n'a pas fourni d'exemple de la façon dont la Marque est affichée sur les Marchandises, Mme Phemster a déclaré sous serment que la Marque est appliquée aux Marchandises de pair avec la marque de commerce AUSTRALIAN GOLD®. En outre, bien qu'elle n'ait pas présenté de chiffres d'affaires concernant les Marchandises, Mme Phemster déclare solennellement que le Titulaire de licence vend les Marchandises au Canada depuis au moins le mois de juillet 2008. En l'absence d'un contre-interrogatoire ou d'une preuve contradictoire, je n'ai aucune raison de douter des déclarations solennelles de Mme Phemster.

[17]           À la lumière de ce qui précède, je conclus que la preuve n'est pas nettement incompatible avec la date de premier emploi alléguée et, par conséquent, que l'Opposant ne s'est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait. Donc, le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30b) de la Loi est rejeté.

Non-respect des alinéas 30(b) et (h) de la Loi

[18]           L'Opposant prétend aussi que la demande n'est pas conforme aux alinéas 30b) et h), parce que la marque pour laquelle le Requérant allègue l'emploi n'est pas la Marque, mais plutôt une marque différente.

[19]           Je remarque que l'Opposant n'a pas soumis d'autres faits, preuves ni observations à l'appui de l'allégation voulant que la marque telle qu'elle est employée par le Requérant ne corresponde pas à la Marque visée dans la demande. En ce qui concerne la portion relative à l'alinéa 30b), je conclus que l'Opposant ne s'est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait.

[20]           Quant à la portion relative à l'alinéa 30h), je note que cet alinéa n'est pas pertinent étant donné que la demande concerne un mot servant de marque plutôt qu'un dessin de marque. Par conséquent, la portion relative à l'alinéa 30h) n'est pas dûment plaidée.

[21]           À la lumière de ce qui précède, ces motifs d'opposition sont rejetés.

Non-respect du paragraphe 30(i) de la Loi

[22]           L'alinéa 30i) de la Loi exige que tout requérant se déclare convaincu qu’il a droit d’employer la marque visée par la demande. Selon la jurisprudence, il peut y avoir violation de l’alinéa 30i) dans l’une des deux situations suivantes. La première vise des cas exceptionnels, par exemple l’existence de mauvaise foi qui rend fausse la déclaration dans laquelle le requérant affirme être convaincu qu’il a le droit d’utiliser la marque de commerce visée par la demande [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), page 155; Cerverceria Modelo, S.A. de C.V. c. Marcon reflex, (2008), 70 CPR (4e) 355 (COMC), page 369]. En l’espèce, aucun élément de preuve ne tend à indiquer l’existence de mauvaise foi chez le Requérant. La deuxième situation se présente lorsque qu’il y a une preuve suffisante à première vue de non-conformité à une loi fédérale, comme la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C-42, la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. 1985, ch. F-27, ou la Loi sur la Société canadienne des postes, L.R.C. 1985, ch. C-10 [voir Interactiv Design Pty Ltd. c. Grafton-Fraser Inc. reflex, (1998), 87 CPR (3d) 537 (COMC), pages 542 et 543].

[23]           Ni le registraire, ni la Cour fédérale n’ont décidé si un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) et soulevant la violation de l’article 22 constitue un motif d’opposition valable [Parmalat Canada Inc. c. Sysco Corp. 2008 69 CPR (4e) 349 (C.F. 1re inst.), paragraphes 38 à 42].  Même si j’estimais ce motif d’opposition valide, il ne pourrait nullement être retenu, puisque l’Opposante n’a fourni aucune preuve étayant la probabilité d’une diminution de la valeur de l’achalandage au soutien de l’allégation de violation de l’article 22 [voir l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée 2006 SCC 23 (CanLII), (2006), 49 CPR (4e) 401 (CSC), paragraphes 46 et 63 à 68]. Il en est de même pour l'allégation voulant que l'emploi soit contraire à l'alinéa 7b) de la Loi. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Motif de la non-enregistrabilité au sens de l'alinéa 12(1)d) de la Loi

[24]           L’opposant est déchargé de son fardeau de preuve initial à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) si un ou plusieurs des enregistrements invoqués sont en règle à la date de la décision relative à l’opposition. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence du ou des enregistrements invoqués par l’Opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. J’ai exercé ce pouvoir discrétionnaire et je confirme que les deux enregistrements ont récemment fait l'objet de procédures en vertu de l'article 45. Des décisions relatives à ces procédures ont été rendues le 5 octobre 2012 et communiquées aux parties le 15 octobre 2012. Le Registraire a décidé de maintenir l'enregistrement no TMA247,324 en entier (c.-à-d. pour le « brillant à lèvres ») et de modifier l'enregistrement no TMA462,354 de façon que le nouvel état déclaratif des marchandises soit ainsi libellé : « cosmétiques, nommément: rouge à lèvres ». Étant donné que les enregistrements sont en vigueur, l'Opposant s'est acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait.

[25]           Je dois maintenant déterminer si le Requérant s’est acquitté de son fardeau ultime.

[26]           Le critère relatif à la confusion concerne le principe de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[27]           En appliquant le critère relatif à la confusion, le Registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles précisément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Il n'est pas nécessaire que ces facteurs se voient attribuer le même poids. [Voir, en général, Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4e) 321 (CSC) et Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4e) 361 (CSC).]

Alinéa 6(5)a) – Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[28]           La marque est composée des mots communs KISS et BRONZE, lesquels figurent au dictionnaire. Le mot KISS a un caractère distinctif inhérent du fait qu'il n'a aucune signification claire en lien avec les Marchandises. En revanche, le mot BRONZE évoque les Marchandises, lesquelles sont associées au « bronzage » de la peau.

[29]           Le mot KISS évoque largement la nature des marchandises de l'Opposant, à savoir le rouge à lèvres et le brillant à lèvres. La marque de commerce de l'Opposant KISSKISS Dessin possède aussi des éléments graphiques prenant la forme de texte stylisé. Cependant, ces éléments graphiques n'augmentent pas beaucoup le caractère distinctif inhérent.

[30]           L'Opposant fait valoir que ses marques possèdent un caractère distinctif inhérent du fait que le mot KISS apparaît deux fois. Je suis d'avis que la simple duplication d'un mot, particulièrement d'un mot aussi suggestif que celui associé aux marchandises, ne suffit probablement pas pour créer un caractère distinctif inhérent à une marque de commerce. Toutefois, je n'ai pas besoin de statuer sur cette question puisque les marques des deux parties présentent toutes deux cette duplication et que, par conséquent, tout caractère distinctif inhérent créé par une telle duplication avantagerait également les deux parties.

[31]           À la lumière de ce qui précède, j'estime que le caractère distinctif inhérent de la Marque est légèrement supérieur à celui des marques KISSKISS de l'Opposant, du fait que le mot KISS n'a aucune signification relativement aux Marchandises.

[32]           La force d'une marque de commerce peut être accrue si elle devient connue au Canada par la promotion ou l'utilisation. Je vais maintenant étudier la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues au Canada.

[33]           Comme il en a été question précédemment au sujet du motif d'opposition en vertu de l'alinéa 30b), bien que je sois convaincue que le Requérant a appliqué la Marque aux Marchandises qui sont vendues au Canada depuis au moins le mois de juillet 2008, le Requérant n'a pas fourni de preuve indiquant la façon dont la Marque est affichée sur les Marchandises ou sur leur emballage, ni de chiffres d'affaires ou de dépenses en publicité. En l'absence de preuves de cette nature, je ne suis pas en mesure de déterminer la mesure dans laquelle la Marque est devenue connue.

[34]           Dans son affidavit, Mme Briatte déclare solennellement que l'Opposant a adopté les marques KISSKISS en 1977; cependant, je remarque que la preuve documentaire à l'appui qui a été produite remonte seulement à 2004.

[35]           Contrairement au Requérant, l'Opposant n'a pas fourni de photo des marques KISSKISS apposées sur un rouge à lèvres ou sur un brillant à lèvre ou sur leur emballage (affidavit Briatte, pièce 1). Même si l'Opposant n'a pas présenté de résumé des chiffres d'affaires ou des dépenses en publicité, Mme Briatte fournit des exemples de factures de vente de rouges à lèvres et de brillants à lèvres vendus en lien avec les Marques KISSKISS au Canada de 2005 à 2008 (pièce 3) ainsi que des exemples de matériel publicitaire et promotionnel pour les mêmes marchandises (pièces 4 à 6 et 8) pour la même période.

[36]           En ce qui a trait à la couverture médiatique, l'Opposant fait valoir que ses produits KISSKISS sont régulièrement et constamment présentés dans les médias partout dans le monde, y compris au Canada, particulièrement dans les revues de mode pour femmes. À l'appui de cette déclaration, Mme Briatte joint à son affidavit des extraits de rapports de revues de presse de 2005 à 2007, fournissant des données relatives aux publications imprimées distribuées et diffusées au Canada, dans lesquels les marchandises KISSKISS de l'Opposant sont annoncées ou commentées, ainsi que des exemples de pages issues de ces publications imprimées (pièce 4). L'Opposant soutient également que ses rouges à lèvres et brillants à lèvres ont remporté des prix, y compris un décerné par le magazine Châtelaine en 2007 (pièce 7).

[37]           L'Opposant fournit des exemples d'annonces qu'il a affichées en 2004, 2009 et 2010 dans ses points de vente, présentant ses rouges à lèvres et brillants à lèvres qu'il vend sous les marques KISSKISS (pièce 5) ainsi que des photos prises aux points de vente de 2004 à 2008 (pièce 6). Les marques KISSKISS sont affichées en évidence dans les annonces et les présentoirs. Mme Briatte joint également à son affidavit des documents imprimés tirés du site Web de l'Opposant, www.guerlain.com, qu'elle dit être accessible aux Canadiens et sur lequel elle indique que l'Opposant a annoncé ses marchandises KISSKISS au moins de 2002 à 2010 (pièce 8).

[38]           À la suite d'un examen de l'ensemble de la preuve produite par l'Opposant, je suis convaincue que les marques KISSKISS sont devenues connues dans une certaine mesure grâce à la vente et à la promotion qu'a fait l'Opposant au Canada de ses rouges à lèvres et brillants à lèvres, et ce, à compter d'au moins 2004.

Alinéa 6(5)b) – La période d'emploi

[39]           D'après la preuve au dossier, je suis convaincue que les marques KISSKISS de l'Opposant ont été employées pendant une plus longue période que la Marque.

Alinéas 6(5)c) et d) – Le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[40]            Mon appréciation de ce facteur est fonction de l’examen de l’état déclaratif des marchandises du Requérant tel qu’il figure dans la demande d’enregistrement par rapport aux marchandises visées par les enregistrements de l’Opposant [voir Esprit International c. Alcohol Countermeasure Systems Corp (1997), 84 CPR (3d) 89 (COMC)].

[41]           Les marchandises des parties s'inscrivent toutes dans la catégorie générale des « produits de soins personnels »; toutefois, la nature exacte des marchandises des parties est différente. Comme il en sera question dans les prochains paragraphes, la preuve établit que les marchandises des parties et leurs réseaux commerciaux sont distincts. 

[42]           Le Requérant fait valoir que les préparations de bronzage intérieur, comme les Marchandises, sont généralement offertes à titre de produits complémentaires aux services de bronzage offerts aux clients des salons de bronzage, et sont utilisées pendant les séances de bronzage intérieur (paragraphes 7 à 14). Les marchandises sont achetées par des clients de salons de bronzage auprès de conseillers qualifiés en bronzage (paragraphes 7 à 14).

[43]           Le Requérant fournit des preuves concernant la nature unique des produits de bronzage intérieur (paragraphes 7 à 14). Mme Phemster, qui a travaillé dans l'industrie des salons de bronzage pendant plus de 15 ans, affirme que les produits de bronzage extérieur affichent un facteur FPS (facteur de protection solaire), mais que les produits de bronzage intérieur ne sont pas conçus pour avoir un effet protecteur, ce qui est contraire à l'objectif du bronzage intérieur, selon lequel l'utilisateur cherche à s'exposer aux rayons UV dans un lit de bronzage (paragraphes 7 à 14). Mme Phemster déclare que les Marchandises comprennent « [traduction] un mélange de deux agents bronzants qui favorisent l'obtention d'un bronzage plus foncé, plus rapidement, et qui dure plus longtemps » (paragraphe 5).

[44]           Mme Phemster soutient que les produits de bronzage intérieur sont réglementés différemment par les organismes gouvernementaux et qu'ils sont visés par des exigences particulières en matière d'étiquetage et des règlements différents de ceux qui touchent les produits pour le bronzage extérieur affichant un FPS (paragraphe 9). Selon Mme Phemster, cela explique le fait que les préparations de bronzage intérieur ne sont pas considérées dans l'industrie du bronzage comme un produit « cosmétique » au sens commun du terme (paragraphe 9). En conséquence, Mme Phemster déclare que les consommateurs ne trouveraient généralement pas de produits de bronzage intérieur, tels que les Marchandises visées, là où des produits communément considérés comme des « cosmétiques » sont vendus (paragraphe 9).

[45]           Pour corroborer davantage ses observations, à savoir que la nature des marchandises des parties et leurs réseaux commerciaux sont différents, le Requérant a précisément identifié, dans la demande, les réseaux commerciaux au moyen desquels les Marchandises circulent. Les précisions relatives aux Marchandises comprennent la restriction voulant que les Marchandises soient « exclusivement vendues dans les salons de bronzage intérieur ». La preuve vient également corroborer cette information. Mme Phemster affirme que les produits KISS KISS BRONZE BRONZE sont mis en marché et présentés dans les salons de bronzage au sein de la gamme complète de produits AUSTRALIAN GOLD ® (paragraphe 3). Mme Phemster soutient que les produits Australian Gold LLC vendus sous la Marque sont généralement mis en marché dans les salons de bronzage intérieur pour les clients, par des experts du bronzage (paragraphe 4). Les produits sont vendus au prix de détail suggéré d'environ 30 $ par bouteille au Canada (paragraphe 4).

[46]           La preuve vient étayer la conclusion voulant que les réseaux commerciaux de l'Opposant soient différents de ceux du Requérant. Dans son affidavit, Mme Briatte affirme que les marchandises KISSKISS de l'Opposant sont distribuées au Canada par son distributeur/filiale au Canada, exploité sous les raisons sociales Guerlain (Canada) Ltée et Guerlain Canada (paragraphe 9). Elle indique que les marchandises vendues sous la marque KISSKISS sont principalement vendues dans les boutiques Guerlain exploitées par l'Opposant, dans les départements de cosmétiques des grandes surfaces et dans certaines pharmacies spécialisées dans les produits cosmétiques et de beauté (p. ex. La Baie, Sears, Shoppers Drug Mart, Pharmaprix) (paragraphe 11). Mme Briatte affirme que les marchandises KISSKISS de l'Opposant sont en outre vendues depuis au moins 2007 sur le site Web de Sears, à l'adresse www.sears.ca (paragraphe 12). Mme Briatte explique que les clients peuvent acheter des marchandises sur ce site Web et que celles-ci sont expédiées au Canada (paragraphe 12). Mme Briatte joint également à son affidavit des documents imprimés tirés du site Web www.sears.ca, qu'elle dit bien représenter la façon dont les marchandises KISSKISS de l'Opposant ont été annoncées sur le site Web depuis au moins 2007 (paragraphe 12, pièce 2). Je remarque qu'il n'existe aucune preuve de la possibilité que les marchandises KISSKISS de l'Opposant soient vendues dans les salons de bronzage intérieur.

[47]           Confirmant davantage la distinction entre les réseaux commerciaux des parties, je remarque que Mme Phemster indique dans son affidavit que le Titulaire de licence exige de chacun de ses distributeurs qu'il accepte de vendre les Marchandises exclusivement aux personnes ou aux entités dont l'activité commerciale principale est l'exploitation d'un salon de bronzage. L'entente interdit aussi aux distributeurs de vendre les produits à toute personne ou entité, y compris un salon de bronzage, qui a l'intention de vendre les produits sur Internet ou dans des pharmacies, épiceries ou autres points de vente au détail, à des grossistes ou dans des magasins de rabais, des magasins d'usine, des marchés aux puces, des centres commerciaux, etc. (paragraphe 11).

[48]           Le Requérant fait valoir que les marchandises des parties présentent des usages différents, sont destinées à des consommateurs différents, sont utilisées à des fins différentes et selon différentes méthodes d'utilisation et ne constituent pas des marchandises concurrentes ni complémentaires.

[49]           La preuve produite par l'Opposant démontre que son entreprise ne se limite pas à la vente de rouges à lèvres et de brillants à lèvres, en ce sens que l'Opposant vend également des produits autobronzants, bien que non liés aux marques KISSKISS. Plus particulièrement, Mme Briatte indique que depuis au moins 1984, l'Opposant a vendu partout dans le monde, y compris au Canada, de nombreux produits sous la marque TERRACOTTA, y compris des poudres bronzantes et des produits autobronzants sous forme de baumes, de vaporisateurs et de gels (paragraphe 18). Mme Briatte joint à son affidavit une série de pages imprimées à partir des sites Web de l'Opposant, à savoir www.guerlain.com et www.terracotta-guerlain.com, annonçant les produits de l'Opposant vendus sous la marque de commerce TERRACOTTA (pièce 9). Mme Briatte affirme que le matériel tiré des sites Web de l'Opposant représente bien la façon dont les produits TERRACOTTA de l'Opposant ont été vendus par l'Opposant depuis au moins 1984 (paragraphe 18).

[50]           Bien que la preuve démontre que l'entreprise de l'Opposant englobe aussi la vente de produits autobronzants, je remarque que les enregistrements concernant les marques KISSKISS sur lesquels le motif d'opposition en vertu de l'alinéa 12(1)d) est fondé ne couvrent pas de tels produits.

[51]           D'après la preuve au dossier, je suis convaincue qu'il n'y a pas de chevauchement relativement à la nature des marchandises des parties et aux réseaux commerciaux de celles-ci.

Alinéa 6(5)e) – Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[52]           Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent est le facteur dominant et les autres facteurs jouent un rôle secondaire dans les circonstances d’ensemble [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 CPR (2) 145, confirmé 60 CPR (2d) 70 (C.F. 1re inst.)] Ce principe a récemment été confirmé par la Cour suprême du Canada dans Masterpiece, supra.

[53]           « [traduction] Bien que les marques ne soient pas décortiquées au moment de statuer sur les questions de confusion, il a été établi que la première portion d'une marque de commerce constitue la plus pertinente aux fins de distinction. » [voir K-Tel International Ltd c. Interwood Marketing Ltd (1997), 77 CPR (3d) 523 (C.F. 1re inst.) page 527]. Dans l'affaire qui nous occupe, la première portion de la Marque est essentiellement identique à l'ensemble de la marque KISSKISS de l'Opposant.

[54]           Quant aux idées suggérées, je suis toutefois d'accord avec le Requérant pour dire qu'il existe des différences entre les deux marques. Plus précisément, lors de l'audience, le Requérant a fait valoir que dans le contexte des marchandises de 'Opposant, la marque KISSKISS suggère la notion de « lèvres », alors que la Marque, laquelle comprend les mots BRONZE BRONZE et est utilisée en lien avec des produits de bronzage, suggère la notion de « bain de soleil », c'est-à-dire l'idée d'être bronzé ou touché par le soleil. Je suis d'accord. Par conséquent, je conclus qu'il existe des différences entre les marques des parties relativement aux idées suggérées.

Autres circonstances de l'espèce – L'état du registre et l'état du marché

[55]           Mme Gallivan présente des preuves fondées sur l'état du registre et l'état du marché. Le 11 janvier 2011, Mme Gallivan a fouillé la Base de données sur les marques de commerce de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada pour y trouver des marques de commerce incluant le mot KISS, employées en lien avec des « cosmétiques », y compris des rouges à lèvres et des produits de soins personnels. Mme Gallivan joint à son affidavit des copies de spécifications contenues dans les enregistrements et de demandes reçues qui figurent parmi ses résultats de recherche. La recherche effectuée par Mme Gallivan lui a permis de trouver environ 65 enregistrements pertinents et demandes reçues concernant des marques de commerce incluant le mot KISS, employées en lien avec des cosmétiques, y compris des rouges à lèvres et des produits de soins personnels.

[56]           Au moment d'analyser la pertinence de la preuve fondée sur l'état du registre, il est important de noter qu'une telle preuve n’est pertinente que si elle permet de faire des inférences au sujet de l’état du marché. Par ailleurs, pour faire de telles inférences à partir de la preuve tirée de l’état du registre, il est nécessaire qu’un grand nombre d’enregistrements ait été repéré [voir Ports International Ltd c. Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432; Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc (1992), 44 CPR (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Kellogg Salada Canada Inc c. Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)] ou que l'emploi des marques soit prouvé sur le marché.

[57]           Je suis convaincue que la présence de plus de 60 marques pertinentes dans le Registre suffit pour que je puisse faire une inférence selon laquelle au moins certaines de ces marques sont employées sur le marché canadien. En outre, on m'a présenté la preuve fondée sur l'état du marché sous la forme suivante : les résultats obtenus par Mme Gallivan lorsqu'elle a tenté d'acheter des produits cosmétiques vendus sous les marques de commerce englobant le mot KISS sur le marché canadien. Plus précisément, Mme Gallivan affirme qu'autour du 28 janvier 2011, elle a consulté divers points de vente en ligne et s'est rendue dans divers points de vente physiques, pharmacies et grandes surfaces afin de trouver des produits semblables à ceux vendus par l'Opposant sous les marques de commerce contenant ou englobant le mot KISS.

 

[58]           Mme Gallivan a fait les achats suivants :

a.       Blinc Kiss Me Mascara, trouvé sur le site Web de la boutique de produits de beauté Sephora. Mme Gallivan joint des copies des pages du site Web de Sephora, y compris une portion affichant que ce produit peut être vendu à des clients canadiens (pièces C à E).

b.      Trousse des fêtes Clinique Double the Kisses, laquelle contient un rouge à lèvres, un brillant à lèvres et un sac à cosmétiques. Ce produit figure également sur le site Web de Sephora (pièce F).

c.       Baume pour les lèvres Philosophy Kiss Me, figurant aussi sur le site Web de Sephora (pièce G).

d.      Brillant à lèvre KISS & STAY et vaporisateur corporel COCOA BUTTER KISS, achetés au magasin Zellers du Bayshore Shopping Centre de Nepean, en Ontario (pièces H, I, J).

e.       Beurre pour les lèvres Cake Kiss, acheté à la boutique Sephora du Centre Rideau à Ottawa, en Ontario (pièces K, L).

f.       Baume exfoliant pour les lèvres LISE WATIER SENSATIONAL KISS, brillant à lèvres LISE WATIER LIP KISS CRAYON GLOSS, brillant à lèvres repulpant DIOR DIORKISS et brillant à lèvres Benefit CALIFORNIA KISSIN’ achetés à la pharmacie Shoppers Drug Mart d'Ottawa, en Ontario (pièces M à Q).

g.      Brillant à lèvres N.Y.C. KISS GLOSS et ongles artificiels KISS EVERLASTING FRENCH achetés à la pharmacie PharmaPlus du Billings Bridge Shopping Centre à Ottawa, en Ontario (pièces R à T).

[59]           L'Opposant soutient qu'il est pertinent de noter qu'aucune des marques figurant dans le registre n'inclut la duplication du mot KISS, comme dans le cas des marques KISSKISS de l'Opposant.

[60]           Bien qu'il soit vrai qu'aucune des marques trouvées par Mme Gallivan lors de sa recherche n'inclut la duplication du mot KISS comme dans le cas de la Marque et des marques KISSKISS de l'Opposant, d'après l'examen de l'ensemble de l'affidavit de Mme Gallivan, je suis prête à conclure que le mot KISS est un mot commun dans l'industrie des cosmétiques et des produits de soins personnels, particulièrement en ce qui a trait aux produits pour les lèvres comme les rouges à lèvres et les brillants à lèvres. Étant donné les circonstances, je suis d'avis que je peux présumer que les consommateurs sont habitués à voir des marques de commerce incluant le mot KISS, de sorte que ce mot est devenu commun dans l'industrie des cosmétiques et des produits de soins personnels. Cette conclusion vient réduire la protection pouvant être accordée aux marques KISSKISS de l'Opposant.

[61]           À la lumière de ce qui précède, je conclus qu'il s'agit d'une circonstance d'ensemble pertinente à l'appui de la position du Requérant. Par conséquent, je conclus que de petites différences entre les marques des parties permettront de les distinguer.

Autres circonstances de l'espèce – Décision de l'OHIM

[58]      Dans son observation écrite, l'Opposant soulève une autre circonstance d'ensemble, à savoir le fait que la probabilité de confusion entre les marques des parties a déjà été reconnue par une autre compétence, en l'occurrence l'OHIM, qui a accepté une opposition et refusé l'enregistrement de la Marque auprès de l'OHIM.

[62]           Dans son observation écrite, l'Opposant fait valoir que les faits contenus dans la présente opposition sont très semblables, sinon identiques, à ceux énoncés dans les procédures de l'OHIM. Il soutient aussi que le critère permettant de déterminer la probabilité de confusion entre les marques comporte de nombreuses similitudes.

[63]           Lors de l'audience, le Requérant a fait valoir que le cadre légal auquel est assujetti l'OHIM est différent de celui respecté par le Registraire et, par conséquent, les décisions qui y sont prises n'ont aucune valeur jurisprudentielle. Plus particulièrement, le Requérant soutient que l'OHIM s'appuie sur le système de classification de Nice et ne tient pas compte des réseaux commerciaux au moment d'évaluer la probabilité de confusion.

[64]           Je note que le Registraire n'est aucunement lié à la jurisprudence étrangère. Il en va ainsi notamment dans le cas qui nous occupe, alors qu'aucune preuve n'a été soumise concernant la loi appliquée par la compétence étrangère. À la lumière de ce qui précède, je conclus que la décision prise par l'OHIM n'a aucune valeur jurisprudentielle et que, par conséquent, cette circonstance d'ensemble ne permet pas de corroborer la position de l'Opposant.

Conclusion

[65]           En appliquant le critère relatif à la confusion, j'ai étudié la situation sur le principe de la première impression et du souvenir imparfait. Bien que je reconnaisse le fait que la Marque englobe essentiellement toute la marque de commerce KISS-KISS de l'Opposant, je conclus que la pertinence de ce fait est réduite, compte tenu du fait que la preuve soutient la conclusion voulant que les marques de commerce incluant le mot KISS sont fréquemment utilisées en association avec des cosmétiques et des produits de soins personnels. De plus, le mot KISS évoque largement la nature des produits pour les lèvres de l'Opposant.

[66]           Après avoir pris en considération toutes les circonstances d'ensemble, plus particulièrement la différence entre les réseaux commerciaux des parties et le fait que le mot KISS soit commun dans l'industrie des cosmétiques et des produits de soins personnels (particulièrement en lien avec des produits pour les lèvres), je suis convaincue que le Requérant a bel et bien démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques KISSKISS de l'Opposant.

[67]           À la lumière de ce qui précède, je rejette le motif d'opposition fondée sur l'alinéa 12(1)d) de la Loi.

Motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement

Section d'introduction du paragraphe 16(1) de la Loi

[68]           L'Opposant soutient que le Requérant n'a pas droit à l'enregistrement de la Marque puisque, contrairement au paragraphe 16(1) de la Loi, la demande n'est pas conforme à l'article 30 de la Loi; la Marque n'est pas une marque employée, mais bien une marque proposée; l'emploi de la Marque a cessé; la Marque ne peut pas être enregistrée parce qu'elle ne constitue pas une marque de commerce, n'ayant pas pour but de distinguer les Marchandises de celles des autres; et la Marque est purement fonctionnelle ou décorative.

[69]           La section d'introduction du paragraphe 16(1) de la Loi ne constitue pas le fondement d'un motif d'opposition, tel qu'il est défini au paragraphe 38(2) de la Loi, puisque le paragraphe 16(1) de la Loi dans son ensemble concerne les motifs d'opposition fondés sur le droit à l'enregistrement. Par conséquent, je rejette ce motif d'opposition, exclusivement sur le fondement de la section d'introduction du paragraphe 16(1) de la Loi.

Alinéa 16(1)a) de la Loi

[70]           Tout d'abord, je remarque que dans sa contre-déclaration, le Requérant s'oppose à ce motif d'opposition, du fait qu'il n'est pas dûment plaidé. Plus particulièrement, le Requérant allègue que le motif d'opposition ne permet pas d'identifier les prédécesseurs en titre allégués de l'Opposant. De plus, l’arrêt Novopharm Limited c. AstraZeneca AB (2002), 21 CPR (4e) 289 (C.A.F.) établit qu’il me faut apprécier la suffisance des actes de procédure au regard de la preuve soumise. Après examen des actes de procédure au regard de la preuve au dossier, je conclus que le Requérant était au fait de la nature de l’instance. Je suis donc convaincue que ce motif a été dûment plaidé.

[71]           Bien qu'il incombe au Requérant d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques KISSKISS de l’Opposant, l’Opposant a le fardeau initial de prouver que l’une ou plusieurs des marques de commerce invoquées relativement à son motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(1)a) de la Loi étaient employées au Canada avant à la date de premier emploi allégué de la Marque (3 novembre 2008) et n'avaient pas été abandonnées à la date de publication de la demande d’enregistrement de la Marque (2 septembre 2009) [paragraphe 16(5) de la Loi].

[72]           L'Opposant prétend avoir employé les marques KISSKISS en lien avec divers produits, notamment des produits de soins personnels, du parfum et des cosmétiques; toutefois, comme indiqué plus haut concernant le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d), la preuve ne démontre que l'emploi des marques KISSKISS en lien avec du rouge à lèvres et du brillant à lèvres.

[73]           Comme il en a été question dans l'analyse du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d), l'Opposant a fourni des preuves indiquant que son entreprise vend aussi des produits autobronzants. Toutefois, comme indiqué précédemment, ces produits ne sont pas vendus en lien avec les marques KISSKISS, tel qu'allégué, mais plutôt en lien avec la marque de commerce TERRACOTTA. Par conséquent, la preuve concernant les ventes de produits autobronzants par l'Opposant ne s'applique pas à l'analyse du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(1) de la Loi.

[74]           Comme on l'a expliqué plus en profondeur dans l'analyse du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d), l'Opposant a établi l'emploi de ses marques KISSKISS avant la date de premier emploi allégué de la Marque (3 novembre 2008). L'Opposant doit aussi établir que les marques KISSKISS n'ont pas été abandonnées à la date de publication de la demande d'enregistrement de la Marque (2 septembre 2009).

[75]           Lors de l'audience, le Requérant a fait valoir que la preuve ne démontre pas que les marques KISSKISS n'ont pas été abandonnées au 2 septembre 2009; elle démontre plutôt l'emploi de 2005 à 2008 seulement. Je ne suis pas d'accord. Je remarque que Mme Briatte a produit des preuves d'annonces des rouges à lèvres KISSKISS qu'a fournies l'Opposant à ses divers détaillants, y compris une annonce intitulée « Lips consultation Fall 2009 » suggérant que les marques KISSKISS n'avaient pas été abandonnées à la date pertinente.

[76]           À la lumière de ce qui précède, je suis convaincue que l'Opposant s'est acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait concernant le rouge à lèvres et le brillant à lèvres. Je dois maintenant déterminer si le Requérant s’est acquitté de son fardeau ultime.

[77]           La différence concernant les dates critiques n'est importante que dans la mesure où la preuve fondée sur l'état du marché est ultérieure à la date critique de ce motif d'opposition. La preuve fondée sur l'état du registre demeure toutefois pertinente, puisqu'un nombre important d'entrées parmi les 60 entrées pertinentes figuraient dans le registre à la plus récente date critique pour ce motif d'opposition. Pour les mêmes raisons énoncées précédemment dans l'analyse du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d), je suis convaincue que le Requérant s'est acquitté, suivant la prépondérance des probabilités, du fardeau de prouver qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques des parties. Donc, le motif d'opposition fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement, aux termes de l'alinéa 16a) de la Loi est rejeté.

Motif fondé sur le caractère non distinctif – Alinéa 38(2)d) de la Loi

[78]           Bien que ce soit au Requérant qu’incombe le fardeau ultime d'établir que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses Marchandises de celles d’autres personnes au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)], il revient a priori à l'Opposant d'établir les faits invoqués à l'appui du motif fondé sur le caractère non distinctif.

[79]           Dans le cadre de ce fardeau de preuve, l’Opposant a l’obligation de démontrer qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, une ou plusieurs de ses marques KISSKISS est devenue suffisamment connue pour éliminer le caractère distinctif de la Marque [voir Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd, (2004), 40 CPR (4e) 553, affirmé (2006), 48 CPR (4e) 427 (CF)].

[80]           Comme on l'a expliqué plus en profondeur dans l'analyse du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) et le paragraphe 16(1), l'Opposant a réussi à établir que ses marques de commerce étaient devenues connues dans une certaine mesure, en lien avec des rouges à lèvres et des brillants à lèvres, à la date de production de la déclaration d'opposition et, donc, l'Opposant s'est acquitté de son fardeau ultime.

[81]           La différence concernant les dates critiques n'est importante que dans la mesure où la preuve fondée sur l'état du marché est ultérieure à la date critique de ce motif d'opposition. La preuve fondée sur l'état du registre demeure toutefois pertinente, puisqu'un nombre important d'entrées parmi les 60 entrées pertinentes figuraient dans le registre à la plus récente date critique pour ce motif d'opposition. Pour les mêmes raisons énoncées précédemment dans l'analyse du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d), je suis convaincue que le Requérant s'est acquitté, suivant la prépondérance des probabilités, du fardeau de prouver qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques des parties. Par conséquent, le motif fondé sur le caractère non distinctif est également rejeté.

Décision

[82]           Conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition au titre du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

 

 

 

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