Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Citation : 2010 COMC 96

Date de la décision: 2010-06-22

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Fast Fence Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1248527 pour la marque de commerce YELLOW FENCE RENTALS au nom de Yellow Fence Rentals Inc.

[1]               Le 23 mai 2007, Yellow Fence Rentals Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce YELLOW FENCE RENTALS et dessin reproduite ci-dessous (la Marque) fondée sur un emploi au Canada depuis au moins août 2006 en liaison avec la « location de panneaux de clôture portatifs ».

[2]               La demande a été publiée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 6 février 2008.

[3]               Le 28 février 2008, Fast Fence Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition peuvent être résumés comme suit :

a)      La Marque n’est pas enregistrable en ce que :

                                                                    i.      la Marque est descriptive de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée ou son emploi est projeté;

                                                                  ii.      la Marque est le nom des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée ou son emploi est projeté;

                                                                iii.      en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, la partie « yellow fence » [« clôture jaune »] de la marque projetée est devenue reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité et la valeur des marchandises connues comme une catégorie générale de « clôtures de sécurité », de « clôtures à haute visibilité » ou de « clôtures d’avertissement »;

                                                                iv.      l’enregistrement  de la Marque est susceptible d’induire le public en erreur en donnant à entendre, soit par l’emploi de la Marque ou par les mesures visant à en assurer le respect, que la Requérante possède un droit unique ou un droit de propriété en liaison avec des « clôtures de sécurité », des « clôtures à haute visibilité » ou des « clôtures d’avertissement » ou qu’elle détient une position unique ou lui appartenant en propre sur le marché en liaison avec les « clôtures de sécurité », les « clôtures à haute visibilité » ou les « clôtures d’avertissement »;

                                                                  v.      si la Marque devait être enregistrée, son emploi ou les mesures visant à en assurer le respect restreindraient le développement de clôtures similaires ou uniques, mais tout aussi utiles, par d’autres.

b)      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque puisque :

                                                                    i.      l’emploi de la marque de commerce projetée par la Requérante créera de la confusion avec l’emploi ou la révélation de « yellow fence » par l’Opposante, qui a commencé en janvier 2005 en liaison avec des marchandises ou des services similaires vendus, donnés à bail ou exécutés par l’Opposante.

c)      La Marque n’est pas distinctive pour les motifs suivants :

                                                                    i.      elle est susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce employée par l’Opposante;

                                                                  ii.      en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, la Marque est devenue reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité et la valeur des marchandises connues comme une catégorie générale de « clôtures de sécurité », de « clôtures à haute visibilité » ou de « clôtures d’avertissement »;

                                                                iii.      la Marque ne distingue pas les Services de ceux d’autres propriétaires, notamment de ceux de l’Opposante, en ce que l’Opposante et d’autres personnes louent des « clôtures jaunes » en Ontario et partout au Canada.

[4]               La Requérante a signifié et produit une contre-déclaration le 8 juillet 2008, dans laquelle elle niait les allégations de l’Opposante et exigeait que celle-ci en fasse la preuve stricte.

[5]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit un affidavit souscrit par Allyson Newburg le 23 décembre 2008, auquel sont jointes les pièces A à F.

[6]               La Requérante n’a produit aucun élément de preuve au soutien de sa demande.

[7]               Les deux parties ont produit des observations écrites. Ni l’une ni l’autre partie n’a demandé la tenue d’une audience. 


La preuve de l’Opposante

Allyson Newburg

[8]               Mme Newburg est la directrice de l’Opposante. Mme Newburg affirme que l’Opposante exploite une entreprise de location et de vente de solutions de clôturage, notamment des « clôtures jaunes », au public, et ce, depuis le 16 mai 1997.

[9]               Je tiens à signaler que l’affidavit de Mme Newburg contient surtout les opinions de cette dernière sur des questions de fond reliées à la procédure d’opposition (p. ex., tout ou partie des paragraphes 3, 4, 8 à 13 et 19 à 22). Il ne sera pas tenu compte des opinions de l’auteure de l’affidavit puisqu’il appartient au registraire de statuer sur le bien-fondé de l’opposition en fonction des éléments de preuve produits dans la présente instance [voir British Drug Houses Ltd. c. Battle Pharmaceuticals (1944), 4 C.P.R. 48 à la p. 53 et Les Marchands Deco Inc. c. Society Chimique Laurentide Inc. (1984), 2 C.P.R. (3d) 25 (C.O.M.C.)].

[10]           Je reviendrai plus loin sur le témoignage de Mme Newburg lorsque j’analyserai les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(1)a) et 12(1)b).

Le fardeau de preuve et les dates pertinentes

[11]           C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi »). Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298].

[12]           Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         al. 12(1)b) – la date de production de la demande [voir Fiesta Barbeques Ltd. c. General Housewares Corp. (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)];

         al. 12(1)c) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         al. 12(1)e) et art. 10 – la date de ma décision [voir Canadian Council of Professional Engineers c. Groupegenie Inc. (2009), 78 C.P.R. (4th) 126 (C.O.M.C.) et Canadian Olympic Assn. v. Olympus Optical Co. (1991), 38 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.)];

         absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

Remarques préliminaires au sujet des motifs d’opposition

[13]           Je note que l’Opposante ne renvoie nulle part dans sa déclaration d’opposition à des dispositions de la Loi. Si l’Opposante a suffisamment fait valoir ses motifs, le registraire peut faire des inférences quant à savoir quelles dispositions de la Loi l’Opposante entendait invoquer. Dans un cas comme celui-ci, le défaut de renvoyer à une disposition précise de la Loi peut être considéré comme un simple vice technique [voir Sun Squeeze Juices Inc. c. Shenkman (1990), 34 C.P.R. (3d) 467 (C.O.M.C.)]. C’est en vertu de ces principes que je conclus que les paragraphes de la déclaration d’opposition renvoient aux dispositions suivantes de la Loi :

1.      Paragraphe a)(i) ci-dessus – al. 38(2)b) et 12(1)b)

2.      Paragraphe a)(ii) ci-dessus – al. 38(2)b) et 12(1)c)

3.      Paragraphe a)(iii) ci-dessus – al. 38(2)b) et 12(1)e) et art. 10

4.      Paragraphe b)(i) ci-dessus – al. 38(2)c) et al. 16(1)a)

5.      Paragraphes c)(i), (ii) et (iii) ci-dessus – al. 38(2)d) et art. 2

[14]           Par contraste, j’estime que les allégations contenues aux paragraphes a)(iv) et (v) ci-dessus n’étayent pas des motifs d’opposition fondés sur la non-enregistrabilité, et ce, pour les motifs exposés plus en détail plus loin.

[15]           Dans la mesure où les motifs d’oppositions énoncés aux paragraphes a)(i), (ii) et (iii) et (b)(i) ci-dessus, fondés respectivement sur les alinéas 12(1)b), 12(1)c) et 12(1)e), sur l’article 10 et sur l’alinéa 16(1)a) de la Loi, se rapportent à un emploi projeté, ils sont rejetés puisque la demande est fondée sur un emploi antérieur de la Marque au Canada.

Motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité

[16]           Dans la mesure où les motifs d’oppositions énoncés aux paragraphes a)(i) et a)(ii) ci-dessus, fondés respectivement sur les alinéas 12(1)b) et c) de la Loi, se rapportent à des marchandises, ils sont rejetés puisque la demande revendique uniquement des services.

[17]           Dans le motif d’opposition énoncé au paragraphe a)(iv) ci-dessus, l’Opposante plaide que l’enregistrement de la Marque serait susceptible d’induire le public en erreur en donnant à entendre que la Requérante possède un droit unique ou un droit de propriété en liaison avec des « clôtures de sécurité », des « clôtures à haute visibilité » ou des « clôtures d’avertissement » ou qu’elle possédait une position unique ou lui appartenant en propre sur le marché en liaison avec ces produits. Le sens de ce motif d’opposition m’apparaît difficile à saisir, même lorsque je le considère dans le contexte de l’ensemble de la preuve au dossier, de sorte qu’il est difficile de déterminer ce que l’Opposante entendait plaider. Même si je devais inférer que ces allégations se rapportent au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b), elles visent expressément les « produits de la Requérante », ce qui est inapproprié puisque la demande relative à la Marque revendique uniquement des services. En conséquence, je rejette ce motif d’opposition parce qu’il n’est pas dûment plaidé.

[18]           Dans le motif d’opposition énoncé au paragraphe a)(v) ci-dessus, l’Opposante plaide que l’enregistrement de la Marque restreindrait le développement de clôtures jaunes similaires ou uniques par d’autres personnes. Les allégations que l’on retrouve dans ce paragraphe semblent être fondées sur le paragraphe 13(3) de la Loi, qui s’applique à l’enregistrement de signes distinctifs. Or, la Marque n’est pas un signe distinctif, et ce motif d’opposition est donc rejeté parce qu’il n’est pas dûment plaidé.


Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)e) et l’article 10

[19]           Selon le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)e) et sur l’article 10 de la Loi tel qu’il est plaidé, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, la « partie “yellow fence” » de la Marque est devenue reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité et la valeur des marchandises (je souligne) connues comme une catégorie générale de « clôtures de sécurité », de « clôtures à haute visibilité » ou de « clôtures d’avertissement ». Ce motif d’opposition, qui fait seulement allusion à des marchandises, est rejeté parce qu’il n’est pas dûment plaidé, étant donné que la demande relative à la Marque revendique uniquement des services.

[20]           Dans l’hypothèse où j’aurais tort de rejeter ce motif d’opposition parce que je ne l’estime pas dûment plaidé, je note que je rejetterais le motif d’opposition parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait de produire des éléments de preuve au soutien de son affirmation [voir Simpson Strong-Tie Co. c. Peak Innovation Inc. (2007), 66 C.P.R. (4th) 48 (C.O.M.C.)]. Le seul élément de preuve produit au soutien de ce motif d’opposition est une simple déclaration formulée dans l’affidavit de Mme Newburg selon laquelle [TRADUCTION] « les “panneaux de clôture portatifs jaunes”, aussi décrits comme des “clôtures de sécurité, des clôtures à haute visibilité ou des clôtures d’avertissement”, sont connues du public comme des “clôtures jaunes”, et c’est sous ce vocable que le public les désigne lorsqu’il les demande ». Cette allégation est insuffisante pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve.

[21]           J’aimerais ajouter que, même s’il y avait eu suffisamment d’éléments de preuve au soutien de la prétention selon laquelle la partie « YELLOW FENCE » de la Marque était devenue connue comme désignant le genre, la qualité et la valeur des marchandises, cela n’aurait pas été suffisant pour étayer ce motif d’opposition. Dans la décision Anheuser-Busch, Inc. c. John Labatt Ltd. (2001), 14 C.P.R. (4th) 548 (C.O.M.C.), le registraire a conclu qu’il n’était pas suffisant de démontrer un ample emploi au Canada de chaque composante de la marque en cause. L’Opposante doit plutôt démontrer que l’intégralité de la marque est reconnue au Canada comme désignant le genre et la qualité des Services. En l’espèce, la preuve, dans son état actuel, traite seulement des mots « YELLOW FENCE », et non de la Marque prise dans son ensemble.

[22]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)e) et l’article 10 de la Loi.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

[23]           Aux paragraphes c)(i) à (iii) ci-dessus, l’Opposante plaide le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif sous la forme d’un motif d’opposition à trois volets. Le premier volet est l’allégation selon laquelle la Marque est susceptible de créer de la confusion avec une marque de commerce employée par l’Opposante (paragraphe c)(i)). Le deuxième volet est fondé sur l’article 10 de la Loi (paragraphe c)(ii)). Le troisième volet est l’allégation selon laquelle la Marque ne distingue pas les Services de ceux d’autres propriétaires, notamment de ceux de l’Opposante (paragraphe c)(iii)).

[24]           L’Opposante n’a pas allégué suffisamment de faits (comme je l’ai indiqué plus haut au paragraphe 19) au soutien du deuxième volet de ce motif d’opposition, d’où je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait, et je rejette donc le motif d’opposition énoncé au paragraphe c)(ii). Les premier et troisième volets, énoncés respectivement aux paragraphes c)(i) et c)(iii) ci-dessus, seront examinés plus en détail plus loin.

Motif rejeté parce que l’Opposante n’a pas réussi à s’acquitter de son fardeau de preuve

Absence de droit à l’enregistrement – Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a)

[25]           Bien qu’il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposante, cette dernière a le fardeau initial de démontrer que la marque de commerce alléguée au soutien de son motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a) de la Loi a été employée avant la date de premier emploi revendiquée par la Requérante (août 2006) et qu’elle n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande d’enregistrement de la Marque (le 6 février 2008) [par. 16(5) de la Loi].

[26]           L’Opposante fonde ce motif d’opposition sur « yellow fence », qu’elle soutient avoir employé ou révélé depuis janvier 2005 en liaison avec [TRADUCTION] « la location et la vente de clôtures jaunes portatives à haute visibilité ». On ne sait pas clairement si « yellow fence » est une marque de commerce. Plus précisément, on ne sait pas clairement si l’Opposante allègue des droits dans une marque verbale, YELLOW FENCE, ou dans une marque de commerce consistant en la couleur jaune appliquée à la forme d’un panneau de clôture. Selon l’arrêt Novopharm Limited v. AstraZeneca AB (2002), 21 C.P.R. (4th) 289 (C.A.F.), je dois apprécier le caractère suffisant de l’argument au regard des éléments de preuve. Au terme de cet exercice, je puis inférer tout au plus que l’Opposante entendait faire allusion à une marque de commerce consistant en la couleur jaune appliquée à la forme d’un panneau de clôture. Si j’ai eu tort de ne pas considérer que l’Opposante faisait allusion à la marque de commerce YELLOW FENCE, je note qu’elle n’a produit aucune preuve d’emploi d’une telle marque.

[27]           Mme Newburg affirme que l’Opposante offre des solutions de clôturage jaune à ses clients depuis 2004.

[28]           Mme Newburg affirme que l’Opposante a commencé à employer et à révéler « yellow fence » en liaison avec la location et la vente de barricades clôtures jaunes portatives à haute visibilité (je souligne) en mai 2004. Au soutien de cette affirmation, Mme Newburg joint une facture de vente datée du 12 mai 2004, qu’elle dit attester de la vente d’une clôture barricade (pièce C).  Elle joint également une photo de la clôture mentionnée dans la facture jointe (pièce D). Bien que les pièces jointes à l’affidavit de Mme Newburg ne soient pas en couleur, je n’ai aucune raison de douter de la véracité de son affirmation lorsqu’elle dit que la clôture que l’on voit sur la photo est jaune. Bien que cet emploi puisse constituer l’emploi d’une marque de commerce consistant en la couleur jaune appliquée à la forme d’une barricade clôture avant la date de premier emploi de la Marque (août 2006), aucun autre élément de preuve n’a été produit qui me permettrait de conclure que la marque n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la Marque (le 6 février 2008).

[29]           Mme Newburg affirme que l’Opposante a commencé à employer et à révéler « yellow fence » en liaison avec la location et la vente de panneaux de clôture jaunes portatifs à haute visibilité (je souligne) en mars 2006. Au soutien de cette affirmation, Mme Newburg joint une copie d’une facture de vente datée du 17 mars 2006, qu’elle dit attester de l’achat par l’Opposante d’une clôture barrière jaune d’Integrity Worldwide Inc. (pièce E).  Il est vrai que la facture indique que la clôture qui y est mentionnée est [TRADUCTION] « peinte en jaune ». Mme Newburg affirme que cette clôture a été employée comme inventaire en liaison avec l’entreprise de location de clôtures portatives au public de l’Opposante. Mme Newburg joint également une photo de cette clôture (pièce F). Même si je devais admettre que cette pièce démontre l’emploi d’une marque de commerce consistant en la couleur jaune appliquée à la forme d’un panneau de clôture, tout emploi semblable serait attribuable à Integrity Worldwide Inc., la fabricante du panneau auquel se rapporte la facture, et non à l’Opposante.

[30]           Même si je devais admettre que les pièces C et D jointes à l’affidavit de Mme Newburg démontrent l’emploi d’une marque de commerce consistant en la couleur jaune appliquée à la forme d’une barricade clôture en mai 2004, l’Opposante n’a produit aucun élément de preuve démontrant l’emploi d’une telle marque de commerce qui puisse me permettre de conclure que la marque n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce. En conséquence, l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer le non-abandon d’une marque de commerce susceptible de créer de la confusion, et je rejette donc le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a).

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b)

[31]           L’Opposante soutient, par l’entremise de l’affidavit de Mme Newburg, que la Requérante [TRADUCTION] « entend maintenir un inventaire de panneaux de clôture portatifs peints en jaune et louer des panneaux de clôture portatifs jaunes au public ». Mme Newburg affirme aussi qu’en plus de la Marque, la Requérante a produit deux demandes connexes, soit la demande n1348525, qui consiste en la couleur jaune appliquée à toute la surface visible d’un panneau de clôture, tel qu’il appert d’un dessin joint à la demande, et la demande no 1348528, qui consiste en l’application d’un matériau réfléchissant sur la surface visible d’un panneau de clôture, représenté par des bandes foncées sur le dessin joint à la demande. Mme Newburg joint à son affidavit des précisions au sujet de ces demandes, tirées de la Base de données sur les marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’OPIC) le 20 décembre 2008 (pièces A et B). Bien que ces demandes ne soient pas l’objet de la présente procédure d’opposition et que les détails y afférents ne soient pas en cause, j’estime que l’existence de ces demandes, qui ont été produites à la même date que la demande relative à la Marque, et qui étaient pendantes le 20 décembre 2008, étayent la prétention de l’Opposante selon laquelle les clôtures que la Requérante loue sont jaunes.

[32]           Dans son affidavit, Mme Newburg affirme, sans plus, que les panneaux de clôture jaunes portatifs (qui, selon l’Opposante, sont aussi appelés des « clôtures de sécurité », des « clôtures à haute visibilité » et des « clôtures d’avertissement ») sont connus du public comme des « clôtures jaunes », et que le public les désigne sous ce vocable lorsqu’il les demande. Mme Newburg affirme que ce sont ces « clôtures jaunes » que la Requérante entend louer au public.

[33]           L’Opposante produit aussi, par l’entremise de l’affidavit de Mme Newburg, des preuves de sa propre vente et de sa propre location de clôtures jaunes. J’ai examiné ces éléments de preuve plus haut lorsque j’ai analysé le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a).

[34]           En dernière analyse, je conclus que, lorsque je le prends dans son ensemble, l’affidavit de Mme Newburg contient suffisamment d’éléments de preuve pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve relativement à ce motif d’opposition.

[35]           La question de savoir si la Marque donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Services doit être examinée du point de vue de l’acheteur moyen des Services. En outre, le mot « nature » s'entend d'une particularité, d'un trait ou d'une caractéristique du produit, et le mot « clair » signifie [traduction] « facile à comprendre, évident ou simple » [voir Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp (1968), 55 C.P.R. 29 (C. de l'É.), à la page 34]. Enfin, il ne faut pas scruter séparément chacun des éléments constitutifs de la Marque; celle‑ci doit plutôt être considérée dans son ensemble et sous l'angle de la première impression [voir les décisions Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce, 40 C.P.R. (2d) 25 (C.F. 1re inst.), aux pages 27 et 28, et Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce, 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.), à la page 186].

[36]           La Requérante a admis la nature clairement descriptive des mots FENCE [clôture] et RENTALS [locations] en renonçant dans la demande à l’usage exclusif de chaque mot en dehors de la Marque.

[37]           La Marque est une marque composée contenant les mots YELLOW FENCE RENTALS et des éléments graphiques sous la forme d’une grande lettre « Y ». En outre, les mots YELLOW, FENCE et RENTALS sont superposés sur le « Y » par ordre décroissant de taille de caractères, YELLOW étant le mot le plus grand et FENCE étant le plus petit.

[38]           La question de l’enregistrabilité de marques composées au regard de l’alinéa 12(1)b) a été analysée dans Best Canadian Motor Inns Ltd. c. Best Western International Inc. (2004), 30 C.P.R. (4th) 481 (C.F. 1re inst.) (« Best Canadian Motor Inns »). En vertu de la décision Best Canadian Motor Inns, lorsqu’il s’agit d’examiner une marque composée, il faut apprécier l’impression visuelle créée par le mot et les éléments graphiques de la marque. Lorsque l’élément graphique de la marque ne suscite pas l’intérêt visuel, l’élément verbal est considéré comme dominant. Si une marque composée comporte, sous sa forme sonore, des éléments verbaux qui donnent une description claire ou donnent une description fausse et trompeuse et qui sont aussi la caractéristique dominante de la marque, la marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

[39]           Je conclus que, sous leur forme sonore, les mots « yellow » [« jaune »], « fence » [« clôture »] et « rental » [« location »], lorsqu’ils sont employés ensemble, donnent une description claire d'une particularité, d'un trait ou d'une caractéristique des Services, à savoir la location de panneaux de clôture portatifs, lesquels, selon la preuve de l’Opposante, sont jaunes.

[40]           Puisque j’ai conclu que l’expression YELLOW FENCE RENTALS, sous sa forme sonore, donnait une description claire des Services, la question qui se pose maintenant est celle de savoir si la Marque est tout de même enregistrable en raison de l’élément graphique.

[41]           L’impression visuelle créée par la grande lettre « Y » ne m’apparaît pas susciter l’intérêt visuel et que, par conséquent, elle est inférieure à la combinaison de mots YELLOW FENCE RENTALS. La lettre « Y », bien qu’elle soit plus grande que les composantes verbales, apparaît comme une ombre en arrière-plan de la Marque, et, par conséquent, elle ne suscite pas l’intérêt visuel. Je note en outre qu’en règle générale, les lettres ont un faible caractère distinctif inhérent.

[42]           Après application du test « donne, dans sa forme sonore, une description claire » formulé dans la décision Best Canadian Motor Inns, j’estime qu’en voyant la Marque, la personne moyenne prononcerait « YELLOW FENCE RENTALS » et serait attirée par cet élément dominant. Je conclus en conséquence que, suivant la première impression qui se dégage de la Marque dans son ensemble, celle-ci donne une description, dans sa forme sonore, des Services au Canada, ce qui est contraire à l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

[43]           Puisque j’ai conclu que l’Opposante s’était acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que la Marque donnait une description claire des Services, il y a renversement du fardeau de preuve, et c’est alors à la Requérante qu’il appartient de démontrer que la Marque a acquis un caractère distinctif. La Requérante n’a produit aucun élément de preuve. En conséquence, la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que la Marque était distinctive de la Requérante, et le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi est donc accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)d)

[44]           Bien qu’il incombe encore à la Requérante de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ses Services ou qu’elle distingue véritablement ses Services de ceux d’autres propriétaires partout au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)], l’Opposante a le fardeau initial d’établir les faits sur lesquels elle s’appuie au soutien du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif. La date pertinente pour apprécier le caractère distinctif est la date de production de la demande (soit le 28 février 2008) [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

[45]           Pour ce qui concerne le premier volet de ce motif d’opposition, à savoir l’allégation selon laquelle la Marque crée de la confusion avec une marque de commerce employée antérieurement par l’Opposante, je note que l’Opposante n’a pas réussi à établir que la marque qu’elle revendiquait était devenue suffisamment connue pour détruire le caractère distinctif de la Marque. En conséquence, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve, et je rejette donc le motif d’opposition énoncé au paragraphe c)(i) ci-dessus.

[46]           Pour ce qui concerne le troisième volet de ce motif d’opposition, à savoir l’allégation selon laquelle la Marque ne distingue pas les Services de ceux d’autres propriétaires, notamment de ceux de l’Opposante, je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve. Une marque ne peut pas être distinctive s’il s’agit d’un terme descriptif qui est employé par les prestataires de services œuvrant dans des secteurs semblables pour décrire une qualité ou une caractéristique de leurs services. Il a déjà été statué dans la décision Imperial Tobacco Ltd. c. Benson and Hedges (Canada) Inc. (1983), 75 C.P.R. (2d) 115 (C.F. 1re inst.), qu’une marque purement descriptive est nécessairement non distinctive. Puisque j’ai déjà conclu que la Marque, dans sa forme sonore, donnait une description claire ou donnait une description fausse et trompeuse des Services, il s’ensuit que la Marque est aussi non distinctive. En outre, puisque la Requérante n’a pas démontré d’emploi de la Marque en liaison avec les Services au sens du paragraphe 4(2) de la Loi, la Marque n’a acquis aucun caractère distinctif ayant pour effet de distinguer les Services de ceux d’autres propriétaires partout au Canada. Ce motif d’opposition est donc accueilli lui aussi.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)c)

[47]           Puisque l’opposition a été accueillie pour deux motifs, je considère qu’il n’est pas nécessaire que je traite du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)c).

Décision

[48]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

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