Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 108

Date de la décision : 2015-06-10

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45 engagée à la demande de Guess? IP Holder L.P., visant l'enregistrement no LMC600,451 de la marque de commerce SPORT MARCIANO Dessin au nom de Les Montres Marciano Inc.

[1]               Le 7 octobre 2013, à la demande de Guess? IP Holder L.P. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi) à Les Montres Marciano Inc. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC600,451 de la marque de commerce SPORT MARCIANO Dessin, reproduite ci-dessous :

SPORT MARCIANO DESIGN(la Marque)

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec des montres (les Produits).

[3]               L'avis exigeait que la Propriétaire fournisse une preuve démontrant que la Marque a été employée au Canada en liaison avec chacun des produits décrits dans l'enregistrement à un moment quelconque entre le 7 octobre 2010 et le 7 octobre 2013 (la Période pertinente). Si la Marque n'avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]               La définition pertinente d'emploi en liaison avec des produits est énoncée à l'article 4(1) de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les colis dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l'emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu'il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n'en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et/ou des services décrits dans l'enregistrement au cours de la période pertinente [voir Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp (2004), 31 CPR (4th) 270 (CF 1re inst)].

[6]               En réponse à l'avis du registraire, la Propriétaire a produit l'affidavit de Moshe Dayan, un dirigeant et un administrateur de la Propriétaire, souscrit le 4 décembre 2013. Les parties ont toutes deux produit des observations écrites; la tenue d'une audience n'a pas été sollicitée.

La preuve de la Propriétaire

[7]               M. Dayan affirme que les activités de la Propriétaire consistent principalement à vendre et à distribuer en gros des montres et des accessoires de montre. Il affirme que, au cours de la Période pertinente, la Propriétaire a vendu des montres au Canada, dans le cours ordinaire de ses affaires, en liaison avec la Marque. Pour étayer cette déclaration, il a joint comme Pièce 1 à son affidavit des factures choisies au hasard et émises au cours de la Période pertinente démontrant des ventes de montres faites au Canada en liaison avec la Marque.

[8]               M. Dayan affirme que toutes les montres énumérées dans la Pièce 1 sans exception [traduction] « … arboraient la [Marque] qui était apposée sur les montres lors du transfert de la propriété et de la possession des montres en faveur des acheteurs indiqués ». Pour confirmer cette déclaration, il a produit comme Pièce 2 jointe à son affidavit des photographies de montres présentant la Marque telle qu'elle a été employée sur les montres vendues et livrées au Canada par la Propriétaire au cours de la Période pertinente.

[9]               Enfin, M. Dayan affirme que cet emploi de la Marque a été accompagné en tout temps de l'emploi des noms commerciaux « Montres Marciano » et « Marciano Watches » et « Marciano & Co. » de la Propriétaire tel que le confirme un imprimé du registre des entreprises du Québec joint comme Pièce 3 à son affidavit.

Analyse de la preuve

[10]           Je dois maintenant déterminer si cette preuve permet d'établir l'emploi de la Marque par la Propriétaire au cours de la Période pertinente en liaison avec chacun des Produits au sens de l'article 4(1) de la Loi.

[11]           Il n'y aurait pas de question en litige si la preuve avait permis d'établir l'emploi de la Marque telle qu'elle est enregistrée, comme les allégations contenues dans l'affidavit de M. Dayan permettent de conclure à l'emploi au Canada d'une marque de commerce en liaison avec les Produits au cours de la Période pertinente. Cependant, la question qui se pose est la suivante : la marque de commerce qui est employée peut-elle être considérée comme un emploi de la marque déposée? Il s'agit de la seule question à trancher.

[12]           Pour comprendre les prétentions des deux parties, les illustrations suivantes montrent la Marque et la marque de commerce employée :

                                            la Marque                                                           la marque de commerce employée

[13]           La Propriétaire fait valoir que la Marque est formée du mot dominant MARCIANO et d'une forme stylisée du mot « sport ». Par conséquent :

         Le consommateur canadien moyen qui a antérieurement acheté des montres ou été exposé aux montres arborant la [Marque] telle qu'elle est enregistrée est susceptible d'avoir porté attention à la partie dominante de la Marque, à savoir MARCIANO, et d'avoir considéré le mot de forme stylisée « sport » en plus petits caractères, s'il a en réalité été pris en compte, comme un style particulier de montre de marque MARCIANO;

         Il est très improbable que le Canadien moyen fictif voyant la Marque pense que le mot de forme stylisée « sport » fait partie de la désignation du modèle ou de la source ou du nom de marque de la montre. Si une attention a été accordée au mot de forme stylisée « sport », ce serait seulement pour différentier ou distinguer ce style particulier de montre MARCIANO, mais il s'agirait toujours d'une montre MARCIANO;

         Le Canadien moyen fictif qui est exposé à l'une des montres, ou qui a acheté ou qui achète l'une des montres arborant la marque de commerce employée, qui a antérieurement été exposé aux montres arborant la Marque, ne perçoit fort probablement pas de différence;

         En cessant d'employer le mot de forme stylisée « sport » de la Marque, la Propriétaire a agi en fonction de la mode et de la tendance à la simplification et à l'abrègement de la désignation des marques.

[14]           Je souligne que la Propriétaire, dans ses observations écrites, affirme que la Marque renferme deux éléments distincts. L'élément « MARCIANO » est écrit dans un style de police large et en caractères gras, et il figure sur une autre ligne que l'élément « sport ». L'élément « sport » est écrit en caractères beaucoup plus petits et sous une forme beaucoup plus stylisée que l'élément dominant MARCIANO, et il ne figure pas avant ou après ou le long de l'élément MARCINAO mais plutôt au-dessus sur une autre ligne. Enfin, la Propriétaire souligne le fait qu'il existe des différences entre les éléments MARCIANO et « sport » dans le style de caractères et la taille des caractères.

[15]           Citant à l'appui les décisions Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie internationale pour l'informatique CII Honeywell Bull, SA, (1985) 4 CPR (3d) 523 (CAF) et Promafil Canada Ltd c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF), la Propriétaire soutient que rien ne porte à croire que la marque de commerce qu'elle a employée sèmerait de la confusion dans l'esprit de l'acheteur non averti. La marque telle qu'elle a été employée demeure [traduction] « reconnaissable », parce que l'élément dominant de la Marque, à savoir MARCIANO, a été préservé.

[16]           Comme on pouvait s'y attendre, la Partie requérante soutient que la Propriétaire n'a pas du tout établi l'emploi de la Marque au cours de la Période pertinente. Elle fait valoir que la marque de commerce employée crée une impression nettement différente de la Marque. Bien que les deux marques présentent le mot « Marciano », on ne peut conclure que la marque employée constitue un emploi de la Marque. Elle invoque la décision rendue dans l'affaire Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC) à l'appui de sa prétention que les changements apportés à la Marque sont considérables et pas seulement mineurs.

[17]           La Partie requérante affirme ensuite que les éléments dominants de la Marque n'ont pas été préservés. Le mot « sport » et le positionnement du mot « sport », avec son espacement extra-large, au-dessus du mot MARCIANO, constituent des éléments importants de la marque. Dans la marque de commerce employée, ces éléments n'ont pas été préservés. Ces changements sont plus que mineurs et créent une marque très différente, une marque qui produit une impression visuelle nettement différente de la Marque.

[18]           Je conviens avec la Partie requérante que les changements décrits ci-dessus ne peuvent pas être considérés comme étant de nature mineure et il n'existe en conséquence aucune preuve d'emploi de la Marque en liaison avec les Produits au Canada au cours de la Période pertinente. J'arrive à cette conclusion pour les raisons énoncées ci-dessous.

[19]           Comme il est mentionné dans l'affaire Promafil Canada Ltée, je dois considérer l'impression générale et l'effet visuel que produisent la Marque et la marque de commerce employée. La Marque présente les caractéristiques suivantes :

         Elle se compose de deux mots, à savoir « sport » et « MARCIANO »;

         Le mot « sport » est écrit avec un espacement extra-large au-dessus du mot « MARCIANO » de sorte que les deux mots ont la même longueur;

         La police de caractères employée dans les mots « sport » et « MARCIANO » semble être la même.

[20]           À la comparaison de la marque de commerce employée à la Marque, je souligne que :

         Le mot « sport », qui est un élément de la Marque, a été omis;

         Il n'y a pas de superposition de mots comme dans la Marque;

         La police de caractères de la marque de commerce employée est complètement différente de celle qui est employée dans la Marque.

[21]           Chaque affaire portant sur la variation de marques de commerce déposées comporte ses propres faits et il est difficile d'invoquer ces affaires sans éviter l'argument selon lequel elles se distinguent. Cependant, il existe des similitudes entre la présente espèce et les décisions suivantes :

         Vanity Fair Inc c Manufacturier de bas de Nylon Doris Ltée, 1999 CarswellNat 3393 (agent d'audience principal en marques de commerce), affaire dans laquelle la marque déposée était NUDE SECRET et la marque de commerce employée était SECRET. Le registraire a conclu que l'emploi de SECRET ne constituait pas un emploi de la marque de commerce NUDE SECRET;

         Arvic Search Services Inc c Gainers Inc (1992), 47 CPR (3d) 100 (COMC), affaire dans laquelle l'emploi de la marque de commerce CAPITAL n'a pas été considéré comme un emploi de la marque de commerce déposée CAPITAL BRAND;

         Gowling, Strathy & Henderson c Market Services Pty Ltd (1994), 57 CPR (3d) 126 (COMC), affaire dans laquelle l'emploi de la marque de commerce MINTEL n'a pas été considéré comme un emploi de la marque de commerce déposée MINTEL PUBLICATIONS.

[22]           Dans toutes ces affaires, malgré le fait que l'élément manquant décrivait ou évoquait fortement la nature ou la qualité des produits ou des services, il a néanmoins été conclu que la marque de commerce employée n'était pas la marque telle qu'elle était enregistrée.

[23]           Tout bien considéré, j'estime que les variations décrites ci-dessus ne sont pas mineures, comme envisagé dans l'affaire Nightingale Interlock Ltd.

[24]           Je souligne que M. Dayan n'a produit aucune preuve qui me permettrait de conclure qu'il existait des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque au cours de la Période pertinente au sens de l'article 45(3) de la Loi.

[25]           Comme je l'ai déjà mentionné, la Propriétaire a fait valoir dans ses observations écrites qu'en supprimant le mot « sport », elle a simplement agi en fonction de la mode et de la tendance à la simplification et à l'abrègement de la désignation des marques. Il n'existe aucune preuve à cet effet au dossier et, en tout état de cause, une telle décision de la Propriétaire était une décision d'affaires qui n'était pas indépendante de sa volonté [voir (Registraire des marques de commerce) c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)].

Décision

[26]           Dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi, l'enregistrement no LMC600,451 sera radié.

__________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

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