Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT LA PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE 45

CONCERNANT L'ENREGISTREMENT NUMÉRO 529099 RELATIF À

LA MARQUE DE COMMERCE STARAYA MOSKVA

 

 

Le 29 juillet 2003, à la demande de Marks & Clerk (la partie requérante), le registraire a envoyé l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce à Cristall U.S.A. Inc., propriétaire inscrite de l’enregistrement susmentionné (l’inscrivante).

 

La marque de commerce STARAYA MOSKVA est enregistrée pour emploi en liaison avec les marchandises suivantes :

 

            Boissons alcoolisées distillées, nommément, vodka.

 

L’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13, fait obligation au propriétaire inscrit d’une marque de commerce d’indiquer à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services énumérés à l'enregistrement si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. La période pertinente en l’espèce s’étend donc du 29 juillet 2000 au 29 juillet 2003.

 

Le paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce définit ainsi l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des marchandises ;

 

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

En réponse à l’avis du registraire, l’inscrivante a fourni l’affidavit de Donna Murray, présidente de Cristall U.S.A Inc. Les deux parties ont déposé un plaidoyer écrit. Il n’y a pas eu d’audience. 

 

Mme Murray déclare qu’elle est présidente de l’inscrivante depuis 1995 et, qu’à ce titre, elle est au courant de ce qui a trait à la fabrication, l’exportation et la vente de la vodka STARAYA MOSKVA au Canada. La partie requérante soutient que beaucoup des déclarations de l’affidavit constituent du ouï‑dire, car son auteure n’indique pas de quelles affirmations elle a une connaissance personnelles par opposition à celles qu’elle croit savoir. Comme la procédure prévue à l’art. 45 est de nature sommaire, je suis d’avis que l’affidavit est acceptable aux termes de l’art. 45. J’estime qu’on peut raisonnablement s’attendre à ce que la présidente en titre (depuis 9 neuf ans) d’une entreprise de fabrication de vodka connaisse la chaîne de distribution de ses produits et soit au courant des règles d’importation et des processus de commande suivis à l’égard des boissons alcoolisées distillées.

 

La partie requérante soutient notamment que l’affidavit n’établit pas que l’accord conclu entre l’inscrivante et sa titulaire de licence satisfait aux exigence du par. 50(1) de la Loi, et que l’inscrivante ne peut donc se prévaloir dudit accord.

 

Emploi par une titulaire de licence

Au paragraphe 3 de son affidavit, Mme Murray affirme que l’inscrivante a autorisé par licence, Frank Pesce International Group Limited, à employer la marque de commerce en cause aux États‑Unis et au Canada. Elle déclare également que l’inscrivante contrôle les caractéristiques et la qualité de la vodka, laquelle est fabriquée en Russie pour être vendue sous licence aux États‑Unis et au Canada. Il est bien établi que, pour l’application de l’art. 45, une déclaration sous serment suffit pour permettre de conclure à l’existence d’un accord de licence au moyen duquel l’inscrivante contrôle directement ou indirectement les caractéristiques et la qualité de marchandises ou services (Gowling Strathy & Henderson c. Samsonite Corp., 66 C.P.R. (3d) 560; Sim & McBurney c. Lesage Inc. 67 C.P.R. (3d) 571; voir aussi Mantha & Associates c. Central Transport Inc., 64 C.P.R. (3d) 354 au sujet des déclarations de fait). La situation en l’espèce diffère de celle de l’affaire Flansberry, Menard & Associates c. RB Music Ltd. (2000), 7 C.P.R. (4th) 569 (agent d’audience Folz), invoquée par la partie requérante, car dans ce dernier cas, il n’y avait pas de déclaration claire selon laquelle l’inscrivante contrôlait les caractéristiques et la qualité des marchandises. On avait plutôt invité l’agent d’audience à présumer du texte de l’accord de licence qu’un tel contrôle était exercé. De plus, je ne considère pas comme décisif le fait que l’échantillon d’étiquette joint comme pièce B porte la mention [Traduction] « Distillée et embouteillée à la Distillerie Cristall, à Moscou en Russie ». La partie requérante fait valoir que Distillerie Critall est le nom d’une autre entité dont on ne sait rien, et elle met en doute que l’inscrivante exerce le contrôle requis au par. 50(1). Je ne vois pas de raison de ne pas considérer que l’étiquette ne fait que signaler l’endroit où le produit est fabriqué. J’estime donc que, tout bien considéré, la déclaration de l’inscrivante suivant laquelle elle contrôle les caractéristiques et la qualité des marchandises est suffisante, compte tenu de l’objet de l’art. 45, pour conclure que l’inscrivante peut se prévaloir de l’emploi de la marque en application du par. 50(1) de la Loi sur les marques de commerce.

 

La partie requérante a également affirmé que l’emploi de la marque ne s’inscrivait pas dans la pratique normale du commerce au sens du par. 4(1) de la Loi.

 

Pratique normale du commerce

On peut lire au paragraphe 4 de l’affidavit que la titulaire de licence « Frank Pesce » vend la vodka STARAYA MOSKVA par l’intermédiaire de distributeurs, dont ECO Wines & Spirits Inc et qu’ECO [Traduction] « est responsable de la distribution de la vodka STARAYA MOSKVA au Canada » qu’elle effectue par l’intermédiaire d’un mandataire – United Impex Canada Inc. La partie requérante soutient que l’emploi du mot « responsable » procède d’un choix réfléchi de l’inscrivante et que le sens qui doit s’en dégager est que la vente commerciale normale du produit au Canada n’est par encore commencée et qu’il y simplement eu envoi d’échantillons. Je conviens que l’énoncé « est responsable de la distribution » n’est pas très éclairant. Sans autre détail, je ne suis pas en mesure de déterminer qu’Impex vendait activement la vodka de l’inscrivante au Canada pendant la période pertinente.

 

Au paragraphe 7 de son affidavit, Mme Murray explique qu’Impex a commandé une caisse de vodka (et d’autres produits) à la Régie des alcools de l’Ontario le 28 mars 2003, et elle joint copie du formulaire de commande privée-services spécialisés comme pièce D. La caisse de douze bouteilles de vodka est inscrite à la quatrième page du formulaire de commande, au bas de laquelle on peut aussi lire la note manuscrite suivante : [Traduction] « Veuillez noter que le fournisseur doit fournir des échantillons et  assumer les frais d’expédition, sans frais pour le client ». Détail quelque peu contradictoire, toutefois, un montant en dollars figure à côté de l’inscription, ce qui n’est pas le cas des autres produits énumérés dans la commande, à côté desquels ne figure aucun montant. L’affidavit ne mentionne pas le fait qu’un montant est porté dans la colonne du coût à l’égard de la vodka et n’explique d’aucune façon la note manuscrite relative aux échantillons. Il est muet sur la fonction de cette commande spéciale dans la commercialisation en Ontario des marchandises en cause et ne fournit aucun détail à propos d’activités commerciales ayant fait suite à cette commande spéciale. Bref, on ne sait pas si la vodka a été fournie à Impex en tant qu’échantillon (à titre gracieux ou onéreux) ou s’il s’agissait d’une opération usuelle de vente entre les parties en cause.

 

Dans la mesure où il pouvait s’agir d’un échantillon, il importe de signaler que, dans certaines circonstances, on peut considérer la fourniture d’échantillons comme relevant de la pratique normale du commerce. Il faut cependant démontrer qu’elle s’inscrit dans un ensemble d’activités comportant les éléments commerciaux nécessaires pour que la vente ou le transfert s’effectue dans la pratique normale du commerce (Lin Trading Co. c. CBM Kabushiki Kaisha (1988), 21 C.P.R. (3d) 417).

 

Dans Canadian Olympic Association v Pioneer Kabushiki Kaisha 42 C.P.R. (3d) 470, à la p. 475, le commissaire Martin énumère les ingrédients commerciaux nécessaires pour qu’une vente ou un transfert ait lieu dans la pratique normale du commerce :

 

[Traduction] Lorsqu’une entreprise expédie des échantillons à son distributeur canadien avant un envoi régulier de marchandises, à des fins de commercialisation, d’information et de promotion, en application d’une pratique régulière établie entre les parties, et lorsque le distributeur canadien prend ensuite livraison d’envois réguliers et procède à des ventes commerciales normales, je suis d’avis que le transfert des échantillons au distributeur constitue un emploi de la marque dans la pratique normale du commerce. [Je souligne.]

 

En l’espèce, compte tenu de ce qui a été dit plus haut au sujet de l’énoncé « est responsable de la distribution » et du fait qu’un seul envoi de marchandises a été mis en preuve, je ne puis conclure que cet envoi s’inscrivait dans une pratique régulière établie entre les parties. On peut lire, au paragraphe 6 de l’affidavit, que le service des commandes privées de la LCBO a l’habitude des demandes de produits qui ne sont pas encore offerts dans ses succursales. Toutefois, aucune information permettant de conclure que l’envoi de la caisse de vodka devait être suivi de la mise en vente du produit sur le marché par l’intermédiaire de la LCBO n’a été soumise. Bien qu’il soit mentionné au paragraphe 11 de l’affidavit que les ventes se poursuivraient en 2004 et au‑delà, aucun détail n’indique que le distributeur a effectivement pris livraison d’autres envois par la suite. Par conséquent, je suis dans l’impossibilité de conclure que l’envoi de la caisse de vodka, en tant qu’échantillon ou non, s’inscrivait dans la pratique normale du commerce.

 

Compte tenu de ce qui précède, je n’estime pas nécessaire de me prononcer sur les autres questions soulevées dans les plaidoyers écrits.

 

En conséquence, puisque aucun fait permettant de conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant l’absence d’emploi n’a été invoqué, je ne puis conclure que la marque déposée a été employée au sens du par. 4(1) et de l’art.  45 de la Loi. Je suis donc d’avis que l’enregistrement LMC529,099 visant la marque STARAYA MOSKVA doit être radié du registre parce qu’il n’a pas été démontré que cette marque a été employée comme l’exige l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC) LE 31 JANVIER 2007.

 

 

P. Heidi Sprung

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.