Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2013 COMC 18

Date de la décision : 2013-02-05

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION engagée par Keystone Automotive Distributors Company, LLC et Keystone Automotive Operations, Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1 208 980 pour la marque de commerce KEYSTONE & Dessin au nom de Keystone Automotive Industries, Inc.

Dossier

[1]               Le 9 mars 2004, Keystone Automotive Industries Resources, Inc. a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce KEYSTONE & Dessin (la Marque), reproduite ci-dessous :

K KEYSTONE & DESIGN

[2]               Par la suite, la demande a été attribuée à Keystone Automotive Industries, Inc. (la Requérante). La demande a été produite en fonction d’un emploi au Canada depuis au moins mai 1999, en liaison avec :

Pièces de carrosserie d’automobile, à savoir panneaux de carrosserie et panneaux de réparation de rouille, garde-boue, capots, radiateurs et condensateurs, et systèmes de phares avant et de feux arrière; pare-chocs, à savoir pare-chocs en plastique neufs ou reconstruits et recouvrements de pare-chocs en plastique et pare-chocs en acier et renforts de pare-chocs; peinture, matériaux servant à la réparation de véhicules endommagés, à savoir papier de verre, agents abrasifs, produits de masquage de carrossier, à savoir rubans adhésifs, papier-cache, liquide de masquage et plastique de remplissage; roues en alliage reconstruites; parebrises et vitres de voiture (les Marchandises)

Et depuis mars 1965 en liaison avec des roues d’automobile.

[3]               La demande est également fondée sur l’emploi et l’enregistrement à l’étranger, à savoir à l’intérieur des États-Unis d’Amérique et pour les États-Unis d’Amérique, qui est le pays d’origine du prédécesseur en droit de la Requérante. La demande a été déposée aux États-Unis d’Amérique le 2 janvier 1968 sous le numéro 0 841 546, en liaison avec des roues d’automobile.

[4]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 5 août 2009. Keystone Automotive Distributors Company, LLC (Distributors LLC) et Keystone Automotive Operations, Inc. (Operations), (Distributors LLC et/ou Operations, désignées comme l’Opposante) ont produit une déclaration d’opposition le 5 janvier 2010, que le Registraire a communiquée à la Requérante le 14 janvier 2010.

[5]               Les motifs d’opposition allégués sont les suivants :

1.              La demande n’est pas conforme aux dispositions de l’alinéa 30(i) de la Loi sur les marques de commerce LRC 1985, ch. T-13, (la Loi) du fait que la Requérante ne pouvait être convaincue de son droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises, compte tenu de l’emploi antérieur au Canada des marques de commerce KEYSTONE, KEYSTONE & Dessin, KEYSTONE AUTOMOTIVE OPERATIONS, INC. & Dessin, et KEYSTONE ECOMMERCE (marques de commerce de l’Opposante) en liaison avec des pièces et des accessoires d’automobiles et de véhicules, des services de commandes postales par catalogue et de services informatisés de commandes en ligne de pièces et d’accessoires d’automobile, offrant une base de données interrogeable pour des pièces d’automobile en vente et des services de ventes en ligne par catalogue comprenant des pièces et des accessoires d’automobile; offrant un répertoire en ligne d’informations commerciales comprenant des renseignements sur l’industrie automobile; des services informatisés de ventes au détail en ligne et des services de ventes en gros et de distribution de pièces et d’accessoires d’automobile, consistant à promouvoir les biens et les services d’autres dans le domaine des pièces d’automobile; des services d’externalisation (les marchandises et les services de l’Opposante);

2.              La demande n’est pas conforme aux dispositions de l’alinéa 30(b) de la Loi, car la Requérante n’a pas employé la Marque en liaison avec les Marchandises depuis la date indiquée dans la demande;

3.              La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’alinéa 16(1)(a) de la Loi, car à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante qui avaient été utilisées antérieurement au Canada par l’Opposante en liaison avec les marchandises et les services de l’Opposante;

4.              La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’alinéa 16(1)(c) de la Loi, car à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante employées antérieurement et rendues connues au Canada par l’Opposante;

5.              En vertu de l’alinéa 38(2)(d) de la Loi et pour les raisons énumérées ci-dessus, la Marque n’est pas distinctive de la Requérante dans le sens de l’article 2 de la Loi.

[6]               Dans une contre-déclaration produite le 18 janvier 2010, la Requérante a essentiellement nié tous les motifs d’opposition.

[7]               L’Opposante a produit comme preuve l’affidavit de Patrick Judge, tandis que la Requérante a choisi de ne pas soumettre de preuve. Seule l’Opposante a produit une argumentation écrite et les deux parties étaient représentées à l’audience.

Obligation légale et fardeau de la preuve

[8]               Il incombe à la Requérante de démontrer que sa demande respecte les dispositions de la Loi; toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de la preuve où elle doit présenter une preuve admissible suffisante permettant de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués en soutien à chacun des motifs d’opposition. Une fois que la partie opposante se sera acquittée de ce fardeau initial, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne devraient pas obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3e) 325 (COMC); John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 CPR (3e) 293 (CFPI) et Wrangler Apparel Corp c. The Timberland Company [2005] CF 722].

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i) de la Loi

[9]               L’alinéa 30(i) de la Loi n’exige de la Requérante qu’une déclaration portant qu’elle est convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque. Une telle déclaration est incluse dans la demande. L’alinéa 30(i) peut être invoqué dans des cas spécifiques où il y a allégation de fraude de la part de la Requérante [voir Sapodilla Co Ltd. c. Bristol Myers Co (1974), 15 CPR (2e) 152 (COMC)]. La déclaration d’opposition ne contient aucune allégation de cette nature et il n’y a aucune preuve au dossier à cet effet.

[10]           Dans ces circonstances, le premier motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(b) de la Loi

[11]           La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corporation c. Scott Paper Ltd. (1989), 24 CPR (3e) 274 (COMC)]. L’Opposante a le fardeau de prouver l’allégation voulant que la Requérante n’avait pas employé la Marque à la date prétendue du premier emploi indiquée dans la demande en liaison avec chacune des Marchandises et avec les roues d’automobile. Un tel fardeau a été décrit comme étant léger. En outre, l’Opposante peut s’appuyer sur la preuve produite par la Requérante elle-même [voir York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 CPR (4e) 156 (COMC)]. Toutefois, dans notre cas, la Requérante n’a produit aucune preuve.

 

[12]           De fait, le principal argument de l’Opposante est que la Requérante n’a produit aucune preuve à l’appui de la date prétendue du premier emploi. Il n’y a pas de jurisprudence d’un tel cas à ce que je sache et l’Opposante n’en a cité aucun à l’appui de son allégation, selon laquelle lorsqu’un requérant ne produit pas de preuve à l’appui de la date alléguée de premier emploi, une telle inaction suffirait pour que l’Opposante soit considérée comme s’étant acquittée de son fardeau de preuve initial. À l’instar de tout autre motif d’opposition, le fardeau initial repose sur l’Opposante. L’Opposante n’a produit aucune preuve à l’appui de ce motif d’opposition. En conséquence, le deuxième motif d’opposition est également rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)(a) de la Loi

[13]           Aux fins de l’examen de certains des points soulevés par l’Opposante concernant le fait que la Requérante n’a produit aucune preuve à l’appui de sa date alléguée de premier emploi, je me dois de faire quelques remarques préliminaires. Selon l’Opposante, il serait trop facile pour un requérant d’alléguer simplement une date « ridicule » de premier emploi, selon le terme mentionné durant l’audience, pour ensuite ne produire aucune preuve et se contenter d’attendre pour voir si l’Opposante serait en mesure de prouver une date de premier emploi antérieure.

[14]           Avant le cas Effigi Inc. c. Canada (2005), 41 CPR (4e) 1 (CFA), il était possible qu’une demande affirmant une date de premier emploi antérieure à celle indiquée dans une demande déposée antérieurement puisse avoir préséance sur une citation de cette demande antérieure, du fait que sa date de premier emploi alléguée est antérieure, sans avoir à le prouver durant la phase d’examen. Toutefois, depuis Effigi, toute partie alléguant une date de premier emploi antérieure à celle indiquée dans une demande d’enregistrement déposée antérieurement doit opposer cette demande et prouver qu’elle a employé sa marque de commerce avant la date indiquée dans la demande antérieure. Une telle opposition, comme dans le cas présent, est toujours régie par les mêmes règles de preuve et le même fardeau de preuve que celles décrites plus haut.

[15]           En conséquence, nonobstant le fait que la Requérante n’a produit aucune preuve à l’appui de ses dates alléguées de premier emploi, l’Opposante a toujours le fardeau initial de prouver qu’elle avait antérieurement employé ou fait connaitre au Canada une marque de commerce similaire portant à confusion. Donc, pour s’acquitter de son fardeau initial, l’Opposante aurait dû prouver qu’elle avait employé l’une quelconque de ses marques de commerce et/ou l’un quelconque de ses noms commerciaux avant mars 1965 et/ou mai 1999. Si l’Opposante ne l’a pas fait, je n’ai pas d’autre choix que de rejeter les motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 16(1) de la Loi, indépendamment du fait que la Requérante n’avait pas établi ses propres dates de premier emploi. Par contre, si l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial, j’aurais alors à déterminer s’il y a probabilité de confusion entre les marques de commerce respectives des parties.

[16]           M. Judge agit à titre de vice-président exécutif et secrétaire, Operations, poste qu’il occupe depuis 1998. Il est responsable de toutes les fonctions de conformité et de questions juridiques de l’organisation. Il était précédemment directeur général de 1976 à 1998 et directeur de 1972 à 1976.

[17]           Il présente quelques renseignements commerciaux généraux sur l’Opposante. Il déclare que Operations a été établie en personne morale en janvier 1971 sous le nom de Keystone Automotive Warehouse (Warehouse) et que le nom de la société comportait le mot “KEYSTONE” depuis 1971. Cette affirmation est trop générale. Je résumerai par la suite la preuve de l’emploi au dossier. En 1998, Warehouse a été achetée et réorganisée pour devenir Operations. En 1999 deux autres entités ont été créées : Keystone Automotive Distributors’ Inc. (Distributors Inc) et Keystone Automotive Operations of Canada (Operations Canada). En 2005, Distributors Inc a fusionné avec Distributors LLC.

[18]           M. Judge affirme que Distributors LLC est le propriétaire des marques de commerce KEYSTONE, KEYSTONE AUTOMOTIVE OPERATION, INC. et KEYSTONE & Dessin d’un drapeau à damier, de l’Opposante. Deux accords de licence ont été produits comme pièce B dans l’affidavit de M. Judge (le premier entre Distributors LLC et Operations Canada et le second entre Distributors LLC et Operations).

[19]           M. Judge déclare que depuis sa constitution en société, Operations a exercé ses activités commerciales en fournissant les marchandises et les services de l’opposante à l’industrie des pièces de rechange d’automobiles. Selon M. Judge, Operations a fourni les marchandises et les services de l’Opposante au Canada depuis novembre 1991.

[20]           À l’audience, l’agent de l’Opposante a reconnu que, à part la déclaration générale de M. Judge, il n’y a pas de preuve au dossier de l’emploi de l’une quelconque des marques de commerce de l’Opposante en liaison avec ses marchandises.

[21]           En ce qui concerne l’allégation de l’emploi des marques de commerce de l’Opposante au Canada en liaison avec ses services depuis novembre 1991, il n’y a pas de document confirmant la date de novembre 1991. Le document le plus ancien au dossier porte la date 1999. Il s’agit d’une photocopie d’une annonce publicitaire, qui fait partie de la pièce A de l’affidavit de M. Judge. L’annonce indique (Traduction): « Spéciaux valides jusqu’au 30 juin 1999 ». On peut donc supposer qu’elle a été diffusée avant le 30 juin 1999. Le document provient d’Operations Canada, qui est un des concessionnaires de l’Opposante, puisque la dénomination sociale d’Operations Canada apparait sur le document. L’annonce indique également: « Livraison par camion disponible 3 jours par semaine!- Région du Grand Toronto - Sudbury & Région de North Bay - Région d’Ottawa - Région du Grand London » . Je suis donc convaincu, avec un tel document, que les services de l’Opposante étaient disponibles au Canada avant le 30 juin 1999. Par contre, je n’ai pas de preuve qu’une telle annonce publicitaire était en circulation au Canada avant le 31 mai 1999.

[22]           Il y a un catalogue portant l’année 1999, mais il n’y a aucune indication de la date à laquelle un tel document a été diffusé pour la première fois au Canada. Les dates pertinentes pour ce motif d’opposition sont mars 1965 et/ou mai 1999, mais sans indication de la date exacte de la première diffusion, je ne peux supposer que le document était en circulation au Canada avant le 31 mai 1999. Il y a un autre document avec la date 1996, intitulé (Traduction) « Programme de marketing » et portant le nom commercial Warehouse, mais sans autre indication de sa date de distribution au Canada. Il y a une représentation géographique de la partie orientale des États-Unis, sans mention du Canada ou d’une région quelconque de ce pays.

[23]           D’autres documents ont été présentés à titre des pièces C et D (il semblerait qu’il y ait dédoublement, puisque des documents de la pièce D sont également produits au titre des pièces A ou C) de l’affidavit de M. Judge, qui portent les marques de commerce de l’Opposante, mais ni ces documents ni l’affidavit de M. Judge ne contiennent d’indication de leur date de diffusion au Canada. Au paragraphe 11 de son affidavit, M. Judge déclare qu’elles étaient employées « au cours des années ». Or, les dates sont importantes dans les procédures d’opposition. Je ne peux déduire d’une déclaration aussi générale que les liasses de documents présentées en pièces jointes à son affidavit qu’ils étaient en circulation au Canada avant la date du 31 mai 1999.

[24]           Compte tenu de la preuve décrite ci-dessus, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial de preuve. En conséquence, les troisième et quatrième motifs d’opposition sont rejetés.

Caractère distinctif de la Marque

[25]           La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de production de la déclaration d’opposition (5 janvier 2010) [voir Andres Wines Ltd. and E & J Gallo Winery (1975), 25 CPR (2e) 126, (CFA) et Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 CPR (4e) 317 (CFPI)].

[26]           Avec ce motif d’opposition, l’Opposante a le fardeau initial de prouver que sa marque de commerce KEYSTONE était devenue suffisamment connue au Canada à la date du 5 janvier 2010 pour rendre nul et non avenu le caractère distinctif de la Marque [Motel 6, Inc. c. No 6 Motel Ltd. (1981), 56 CPR (2e) 44 à 58 (CFPI) et Bojangles’ International LLC c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 CPR (4e) 427 (CFPI)]. Une fois ce fardeau initial satisfait, la Requérante a l’obligation légale d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne présentait aucune probabilité de confusion avec la marque de fabrique KEYSTONE de l’Opposante à la date pertinente, étant donné qu’elle a été adaptée pour distinguer ou qu’elle a distingué effectivement dans tout le Canada ses marchandises et ses roues d’automobile des services de l’Opposante [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3e) 272 (COMC)].

[27]           La dernière date pertinente me permet d’examiner tout fait prouvé survenu avant le 5 janvier 2010. J’ai déjà fait référence à certaines annonces publicitaires publiées après mai 1999 dans mon évaluation du motif d’opposition sur le droit d’enregistrement au titre des alinéas 16(1)(a) et (c) de la Loi. Le catalogue de 1999 et l’annonce publicitaire sur les services de l’Opposante, étant disponibles au Canada avant le 30 juin 1999, sont pertinents au titre de ce motif d’opposition.

[28]           M. Judge a également indiqué les chiffres de vente annuels de l’Opposante au Canada durant la période allant de 2006 à 2009 (inclus). Ils s’élèvent à un total de plus de 225 millions $. M. Judge a produit comme élément de la pièce C de son affidavit une copie d’une annonce publicitaire contenant les renseignements suivants : (Traduction) « NOUVELLE INSTALLATION DE TRANSBORDEMENT - OUVERTURE le 8 juin 2009 – Desservant le Dakota du Sud et du Nord & Manitoba, Canada ».

[29]           Il y a aussi des photocopies de 2 documents soumis comme faisant partie de la pièce D de l’affidavit de M. Judge, avec les informations suivantes « NOUVELLE INSTALLATION DE TRANSBORDEMENT – 3 AOÛT 2009 » ou « NOUVELLE INSTALLATION DE TRANSBORDEMENT - INAUGURATION LE 3 AOÛT 2009 MOOSE JAW, SASKATCHEWAN ». Le nom commercial Operations Canada apparait sur ces documents, incluant une présentation stylisée du mot KEYSTONE avec un dessin de drapeau comme illustré ci-dessous :

[30]           Je considère une telle représentation comme étant un emploi de la marque de fabrique KEYSTONE, puisqu’elle est différente de la dénomination sociale. Les lettres composant le mot sont plus grandes que celles de la dénomination sociale et sont en caractères gras. Je n’ai pas besoin de reproduire d’autres pièces où la dénomination sociale des différentes entités identifiées plus haut apparait dans des annonces publicitaires. Le dessin du drapeau à damier et le mot KEYSTONE apparaissent de façon similaire. L’écriture des lettres du mot KEYSTONE est parfois différente, mais le reste de la dénomination sociale est toujours écrit en dessous du mot KEYSTONE en lettres beaucoup plus petites [voir Road Runner Trailer Manufacturing Ltd. c. Road Runner Trailer Co. (1984), 1 CPR (3e) 443 (CFPI)].

[31]           Je conclus, d’après les chiffres de vente annuels indiqués ci-dessus, les annonces publicitaires et le catalogue décrit plus haut, que la marque de fabrique KEYSTONE de l’Opposante était connue au Canada dans une certaine mesure le 5 janvier 2010.

[32]           Je vais maintenant aborder certaines des questions techniques soulevées par la Requérante concernant la preuve de l’Opposante concernant l’emploi de ses marques de commerce. La Requérante a d’abord fait valoir qu’il y a des carences dans la chaîne des titres de propriété des marques de commerce de l’Opposante. M. Judge a bien dit que Distributors LLC est propriétaire des marques de commerce de l’Opposante. Cette entité résulte d’une fusion effectuée en 2005 et il existe des accords de licence soumis confirmant ce fait et indiquant que Distributors LLC est le donneur de licences. Le fait que ces licences portent exactement la même date que la date d’exécution de l’affidavit de M. Judge ne les rend pas pour autant nulles et non avenues. Elles sont confirmatoires. Si la Requérante avait voulu de plus amples explications sur la fusion et sur la façon dont Distributors LLC est entrée en possession des marques de commerce de l’Opposante, elle aurait pu contre-interroger le déposant.

[33]           La Requérante a soulevé le fait que l’accord de licence entre Distributors LLC et Operations fait état d’un emploi sous licence de certaines marques de commerce depuis le 19 novembre 1991, alors que Operations n’est constituée en personne morale qu’en 1998. Ce n’est pas ce qu’a déclaré M. Judge dans son affidavit. Il affirme qu’en 1998, Warehouse a été achetée par un groupe d’investisseurs et réorganisée en Operations. Si la Requérante avait voulu de plus amples explications sur une telle réorganisation, elle aurait pu contre-interroger M. Judge sur cette question.

[34]           Quant à l’accord de licence entre Distributors LLC et Operations Canada, la Requérante prétend qu’il indique un emploi sous licence depuis le 25 mars 1999, alors que M. Judge affirme dans son affidavit que Operations Canada avait été incorporée en société en 1999. Si la Requérante avait voulu connaître la date exacte d’incorporation de cette dernière entité, elle aurait pu l’obtenir en contre-interrogeant M. Judge. Il n’y a certainement aucune contradiction entre le document produit et l’affirmation de M. Judge.

[35]           Tous les documents pertinents énumérés ci-dessus qui ont été imprimés avant le 30 novembre 1999 font mention soit de Operations ou de Operations Canada, deux concessionnaires de Distributors LLC. En conséquence, tout emploi de la marque de fabrique KEYSTONE par l’un de ces deux concessionnaires est considéré comme un emploi de cette marque de fabrique par Distributors LLC, qui est une des Opposantes [voir l’article 50 de la Loi].

[36]           Un autre argument avancé par la Requérante est que l’Opposante n’a pas allégué spécifiquement dans sa déclaration d’opposition l’emploi antérieur de la marque de fabrique KEYSTONE & le Dessin du drapeau à damier qui apparaissent dans les annonces publicitaires pertinentes mentionnées ci-dessus. L’Opposante avait, en fait, mentionné l’emploi antérieur de la marque de fabrique KEYSTONE & du Dessin dans sa déclaration d’opposition. Si la Requérante avait voulu des éclaircissements sur la ou les marques de fabrique visées par l’Opposante dans sa déclaration d’opposition, elle aurait pu demander ces détails avant la phase d’examen des preuves. Le fait que M. Judge se référait à une marque de fabrique comme KEYSTONE & Dessin de drapeau à damier ne signifie pas qu’il s’agissait d’une marque de fabrique différente de KEYSTONE & Dessin. Il n’y a pas de mention de deux marques de commerce distinctes dans la déclaration d’opposition, ni dans l’affidavit de M. Judge ni dans les accords de licence. Si l’on considère que la présentation utilisée pour le mot KEYSTONE et le dessin du drapeau à damier illustrés plus haut comme étant la marque de fabrique KEYSTONE & Dessin, cette illustration constitue également la preuve de l’emploi de la marque verbale KEYSTONE [voir Canada (Registrar of Marques de commerce) c. Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, SA (1985), CPR (3e) 523 (CFA)].

[37]           L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau initial, il incombe maintenant à la Requérante de prouver, selon une prépondérance des probabilités, que la Marque ne prête pas confusion avec aucune des marques de commerce de l’Opposante.

[38]           Le test à réaliser pour déterminer s’il y a probabilité de confusion entre deux marques de commerce est décrit à l’alinéa 6(2) de la Loi. Certaines des circonstances d’espèce dont il faut tenir compte sont énumérées dans l’alinéa 6(5) de la Loi : caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure selon laquelle ils sont devenus connus; période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; genre de marchandises, services ou entreprises; nature du commerce; et degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. La liste n’est pas exhaustive et il ne faut pas nécessairement accorder le même poids à chacun de ces critères [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 CPR (3e) 483 (CFPI) et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 CPR (3e) 308 (CFPI)]. Je renvoie également aux jugements de la Cour suprême du Canada dans Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot ltée et al (2006), 49 CPR (4e) 401 et Mattel Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 CPR (4e) 321 où le Juge Binnie a fait des observations sur l’évaluation des critères énumérés dans l’alinéa 6(5) de la Loi.

[39]           Dans son jugement de Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. et al 2011 SCC 27, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important parmi la liste indiquée dans l’alinéa 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques.

[40]           La Requérante a prétendu qu’il ne pouvait y avoir de probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce de l’Opposante, car la caractéristique dominante de la Marque est la lettre K, ainsi que le dessin du cercle. Toutefois, phonétiquement, il y a une certaine ressemblance, parce que l’élément commun est « KEYSTONE », qui est la marque de fabrique de l’Opposante et aussi une caractéristique dominante de la Marque. Il y a un lien étroit entre les Marchandises et les roues d’automobile, qui sont soit des pièces de carrosserie d’automobile, soit des produits utilisés dans l’industrie automobile, et les services de l’Opposante de mise en vente et de vente de marchandises similaires dans l’industrie de revente automobile. La preuve soumise montre l’emploi de la marque de fabrique KEYSTONE de l’Opposante depuis au moins juin 1999.

[41]           Cela suffit pour conclure que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité de confusion entre les marques de commerce respectives des parties. En conséquence, à la date pertinente, la Marque n’était pas distinctive de la Requérante du fait qu’elle ne se distingue pas, ni n’a été adaptée pour distinguer les Marchandises et les roues d’automobile de la Requérante des services de l’Opposante en liaison avec la marque de fabrique KEYSTONE employée et rendue connue antérieurement au Canada.

[42]           Par conséquent, le cinquième motif d’opposition est maintenu.

 

 

 

Demande fondée sur l’emploi et l’enregistrement à l’étranger

[43]           Durant l’audience, la Requérante a appelé mon attention sur le fait que sa demande est également fondée sur l’emploi et l’enregistrement à l’étranger. Elle a suggéré que la demande pourrait évoluer en enregistrement sur cette seule base. Toutefois, comme le motif d’opposition sur le caractère distinctif a été accepté, je ne vois comment une marque de fabrique d’un requérant qui a été jugée non distinctive pourrait encore évoluer en enregistrement sur la base d’un emploi et d’un enregistrement à l’étranger. Si la Marque n’a pas de caractère distinctif, elle ne peut pas être enregistrée.

Décision

[44]           Conformément aux pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’alinéa 63(3) de la Loi, je rejette la demande en application de l’alinéa 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Lenga Nguyen

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