Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de Salter Street Films Limited à la demande nº 1083747 produite par Pyramid Productions Inc. en vue de l'enregistrement de la marque de commerce PYRAMID PRODUCTIONS                             

                                                        

 

Le 23 novembre 2000, la requérante, Pyramid Productions Inc., a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce PYRAMID PRODUCTIONS. La demande était fondée sur l’emploi de ladite marque de commerce au Canada en liaison avec la « production de spectacles télévisés et de vidéos » depuis aussi tôt que décembre 1995. La requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot PRODUCTIONS en dehors de la marque de commerce.

 

La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 7 mars 2001 aux fins de toute opposition éventuelle. L’opposante, Salter Street Films Limited, a produit une déclaration d'opposition le 7 août 2001. Toutefois, cette déclaration d’opposition nécessitait des modifications avant sa signification à la requérante. La déclaration d'opposition modifiée, qui a été déposée le 24 octobre 2001, soulevait les motifs d’opposition suivants :

 

 

1.                  La demande n'est pas conforme à l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi), parce que :

i)                    la requérante elle-même n’a pas employé la marque de commerce alléguée au Canada dans la pratique normale du commerce en liaison avec la production de spectacles télévisés et de vidéos depuis 1995;

 

ii)                  la requérante ne pouvait pas avoir utilisé la marque comme allégué, d’autant plus qu’elle n’existait pas en décembre 1995;

 

iii)                la date de premier emploi revendiquée par la requérante n’est pas valable car la requérante n’avait pas porté la marque à l’attention du public en liaison avec son nom.

 

2.                  La demande n’est pas conforme à l’alinéa 30b) de la Loi parce que la requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les services énumérés dans la demande; l’opposante demande à la requérante d’établir formellement l’emploi de la marque de commerce PYRAMID PRODUCTIONS, au sens de l’art. 2 de la Loi, afin de distinguer ou de façon à distinguer les services de la requérante de ceux des autres, à la date de premier emploi revendiquée.

 

3.                  La marque de commerce n’est pas distinctive de la requérante parce qu’elle ne distingue pas véritablement, ni n’est adaptée à distinguer les services de la requérante des marchandises et services d’autres propriétaires, fournis au Canada en liaison avec la marque de commerce et/ou le nom commercial PYRAMID. L'opposante a relevé 17 noms commerciaux contenant le mot PYRAMID, sur lesquels elle se fondera pour attester le caractère non distinctif. De plus, pour appuyer ce motif, l’opposante reprend les allégations de fait énoncées dans son premier motif d'opposition.

 

La requérante a déposé et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie toutes les allégations formulées par l’opposante. Ce faisant, la requérante a fait remarquer que le fondement du premier motif d’opposition était l’alinéa 30b), et non l’alinéa 30i) tel que mentionné dans la déclaration d’opposition. Je suis d’avis que le premier motif d’opposition ressemble davantage à l’alinéa 30b) qu’à l’alinéa 30i). Comme la requérante a bien saisi le véritable fondement du premier motif et qu’elle ne s’est pas opposée à l’erreur contenue dans l’acte de procédure de l’opposante, je traiterai cette erreur comme s’il s’agissait d’une erreur typographique.

 

Le deuxième motif vise l’alinéa 30b) mais semble plutôt relever de l’alinéa 30i), si l’on veut éviter une duplication du premier motif. Aux fins de l'analyse qui va suivre, j'ai considéré que le premier motif relevait de l’alinéa 30b) et le second, de l’alinéa 30i).

 

À titre de preuve, l’opposante a produit les affidavits de Laurel Murdoch, Linda Victoria Thibeault et Harry Davies.

 

La requérante a quant à elle produit l’affidavit de Larry Day. L’opposante a obtenu une ordonnance l’autorisant à contre-interroger M. Day sur son affidavit, mais elle ne s’en est pas prévalue.

 

Seule la requérante a déposé des observations écrites dans lesquelles elle a considéré que la déclaration d’opposition soulevait trois motifs d’opposition, à savoir l’alinéa 30b), l’alinéa 30i) et le caractère non distinctif.

 

Les deux parties étaient présentes à l’audience.

 

Fardeau de la preuve

 

Bien qu’il incombe à la requérante d’établir selon la prépondérance des probabilités que sa demande est conforme aux exigences de la Loi, l’opposante doit s’acquitter du fardeau initial de produire une preuve admissible suffisante à partir de laquelle on puisse raisonnablement conclure à la véracité des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition (voir John Labatt Limitée c. Les compagnies Molson Limitée, 30 C.P.R. (3d) 293, à la page 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)).

 

Dates pertinentes

 

Les dates pertinentes en ce qui concerne les motifs d’opposition sont les suivantes : article 30 - la date de production de la demande (voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469, à la page 475); le caractère non distinctif - la date du dépôt de l’opposition (voir Metro-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1ère inst.), à la page 324).

 

Preuve de l’opposante

Affidavit de Mme Murdoch

Mme Murdoch, une bibliothécaire à l’emploi du cabinet d’avocat de l’opposante, a produit des copies de certaines annonces de Alliance Atlantis Communications Inc. datant du 23 avril 2001, sinon plus tôt. Ces éléments de preuve n’étayent pas la thèse de l’opposante parce que la marque employée par Alliance Atlantis représente aussi bien un A stylisé qu’un dessin stylisé de pyramide.

 

Affidavit de Mme Thibeault

 

Mme Thibeault, chercheuse en marques de commerce, a effectué des recherches dans les dossiers du Bureau canadien des marques de commerce le ou vers le 5 juillet 2002 afin de repérer toutes les marques de commerce comprenant le mot PYRAMID et toutes les marques de commerce répertoriées sous la rubrique dessin de pyramide en liaison avec des marchandises et services de divertissement, des marchandises et services informatiques et des marchandises et services de télécommunication. Mme Thibeault a produit des copies des demandes et des enregistrements qu’elle a trouvés.

 

Dans ses observations écrites, la requérante s’est opposée à certaines parties des éléments de preuve de Mme Thibeault, s’agissant de ouï-dire, parce que les copies des demandes ou des enregistrements des marques de commerce trouvés dans le cadre de ses recherches ont été faites par Grace Douglas. Je ne me pencherai cependant pas sur cette objection car je considère que les éléments de preuve de Mme Thibeault sont de peu d’utilité indépendamment de leur admissibilité. J’arrive à cette conclusion parce que les inférences au sujet de l’état du marché ne peuvent découler que de la preuve sur l’état du registre où sont consignés un grand nombre d’enregistrements pertinents, ce qui ne ressort pas des éléments de preuve de Mme Thibeault (voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1ère inst); Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)).

 

Affidavit de M. Davies

M. Davies est vice-président et directeur des opérations de Advocate Investigation Services. Il a effectué des recherches sur l’emploi du mot PYRAMID séparément et/ou conjointement avec un dessin de pyramide dans les industries de l’informatique, du divertissement et des médias. J’examinerai ces éléments de preuve ultérieurement lorsqu’il s’agira de déterminer si l’opposante s’est acquittée de la charge initiale de la preuve qui lui incombe à l’égard de son motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif.

 

Preuve de la requérante

Affidavit de M.  Day

M. Day est vice-président exécutif de la requérante, qui était connue sous le nom de Larry Day Productions Ltd. avant le 18 janvier 1996. Je résumerai plus loin les principaux points qui ressortent de ses éléments de preuve, lesquels sont antérieurs aux dates pertinentes.

 

Vers le mois de décembre 1995, en prévision du changement de nom, la requérante a modifié ses cartes de visite, ses papiers à en-tête et les pages couverture de télécopie pour qu’ils portent l’inscription PYRAMID PRODUCTIONS. M. Day atteste que c’est alors que la requérante a commencé à produire et à distribuer des documents écrits, y compris des documents publicitaires sur lesquels on pouvait lire PYRAMID PRODUCTIONS, mais la requérante n’est en possession d’aucun de ces documents datant de 1995. Le document le plus récent qu’elle a pu fournir est une facture établie pour des services rendus antérieurement datant du 21 mars 1996. On pouvait voir dans la partie supérieure de cette facture les mots PYRAMID PRODUCTIONS INC., avec la même police et la même taille, suivis de l’adresse et des numéros de téléphone et de télécopie de la requérante. La facture montre donc l’emploi du nom commercial et non de la marque de commerce (voir Smith, Lyons, Torrance, Stevenson & Mayer c. Pharmaglobe Laboratories Ltd., (1996), 75 C.P.R. (3d) 85 (A.A.P.M.C.); Road Runner Trailer Mfg. Ltd. c. Road Runner Trailer Co. Ltd. et al. (1984) 1 C.P.R. (3d) 443 (C.F. 1ère inst)).

 

La requérante produit des spectacles télévisés. Son premier spectacle était The Movie Show. La requérante a produit ce spectacle sans interruption depuis ses débuts en 1983, ainsi que INSIDE ENTERTAINMENT, celui qui l’a remplacé. M. Day a déposé une copie d’un document de licence relatif au spectacle daté du 27 mars 1996 sur lequel apparaît le nom commercial Pyramid Productions Inc. mais non la marque de commerce PYRAMID PRODUCTIONS.

 

M. Day a déclaré qu’à partir d’avril 1996, la requérante a produit des épisodes du Movie Show dans lesquels la marque de commerce PYRAMID PRODUCTIONS apparaissait dans le générique de fin. Il en a fourni une photographie numérique et je suis d’avis qu’elle démontre l’emploi de la marque de commerce.

 

Il ressort du paragraphe 9 de l’affidavit de M. Day que vers avril 1996, à peu près à la date où la requérante a expédié des épisodes du Movie Show avec la mention PYRAMID PRODUCTIONS dans le générique, elle a aussi commencé à afficher la marque de commerce PYRAMID PRODUCTIONS sur les emballages des vidéocassettes contenant des épisodes de ses séries télévisées. M. Day a fourni une photo, datée du 3 avril 1996, d'un étui pour vidéocassette. Encore une fois, je suis d’avis que cela démontre l’emploi de la marque de commerce.

 

On peut lire au paragraphe 26 de l’affidavit de M. Day ce qui suit : [Traduction] « la requérante a aussi inscrit la marque de commerce PYRAMID PRODUCTIONS sur le générique et les étiquettes collées sur près de 10 000 vidéocassettes produites pour les entreprises clientes depuis fin 1995 à ce jour ». La mention [Traduction] « depuis fin 1995 à ce jour » peut être diversement interprétée mais elle n’est pas manifestement incompatible avec la revendication de la requérante à l’emploi de sa marque de commerce depuis aussi tôt que décembre 1995.

 

M. Day a déclaré qu’en janvier 1996, la requérante a placé une grande enseigne intérieure sur la porte de ses locaux sur laquelle étaient écrits les mots PYRAMID PRODUCTIONS. Toutefois, on ne voit que le mot PYRAMID sur les photos qu’il a fournies. M. Day a aussi affirmé que [Traduction] « entre décembre 1995 et avril 1996, et probablement au début de cette période, la requérante a placé une grande enseigne sur une fenêtre extérieure […] sur laquelle on pouvait lire les mots PYRAMID PRODUCTIONS ». Aucune photo de cette enseigne n’ayant été fournie, nous pouvons nous poser la question de savoir si cette enseigne ne contenait que le mot PYRAMID, comme pour l’enseigne posée à l’intérieur.

 

À la fin de son affidavit, M. Day a expliqué que la requérante s’est débarrassée d’une grande partie des éléments de preuve qu’elle possédait soit parce qu’il s’agissait de vieux dossiers, soit à l’occasion de ses déménagements.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b)

L’opposante a bien expliqué au cours de l’audience que l’un de ses principaux arguments est que la requérante n’a pas employé PYRAMID PRODUCTIONS comme marque de commerce depuis sa date de premier emploi revendiquée, mais plutôt comme nom commercial. L’opposante doit s’acquitter du fardeau initial de prouver le non-respect de l’alinéa 30b) par la requérante, mais ce fardeau est léger (voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune, 10 C.P.R. (3d) 84, à la page 89). Ce faisant, l’opposante peut s’appuyer tant sur ses éléments de preuve que sur les éléments de preuve de la requérante (voir La Compagnie de brassage Labatt Limitée c. Les Brasseries Molson, une société de personnes (1996), 68 C.P.R. (3d) (C.F. 1ère inst.) 216, à la page 230). Si l’opposante peut invoquer les éléments de preuve de la requérante pour s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe à l’égard de ce motif, elle doit par contre démontrer que la preuve de la requérante est manifestement incompatible avec les allégations qu’elle expose dans sa demande.

 

L’agent de la requérante a soutenu que le paragraphe 5 de l’affidavit de M. Day constitue une preuve claire et non contestée de l’emploi, par la requérante, de la marque de commerce faisant l’objet de la demande à compter de la date de premier emploi revendiquée. Je reproduis ci-dessous le paragraphe en question :

5. [Traduction] « Je crois que vers décembre 1995, la requérante avait fait imprimer les mots PYRAMID PRODUCTIONS sur ses cartes de visite, ses papiers à en-tête et les pages couverture de télécopie (document interne), et probablement sur d’autres documents de l’entreprise. Je crois que vers décembre 1995, la requérante a commencé à employer le nom PYRAMID PRODUCTIONS sur les documents écrits qu’elle rédigeait et distribuait pour promouvoir, auprès des réseaux potentiels, le spectacle qu’elle produisait et ceux qu’elle pourrait produire pour eux. Les documents écrits auraient pu comprendre des lettres décrivant le spectacle et des documents publicitaires (document contenant le titre, la description des séries, et les coordonnées de la personne-ressource de la requérante). La requérante n’est en possession d’aucun de ces documents ».

 

 

 

Je remarque que le paragraphe 5 comporte plusieurs ambiguïtés, comme la mention « vers décembre 1995 » qui pourrait être interprétée comme signifiant après décembre 1995. La requérante fait de plus valoir que M. Davies a fort bien pu vouloir utiliser les mots « employer le nom PYRAMID PRODUCTIONS » au sens courant et non au sens de l’art. 4 de la Loi. Elle relève en outre d’autres parties de l’affidavit dans lequel M. Davies emploie un langage similaire tout en présentant un document censé corroborer son affirmation, lequel atteste dans les faits l’emploi du nom commercial Pyramid Productions Inc. et non de la marque de commerce PYRAMID PRODUCTIONS. Voir par exemple le paragraphe 6, qui fait état d’une facture datée du 21 mars 1996 que M. Davies affirme porter [TRADUCTION] « le nom PYRAMID PRODUCTIONS ». Comme je l’ai déjà souligné, cette facture (pièce B) montre clairement l’emploi du nom commercial et non de la marque de commerce. Il m’est donc difficile d’accepter que M. Davies comprend la différence entre l’emploi d’une marque de commerce et l’emploi d’un nom commercial. Quoi qu’il en soit, j’estime, en partie sur le fondement du paragraphe 26 de M. Davies, que la preuve de la requérante n’est pas manifestement incompatible avec l’emploi qu’elle revendique. Ce paragraphe énonce clairement que les mots PYRAMID PRODUCTIONS sont apparus dans les génériques et sur les étiquettes apposées sur les boîtes de vidéocassettes produites pour le compte d’entreprises clientes à la fin de 1995. Ce type d’emploi d’une marque de commerce est attesté dans les pièces D et E, quoique datant d’avril 1996.

 

Il était loisible à l’opposante de contre-interroger M. Davies sur son affidavit pour clarifier toute ambiguïté dans la preuve. L’opposante a choisi de ne pas procéder ainsi et elle ne peut s’acquitter de son fardeau de preuve en relevant les ambiguïtés.

 

Le premier motif d’opposition est rejeté au motif que l’opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

L’alinéa 30i) exige que la demande d’enregistrement d’une marque de commerce renferme une déclaration portant que le requérant est convaincu qu’il a le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou services décrits dans la demande. La présente demande est accompagnée d’une telle déclaration et est donc techniquement conforme à l’alinéa 30i). En l’absence de preuve de mauvaise foi de la part de la requérante, je ne me pencherai pas sur l’allégation selon laquelle la déclaration est inappropriée. Le second motif d’opposition est donc rejeté.

 

Motif d’opposition fondé sur le caractère dictinctif

Pour s’acquitter de son fardeau de preuve, l’opposante doit présenter des éléments de preuve démontrant que les noms PYRAMID appartenant à des tiers sont devenus suffisamment connus au Canada, à la date pertinente, pour nier le caractère distinctif de la marque de la requérante [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.), à la p. 58].

 

Dans son argumentation écrite, la requérante soutient que l’opposante ne peut invoquer l’emploi par des tiers des noms commerciaux PYRAMID qui ne sont pas spécifiquement énumérés dans les actes de procédure. Nous disposons toutefois de la preuve en bonne et due forme de divers noms d'entreprises comprenant le mot PYRAMID. La déclaration d’opposition indiquait clairement que l’opposante ne se limitait pas aux noms énumérés dans les actes de procédure. Qui plus est, sur le fondement de la preuve déposée, la requérante était au fait de la nature de l’instance [voir Novopharm Ltd. c. AstraZeneca AB et al. (2002), 21 C.P.R. (4th) 289 (C.A.F.); Novopharm Ltd. c. Ciba-Geigy Canada Ltd.; Novopharm Ltd. c. Astra Aktiebolag (2001), 15 C.P.R. (4th) 327 (C.A.F.)].

 

La preuve de M. Davies vise à démontrer que le mot « pyramide » est une composante courante des noms d’entreprises au Canada. Cependant, je ne peux accorder beaucoup d’importance à la plupart de ses éléments de preuve puisque ceux-ci ne démontrent pas l’emploi (par opposition à l’enregistrement) des noms PYRAMID dans le domaine d’activité de la requérante antérieurement à la production de la déclaration d’opposition.

 

M. Davies relève les noms et marques suivants, lesquels ont été employés ou publicisés au Canada antérieurement à la production de la déclaration d’opposition en liaison avec ce qu’il classerait dans l’industrie du divertissement/des médias/de l’informatique :

1.      Pyramid Productions Inc. – une compagnie de production de films à Vancouver

2.      4th Pyramid Productions Inc. – un producteur de musique à Toronto

3.      Pyramid AV (Canada) Inc. – une entreprise ontarienne spécialisée dans les CD, la musique et les vidéos en langue indienne

4.      Pyramid Cabaret – une boîte de nuit au Manitoba

5.      Pyramid Press – une imprimerie albertaine

6.      Pyramide Relations Publiques Inc. – une entreprise québécoise de relations publiques

7.      Pyramid Traffic Inc. – une entreprise ontarienne qui fournit des services d’information sur le trafic

8.      Pyramid Sound – une entreprise ontarienne spécialisée dans la reparation d’instruments de musique

9.      Pyramid Motion Picture & Image – une entreprise ontarienne fournissant des services de production et d’enregistrement vidéo

 

Je considère les entreprises numérotées de 4 à 8 comme relevant d’un domaine suffisamment distant de celui de la requérante qu’elles ne méritent pas d’être examinées de plus près.

 

La première entreprise dans la liste, la compagnie de production de films de Vancouver, Pyramid Productions Inc., est la plus pertinente. Je reproduis en détail les renseignements fournis par M. Davies à son égard :

1.      Une recherche de dénominations sociales sur A.B.C. Online Companies datée du 25 juin 2002 révèle que l’entreprise Pyramid Productions Inc., en Colombie-Britannique, a été constituée le 31 mai 1995.

2.      Cinq pages imprimées le 3 juillet 2002 à partir du site web www.homestead.com/horseythemovie/horseyincorporated attestent deux références à Pyramid Productions Inc. : [TRADUCTION] « PYRAMID PRODUCTIONS INC. & CRAIG GRONDAHL sont fiers de vous présenter “horsey” » et [TRADUCTION] « Pour plus d’information : Pyramid Productions Inc. ». Autrement, il y est question du film « horsey », et il y est mentionné qu’il s’agit d’un long métrage canadien remontant à 1997 et qu’il sera possible de s’en procurer une copie vidéo au Canada dès décembre 2000.

3.      Des photocopies de ce qui semble être l’emballage extérieur d’une vidéocassette du film « horsey », où on peut lire : [TRADUCTION] « PYRAMID PRODUCTIONS INC. et CRAIG GRONDAHL présentent… ». Aucune explication n’a été fournie quant à la provenance de cet élément de preuve.

4.      Des pages imprimées le 3 juillet 2002 à partir du site web www.playbackmag.com/articles/magazine, lequel affiche un article daté du 3 juillet 1995 où il est fait mention d’une [TRADUCTION] « nouvelle compagnie de production à Vancouver, Pyramid Productions » et de son film « horsey ».

5.      Deux pages devant servir à diffuser de l’information dans la revue PLAYBACK du 7 août 2000.

 

Dans son argumentation écrite, la requérante a fait valoir que l’affidavit de M. Davies constituait du ouï-dire relativement aux copies d'écran du site web, puisqu'il s'agit de renseignements publiés par d’autres personnes et que leurs auteurs ne pouvent être contre-interrogés. J’en conviens, dans la mesure où le contenu de ces sites web ne peut être considéré comme véridique. La preuve est cependant fiable dans la mesure où elle montre que ces sites web, avec tout ce qui y était affiché, étaient accessibles lorsque M. Davies a effectué ses recherches. Cela n’est toutefois guère utile à l’opposante parce que les recherches de M. Davies ont été effectuées après la date pertinente.

 

Je remarque qu’une recherche non datée sur Canada 411 -- un répertoire téléphonique en ligne -- effectuée par M. Davies en vue de repérer les numéros de téléphone des entreprises dont les noms comprenaient le mot « pyramide » a permis de repérer Pyramid Productions Inc. à Calgary (la requérante), mais non l’entreprise de Vancouver.

 

En outre, l’affidavit de M. Day traite en ces termes des éléments de preuve relatifs à l’entreprise de Vancouver :

  1. les services de production de films indépendants sont tout à fait distincts des services de production de spectacles télévisés ou de vidéos promotionnels;
  2. les clients de la requérante sont des entreprises de renommée pour lesquelles il importe de savoir à qui elles confient leur services de production;
  3. la requérante ne vend pas de vidéos préenregistrés, ni n’en distribue pour la vente;
  4. il ne connaît [TRADUCTION] « aucune autre entreprise dans la région qui offre des services de production de spectacles télévisés ou de vidéos dont le nom commercial ou la marque de commerce comprend le mot PYRAMID »;
  5. la marque de commerce de la requérante PYRAMID PRODUCTIONS est affichée dans le générique des spectacles télévisés regardés chaque semaine par un auditoire de 1,2 million de téléspectateurs à l’échelle nationale, mais il ne connaît pas [TRADUCTION] « un téléspectateur, une compagnie de production d’émissions télévisées, une entreprise ou toute autre personne à quelque titre que ce soit qui ait été confus ou qui se soit mépris sur l’identité de la requérante »;
  6. les compagnies de production de films indépendants [TRADUCTION] « sont éphémères. Règle générale, elles ne durent que pour la durée de la production du film, se limitant strictement à la réalisation d’un projet unique. »

 

Pour résumer, il ressort de certains éléments de preuve qu’une autre partie a employé les mêmes mots (Pyramid Productions) dans son nom de compagnie de production de film au Canada, mais je ne peux y accorder beaucoup d’importance. Il en est ainsi car ces preuves sont essentiellement sous forme d’informations obtenues, après la date pertinente, auprès de sites web de tiers. Comme je l’ai déjà souligné, il s’agit de preuves établissant que les sites web existaient au moment où M. Davies les a consultés, mais n’établissent pas la véracité des déclarations qui y sont contenues. Qui plus est, rien n’indique la mesure dans laquelle les Canadiens ont accédé à ces sites, le cas échéant [voir Procter & Gamble c. Hunter (1999), 2 C.P.R. (4th) 266 (C.O.M.C.), à la p. 273]. Dans l’ensemble, il n’existe aucune preuve fiable portant que l’entreprise de Vancouver employait son nom commercial Pyramid Productions Inc. à la date pertinente, ni aucune preuve quantitative de son emploi à quelque moment que ce soit. Ainsi, il ne ressort pas de la preuve que l’entreprise de Vancouver, Pyramid Productions Inc., est devenue suffisamment connue pour nier à la requérante le caractère distinctif de sa marque à la date pertinente.

 

La preuve concernant les entreprises 2, 3 et 9, à la page 8, est elle aussi déficiente dans la mesure où elle puise dans des sites web de tiers qui ont été consultés après la date pertinente.

 

Quant à Pyramid AV (Canada) Inc., M. Davies a téléphoné à l’entreprise le 13 juillet 2002 et a su que le nom de l’entreprise a été utilisé depuis avant le 23 avril 2001. Il va sans dire qu’il s’agit là d’un exemple classique de ouï-dire. M. Davies affirme également avoir cherché à en savoir davantage sur l’entreprise au moyen du logiciel Select Phone Canadian Edition, confirmant que celle-ci avait un numéro de téléphone en l’an 2000. Il omet toutefois de fournir une copie de sa recherche, et on ne connaît pas la fiabilité du logiciel. Quoi qu’il en soit, une seule inscription téléphonique ne permet pas en soi de conclure que Pyramid AV (Canada) Inc. est devenue suffisamment connue pour nier le caractère distinctif de la marque de la requérante à la date pertinente. À cela s’ajoute le fait qu’il existe des différences à la fois entre Pyramid AV (Canada) Inc. et PYRAMID PRODUCTIONS, et entre leurs services respectifs, qui permettent de les distinguer l’une de l’autre.

 

Quant à Pyramid Motion Picture & Image, la preuve de M. Davies ne se résume qu’à très peu de choses, elle qui ne consiste qu’en un enregistrement de nom commercial et un renseignement indiquant que l’entreprise avait une inscription téléphonique depuis 1995. Ce renseignement provient d’un logiciel dont la fiabilité n’a pas été établie et, dans l’ensemble, la preuve est loin d’être suffisante pour permettre de conclure que Pyramid Motion Picture & Image est devenue suffisamment connue pour nier le caractère distinctif de la marque de la requérante à la date pertinente.

 

En guise de conclusion, bien que tout porte à croire qu’il n’est pas rare pour une entreprise d’insérer le mot PYRAMID dans son nom, il n’existe pas en l’espèce suffisamment d’éléments de preuve fiables pour me permettre de conclure que l’opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial de démontrer que cette entreprise est devenue suffisamment connue dans un domaine connexe à celui de la requérante pour nier à celle-ci le caractère distinctif de sa marque à la date pertinente. Comme il a été dit dans Westcom Radio Group Ltd. c. CHUM Ltd. (1998), 87 C.P.R. (3d) 185 (C.O.M.C.), à la p. 191, [TRADUCTION] « la question de savoir si les opposantes se sont acquittées du fardeau de preuve qui leur incombait ne peut reposer sur des déductions ». Par conséquent, le troisième motif d’opposition est rejeté.

 

Dispositif

En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 16 JANVIER 2006.

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

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