Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 206

Date de la décision : 2010-11-30

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Asset, Inc. à l'encontre de la demande no 1226130 pour la marque de commerce REPO.COM & Dessin au nom de Dot Net Support Inc.

[1]         Le 5 août 2004, Dot Net Support Inc. (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce REPO.COM & Dessin (la Marque), reproduite ci‑dessous, demande fondée sur l'emploi de la Marque au Canada par elle-même ou son prédécesseur en titre, Marvin Boman, s/n DOT NET SUPPORT, depuis le 30 septembre 2003.

REPO-COM & Design

[2]         La Requérante s'est désistée du droit à l'usage exclusif du mot REPO en dehors de la marque de commerce prise dans son ensemble. L'état déclaratif des services est actuellement libellé comme suit :

Exploitation d'un concessionnaire de vente au détail de biens repris, nommément camions, automobiles, fourgonnettes, mini-fourgonnettes, véhicules sport utilitaires, bateaux, véhicules de plaisance, motoneiges, motocyclettes, aéronefs et immobilier.

 

[3]         Le 31 mai 2006, la demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce.

[4]         Le 27 juin 2006, Asset, Inc. (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition à l'encontre de cette demande. Les motifs d'opposition sont les suivants : la demande de la Requérante n'est pas conforme à l'alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), en ce que la Requérante n'a pas employé la Marque en liaison avec les services visés par cette demande depuis le 30 septembre 2003; la Marque n'est pas enregistrable au titre de l'alinéa 12(1)d); la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque au titre de l'alinéa 16(1)a); et la Marque n'est pas distinctive. Les trois derniers motifs sont fondés sur la probabilité de confusion avec les marques suivantes, employées et déposées par l'Opposante : REPOMAN (enregistrement no 569549), 100% PURE REPO (enregistrement no 580006), REPOHIGHWAY.COM (enregistrement no 568326) et REPO DEPO (enregistrement no 458282).

[5]         La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration, où elle conteste les allégations de l'Opposante.

[6]         La preuve de l'Opposante consiste en deux affidavits, respectivement signés par Kim Parrot et John Regan. La preuve de la Requérante consiste en un affidavit de Marvin Boman. MM. Regan et Boman ont tous deux été contre-interrogés, et les transcriptions de leurs contre-interrogatoires font partie du dossier de la présente espèce.  

[7]         La Requérante et l'Opposante ont présenté chacune un plaidoyer écrit. L'Opposante a d'abord demandé la tenue d'une audience, mais elle a ensuite retiré cette demande.

La charge de la preuve et les dates pertinentes

[8]         Le requérant supporte la charge ultime d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande remplit les conditions prévues par la Loi. Cependant, l'opposant supporte quant à lui la charge initiale de la preuve, c'est‑à‑dire qu'il lui incombe de produire des éléments admissibles suffisants pour qu'on puisse raisonnablement conclure à l'existence des faits qu'il invoque au soutien de chacun des motifs d'opposition. [Voir John Labatt Ltd. c. The Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), page 298; et Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.).]

[9]         Les dates pertinentes pour l'examen des motifs d'opposition sont les suivantes :

         article 30 : la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), page 475];

         alinéa 12(1)d : la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         paragraphe 16(1) : la date de premier emploi par la Requérante [voir le paragraphe 16(1)];

         absence de caractère distinctif : la date de production de l'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Le motif fondé sur l'alinéa 30b)

[10]     L'Opposante soutient dans sa déclaration d'opposition que la demande n'est pas conforme à l'alinéa 30b) de la Loi, parce que la Requérante n'a pas employé la Marque en liaison avec les services visés par cette demande à partir de la date de premier emploi alléguée, soit le 30 septembre 2003.

[11]     La charge initiale de preuve que supporte l'opposant est plutôt légère relativement à la question de la non-conformité à l'alinéa 30b), parce que le requérant possède une connaissance particulière des faits relatifs au premier emploi qu'il a fait de la marque en question [voir Tune Masters c. Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), page 89]. L'opposant peut s'acquitter de cette charge en s'appuyant non seulement sur sa propre preuve, mais aussi sur celle du requérant [voir Compagnie de brassage Labatt c. Brasseries Molson, une société de personnes (1996), 68 C.P.R. (3d) 216, page 230 (C.F. 1re inst.)]. S'il peut s'appuyer sur la preuve du requérant pour s'acquitter de sa charge relativement à ce motif d'opposition, l'opposant doit cependant démontrer que ladite preuve est « manifestement » incompatible avec les déclarations contenues dans la demande d'enregistrement. Enfin, l'alinéa 30b) exige qu'il y ait eu emploi ininterrompu de la marque de commerce visée par la demande, dans la pratique normale du commerce, à compter de la date revendiquée [voir Compagnie de brassage Labatt c. Benson & Hedges (Canada) Ltée (1996), 67 C.P.R. (3d) 258 (C.F. 1re inst.), page 262].

[12]     Dans la présente espèce, l'Opposante s'appuie sur la preuve de la Requérante pour s'acquitter de sa charge initiale. J'examinerai plus loin les éléments de la preuve que j'estime être les plus pertinents pour la question de savoir si la Requérante a employé la Marque à compter de la date revendiquée.

[13]     Selon mon interprétation de la preuve, une entreprise dénommée Week‑end Holdings Limited exploite un terrain de vente de biens repris au 6139 de l'avenue Trapp, à Burnaby (C.‑B.). Cependant, la Requérante affirme qu'elle-même ou son prédécesseur en titre, M. Boman, a utilisé la Marque dans sa signalétique et ses prospectus à ce terrain de vente à partir de la date de premier emploi revendiquée par elle, soit le 30 septembre 2003, encore qu'elle n'ait pas produit de photographies des enseignes en question ni d'échantillons de ses prospectus pour corroborer cette affirmation. M. Boman, qui est président de la Requérante, ne loue pas d'espace à Week-end Holdings Limited, pas plus qu'il n'est employé par cette entreprise. Il déclare plutôt être directeur commercial suppléant, c'est‑à‑dire avoir pour fonction de gérer le processus de vente (voir la transcription de son contre-interrogatoire, questions 324 à 340). Il explique qu'il est chargé de l'exploitation du site Web REPO.COM, ainsi que de la publicité et des écritures nécessaires pour la vente des biens repris qui y sont annoncés. Week-end Holdings paie la Requérante pour qu'elle fasse la publicité des biens repris sur le site REPO.COM. Les acheteurs éventuels, après avoir vu en ligne les biens repris qui les intéressent, se rendent au terrain de vente pour y signer les contrats d'achat (contre-interrogatoire de M. Boman, question 341).

[14]     L'Opposante soutient que la Requérante n'a pas démontré avoir employé la Marque en liaison avec les services visés par la demande à compter de la date de premier emploi revendiquée, pour les raisons suivantes :

         La Requérante n'a pas démontré l'emploi de la Marque en liaison avec l'« [e]xploitation d'un concessionnaire de vente au détail de biens repris »; tout ce qu'elle a démontré, c'est que la Marque figure sur son site Web et sur le site Buy/Sell.com.

         M. Boman a admis en contre-interrogatoire que le site Web REPO.COM n'a été mis en ligne qu'en novembre 2003 et n'a annoncé de produits à vendre qu'après cette date (contre-interrogatoire de M. Boman, questions 257 à 264). 

         M. Boman déclare que son entreprise avait une présence physique sur un terrain de vente de biens repris, alors que ni M. Boman ni la Requérante ne louent d'espace sur ce terrain. M. Boman admet que ce qu'il entend par présence physique, c'est qu'il remplit la fonction de directeur commercial suppléant à cet endroit.

         M. Boman admet qu'il faut être concessionnaire ou agir en vertu d'un permis de concession pour vendre des véhicules repris; il admet aussi que la Requérante n'est pas concessionnaire ni n'agit en vertu d'un permis de cette nature.

[15]      Je reproduis ici le passage pertinent du témoignage de M. Boman :

[TRADUCTION]

Q. 360                         Week-end Holdings n'est pas propriétaire de Dot Net Support Inc.

R.                    C'est exact.

Q. 361                         Bien. Dot Net Support Inc. est-elle concessionnaire ou ... ?

R.                    Non.

Q. 362             Non? Mais ne faut‑il pas être concessionnaire pour vendre des véhicules repris?

R.                    Effectivement. Pour vendre des véhicules repris, il faut être concessionnaire ou agir en vertu d'un permis de concession.

Q. 363             Je vois. Est‑ce que Dot Net Support Inc. détient un permis de concession?

R.                    Non.

Q. 364             Je vois.

R.                    Dot Net Support ne signe pas de contrats de – avec les acheteurs des marchandises annoncées sur le site repo.com.

Q. 365             Je vois.

R.                    Je pourrais le faire en ma qualité personnelle, en vertu du permis que je tiens de Weekend Holdings.

Q. 366             Vous tenez un permis de Weekend Holdings?

R.                    Exact.

Q. 367             Personnellement?

R.                    Oui.

[16]     À mon avis, le témoignage de M. Boman fait douter sérieusement que la Requérante ou son prédécesseur en titre ait été autorisé à exécuter des services d' «[e]xploitation d'un concessionnaire de vente au détail de [véhicules] repris » à partir de la date de premier emploi revendiquée. M. Boman n'a pas expliqué ce qu'il entend par le [TRADUCTION] « permis [qu'il tient] de Weekend Holdings » ou ce qu'est au juste un [TRADUCTION] « permis personnel ». Il admet plutôt que la Requérante n'est pas concessionnaire ni n'agit en vertu d'un permis de concession. Même en supposant que la Requérante et son prédécesseur en titre, M. Boman, aient été autorisés à fournir les services en question, il est permis de douter, à en juger par la preuve, que l'emploi de la Marque en liaison avec ces services puisse être attribué à la Requérante sans interruption depuis la date de premier emploi revendiquée. En effet, même si M. Boman était habilité à titre personnel à fournir les services visés par la demande, il n'a pu l'être que jusqu'à la date de la constitution de la Requérante en personne morale, c'est‑à‑dire jusqu'au 5 décembre 2003. En outre, comme la Requérante n'a mis son site Web en ligne qu'en novembre 2003, je me serais attendu à ce que M. Boman produise des photographies des enseignes du terrain de vente, des publicités imprimées, des factures ou des exemplaires du prospectus de la Requérante, afin de démontrer l'emploi de la marque REPO.COM & Dessin en liaison avec la concession de vente au détail de biens repris de la Requérante à compter du 30 septembre 2003, date de premier emploi revendiquée.

[17]     Un examen attentif de la question m'amène à conclure que l'Opposante s'est acquittée de la faible charge de preuve qui lui incombait relativement à son affirmation que la Requérante n'a pas employé la Marque en liaison avec les services visés par la demande à partir de la date de premier emploi revendiquée. La Requérante ne s'étant pas acquittée de la charge ultime qui pesait sur elle de prouver l'emploi continu de la Marque à compter de la date revendiquée, le motif fondé sur l'alinéa 30b) est accueilli.

Le motif fondé sur l'alinéa 12(1)d)

[18]     Le motif d'opposition relevant de l'alinéa 12(1)d) repose sur la probabilité de confusion entre la Marque et chacune des marques de commerce de l'Opposante.

[19]     Je note que l'Opposante s'est acquittée de sa charge initiale de preuve relativement au motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d), puisque tous ses enregistrements sont en règle.

[20]     Je constate que la plus grande partie de la preuve de l'Opposante concerne sa marque REPO DEPO (enregistrement no LMC458282). Par conséquent, je considère que, au titre de l'alinéa 12(1)d), l'Opposante a avancé ses arguments les plus convaincants à propos de la marque REPO DEPO, de sorte que je concentrerai mon examen sur celle‑ci, sauf indication contraire.

Le test en matière de confusion

[21]     Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi dispose que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués et exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Dans l'application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, notamment celles qui sont spécifiées au paragraphe 6(5) de la Loi, soit : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. On n'attribue pas nécessairement un poids égal à ces facteurs spécifiés par la Loi.

[22]     La Cour suprême du Canada a examiné la question de la méthode qu'il convient d'appliquer à l'évaluation de toutes les circonstances de l'espèce à prendre en considération afin d'établir s'il y a probabilité de confusion entre deux marques de commerce dans les arrêts Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401. C'est en me fondant sur les principes généraux qui y sont exposés que j'analyserai maintenant toutes les circonstances de l'espèce.

Alinéa 6(5)a) - le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[23]     Aucune des marques en question ne possède un degré élevé de caractère distinctif inhérent, étant donné que chacune évoque, voire décrit, les services de reprise de possession de la partie concernée. À ce propos, la Requérante a produit la définition suivante du terme REPO [forme familière de repossession, qui signifie « reprise de possession »], tirée de l'American Heritage Dictionary of the English Language : [TRADUCTION] « Action, pour le vendeur, de reprendre possession d'un bien lorsque l'acheteur n'a pas effectué les versements convenus ». Cependant, j'estime que la Marque possède un degré légèrement plus élevé de caractère distinctif inhérent que la marque de commerce de l'Opposante, du fait de son élément graphique.

[24]     Comme une marque de commerce peut être renforcée en devenant connue par la promotion ou l'emploi, j'examinerai maintenant le point de savoir dans quelle mesure les marques de commerce en question sont devenues connues au Canada. La preuve de M. Regan, président du conseil d'administration de l'Opposante et auteur de l'un des affidavits produits par elle, nous apprend ce qui suit :

         L'Opposante est une société transnationale ayant son siège à Toronto, et des bureaux à Londres (Royaume‑Uni), Melbourne (Australie), Chicago (États‑Unis) et Santiago (Chili). Elle s'occupe de la reprise de possession et de la vente à l'échelle nationale de biens meubles et immeubles garantissant des créances sinistrées, et elle fournit divers services d'infrastructure et de technologie de traitement du recouvrement à l'ensemble des dix banques et institutions financières les plus importantes du Canada (et à plus de 200 autres à l'étranger).

         Les services visés par l'enregistrement de la marque REPO DEPO sont les suivants : « Services parajuridiques de privilège pour le compte de créanciers garantis, d'institutions financières, d'avocats, de syndics et d'entrepositaires et de réparateurs; contrats pour services juridiques et d'huissier; services de recouvrement de propriété; services de règlement et de réclamations d'assurances; liquidation des garanties; services d'entreposage et de transport; services d'expertise et d'évaluation; services d'agent de documentation ».

         L'Opposante emploie depuis plus de 32 ans au Canada la marque de commerce REPO DEPO en liaison avec ses services enregistrés.

         L'Opposante commercialise, vend et exécute ses services REPO DEPO au Canada en liaison avec la marque REPO DEPO à l'intention des Canadiens qui souhaitent acheter des biens meubles ou immeubles sur lesquels une sûreté a été constituée en faveur d'une institution financière ou d'un autre créancier garanti.

         L'Opposante emploie la marque REPO DEPO en liaison avec les services REPO DEPO en la mettant bien en vue sur Internet, dans sa signalétique au Canada (depuis environ 1978), ainsi que dans des annonces de journaux et de magazines, et des annuaires téléphoniques, diffusés au Canada.

         Depuis que l'Opposante a adopté la marque REPO DEPO vers 1978, la valeur totale de ses ventes en liaison avec cette marque a excédé le milliard de dollars; ses ventes brutes relatives à ses services REPO DEPO sont passées de 8,5 millions de dollars en 1996 à 260 millions en 2007 (projection).

         L'Opposante promeut largement ses services REPO DEPO au Canada depuis plus de 20 ans. Selon les estimations de M. Regan, les dépenses annuelles de publicité et de promotion de ces services au Canada sont passées de 900 000 $ en 1996 à 8 000 000 $ en 2007 (projection). M. Regan a annexé à son affidavit, sous les cotes D et E, des photocopies de documents représentatifs – affiches, annonces publiées dans des magazines ou des journaux, autres publicités imprimées et publications d'entreprise – qui annoncent les services de l'Opposante en liaison avec la marque de commerce REPO DEPO.

         L'Opposante exploite le site Web www.repodepo.ca depuis au moins 1997 en liaison avec ses marchandises et ses services. M. Regan, se fondant sur les archives de la société, estime que depuis la mise en ligne de ce site en 1997, environ 130 millions de personnes l'ont visité (mais il ne précise pas si ces visiteurs étaient canadiens).

[25]     La preuve de l'Opposante me convainc que sa marque REPO DEPO est devenue connue dans une mesure considérable au Canada. La Requérante, quant à elle, n'a pas produit une preuve suffisante pour établir que la Marque est devenue connue au Canada dans une mesure tant soit peu importante en liaison avec les services visés par sa demande. Ce facteur fait donc pencher la balance en faveur de l'Opposante.  

Alinéa 6(5)b) - la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[26]     Le facteur de la durée pendant laquelle chacune des marques a été en usage joue en faveur de l'Opposante.

Alinéas 6(5)c) et d) - le genre de marchandises, services ou entreprises, et la nature du commerce

[27]     Dans l'examen des marchandises, services et entreprises des parties, ce sont les états déclaratifs des marchandises ou des services contenus dans leurs demandes d'enregistrement et enregistrements respectifs qui constituent l'élément déterminant pour ce qui concerne la question de la confusion sous le régime de l'alinéa 12(1)d) [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); et Miss Universe Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)].

[28]     Les services visés par la demande sont les suivants : « Exploitation d'un concessionnaire de vente au détail de biens repris, nommément camions, automobiles, fourgonnettes, mini-fourgonnettes, véhicules sport utilitaires, bateaux, véhicules de plaisance, motoneiges, motocyclettes, aéronefs et immobilier ». La marque REPO DEPO de l'Opposante est déposée en liaison avec, entre autres, des services de recouvrement de biens et de liquidation de sûretés réelles.

[29]     Dans la mesure où les services des deux parties se rapportent à la vente de biens repris, on constate un chevauchement quant au genre de services. Il y a donc lieu de supposer que leurs voies de commercialisation respectives coïncident partiellement.

Alinéa 6(5)e) - le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[30]     S'il est vrai que le premier élément d'une marque est souvent considéré comme le plus important aux fins de distinction, son importance est moindre s'il s'agit d'un mot commun, descriptif ou suggestif [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.); Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.); et Phantom Industries Inc. c. Sara Lee Corp. (2000), 8 C.P.R. (4th) 109 (C.O.M.C.)]. Dans la présente espèce, il y a un certain degré de ressemblance entre les marques puisque chacune commence par le mot REPO. Cependant, comme je l’ai mentionné précédemment, ce mot constitue une description des services des parties. Il s'ensuit que les consommateurs ne s'appuieront probablement pas sur ce mot pour distinguer une source de l'autre. En outre, si les deux marques commencent par le mot REPO, la Requérante y a ajouté la mention « .COM » et une représentation caractéristique de flèches qui ont pour effet de distinguer la Marque de la marque de l'Opposante. Je considère aussi que les deux marques suggèrent des idées différentes : l'idée suggérée par la Marque est celle d'un site Web où l'on peut trouver des biens repris, tandis que la marque REPO DEPO évoque un lieu physique.

Autres circonstances de l'espèce

L'état du registre et l'état du marché

[31]     M. Boman déclare dans son affidavit que le cabinet Gowling Lafleur Henderson a effectué, en septembre 2003, à la demande de la Requérante, une recherche visant à déterminer l'enregistrabilité et la disponibilité du mot REPO au Canada. Les résultats de cette recherche, joints en pièce C à l'affidavit de M. Boman, proviennent de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes, de la base de données NUANS sur les dénominations sociales et les noms commerciaux, du 16 Million Businesses Phonebook, de CanadaPhone, des Canada Business Pages et d'autres sources de common law. M. Boman a aussi annexé à son affidavit, sous la cote D, un rapport rendant compte d'une recherche de marque de commerce effectuée par Thompson and Thompson dans la base de données sur les marques de commerce de l'USPTO, dans diverses bases de données sur les marques de commerce d'États américains, ainsi que dans des bases de données sur les noms commerciaux et les noms de domaine. Il a en outre joint à son affidavit, en pièce E, les résultats d'une recherche sur Google établissant la présence du mot REPO dans divers noms de domaine et articles.

[32]     L'Opposante élève les objections suivantes contre les éléments de preuve susmentionnés :

         La recherche dans le registre des marques de commerce n'a révélé la présence que de quatre marques de tiers contenant le mot REPO, dont aucune ne se rapporte à des activités semblables à celles de la Requérante ou de l'Opposante.

         La Requérante n'a précisé ni les paramètres ni les conclusions de la recherche effectuée par Gowlings.

         La recherche de Thompson and Thompson porte sur les États‑Unis et ne fait état que de deux noms de domaine canadiens, dont l'un est celui de la Requérante.

         Aucun élément de preuve n'établit que l'une quelconque des entreprises citées dans la pièce E ait un bureau au Canada.

         Aucun élément de preuve n'établit l'emploi de marques contenant le mot DEPO par des tiers sur le marché canadien.

[33]     La preuve de l'état du registre n'est pertinente que dans la mesure où l'on peut en tirer des conclusions sur l'état du marché [Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); et Welch Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.)]. Il est également à noter que l'arrêt Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.), appuie le principe qu'on ne peut tirer de conclusions sur l'état du marché de la preuve de l'état du registre que si la recherche a révélé un grand nombre d'enregistrements pertinents. Je pense comme l'Opposante que la preuve de l'état du registre produite ici ne suffit à elle seule à étayer aucune conclusion sur l'état du marché.

[34]     Pour ce qui concerne la preuve de l'état du marché produite par la Requérante, je pense comme l'Opposante qu'elle est limitée dans la mesure où elle n'établit que l'emploi générique du mot REPO au Canada ou sur des sites Web canadiens. En outre, cette preuve n'établit pas qu’il existe au Canada une entreprise dont les activités sont en liaison avec une dénomination contenant le mot REPO.

[35]     Cependant, la preuve de la Requérante établit effectivement qu'il y a au moins quatre inscriptions de telles entreprises au Canada, que de nombreux sites Web relatifs à des services de reprise de possession semblent avoir contenu le mot REPO dans leurs noms de domaine sur de nombreuses années et que ce mot a été employé en un sens générique pendant de nombreuses années dans divers articles en ligne sur le secteur de la reprise de possession. Par conséquent, malgré l'objection de l'Opposante selon laquelle la preuve de la Requérante ne donne pas d'exemples d'entreprises qui emploient au Canada des marques contenant le mot REPO, j'estime que la grande quantité d'emplois génériques de ce mot dont l’existence a été établie par la Requérante constitue une circonstance pertinente de la présente espèce.

Conclusion sur la probabilité de confusion

[36]     Le critère applicable à la question de la confusion est celui de la première impression que laisse dans l'esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque REPO.COM & Dessin sur la devanture de la concession de vente au détail de biens repris de la Requérante, à un moment où il n'a qu'un vague souvenir de la marque de commerce REPO DEPO de l'Opposante et où il ne s'arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [voir Veuve Clicquot]. 

[37]     Au vu des conclusions qui précèdent et après examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, je conclus à l'absence de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce REPO DEPO de l'Opposante à la date de ma décision. À mon sens, comme REPO est un mot communément employé dans le secteur de la reprise de possession, il est peu probable que les consommateurs s'appuient sur ce mot pour distinguer une source de l'autre. Par conséquent, étant donné la nature descriptive du mot REPO, j'estime improbable que le consommateur moyen de services de reprise de possession confonde la marque de commerce REPO.COM & Dessin de la Requérante avec la marque REPO DEPO de l'Opposante. Les observations suivantes formulées par Monsieur le juge Cattanach à la page 62 de Questor Commercial c. Discover Services Ltd. (1979), 46 C.P.R. (2d) 58 (C.F. 1re inst.), me paraissent bien s'appliquer à la présente affaire :

Pour que la marque de l'appelante crée de la confusion avec celle de l'intimée, l'intimée ne peut se fonder sur la caractéristique que l'appelante, les autres commerçants et elle-même ont en commun, mais bien sur quelque chose de particulier à l'intimée que l'appelante s'est approprié. Il s'ensuit que la marque de l'appelante ne crée pas de la confusion avec celle de l'intimée puisque l'appelante ne s'est pas approprié quelque chose de particulier à l'intimée.

[38]     Je rejette donc le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) pour ce qui concerne la marque REPO DEPO de l'Opposante.

[39]     Quant à REPOMAN, 100% PURE REPO et REPOSHIGHWAY.COM, mes conclusions ci‑dessus s'appliquent aussi, pour la plupart, à ces marques de commerce de l'Opposante. Les différences qu'il convient de signaler sont les suivantes.

[40]     Pour ce qui concerne sa marque 100% PURE REPO, l'Opposante n'a pas établi qu'elle est devenue bien connue au Canada. Le degré de ressemblance entre cette marque et la Marque est également différent. En effet, j'estime qu'il y a un degré moindre de ressemblance entre REPOMAN et 100% PURE REPO, d'une part, et d'autre part la Marque, qu'entre celle‑ci et la marque REPO DEPO de l'Opposante.

[41]      En outre, l'Opposante n'a pas établi que sa marque REPOHIGHWAY.COM soit devenue bien connue au Canada. J'estime cependant qu'il y a un degré plus élevé de ressemblance dans la présentation et le son entre la marque de l'Opposante REPOHIGHWAY.COM et la Marque, parce que les deux marques ont en commun les éléments REPO et .COM. Les idées suggérées par ces marques sont toutefois différentes, puisque REPOHIGHWAY.COM évoque l'idée d'une route ou d'une voie menant à la reprise de possession [highway signifie « grande route »], tandis que la Marque fait penser à un site Web où l'on met en vente des biens repris. Quoi qu'il en soit, je conclus que le consommateur qui verrait la Marque employée en liaison avec les services visés par la demande à un moment où il n'aurait qu'un vague souvenir de la marque REPOHIGHWAY.COM de l'Opposante n'en tirerait pas une première impression telle qu'il serait probablement enclin à croire que les services liés respectivement à la marque de l'Opposante et à la Marque soient vendus ou exécutés par la même personne.  

Les autres motifs d'opposition

[42]     Les dates pertinentes pour l'examen de la probabilité de confusion en ce qui concerne les motifs de l'absence de droit à l'enregistrement et de l'absence de caractère distinctif sont respectivement la date de premier emploi par le requérant et la date de l'opposition. Relativement au motif fondé sur l'article 16, la charge de preuve qui pèse sur l'opposant est celle de démontrer qu'il a employé ou révélé sa marque avant la date de premier emploi par le requérant et qu'il ne l'avait pas abandonnée à la date de l'annonce de la demande, qui est dans la présente espèce le 31 mai 2006 [paragraphe 16(5)]. En ce qui a trait au motif de l'absence de caractère distinctif, il incombe à l'opposant de démontrer que sa marque était devenue suffisamment connue à la date de production de la déclaration d'opposition pour priver la Marque de caractère distinctif.

[43]     L'Opposante s'est acquittée de sa charge de preuve pour les deux motifs relativement à sa marque REPO DEPO. Comme les différences de dates pertinentes ne me paraissent pas jouer un rôle tant soit peu important dans la décision de la question de la confusion entre la marque REPO DEPO de l'Opposante et la Marque, ma conclusion ci‑dessus selon laquelle il n'y a pas de probabilité de confusion entre ces deux marques s'applique également à ces motifs d'opposition, que je rejette eux aussi.

[44]     L'Opposante s'est aussi acquittée de sa charge de preuve pour les motifs respectivement fondés sur les alinéas 16(1)a) et 38(2)d) à l'égard de ses marques 100% PURE REPO et REPOHIGHWAY.COM. La plupart des conclusions que j'ai formulées ci‑dessus sur ces marques à propos du motif fondé sur l'alinéa 12(1)d) sont aussi applicables à ces motifs d'opposition. Par conséquent, mes conclusions ci‑dessus selon lesquelles il n'y a pas de probabilité de confusion de ces marques de commerce avec la Marque s'appliquent également auxdits motifs d'opposition, que je déclare eux aussi mal fondés.  

[45]     Cependant, j'estime que, s’agissant de sa marque REPOMAN, l'Opposante ne s'est acquittée de la preuve qui lui incombait à l’égard d’aucun des motifs d'opposition restants. En effet, j'estime que l'Opposante n'a pas établi qu'elle avait employé ou révélé sa marque REPOMAN avant la date de premier emploi par la Requérante ni qu'elle ne l'avait pas abandonnée à la date de l'annonce de la demande, soit le 31 mai 2006 [paragraphe 16(5) de la Loi]. En outre, il me paraît que l'Opposante n'a pas établi que, à la date de production de la déclaration d'opposition, sa marque REPOMAN était devenue suffisamment connue pour priver la Marque de caractère distinctif. En conséquence, je rejette les motifs d'opposition fondés sur les alinéas 16(1)a) et 38(2)d) pour ce qui concerne cette marque. 

Décision

[46]     Au vu de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui me sont délégués sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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