Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À L’ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : WESTCOAST

NO D'ENREGISTREMENT : LMC 366,729

 

 

 

Le 8 mai 2003, à la demande de Borden Ladner Gervais s.r.l., le registraire a transmis l’avis prescrit par le paragraphe 45 à WestCoast Hotels, Inc., propriétaire inscrite de la marque de commerce susmentionnée.

 

La marque de commerce WESTCOAST est enregistrée en liaison avec des services d’hôtel.

 

L'article 45 de la Loi sur les marques de commerce exige que le propriétaire inscrit d'une marque de commerce démontre, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. La période pertinente en l’espèce se situe entre le 8 mai 2000 et le 8 mai 2003. L'article 4 de la Loi précise en quoi constitue l'emploi d'une marque de commerce.

 

En réponse à l’avis, l’inscrivante a déposé l’affidavit de Thomas McKeirnan. Chacune des parties a présenté un plaidoyer écrit mais aucune n’a demandé la tenue d’une audience.

 

M. McKeirnan est vice-président et chef du contentieux de WestCoast Hospitality Corporation (WHC), actionnaire unique de WestCoast Hotels, Inc. (WestCoast) et de Red Lion Hotels Inc. (Red Lion).

 

M. McKeirnan atteste ce qui suit :

[traduction]

Entre le mois d’octobre 2000 et le mois de mars 2003, WHC avait conclu une entente de marketing avec Coast Hotels Limited (Coast) basée à Vancouver, C.-B. (l’entente de services), en vertu de laquelle WestCoast offrait des services d’hôtel au Canada (en Alberta et en Colombie-Britannique) durant toute cette période… Coast est une entreprise hôtelière canadienne qui possède, dirige ou franchise des hôtels ou des installations de villégiature sous la marque COAST HOTELS AND RESORTS. En 2002, il y avait 21 hôtels et installations de villégiature situés en Colombie-Britannique et en Alberta… Aux termes de l’entente de services, il y avait un centre de réservation à Vancouver (C.-B.) desservant les deux chaînes, des activités coopératives de marketing et l’hébergement du site Web de WestCoast par Coast… Par l’intermédiaire de WHC, WestCoast a accordé une licence à Coast l’autorisant à employer la marque de commerce WESTCOAST au Canada afin de mener à bien le programme de marketing conjoint prévu dans l’entente de services… WHC et WestCoast exerçaient un contrôle, par l’entremise de l’entente de services, sur les caractéristiques et la qualité des services auxquels était liée la marque de commerce employée par la licenciée.

 

Essentiellement, M. McKeirnan soutient que WestCoast a offert des services d’hôtel au Canada par l’intermédiaire de Coast en faisant la promotion de services d’hôtel en liaison avec la marque de commerce WESTCOAST et en prenant des réservations de chambre faites par des particuliers ou des agences de voyage. Il a fourni des copies de pages Web tirées du site www.westcoasthotels.com en date du 25 février 2002 où l’on voit WESTCOAST HOTELS dans la partie supérieure ainsi qu’une liste de divers hôtels où l’usager peut faire une réservation. Dans la liste, on trouve différents hôtels canadiens dont le nom commence par le mot COAST et divers hôtels américains dont le nom commence par le mot WESTCOAST. M. McKeirnan fournit les adresses résidentielles de 8000 Canadiens qui sont des usagers inscrits du service Internet de WESTCOAST. Il distribue aussi des répertoires d’hôtels qui ont été diffusés au Canada en 2000 et en 2002, où il est fait référence tant à Coast Hotel & Resorts qu’à WESTCOAST HOTELS sur la page couverture et dans les pages intérieures. Le répertoire de 2002 affiche cette mise en garde : [traduction] « Au Canada, nous nous appelons Coast Hotels & Resorts. Aux États-Unis, c’est WestCoast Hotels ».

 

De plus, M. McKeirnan nous informe que [traduction] « les services d’hôtel de WestCoast comprennent un programme de fidélisation de la clientèle ». Il fournit des renseignements sur quelque 1900 résidents canadiens qui sont membres du programme en question ainsi qu’une liste de divers rachats effectués par des résidents canadiens dans le cadre du programme. Je note qu’il appert de la liste de rachats que chacun de ces Canadiens s’est inscrit au programme de gratification au cours de la période pertinente de trois ans et que la majorité des rachats ont été effectués durant la période pertinente de trois ans. Certains d’entre eux visaient des certificats-cadeaux de Costco échangeables au Canada.

 

L’entente entre WestCoast et Coast a pris fin le 1er avril 2003. En février 2003, WestCoast a accordé à une autre société une franchise en vue d’exploiter un hôtel à Victoria (C.-B.) en liaison avec la marque de commerce RED LION. M. McKeirnan indique que [traduction] « WestCoast fait la promotion de ses hôtels RED LION comme s’ils faisaient partie de la famille d’hôtels WESTCOAST. Par conséquent, RED LION Victoria fournit des services d’hôtel en employant surtout la marque de commerce RED LION, mais aussi la marque de commerce WESTCOAST ». WestCoast a donc accordé à Red Lion Victoria une licence l’autorisant à employer WESTCOAST au Canada et, aux termes de la licence, WestCoast contrôle directement ou indirectement les caractéristiques et la qualité des services. M. McKeirnan fournit un [traduction] « exemplaire du bulletin ‘Room to Room’(volume 4, numéro 2) envoyé par la poste à toutes les personnes inscrites sur sa liste d’envoi, y compris les Canadiens comme ceux qui se sont inscrits sur le site Internet de WestCoast, et distribué aux hôtels comme le Red Lion Victoria pour être distribué dans les halls et les chambres d’hôtel [sic] ». On voit bien sur ce bulletin la marque de commerce WESTCOAST ainsi que la marque de commerce RED LION, et on y fait référence à la franchise de Victoria. Le bulletin comporte un avis de droit d’auteur de 2003 et une référence à l’inauguration d’un hôtel dans l’État de l’Oklahoma à la fin du mois de juin. Je conclus que ce bulletin, le numéro 2, est celui du deuxième trimestre de l’année 2003, soit celui d’avril, mai et juin. 

 

Je considère que les éléments susmentionnés constituent les parties pertinentes de la preuve de M. McKeirnan.

 

Avant de poursuivre, je mentionnerai que l’inscrivante soutient que la présente procédure ne constitue pas le moyen approprié pour résoudre un conflit entre deux parties. Toutefois, la procédure prévue à l’article 45 est une procédure sommaire, et je ne peux me pencher dans le cadre de cette procédure que sur la question de savoir si l’inscrivante a rempli les exigences de l’article 45. Les mobiles de la partie requérante ne sont pas pertinents.

 

La partie requérante soutient que l’enregistrement ne peut pas être maintenu parce que l’inscrivante (ou les licenciés qu’elle contrôle) n’ont pas exploité d’hôtel durant la période pertinente. À l’appui, elle invoque en partie la décision Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.) (Motel 6).

 

L’affaire Motel 6 ne mettait pas en cause l’article 45. Il s’agissait plutôt de l’emploi de la marque de la partie demanderesse dans le contexte d’une procédure en radiation fondée sur l’article 57. La partie requérante soutient que [traduction] « suivant Motel 6, la possibilité pour les Canadiens de faire des réservations de chambre aux hôtels WestCoast Hotels aux États-Unis, que ce soit par Internet ou grâce au centre de réservations conjoint de Coast, n’équivaut pas à un emploi de la marque pour des services d’hôtel », mais je ne crois pas que les choses soient aussi simples. Dans l’affaire Motel 6, les services enregistrés étaient des « services de motel ». Aux pages 56 et 57, le juge Addy explique les faits et son raisonnement comme suit :

La preuve établit que cette marque n'a jamais été employée au Canada en liaison avec des services de motel à proprement parler. Elle a toutefois été employée en liaison avec des réservations de motel. Elle n'a jamais été employée au Canada par la demanderesse, qui n'avait au Canada aucun agent ou établissement ni aucun service de réservation. En fait, elle n'avait aucun service central de réservation aux États-Unis. À partir de n'importe quel endroit du Canada, on pouvait téléphoner ou écrire à tout Motel 6 pour y réserver une chambre. […]

Dans le cas d'au moins deux associations d'automobilistes, un appel téléphonique était fait par l'association lorsqu'un de ses membres le lui demandait. Aucune commission n'était payée par la demanderesse pour les clients envoyés à ses motels.

La correspondance ou la communication téléphonique avec les clients, les clients éventuels ou leurs agents au Canada, dans le seul dessein de recevoir et de confirmer des réservations de chambres de motel aux États-Unis, ne constituent pas un emploi de cette marque au Canada en liaison avec des services de motel; et à plus forte raison lorsque l'initiative du contact n'était pas prise par la personne ou l'entreprise fournissant les services de motel. Dans de tels cas, il doit y avoir à tout le moins quelque installation commerciale au Canada. 

 

La décision Motel 6 se distingue de l’espèce à plusieurs égards :

1.      Dans une procédure prévue à l’article 45, le fardeau de la preuve est beaucoup plus léger que dans une procédure prévue à l’article 57, car l’article 45 n’est pas censé être une procédure contradictoire mais bien une procédure sommaire permettant d’éliminer du registre des marques de commerce qui ne sont plus employées [voir Woods Canada Ltd. c. Lang Michener et al. (1996), 71 C.P.R. (3d) 477 (C.F. 1re inst.); Cinnabon, Inc. c. Yoo-Hoo of Florida Corp. (1998) 82 C.P.R. (3d) 513 (C.A.F.)].

2.      Dans la présente affaire, il était possible de faire des réservations à partir du Canada par l’intermédiaire de Coast qu’on peut considérer comme une mandataire de l’inscrivante située au Canada.

3.      L’inscrivante actuelle avait clairement un service de réservation central.

4.      L’inscrivante actuelle s’est bel et bien adressée au public canadien, par exemple en distribuant des bulletins.

5.      Outre les services de réservation, l’inscrivante a offert des services d’un programme de fidélisation à des résidents canadiens.

6.      Dans la présente affaire, les gens peuvent bénéficier des services de l’inscrivante tout en résidant au Canada.

 

En réponse à l’argument selon lequel les services de réservation ou les services d’un programme de fidélisation ne sont pas des « services d’hôtel », je renvoie aux deux décisions Saks & Co. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1989), 24 C.P.R. (3d) 49 (C.F. 1re inst.) (Saks), et Société Nationale des Chemins de Fer Français SNCF c. Venice Simplon-Orient-Express, Inc. (1995), 64 C.P.R. (3d) 87, conf. par (2000) 9 C.P.R. (4th) 443 (Orient-Express). Dans cette dernière affaire, l’enregistrement visait des « services de voyage, nommément des services de transport de passagers par train ». L’inscrivante n’avait pas de place d’affaire au Canada, mais elle faisait la promotion au Canada de ses services de transport par train en donnant des séminaires à des agents de voyage canadiens. Ces agents réservaient les services au nom de Canadiens qui voulaient utiliser le train de l’inscrivante lorsqu’ils voyageaient en Europe. Les voyageurs canadiens n’étaient pas exposés à la marque de commerce de l’inscrivante, mais les agents de voyage l’étaient, les marques apparaissant sur les factures transmises aux agents ainsi que dans les séminaires. Le juge McKeown a maintenu l’enregistrement de la marque et a convenu des propos suivants de l’agente d’audience principale Savard, aux pages 89 et 90 de sa décision :

 

[…] l’une des principales questions à trancher dans la présente procédure est de décider si l'expression « services de voyage, nommément service de transport de passagers par train », qui figure dans l'état des services de l'enregistrement, doit recevoir une interprétation étroite, c'est-à-dire « l'exploitation d'un train » ou une interprétation plus large, soit « tous services ou activités accessoires accomplis pour le transport de passagers par train et dont l'exploitation d'un train ne représente qu'une dimension ».

 

La Loi ne donne aucune définition des « services » . Elle n'établit donc pas de distinction entre des services primaires, connexes ou accessoires. Il suffit qu'il s'agisse de services et selon la jurisprudence, il semble que, dans la mesure où des membres du public, des consommateurs ou des acheteurs bénéficient d'une activité, il s'agit d'un service […]

 

Je suis incliné à convenir avec l'avocat du propriétaire inscrit que l'expression « service de transport de passagers par train », même au singulier, est pleinement significative et comprend plus que l'exploitation d'un train. À mes yeux, l'expression suggère un certain nombre d'idées et je ne vois pas pourquoi il faudrait en donner une interprétation restrictive.

 

Le juge McKeown poursuit aux pages 447 et 448 de sa décision afin d’établir un parallèle avec l’affaire Saks :

Le terme « services » a reçu une interprétation large dans Saks & Co. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1989), 24 C.P.R. (3d) 49 (C.F. 1re inst.). Dans cette affaire, Saks n'avait pas de magasin au Canada, mais recevait du Canada des commandes postales et téléphoniques de marchandises. Dans ce cas, les services étaient fournis sans que les clients canadiens aient à quitter le Canada. À mon avis, les mots « services de voyage, nommément des services de transport de passagers par train » ne devraient pas recevoir une portée plus étroite. Il était donc raisonnable de conclure que la prestation au Canada par une agence de voyage de services de réservations et de vente de billets constituait la prestation au Canada de tels services par le propriétaire inscrit.

 

À mon avis, les mots « services d’hôtel » ne devraient pas non plus recevoir une interprétation étroite et j’accepte que les services de réservation et les services liés à un programme de fidélisation constituent des services d’hôtel. De plus, je suis convaincue que ces services ont été fournis au Canada en liaison avec la marque de commerce WESTCOAST par l’inscrivante durant la période pertinente de trois ans. Quant aux services de réservation, on peut considérer que le rôle de Coast était celui de l’inscrivante, soit en vertu de l’article 50, soit en considérant que Coast jouait un rôle analogue à celui des agents de voyage dans l’affaire Orient-Express. De plus, il semble qu’à la toute fin de la période pertinente, les Canadiens pouvaient non seulement faire des réservations de chambre d’hôtel au Canada, mais également séjourner dans un hôtel au Canada qui employait la marque WESTCOAST comme marque secondaire ou marque maison.

 

Avant de conclure, je dirai un mot au sujet de l’argument de la partie requérante selon lequel l’entente de service conclue avec Coast ressemble davantage à une entente de partage des coûts qu’à une licence de marque de commerce. Cela est bien possible, mais il n’est pas nécessaire qu’une entente de marque de commerce soit faite par écrit, et nous avons la déclaration non équivoque de M. McKeirnan portant que Coast avait une licence lui conférant le droit d’employer la marque de commerce WESTCOAST et que l’inscrivante contrôlait les caractéristiques et la qualité des services visés par la licence. Aux fins de la procédure prévue à l’article 45, une telle déclaration suffit pour invoquer l’avantage conféré par l’article 50 [voir Fitzsimmons, MacFarlane c. Caitlin Financial Corp. N.V. (1997), 79 C.P.R. (3d) 154 à la page 157; Dominion Automotive Group, Inc. c. Firebolt Engine Installation Centres Inc. (1998). 86 C.P.R. (3d) 403].

 

Pour ces motifs, l’enregistrement no LMC 366,729 sera maintenu conformément aux dispositions du paragraphe 45(5) de la Loi.

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), CE 4e JOUR DE JANVIER 2006.

 

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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