Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de CommScope Solutions Properties, LLC à la demande no 1208696 produite par Rexel Canada Electrical Inc./Rexel Canada Électronique Inc. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce GIGAMEDIA

 

[1]          Le 5 mars 2004, Rexel Canada Electrical Inc./Rexel Canada Électronique Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce GIGAMEDIA (la Marque), fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada. L’état déclaratif des marchandises se lit actuellement comme suit : « fournitures, dispositifs et appareils de télécommunications, nommément cordons de raccordement, interrupteurs, routeurs, convertisseurs de support, câbles, cordons de raccordement de fibre optique, coffrets, bâtis de relais; appareils et instruments, modulaires ou non modulaires, pour l’alimentation électrique, pour la conduction, la transmission, la distribution, le branchement, la transformation, l’accumulation, le rajustement ou la commande électronique du courant, nommément cordons de raccordement, interrupteurs, routeurs, convertisseurs de support, câbles, cordons de raccordement de fibre optique, coffrets, bâtis de relais; raccords électriques et accessoires de câblage, nommément connecteurs électriques, adaptateurs coaxiaux, interrupteurs électriques, fils électriques et électroniques, interrupteurs à clé, commutateurs de réseau, cordons de raccordement électriques ou électroniques; câbles d’ordinateur, électrique, coaxiaux, câbles à fibres optiques » (les Marchandises).

 

[2]          La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 27 septembre 2006. CommScope Solutions Properties, LLC (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition le 27 novembre 2006. Les motifs d’opposition invoqués par l’Opposante sont prévus aux alinéas 38(2)a), b), c) et d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi).

 

[3]          La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration, dans laquelle elle a nié les allégations de l’Opposante.

 

[4]          L’Opposante a choisi de ne produire aucune preuve à l’appui de son opposition.

 

[5]          La Requérante a produit les affidavits des personnes suivantes au soutien de sa demande : René Mérat, Richard Ferguson et Véronique Wattiez-Larose.

 

[6]          Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Une audience n’a pas été demandée.

 

Les motifs d’opposition

[7]   Je reproduis ci‑dessous les motifs d’opposition tels qu’ils ont été exposés par l’Opposante :

                   [traduction]

1.    La demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30e) parce que la Requérante (ou l’un de ses prédécesseurs en titre) a employé sa Marque avant la date de production de cette demande.

2.    Subsidiairement […], la Marque de la Requérante n’est pas et ne peut pas être distinctive au sens de l’article 2. La Marque de la Requérante n’est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas véritablement ses marchandises de celles d’autres propriétaires, en particulier les « cordons de raccordement, interrupteurs, routeurs, convertisseurs de support, câbles, cordons de raccordement de fibre optique, coffrets, bâtis de relais; raccords électriques et accessoires de câblage, nommément connecteurs électriques, adaptateurs coaxiaux, interrupteurs électriques, fils électriques et électroniques, interrupteurs à clé, commutateurs de réseau, cordons de raccordement électriques ou électroniques; câbles d’ordinateur, électrique, coaxiaux, câbles à fibres optiques » fournis par Conectis en liaison avec les marques de commerce GIGAMEDIA et GIGAMEDIA et Dessin (dont une représentation est jointe à la présente) (collectivement appelées les « Marques de Conectis ») employées ou révélées au Canada avant la date de production de la demande en cause, qu’elle ne peut pas distinguer ces marchandises et qu’elle n’est pas adaptée à le faire.

3.    Subsidiairement […], la Marque de la Requérante n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce GIGASPEED enregistrée sous le numéro LMC577964.

4.    Subsidiairement […], la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de sa Marque parce que, à la date de production de la demande en cause, et à tous les autres moments, cette Marque créait et crée de la confusion avec la marque de commerce GIGASPEED de l’Opposante, laquelle a été antérieurement employée au Canada par l’Opposante ou son prédécesseur en titre en liaison avec les marchandises suivantes : « produits de réseaux de télécommunications, nommément câbles de cuivre, fils, cordons, cordons de raccordement et tableaux de connexions » (les « Marchandises de l’Opposante »), depuis au moins le 12 mars 2003, et n’a pas été abandonnée. En outre, le prédécesseur en titre de l’Opposante a produit une demande d’enregistrement de ladite marque GIGASPEED de l’Opposante au Canada le 12 mars 1998 (c.‑à‑d. avant la date de production de la demande en cause en l’espèce); cette demande n’a pas été abandonnée et la marque a été enregistrée sous le numéro LMC577964, le 24 mars 2003.

5.    Subsidiairement […], la demande en cause n’est pas conforme aux dispositions de l’alinéa 30i). Contrairement à la déclaration contenue dans cette demande, la Requérante ne pouvait pas, à la date de production de cette demande, être convaincue qu’elle avait le droit d’employer sa Marque au Canada en liaison avec ses Marchandises étant donné que, à cette date, elle savait ou, si elle avait exercé une diligence raisonnable, aurait dû savoir : (i)  que sa Marque créait de la confusion avec les Marques de Conectis ou, subsidiairement, (ii) que sa Marque créait de la confusion avec la marque de commerce déposée GIGASPEED de l’Opposante.

 

[8]          La marque GIGAMEDIA et Dessin, jointe à la déclaration d’opposition de l’Opposante, est reproduite ci‑dessous :

                                               
GIGAMEDIA & Horizontal bars design

 

Le fardeau de preuve

[9]          C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante doit cependant d’abord produire des éléments de preuve admissibles qui permettent de conclure raisonnablement que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la p. 298].

 

[10]      Comme l’Opposante n’a produit aucune preuve en l’espèce, je déterminerai d’abord si elle s’est acquittée de son fardeau de preuve relativement aux motifs d’opposition.

 

[11]      En ce qui concerne le premier motif d’opposition, rien n’indique que la Marque a été employée au Canada avant le 5 mars 2004. Au contraire, nous disposons d’une déclaration sous serment non contredite selon laquelle la Marque n’avait pas été employée ou révélée au Canada en liaison avec les marchandises visées par la demande en cause le 5 mars 2004 [voir l’affidavit de M. Ferguson, le vice‑président de la division Nedco de la Requérante]. Par conséquent, le premier motif est rejeté.

 

[12]      En ce qui concerne le deuxième motif d’opposition, l’Opposante doit avoir démontré qu’au moment de la production de l’opposition la marque invoquée était devenue suffisamment connue pour enlever tout caractère distinctif à la marque visée par la demande [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, à la p. 58 (C.F. 1re inst.)]. La marque invoquée par l’Opposante n’est pas sa marque, mais plutôt celle d’une entité qu’elle appelle Conectis. M. Mérat, le vice‑président, chef du contentieux et secrétaire de la Requérante, explique que Conectis est [traduction] « un membre du groupe REXEL et est le distributeur de marchandises semblables aux marchandises visées par la Marque. Toutefois, Conectis n’exploite pas et n’emploie pas la Marque au Canada. La section du site Web connectis.fr ou conectis.com appelée Conectis Worldwide redirige les utilisateurs qui choisissent Canada vers le site Web www.nedco.ca, Nedco étant une unité d’exploitation de la Requérante. » L’Opposante ne s’étant pas acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce deuxième motif, celui‑ci est rejeté.

 

[13]      En ce qui concerne le troisième motif d’opposition, l’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve initial si l’enregistrement invoqué existe. Lorsqu’un opposant ne fait pas la preuve d’un enregistrement qu’il invoque, le registraire peut consulter le registre pour confirmer l’existence de l’enregistrement [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)]. C’est ce que j’ai fait. L’enregistrement portant le numéro LMC577964 existe bel et bien. Il est actuellement au nom de CommScope, Inc., mais il appartenait à l’Opposante lorsque la déclaration d’opposition a été produite. Le changement de propriétaire n’est pas en litige. En l’espèce, la marque déposée appartient au successeur en titre de l’Opposante, mais il ne s’agit pas d’une condition préalable au troisième motif d’opposition puisqu’un opposant peut s’appuyer sur une marque déposée appartenant à un tiers selon l’alinéa 12(1)d).

 

[14]      Pour ce qui est du quatrième motif d’opposition, l’Opposante doit faire la preuve de l’emploi de sa marque avant le 5 mars 2004 et du non‑abandon de sa marque à la date de l’annonce de la demande de la Requérante (par. 16(5)). L’Opposante n’a pas fait cette preuve. En outre, elle ne peut pas s’appuyer sur la demande invoquée au soutien de ce motif car celle‑ci n’était pas pendante à la date de l’annonce de la demande de la Requérante contrairement à ce qu’exige le paragraphe 16(4) [Governor and Co. of Adventurers of England trading into Hudson's Bay, commonly called Hudson’s Bay Co. c. Kmart Canada Ltd. (1997), 76 C.P.R. (3d) 526 (C.O.M.C), à la p. 528]. Par conséquent, le quatrième motif est rejeté.

 

[15]      En ce qui concerne le cinquième motif d’opposition, lorsque le requérant a produit la déclaration visée à l’alinéa 30i), le motif fondé sur cette disposition ne peut être accueilli que dans des cas exceptionnels, par exemple si la mauvaise foi du requérant est démontrée [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la p. 155]. Comme l’Opposante n’a pas fait la preuve de la mauvaise foi de la Requérante, ce motif est également rejeté.

 

Le troisième motif d’opposition – alinéa 12(1)d)

[16]      Le seul motif pour lequel l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial est celui voulant que la Marque ne soit pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce GIGASPEED enregistrée sous le numéro LMC577964 pour être employée en liaison avec des produits de réseaux de télécommunications, nommément câbles de cuivre, fils, cordons, cordons de raccordement et tableaux de connexions. Aussi, j’apprécierai maintenant la preuve dans le but de déterminer si la Requérante s’est acquittée du fardeau ultime de démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, il n’est pas probable qu’il y ait confusion entre GIGAMEDIA et GIGASPEED.

 

[17]      La date pertinente pour évaluer la probabilité de confusion dans le cas de ce motif est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. and The Registrar of Trade Marks, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

 

[18]     Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce si l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de mener à la conclusion que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[19]     Lorsqu’il applique le test, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment celles qui sont expressément mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le même poids ne sera pas nécessairement attribué à tous ces critères. [Voir, de façon générale, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.).]

 

(a) Le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle chacune est devenue connue

[20]      Aucune des marques n’a un caractère distinctif inhérent très prononcé en raison de sa nature suggestive. La preuve n’indique pas que GIGASPEED est devenue connue grâce à son emploi ou à sa promotion. En revanche, M. Ferguson atteste que les ventes canadiennes des marchandises portant la marque GIGAMEDIA ont été les suivantes : 2005 – 645 204 $; 2006 – 855 997 $; de janvier à août 2007 – 738 367 $. Il atteste également que la Requérante a dépensé environ 20 000 $ chaque année pour annoncer les Marchandises en liaison avec GIGAMEDIA. (M. Ferguson a produit des exemples d’emballage et de publicité sur lesquels figure la Marque.) Je suis donc en mesure de conclure que la Marque de la Requérante est devenue connue dans une certaine mesure au Canada en liaison avec ses Marchandises.

 

(b) La période pendant laquelle chaque marque a été en usage

[21]      M. Ferguson atteste que la Requérante a commencé à employer la marque GIGAMEDIA le 3 avril 2004. L’enregistrement de GIGASPEED indique qu’une déclaration d’emploi a été produite le 12 mars 2003.

 

(c) Le genre de marchandises, services ou entreprises

[22]      Les deux marques sont associées à des marchandises de télécommunications, dont certaines se chevauchent.

 

(d) La nature du commerce

[23]      Il est évident qu’il n’y a pas de différences importantes entre les commerces associés à chaque marque.

 

e) Le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[24]      Les marques doivent être considérées dans leur ensemble, mais le premier élément d’une marque est souvent considéré comme étant plus important au regard du caractère distinctif [Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.)]. Cependant, un mot descriptif courant jouit d’une protection moins grande qu’un mot inventé ou unique [Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

 

[25]      Dans l’ensemble, j’estime que les marques GIGASPEED et GIGAMEDIA ont un degré de ressemblance assez élevé dans la présentation et le son, mais qu’elles suggèrent des idées différentes. Les mots qu’elles renferment sont toutefois des mots courants du dictionnaire qui suggèrent les marchandises en liaison avec lesquelles elles sont employées.

 

Les autres circonstances de l’espèce

[26]      Mme Wattiez-Larose a démontré que le préfixe « giga » signifie milliard. Elle a aussi démontré que 51 marques de commerce comportant le préfixe GIGA étaient enregistrées, dont 11 en liaison avec des fournitures, dispositifs et appareils de télécommunications.

 

[27]      La preuve de l’état du registre est pertinente seulement dans la mesure où on peut en tirer des conclusions concernant l’état du marché, et des conclusions au sujet de l’état du marché ne peuvent être tirées que si un grand nombre d’enregistrements pertinents sont retracés [Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432; Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)]. Par conséquent, la preuve dont je dispose me permet de conclure que le grand public est habitué de voir des marques qui commencent par le préfixe descriptif GIGA, mais non que des marques comportant ce préfixe sont couramment employées dans le domaine des télécommunications.

 

La conclusion concernant l’alinéa 12(1)d)

[28]      Ayant tenu compte de toutes les circonstances de l’espèce, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d). Je suis convaincue qu’il n’existe pas de probabilité de confusion entre les marques. Le fait que les deux marques comprennent le préfixe descriptif GIGA n’est pas suffisant pour conclure à la probabilité de confusion compte tenu des différences entre les autres éléments des marques et du fait que l’Opposante n’a pas démontré que sa marque intrinsèquement faible a acquis un caractère distinctif. Dans l’ensemble, il ne semble pas, selon la preuve produite, que la marque GIGASPEED devrait avoir droit à plus qu’une protection plutôt limitée.

 

Décision

[29]      En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 23 OCTOBRE 2009.

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

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