Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT LOPPOSITION

de United States Shoe Corporation à la demande no 893,847

produite par City Optical Holdings Inc. (successeur en titre de City Optical Inc.)

en vue de lenregistrement de la marque

THE INVINCIBLES

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Le 20 octobre 1998, la requérante City Optical Holdings Inc. (par l’intermédiaire de son prédécesseur en titre) a produit une demande d’enregistrement visant la marque de commerce THE INVINCIBLES, fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec des articles de lunetterie, dans laquelle elle se désistait du droit à l’usage exclusif du mot THE en dehors de la marque de commerce. Elle a, par la suite, soumis une demande modifiée en réponse à l’objection formulée par la Section de l’examen du Bureau des marques de commerce, demandant que des marchandises soient décrites avec plus de précision. La demande modifiée renferme la description suivante des marchandises de la requérante :

 

1.          lentilles de lunettes de polycarbonate résistantes aux impacts;

 

2.          lunettes et lentilles anti-reflets, de correction et de protection, nommément lentilles de rechange, branches, montures, plaquettes et bandes de mousse;

 

3.          étuis spécialement adaptés pour lunettes anti-reflets et/ou de correction et de protection.

 


La Section de l’examen avait formulé une autre objection au sujet de la confusion que la marque THE INVINCIBLES créait avec la marque INVISIBLES, enregistrée sous le numéro 478,775 et visant des « verres ophtalmiques ». La requérante l’a fait tomber en faisant valoir que les mots INVINCIBLE et INVISIBLE étant des termes communs figurant dans les dictionnaires, ils ne possèdent pas de fort caractère distinctif inhérent, qu’ils suggèrent des idées très différentes et que puisqu’en anglais le mot INVINCIBLE n’est généralement pas employé au pluriel, la marque visée par la demande d’enregistrement équivaut à un mot inventé. La requérante a invoqué l’arrêt Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd., 43 C.P.R.(3d) 349 (C.A.F.), à l’appui de son argument selon lequel, en droit des marques de commerce, de petites différences peuvent suffire à distinguer des marques ayant un faible caractère distinctif. Les arguments de la requérante ont été reçus et la demande d’enregistrement a été annoncée pour fin d’opposition dans le numéro du Journal des marques de commerce du 6 décembre 2000.

 


La United States Shoe Corporation, propriétaire de la marque INVISIBLES susmentionnée, a formé opposition le 6 février 2001, et le registraire a transmis copie de la déclaration d’opposition à la requérante le 26 février 2001. La requérante a produit et signifié une contre‑déclaration. À deux reprises, l’opposante a été autorisée à apporter des modifications mineures à sa déclaration d’opposition (voir les décisions de la Commission datées du 9 août 2001 et du 8 mars 2004). La preuve de l’opposante consiste en l’affidavit de George Minakakis, vice‑président régional d’une filiale canadienne en propriété exclusive de l’opposante et, la preuve de la requérante, en l’affidavit de John K. Chambers, docteur en linguistique générale. En contre‑preuve, l’opposante a déposé l’affidavit de Patricia MacFarlane, assistante juridique.

 

L’opposante invoque les motifs suivant : (i) aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, la marque THE INVINCIBLES n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec la marque déposée INVISIBLES de l’opposante, (ii) aux termes de l’alinéa 16(3)c), la requérante n’a pas droit à l’enregistrement demandé parce qu’à la date de la production de la demande, c’est‑à‑dire, le 20 octobre 1998, la marque THE INVINCIBLES créait de la confusion avec la marque INVISIBLES de l’opposante que celle‑ci employait déjà, (iii) la marque de la requérante n’est pas distinctive et n’est pas adaptée à distinguer les marchandises de cette dernière en raison des similitudes qu’elle présente avec la marque de l’opposante.

 


La question déterminante en l’espèce est la question de savoir si la marque THE INVINCIBLES, dont la requérante demande l’enregistrement pour emploi en liaison avec des articles de lunetterie et articles connexes, crée de la confusion avec la marque INVISIBLES de l’opposante, qui est employée en liaison avec des marchandises qui, pour l’essentiel, sont de même nature. Les dates pertinentes pour l’examen de la question de la confusion sont (i) la date de la décision, pour ce qui est du premier motif dopposition, selon lequel la marque nest pas enregistrable (voir Andres Wines Ltd. et E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, p. 424 (C.A.F.), (ii) la date de la production de la demande denregistrement, soit le 20 octobre 1998, pour ce qui est du deuxième motif dopposition, fondé sur labsence de droit à lenregistrement (voir le paragraphe 16(3) de la Loi sur les marques de commerce), (iii) la date de lopposition, cest‑à‑dire le 6 février 2001, pour ce qui est de la question de labsence de caractère distinctif (voir Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130 (C.A.F.) et Clarco Communications Ltd. c. Sassy Publishers Inc. (1994), 54 C.P.R.(3d) 418 (C.F. 1re inst.)). Vu la preuve au dossier, toutefois, il ne change rien que la question de la confusion soit tranchée en fonction dune date ou lautre.

 

La teneur de l’affidavit de George Minakakis, déposé par l’opposante, peut se résumer ainsi. Par l’intermédiaire d’une filiale en propriété exclusive, l’opposante exploite au Canada, sous la marque de commerce LENSCRAFTERS, une chaîne d’environ soixante‑dix magasins de détail qui vend des lunettes et des lentilles, dont les lentilles INVISIBLES. Les magasins LENSCRAFTERS vendent également des lunettes et lentilles d’autres fournisseurs. Les lentilles INVISIBLES présentent un revêtement anti-reflet spécial. La marque INVISIBLES est employée au Canada depuis le mois de janvier 1997 au moins, en liaison avec des verres ophtalmiques de prescription. L’opposante a vendu environ 80 000 lentilles INVISIBLES au Canada en 1997, et ce nombre a crû régulièrement depuis, pour atteindre 103 000 en 2002. Les recettes générées par ces ventes se chiffraient à environ 6,4 millions de dollars en 1997 et elles ont connu une progression constante pour atteindre environ 8,3 millions de dollars en 2002. L’opposante annonce les lentilles INVISIBLES au moyen d’un imposant réseau de distribution de catalogues et recourt également à la publicité télévisuelle et radiophonique ainsi qu’aux étalages en magasin. Elle dépense généralement plus d’un million de dollars en publicité chaque année; les dépenses publicitaires totales pour la période allant de 1997-2002 inclusivement se chiffraient à approximativement 7,2 millions de dollars.


L’affidavit de M. Chambers déposé par la requérante analyse la prononciation, la graphie et le sens des mots INVINCIBLES et INVISIBLES. J’estime que ce témoignage n’est pas d’une grande utilité pour trancher la question de la confusion entre les marques des parties. L’affidavit MacFarlane présente les résultats d’une recherche effectuée dans le registre des marques de commerce au sujet des marques comportant le préfixe IN et les suffixes IBLE, IBLES, ABLE et ABLES. Ce témoignage non plus n’est guère utile pour trancher la question de la confusion.

 


C’est à la requérante qu’il incombe de démontrer suivant la prépondérance des probabilités qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion, au sens du par. 6(2) de la Loi, entre sa marque, THE INVINCIBLES, et celle de l’opposante, INVISIBLES.  Il en résulte que si l’ensemble de la preuve ne permet pas de trancher cette question, la décision sera défavorable à la requérante : voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293, p. 297‑298 (C.F. 1re inst.). Le critère qu'il convient d'appliquer en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en considération pour déterminer s'il y a confusion entre deux marques sont énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi; il sagit du caractère distinctif inhérent des marques de commerce et de la mesure dans laquelle elles sont devenues connues, de la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage, du genre de marchandises, services ou entreprises, de la nature du commerce et du degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Cette liste nest pas exhaustive, toutefois, car il faut tenir compte de tous les facteurs pertinents. Cependant, ceux‑ci nont pas tous nécessairement le même poids, et limportance quil convient daccorder à chacun variera en fonction des circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.).   

 

Relativement à des verres ophtalmiques, la marque INVISIBLES de l’opposante ne possède pas un caractère distinctif inhérent très élevé, parce qu’elle suggère fortement l’idée de lentilles si transparentes et si exemptes de reflets qu’elles ne se remarquent pas. Elle avait toutefois acquis une certaine notoriété à la date pertinente la plus ancienne, le 20 octobre 1998, en raison de la publicité et des ventes s’y rapportant, notoriété que la poursuite de la publicité et des ventes avait rendue plus substantielle aux dates pertinentes subséquentes. Je conclus de la preuve de l’opposante que le public connaît maintenant sa marque de lentilles ophtalmiques sans reflet INVISIBLES. La marque THE INVINCIBLES de la requérante possède un substantiel caractère distinctif inhérent en relation avec ses marchandises, mais sa connotation méliorative, qui suggère que les marchandises sont solides ou incassables, affaiblit ce caractère distinctif. Aucun élément de preuve n’établit que cette marque avait acquis un caractère distinctif à l’une ou l’autre des dates pertinentes. Le facteur de la durée de la période d’usage de la marque favorise l’opposante, en raison de l’emploi substantiel de la marque INVISIBLES depuis 1997; la requérante n’a pas présenté de preuve d’emploi de sa marque.

 


Les marchandises des parties se ressemblent ou se recoupent et, en l’absence de preuve au contraire, on pourrait s’attendre à ce qu’elles soient distribuées par les mêmes réseaux de vente. L’élément dominant de la marque de la requérante est le mot INVINCIBLES, qui ressemble beaucoup à la marque INVISIBLES de l’opposante par la présentation et le son. Toutefois, les marques en cause ne se ressemblent pas en ce qui concerne les idées qu’elles suggèrent, car la marque INVINCIBLES suggère la durabilité tandis que la marque INVISIBLES suggère la transparence.

 

Il appert de cette analyse des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) que certains facteurs étayent fortement l’argument de l’opposante selon lequel il existe une probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause, tandis que d’autres facteurs étayent la prétention contraire soutenue par la requérante. Après avoir soupesé tous ces facteurs et examiné leur importance respective, je suis d’avis que l’existence ou l’inexistence d’un risque de confusion sont tout aussi probables. Comme il incombait à la requérante de démontrer suivant la prépondérance des probabilités qu’il n’existait pas de probabilité raisonnable de confusion, le fait que je ne sois pas parvenu à une conclusion déterminante m’amène à rendre une décision négative pour la requérante.

 

En conséquence, la demande d’enregistrement est rejetée.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 1ER DÉCEMBRE 2005.

 

 

 

 

 

Myer Herzig,

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

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