Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 41

Date de la décision : 2012-03-02

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par 1772887 Ontario Limited et sa prédécesseure en titre Toronto Life Publishing Company Limited à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1381132 pour la marque de commerce FASHIONISM au nom de Bell Canada

[1]               Le 29 janvier 2008, Bell Canada (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce FASHIONISM (la Marque) fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec l’« exploitation d’un site Web de divertissement diffusant de l’information dans le domaine du style de vie, nommément de la mode et de la beauté, contenant des articles, des blogues, des galeries de photos, des concours, des bulletins et du contenu écrit par les utilisateurs » (les Services).

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 15 octobre 2008.

[3]               Le 9 mars 2009, 1772887 Ontario Limited et sa prédécesseure en titre Toronto Life Publishing Company Limited (collectivement appelées l’Opposante) ont produit une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition invoqués peuvent être résumés ainsi :

  • La Requérante a employé la Marque au Canada avant la date de production de la demande, contrevenant ainsi à l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi).

 

  • À la date de la production de la demande d’enregistrement visant la Marque, la Requérante était ou aurait dû être au courant de l’existence de l’Opposante ainsi que de l’emploi et de la notoriété des marques de commerce mentionnées ci-dessous dans les motifs ondés sur l’alinéa 12(1)d) et l’absence de droit à l’enregistrement. Elle ne pouvait donc être convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque comme l’exige l’alinéa 30i) de la Loi.

 

  • La Marque n’est pas enregistrable, aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, car elle crée de la confusion avec les marques déposées suivantes de l’Opposante (ci-après appelées les Marques déposées de l’Opposante) :
    • LMC633226 – FASHION18 – déposée le 21 février 2005 pour « publications imprimées, nommément un magazine et des bulletins; services d’Internet; nommément services de magazine électronique et de site Web disponibles sur le Web destinés aux consommateurs; services médiatiques, nommément services éducatifs et informatifs ayant tous trait à des magazines; services de divertissement, nommément création et production de spectacles télédiffusés et radiodiffusés destinés aux consommateurs et CD et DVD préenregistrés pouvant être achetés par les consommateurs ».
    • LMC352390 – TORONTO LIFE FASHION – déposée le 24 février 1989 pour des « publications imprimées, nommément des magazines ».

 

  • Aux termes des alinéas 16(3)a) et b) de la Loi, la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque, car à la date de production de la demande d’enregistrement visant cette marque, celle-ci créait de la confusion avec les marques de commerce suivantes de l’Opposante, visées par une demande d’enregistrement et/ou employées au Canada depuis une date de beaucoup antérieure à la date de la demande d’enregistrement de la Marque :
    • demande no 1152493 – MONTREAL FASHION MAGAZINE – demande fondée sur un emploi projeté en liaison avec des « magazines »;
    • demande no 1152497 – VANCOUVER FASHION MAGAZINE – demande fondée sur un emploi projeté en liaison avec des « magazines »;
    • demande no 1 152 494 – CANADA FASHION MAGAZINE – demande fondée sur un emploi projeté en liaison avec des « magazines »;
    • demande no 1 152 495 – TORONTO FASHION MAGAZINE – demande fondée sur un emploi projeté en liaison avec des « magazines »;
    • demande no 1 310 406 – FASHION MAGAZINE – demande fondée sur un emploi projeté en liaison avec des « services Internet, nommément services informatifs sous la forme de magazines électroniques et de services de publication au moyen du Web; services de diffusion, de télévision et de divertissement, nommément création et production de spectacles télédiffusés et radiodiffusés destinés aux consommateurs et, CD et DVD préenregistrés pouvant être achetés par les consommateurs»;
    • demande no 1 152 496 – FASHION MAGAZINE – demande fondée sur un emploi projeté en liaison avec des « magazines ».

 

  • Compte tenu des faits énoncés à l’égard des motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 12(1)d) et l’article 16, la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi et ne peut le devenir.

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration niant les allégations de l’Opposante et en exigeant la preuve.

[5]               Conformément à l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce DORS/96-195 (le Règlement), l’Opposante a produit en preuve un affidavit accompagné de la pièce A, souscrit le 6 octobre 2009 par Mme Elenita Anastacio, recherchiste en marques de commerce travaillant pour l’agent de l’Opposante, laquelle n’a pas été contre-interrogée sur affidavit. Mme Anastacio a joint à son affidavit les renseignements afférents à l’enregistrement no LMC633226 visant la marque de commerce FASHION18 et à la demande no 1447752 visant la marque de commerce FASHION.

[6]               La Requérante n’a produit aucun élément de preuve à l’appui de sa demande. Dans une lettre informant la Commission qu’elle ne déposerait aucun élément de preuve à l’appui de sa demande, la Requérante a présenté des observations et soumis des documents de référence obtenus à l’aide du moteur de recherche Google. Les résultats de la recherche sur Google lui ont été renvoyés par lettre en date du 10 février 2010 et ne font pas partie du dossier.

[7]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Je constate que dans ce document, la Requérante s’appuie sans droit sur une preuve non corroborée de l’état du registre (à savoir qu’« il existe plus de 300 marques de commerce actives produites ou enregistrées contenant le mot FASHION ») ainsi que sur les résultats de la recherche sur Google mentionnée au paragraphe 6, lesquels ne font pas partie du dossier.

[8]               Une audience a été tenue et les deux parties y étaient représentées.

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

[9]               C’est sur la Requérante que repose le fardeau ultime de démontrer selon la prépondérance des probabilités que sa demande est conforme aux exigences de la Loi, mais l’Opposante a le fardeau initial de présenter suffisamment d’éléments de preuve recevables pouvant raisonnablement étayer la conclusion que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298].

[10]           Voici quelles sont les dates pertinentes pour l’examen des motifs d’opposition :

         alinéas 38(2)a)/30b) et i) – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469, p. 475 (C.O.M.C.), et Tower Conference Management Co. c. Canadian Exhibition Management Inc. (1990), 28 C.P.R. (3d) 428, p. 432 (C.O.M.C.)].

         alinéas 38(2)b)/12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Le Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         alinéas 38(2)c)/16(3)a) et b) – la date de production de la demande [voir le paragraphe 16(3) de la Loi].

         alinéa 38(2)d)/2 – la date de production de l’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Les motifs d’opposition fondés sur l’article 30

Alinéa 30b) de la Loi

[11]           Aucune preuve n’a été présentée à l’appui de ce motif d’opposition, que je rejette, l’Opposante ne s’étant pas acquittée du fardeau qui lui incombait.

Alinéa 30i) de la Loi

[12]           Lorsqu’un requérant fournit la déclaration exigée par l’alinéa 30i), le motif fondé sur cette disposition ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, par exemple, lorsque la preuve permet d’établir la mauvaise foi du requérant [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155]. La Requérante a fourni la déclaration requise, et la présente espèce n’est pas un cas exceptionnel; le motif fondé sur l’alinéa 30i) est donc rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[13]           S’agissant du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), un opposant satisfait à son fardeau initial de preuve si les enregistrements qu’il invoque sont en règle à la date de la décision relative à l’opposition. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence d’enregistrements invoqués par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)]. J’ai exercé ce pouvoir discrétionnaire en l’espèce, et je confirme que les enregistrements des Marques déposées de l’Opposante sont toujours valides; l’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve. Il me faut à présent évaluer si la Requérante a satisfait au sien.

[14]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Suivant le paragraphe 6(2) de la Loi, une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[15]           En appliquant le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’attribuer un poids égal à chacun de ces facteurs. [Voir, en général, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.), et Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.).]

Alinéa 6(5)a) – Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

 

[16]           Les marques des parties ont en commun le mot « fashion ». Je puis prendre connaissance d’office de la définition de ce mot donnée par des dictionnaires [voir Envirodrive Inc. c. 836442 Canada Inc., 2005 ABQB 446, et Aladdin Industries, Inc. c. Canadian Thermos Products Ltd. (1969), 57 C.P.R. 230 (C. de l’É.), confirmé par (1974), 6 C.P.R. (2d) 1 (C.S.C.)]. Le Canadian Oxford Dictionary renferme la définition suivante : [traduction] « habitude ou style populaire du moment, plus particulièrement en matière vestimentaire ou de conduite en société ».

[17]           Il appert du libellé des Services que ceux‑ci se rapportent expressément à la mode. Les marchandises et services de l’Opposante se rapportent à divers types de publications. Le mot « fashion » suggère donc la nature des marchandises et services des parties, et il ne possède pas de caractère distinctif inhérent.

[18]           Je signale qu’en concluant à l’absence de caractère distinctif inhérent du mot « fashion », je n’ai accordé aucun poids à l’argument non étayé de la Requérante posant qu’il s’agit d’un mot usuel dans l’industrie. L’assertion relative à l’état du registre figurant dans le plaidoyer écrit de la Requérante n’a pas valeur d’élément de preuve. En effet, la preuve relative à l’état du registre ne peut être prise en compte lorsqu’elle est présentée dans un plaidoyer écrit et qu’elle n’est pas accompagnée d’une copie certifiée des enregistrements ou, à tout le moins, d’un affidavit fournissant des détails au sujet des enregistrements invoqués [voir Unitron Industries Ltd. c. Miller Electronics Ltd. (1983), 78 C.P.R. (2d) 244, p. 253 (C.O.M.C.)]. En outre, il est bien établi en droit que, lorsqu’il statue en matière d’opposition, le registraire ne jouit pas du pouvoir discrétionnaire de prendre connaissance du registre, sauf pour vérifier l’existence des enregistrements de marques de commerce ou demandes d’enregistrement invoqués [voir Quaker Oats, p. 411, et Royal Appliance Mfg. Co. c. Iona Appliance Inc. (1990), 32 C.P.R. (3d) 525 (C.O.M.C.)]. Les parties à une instance en opposition doivent prouver conformément à des règles de preuve relativement strictes tous aspects de leur thèse [voir Loblaw’s Inc. c. Telecombo Inc., 2004 CarswellNat 5135, par. 13 (C.O.M.C.)].

[19]           Dans la Marque, le suffixe « ism » est ajouté au mot « fashion », ce qui en fait un mot inventé. La Requérante en tire l’argument que la marque ainsi inventée n’a pas de sens particulier, hormis qu’elle suggère l’idée de mode. L’Opposante, quant à elle, a soutenu à l’audience que « ism » dénote une croyance commune en un principe; selon elle, tout comme « communism » suggère une croyance commune en des idées communistes « fashionism » suggère une croyance commune relative à la mode. Cette interprétation du suffixe « ism » n’est étayée par aucun élément de preuve. Le Canadian Oxford Dictionary indique que ce suffixe intervient dans la création de substantifs dérivés pouvant avoir diverses connotations.

[20]           J’ai pris en considération les arguments de l’Opposante et la définition du dictionnaire, mais je demeure d’avis que la Marque, du fait qu’il s’agit d’un mot inventé, possède un caractère distinctif inhérent supérieur à celui des Marques déposées de l’Opposante, lesquelles sont simplement constituées par l’adjonction de 18 ou de termes descriptifs au mot « fashion ».

[21]           L’emploi ou la promotion d’une marque peut en accroître le caractère distinctif, mais ni l’une ni l’autre des parties n’ont présenté de preuve concernant l’emploi ou la promotion de leur marque au Canada. Certes, les enregistrements de l’Opposante sont fondés sur l’emploi au Canada, mais cela peut tout au plus faire présumer un emploi de minimis des Marques déposées de l’Opposante [voir Entre Computer Centers Inc. c. Global Upholstery Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.) p. 430], lequel ne permet pas de conclure que ces marques sont devenues connues dans une mesure appréciable.

 

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[22]           Je ne partage pas l’avis de l’Opposante que ce facteur la favorise. Il est vrai que l’emploi de minimis vaut mieux que l’absence d’emploi, mais sans preuve d’emploi de l’une ou l’autre des marques des parties, ce facteur n’en favorise aucune de façon significative.

Alinéas 6(5)c) et d) – la nature des marchandises, du commerce ou des entreprises

[23]           Mon appréciation de ce facteur repose sur l’examen de l’état déclaratif des services de la Requérante tel qu’il figure dans la demande d’enregistrement par rapport aux marchandises et/ou services visés par l’enregistrement de l’Opposante [voir Esprit International c. Alcohol Countermeasure Systems Corp. (1997), 84 C.P.R. (3d) 89 (C.O.M.C.)].

[24]           Je conviens avec l’Opposante que ses « services d’Internet, nommément services de magazine électronique et de sites Web disponibles sur le Web destinés aux consommateurs » visés par l’enregistrement no LMC633226 pour la marque de commerce FASHION18 font qu’il existe un recoupement dans la nature des services des parties.

[25]           Étant donné que les Services recoupent les « services d’Internet, nommément services de magazine électronique et de sites disponibles sur le Web destinés aux consommateurs » de l’Opposante et que je ne dispose d’aucun élément de preuve concernant le commerce des parties, j’estime possible que les voies de commercialisation des parties puissent elles aussi se recouper.

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent

[26]           La Cour suprême du Canada a récemment souligné, dans l’arrêt Masterpiece, l’importance du facteur énoncé à l’alinéa 6(5)e) dans l’examen de la probabilité de confusion entre marques au sens de l’article 6 de la Loi (voir par. 49) :

[…] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) […] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion, même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires […] En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion.

[27]           Comme l’a signalé la Requérante, la Cour d’appel fédérale avait indiqué dans United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp. (1998), 80 C.P.R. (3d) 247, p. 263 (C.A.F.) :

Même s’il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d’en faire ressortir les caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public.

[28]           La Requérante a soutenu à l’audience que bien que la première partie d’une marque en soit habituellement l’élément le plus important pour fin de distinction (voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.) p. 188), cette importance diminue si la marque est constituée d’un substantif usuel descriptif. Elle fait valoir qu’en l’absence de preuve permettant de conclure que les Marques déposées de l’Opposante ont acquis un quelconque caractère distinctif. Elle invoque à l’appui de cet argument la décision Johnson & Johnson c. Mahrukh Panthakey, au paragraphe 24, (12 avril 2011 C.O.M.C. (inédite) demande no 1141824), ayant conclu qu’il n’existait pas de confusion entre les marques ACUVUE et ACCUWAVE, employées toutes deux en liaison avec des lentilles de contact, malgré la similitude de leur premier élément.

[29]           Il s’agit d’un argument valable. Qui plus est, la Cour suprême a indiqué récemment, au paragraphe 64 de l’arrêt Masterpiece, que lorsqu’il s’agit de comparer des marques, il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique. En l’espèce, c’est l’élément « ism » de la Marque qui ressort, car il confère un caractère distinctif au mot« fashion », qui en est intrinsèquement dépourvu, et c’est lui qui peut donc être considéré comme « frappant » ou « unique ».

[30]           L’élément frappant « ism » de la Marque ne ressemble à aucun élément des Marques déposées de l’Opposante par la présentation, le son ou les idées qu’elles suggèrent.

[31]           La confusion est peu probable dans les cas où les marques possèdent des caractéristiques communes mais présentent également des différences dominantes [voir Foodcorp Ltd. c. Chalet Bar B Q (Canada) Inc. (1982), 66 C.P.R. (2d) 56, p. 73 (C.A.F.)].

[32]           Après examen des marques dans leur ensemble, je ne suis pas convaincue, en définitive, que la seule présence du mot suggestif « fashion » dans la Marque suffit à faire conclure à l’existence d’un degré de ressemblance important entre les marques, dans la présentation, le son ou les idées suggérées.

Conclusion

[33]           Comme on l’a vu, la Cour suprême du Canada a souligné, dans Masterpiece, l’importance du facteur énoncé à l’alinéa 6(5)e) dans l’analyse du risque de confusion. En l’espèce, je constate que les marques en cause présentent des différences importantes, et j’estime qu’aucun des autres facteurs ne permet à l’Opposante d’annuler l’effet de ces différences. L’Opposante n’a pas prouvé que l’emploi ou la promotion de ses marques de commerce a conféré à celles‑ci un caractère distinctif. Comme on l’a indiqué dans l’analyse relative au facteur énoncé à l’alinéa 6(5)a), bien que les enregistrements de l’Opposante soient fondés sur l’emploi de la marque au Canada, les enregistrements en eux‑mêmes n’établissent qu’un emploi de minimis et ne permettent pas de conclure à un emploi important et continu [voir Entre Computer]. La protection dont jouissent les Marques déposées de l’Opposante a une portée très étroite à cause, notamment, de leur faible caractère distinctif inhérent. Par conséquent, bien que les services des parties se recoupent quelque peu, les différences entre les marques et le caractère distinctif inhérent de la Marque font que ce recoupement n’est pas suffisant pour engendrer un risque de confusion.

[34]           Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, en particulier le caractère distinctif inhérent de la Marque et les différences entre les marques des parties dans la présentation, le son ou les idées suggérées, je suis convaincue que la Requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer selon la prépondérance des probabilités qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les Marques déposées de l’Opposante.

[35]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est rejeté.

Motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement

Alinéa 16(3)a) de la Loi

[36]           Bien qu’il incombe à la Requérante d’établir selon la prépondérance des probabilités qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante antérieurement utilisées par celle‑ci, l’Opposante a le fardeau initial de prouver qu’au moins une des marques de commerce invoquées à l’appui de son motif d’opposition fondé sur le par. 16(1) de la Loi était employée au Canada avant la date de production de la demande concernant la Marque (29 janvier 2008) et n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande de la Marque (15 octobre 2008) [par. 16(5) de la Loi].

[37]           L’Opposante n’a fourni aucune preuve d’emploi des marques invoquées et, je le répète, la simple existence d’un enregistrement ne peut établir qu’une utilisation de minimis et ne permet pas de conclure à un emploi important et continu de la marque de commerce [voir Entre Computer]. Mme Anastacio n’a fourni aucun renseignement au sujet des demandes invoquées au titre du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a). Elle a toutefois joint à son affidavit certains renseignements concernant la demande en instance n1447752 pour la marque de commerce FASHION fondée sur un emploi remontant à aussi loin que 1977. Je signale que cette demande n’a pas été mentionnée dans la déclaration d’opposition et ne peut donc étayer le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a). Même si je devais prendre en compte cette demande, je signale que l’Opposante n’a fourni aucun élément de preuve démontrant l’emploi de cette marque à la date mentionnée dans la demande. De toute façon, les renseignements joints à l’affidavit de Mme Anastacio ne suffisent pas à démontrer que l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait à l’égard de ce motif.

[38]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a) de la Loi est rejeté.

Alinéa 16(3)b) de la Loi

[39]           Bien qu’il incombe à la Requérante d’établir selon la prépondérance des probabilités qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante, cette dernière a le fardeau initial de prouver que l’une au moins des demandes d’enregistrement invoquées à l’appui de son motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)b) de la Loi était pendante à la date de la production de la demande visant la Marque, et l’était toujours à la date où la demande d’enregistrement de la Marque a été annoncée, soit le 15 octobre 2009 [par. 16(5) de la Loi]. Le registraire est investi du pouvoir discrétionnaire de vérifier au registre, dans l’intérêt public, les demandes invoquées par un opposant [voir Royal Appliance]. J’ai exercé ce pouvoir et vérifié l’état des demandes invoquées par l’Opposante.

[40]           Toutes les demandes pendantes mentionnées dans la déclaration d’opposition à l’appui de motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)b) ont été rejetées ou abandonnées. Cela dit, toutes les demandes invoquées ont été produites avant la date de la production de la demande relative à la Marque et étaient toujours pendantes à la date de l’annonce relative à la Marque. L’Opposante s’est donc acquittée du fardeau qui lui incombait à l’égard de ce motif.

[41]           Aucune des marques de commerce invoquées au titre du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)b) ne possède pas plus de ressemblance avec la Marque dans la présentation, le son ou les idées suggérées que les Marques déposées de l’Opposante. En outre, les marchandises et les services visés par ces demandes ne ressemblent pas plus aux Services que ceux qui sont visés par les Marques déposées de l’Opposante. Enfin, la différence qui existe entre les dates pertinentes n’est pas significative. Par conséquent, les conclusions que j’ai tirées au sujet du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi s’appliquent tout autant à l’égard du présent motif.

[42]           Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, en particulier le caractère distinctif inhérent de la Marque et les différences entre les marques des parties dans la présentation, le son et les idées suggérées, je suis convaincue que la Requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer selon la prépondérance des probabilités qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de commerce visées par les demandes invoquées par l’Opposante au soutien du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)b).

[43]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)b) de la Loi est rejeté.

Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif – Alinéa 38(2)d) de la Loi

[44]           Pour satisfaire au fardeau de preuve initial applicable à ce motif, l’Opposante doit établir que l’une au moins des marques de commerce qu’elle invoque était connue au Canada en date du 9 mars 2009, à tout le moins dans une certaine mesure [voir Bojangles’ International LLC c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.), et Motel 6, Inc. c No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.) ].

[45]           L’Opposante n’a présenté aucun élément de preuve relatif à l’emploi des marques invoquées. L’enregistrement en lui‑même n’établissant qu’un emploi de minimis et ne permettant pas de conclure à un emploi important et continu d’une marque de commerce [voir Entre Computer], les renseignements joints à l’affidavit de Mme Anastacio ne sont donc pas suffisants pour satisfaire au fardeau de l’Opposante à l’égard de ce motif.

Décision

[46]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.