Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 11

Date de la décision : 2014-01-20

TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Ebel Quarries Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement n1,493,710 pour la marque de commerce ALGONQUIN au nom d’Owen Sound Ledgerock Limited

[1]               Ebel Quarries Inc. (l’Opposante) s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce ALGONQUIN (la Marque) faisant l'objet de la demande no 1,493,710 produite par Owen Sound Ledgerock Limited (la Requérante).

[2]               La demande a été produite le 26 août 2010 et est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis aussi tôt que janvier 1996 en liaison avec :

Produits en pierre dimensionnelle et en pierre brute pour la construction, l'aménagement paysager, la maçonnerie, carreaux et pavés, nommément pierres à murs, appuis de fenêtre, chaperons, girons, seuils de porte, gravures sur pierre et moulures en pierre, carreaux de pierre, blocs de pierre, pierres et panneaux de parement pour bâtiments, pierres de patio et dalles de sentier, pavés, petites dalles et blocs de pavage (les Marchandises).

[3]               L’Opposante allègue que la Requérante ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi), car la Marque n’a pas été employée de façon continue comme marque de commerce, dans la pratique normale du commerce, en liaison avec les Marchandises, depuis la date de premier emploi alléguée, et que la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada. L’Opposante allègue également que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)c) de la Loi, car il s’agit du nom, en anglais, des Marchandises, et en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi, car elle est clairement descriptive ou faussement et trompeusement descriptive des caractéristiques ou de la qualité des Marchandises ou de leur lieu d’origine. Finalement, elle allègue que la Marque ne possède pas de caractère distinctif en vertu de l’article 2 de la Loi, car elle ne distingue pas, ni n'est adaptée à distinguer, les Marchandises de la Requérante des marchandises des autres.

[4]               Pour les raisons suivantes, la demande doit être repoussée.

Le dossier

[5]               L’Opposante a produit sa déclaration d’opposition le 12 août 2011. La Requérante a ensuite produit et signifié sa contre-déclaration dans laquelle elle niait essentiellement tous les motifs d'opposition allégués dans la déclaration d’opposition.

[6]               À l’appui de sa déclaration d’opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Mark Ebel, vice-président et propriétaire partiaire de l’Opposante, souscrit le 15 février 2012; et l’affidavit d’Andrew Negus, président et directeur général de Block and Stone Resource Group Inc. (BSRG), souscrit le 17 février 2012.

[7]               À l’appui de sa demande d’enregistrement, la Requérante a produit l’affidavit de Michael I. Gauthier, gestionnaire des ressources humaines et directeur du marketing de la Requérante, souscrit le 14 juin 2012; l’affidavit de Thomas Stobbe, propriétaire majoritaire et président de la Requérante, souscrit le 6 juin 2012; les affidavits de William Chamberlain et de Charles Laviolette, anciens employés de l’Opposante, tous deux souscrits le 6 juin 2012; l’affidavit de Siamak Hariri, un des associés fondateurs de Hariri Pontarini Architects, souscrit le 15 juin 2012; et l’affidavit de Wendy (O’Brien) Gaudet, présidente d’OSI Hard Surfaces Inc., souscrit le 19 juin 2012.

[8]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit; il n’y a pas eu d’audience.

L’obligation légale et le fardeau de la preuve de chaque partie

[9]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, comme allégué dans la déclaration d’opposition. Cela signifie que si une conclusion déterminante ne peut être tirée une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée en sa défaveur. Toutefois, l’Opposante doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu’un fardeau de preuve initial soit imposé à l’Opposante signifie qu’un motif d’opposition ne sera pris en considération que s’il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de ce motif d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.); Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA et al, (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF); et Wrangler Apparel Corp c. The Timberland Company (2005), 41 CPR (4th) 223 (CF)].

L’aperçu de la preuve de chaque partie

[10]           Compte tenu de l’abondance des éléments de preuve présentés dans le cadre de cette procédure, il est utile de commencer par un aperçu des témoignages dès le début de ma décision. Pour examiner la preuve, je mets de côté toutes les déclarations qui représentent l’opinion personnelle d’un déposant au sujet des questions de fait et des principes de droit qui doivent être déterminés par le registraire au cours de la présente instance. De plus, je ne suis pas prête à accepter l’un ou l’autre de ces affidavits comme preuve d’expert puisqu’aucun des déposants ne jouit de l’indépendance nécessaire vis-à-vis des parties en ce qui concerne le résultat de laffaire [voir Black Entertainment Television, Inc c. CTV Limited (2008), 66 CPR (4th) 212 (COMC)]. Je soulignerai également certaines questions soulevées par les parties dans le cadre de l’aperçu.

La preuve de l’Opposante

L’affidavit de M. Ebel

[11]           M. Ebel déclare que l’Opposante possède et exploite une carrière à Wiarton dans le sud de la péninsule Bruce en Ontario, pas très loin de la carrière de la Requérante. Il déclare de plus que la carrière de l’Opposante est située dans un [traduction] « district géologique unique et dérivé d’une vaste arche de socle connue sous le nom d’“arche d’Algonquin” ». À cette fin, il joint en pièce A de son affidavit un article du site Web du ministère du Développement du Nord et des Mines de l’Ontario sur la géologie du sud-ouest de l’Ontario, y compris une carte de la région qui fait référence à l’« arche d’Algonquin ». Je remarque que la déclaration de M. Ebel sur l’emplacement exact de la carrière de l’Opposante par rapport à l’« arche d’Algonquin » est contestée par la preuve avancée par la Requérante, comme l’indique la section suivante.

[12]           Compte tenu de l’entreprise de l’Opposante, M. Ebel déclare qu’elle extrait et traite des pierres dimensionnelles et d’aménagement paysager pour un emploi intérieur et extérieur, y compris les pavés, les chaperons et les blocs de pierre. Sa clientèle comprend des architectes-paysagistes, des paysagistes, des propriétaires et des constructeurs de résidences. Selon M. Ebel, l’Opposante emploie le terme « Algonquin » pour décrire, depuis plus de quatorze ans, un type de pierre, en particulier un type de calcaire extrait de la carrière de l’Opposante qui est située entre les bandes de Riada et d’Eramosa, que l’on retrouve uniquement en Ontario. À cet égard, M. Ebel joint en pièce B huit factures émises par l’Opposante à la Requérante datées entre juin 2001 et novembre 2002, pour des produits inscrits comme « Algonquin Blocks » [Blocs d’Algonquin »] et « Algonquin Pcs » [Unités d’Algonquin]. Les factures représentent des ventes de plus de 25 000 $ de produits en pierre « Algonquin ». Je remarque qu’un des déposants de la Requérante, M. Gauthier, fait également référence à ces factures dans son affidavit dans le but de présenter ces transactions dans un contexte différent. Je discuterai du témoignage de M. Gauthier plus en détail dans la section suivante.

[13]           M. Ebel joint également en pièce C de son affidavit plus de 50 factures, datées entre juin 2007 et décembre 2011, émises par l’Opposante à des tiers dont les noms et adresses municipales ont été partiellement ou entièrement retranchés. Plus particulièrement, les factures dont les adresses ont été partiellement retranchées ont été émises à des entités situées dans différentes régions de l’Ontario comme Kemble, Mississauga, Schomberg, Huntsville, Thornhill, York et Toronto, pour des ventes de différentes quantités de produits en pierre. Bien que les chiffres de ventes aient également été retranchés, je remarque que les quantités de produits en pierre vendues varient d’une unité de 6,25 pieds carrés, à plus de 900 unités, représentant plus de 2 500 pieds carrés de pierre. Les factures comprennent différentes descriptions de produits incluant le terme « Algonquin », dont :

         « Algonquin Sawn Slab » [Dalle d’Algonquin débitée]

         « Algonquin Slabs » [Dalles d’Algonquin]

         « Algonquin S6S »

         « Sand Blasted Algonquin » [Algonquin dépoli]

         « Algonquin »

         « Rustic Algonquin Sand Blasted Cut Flagstone » [Dalle coupée rustique d’Algonquin dépoli]

         « Sand Blasted Top Algonquin » [Couronne d’Algonquin dépoli]

         « Algonquin Coping » [Chaperon d’Algonquin]

         « Algonquin Sand Blasted Pavers » [Pavés d’Algonquin dépoli]

         « Honed Algonquin Limestone » [Calcaire Algonquin adouci]

[14]           Pour ce qui est des autres articles énumérés sur ces factures, certains produits sont inscrits comme « Beige ‘A’ Cut Flagstone » [Dalle coupée beige A], « Beige Broken Flagstone » [Dalle brisée beige], « Beige Rustic Cut Flagstone » [Dalle coupée rustique beige], « Beige Cobblestone » [Pierre beige], « Beige Wiarton Random Slabs » [Dalles aléatoires beiges de Wiarton], « Eramosa Sawn Slabs » [Dalles d’Eramosa débitées] et « Eramosa Slabs » [Dalles d’Eramosa]. D’autres semblent faire directement référence à l’Opposante, par exemple « Ebel Cut Flagstone » [dalle coupée d’Ebel], « Ebel Steps G3S » et « Beige Ebel Banding » Rubanement beige d’Ebel].

[15]           La Requérante fait valoir que ces factures ne présentent pas « Algonquin » comme un terme descriptif. Plutôt, elle prétend qu’elles suggèrent seulement que le terme est [traduction] « employé par [l’Opposante] pour désigner un produit en particulier ». Je reviendrai sur ce point dans le cadre de l’examen du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

[16]           Comme preuve d’emploi du terme « Algonquin » par des tiers, M. Ebel déclare que l’Opposante reçoit fréquemment des demandes de renseignements de la part de clients au sujet de la pierre « Algonquin ». Joint en pièce D de son affidavit, il y a sept exemples d’échanges de courriels entre lui-même, agissant au nom de l’Opposante, et des clients dont les noms ont été retranchés, datés entre septembre 2011 et janvier 2012, confirmant des commandes de divers produits en pierre « Algonquin » de tailles particulières. Les commandes varient d’une unité de 30 po par 30 po [traduction] d’« Algonquin dépoli » à une [traduction] « commande d’Algonquin » pour un total de 5 400 pieds carrés de pierre. La Requérante fait valoir que ces courriels ne représentent pas un emploi particulier du terme « Algonquin » par des tiers. Plutôt, elle prétend qu’ils ne font que confirmer l’emploi du terme par l’Opposante avec ses clients. Tout de même, ces courriels démontrent que des tiers commandaient à l’Opposante et lui achetaient des produits en pierre connus sous le nom d’« Algonquin » en assez grandes quantités.

[17]           Sur le même sujet, M. Ebel déclare que les concepteurs-paysagistes, les architectes et autres concepteurs de projets emploient le terme « Algonquin » de manière descriptive dans les spécifications d’un projet particulier s’il s’agit du type de pierre à employer pour le travail. Il déclare également que d’autres carrières et d’autres distributeurs de pierre emploient aussi le terme « Algonquin » pour décrire un type de pierre. Jointes en pièces E, F et G de son affidavit, il y a des copies papier de sites Web dans le but de montrer l’emploi qui est fait du terme « Algonquin » comme un type de pierre par la Requérante, le ministère du Développement du Nord et des Mines de l’Ontario, et d’autres intervenants. Plus particulièrement, ces pièces sont composées de :

1.      Des copies papier du site Web de la Requérante en date du 14 février 2012 avec les renseignements suivants :

[traduction]

Du calcaire Algonquin avec un fini adouci présentant des tons « terreux » neutres. De couleur beige pâle avec un motif fleuri subtil. Cette pierre est originaire de la région de Wiarton en Ontario au Canada et n’existe pas ailleurs dans le monde. L’Algonquin adouci est généralement employé à l’intérieur alors que les finis dépolis et poncés sont des choix plus populaires pour les revêtements extérieurs et la maçonnerie de pierres de taille.

Les copies papier comprennent également six photographies de la pierre avec des renseignements comme sa description, sa couleur, ses finis, ses utilisations, ses produits, ses mesures maximales, de même que les résultats de tests comme les mesures d’absorption et de résistance à l’abrasion. Après l’examen de ces copies papier, il est difficile de savoir si la Requérante emploie le terme « Algonquin » au sens d’une marque de commerce ou comme description d’un type particulier de pierre qu’elle annonce.

2.      Des copies papier du site Web du ministère du Développement du Nord et des Mines de l’Ontario au www.mndm.gov.on.ca avec des photographies de pierres décrites comme du [traduction] « laurvikite Algonquin » et du [traduction] « calcaire Algonquin. Les copies papier comprennent également des résultats de tests pour le [traduction] « calcaire Algonquin » comme les mesures d’absorption et la résistance à l’abrasion.

3.      Des renseignements sur un projet de construction d’une église à Lagrangeville, New York, qui implique l’utilisation de produits en pierre Arriscraft par une entreprise du nom de Consolidated Brick. L’un des matériaux utilisés est décrit comme de la [traduction] « pierre de construction Citadel – mélange d’Algonquin ». Sans le contexte de ce document, je suis d’accord avec la Requérante que cela semble faire référence à l’emploi d’un mélange d’« Algonquin » par une entité pour un projet aux États-Unis. Par conséquent, cela ne semble pas fournir quelque renseignement que ce soit concernant l’emploi du terme « Algonquin » sur le marché canadien;

4.      Des copies papier datées du 4 février 2012 d’un site Web cité comme une base de données sur les pierres naturelles du nom de Graniteland.com avec la définition suivante : [traduction] « Le calcaire Algonquin est un calcaire gris du Canada. Dans le marché de la pierre naturelle, le calcaire Algonquin est souvent appelé tout simplement du granit. » Les copies papier comprennent également une photographie de pierre avec des renseignements comme le nom de la pierre (Algonquin Limestone [Calcaire Algonquin]), son pseudonyme (Calcaire Algonquin [Calcaire Algonquin]), sa couleur principale (gris), son pays d’origine (Canada), sa classification (calcaire), son grain (fin) et ses utilisations. Il y a également des publicités de projets de rénovation ainsi que des liens vers des fournisseurs tiers de calcaire Algonquin décrits comme « WiartonLimestone.com » et « TPS Stone Co., Limited »;

5.      Semblable à Graniteland.com, une copie papier datée du 14 février 2012 d’un site Web du nom de Stone-Installer Beta au www.stone-installer.com comprend des renseignements de base sur le calcaire Algonquin, y compris une photographie de la pierre, son nom le plus courant (Algonquin Limestone [Calcaire Algonquin]), ses noms commerciaux (Algonquin Limestone [Calcaire Algonquin] et Calcaire Algonquin [Calcaire Algonquin]), son type simplifié (de type marbré), son grain principal (fin) et le pays de la carrière (Canada). Il n’y a pas de liens vers des publicités de tiers;

6.      Des copies papier datées du 9 et du 14 février 2012 de sites Web décrits comme AlgonquinLimestone.com, EramosaLimestone.com et RiadaLimestone.com. Un site Web en particulier, EramosaLimestone.com, fait référence à WiartonLimestone.com (susmentionné comme fournisseur tiers dans les copies papier du répertoire commercial de Graniteland.com) comme site principal. Ceux-ci semblent être des sites Web qui font la promotion de divers produits en pierre, dont les pierres Algonquin. Les copies papier fournissent peu de renseignements outre le même numéro de téléphone 1-800, suggérant qu’ils sont tous liés à la même entité, et un formulaire de contact pour des demandes d’achat et de renseignements.

[18]           Si je comprends bien ses observations, la Requérante soutient que les trois dernières copies papier décrites ci-dessus aux points 4 à 6 semblent être extraites de sites Web de tiers invérifiables d’origines inconnues sans lien évident avec le Canada. Par conséquent, les renseignements ne sont pas fiables et devraient être considérés comme une preuve par ouï-dire. Je suis d’accord. Aucun de ces sites Web ne semble être spécifique au Canada. De plus, le caractère officiel de ces sites Web, s’il en est, ne peut être vérifié. Comme l'a souligné la Requérante, ces sites Web semblent compiler des renseignements fournis par d’autres plutôt que d’être une exploitation autonome ou une exploitation qui analyse et présente soigneusement les renseignements reçus. En fait, ces copies papier semblent n’être rien de plus que des liens sur Internet vers des entités qui vendent divers produits en pierre sans aucun contexte. Ainsi, ils ne peuvent pas être utilisés comme preuves quant à la véracité de leur contenu.

L’affidavit de M. Negus

[19]           Avant de mettre sur pied BSRG en avril 2008, M. Negus affirme avoir travaillé pour la Requérante pendant onze ans. M. Negus déclare que BSRG extrait et transforme différents types de calcaire sur sa propriété, dont le [traduction] « calcaire Algonquin », à Wiarton en Ontario. L’entreprise a également acheté, commercialisé et vendu du calcaire « Algonquin » et d’autres types de calcaire de la région depuis sa création.

[20]           En ce qui concerne l’emploi du terme « Algonquin », M. Negus déclare qu’il est employé pour décrire un type particulier de pierre de la formation de Guelph du Silurien moyen dans l’industrie avant 1997. Cependant, aucune preuve documentaire n’a été présentée par le déposant pour appuyer cette affirmation. Par conséquent, la simple déclaration de M. Negus n’est pas suffisante pour me permettre de déterminer dans quelle mesure le terme « Algonquin » a été employé comme terme descriptif [traduction] « dans l’industrie » à ce moment donné.

[21]           M. Negus déclare que les clients et les fournisseurs de BSRG emploient également le terme « Algonquin » pour décrire un type de pierre dans leurs documents commerciaux, dont des factures, des bons de commande, des bordereaux de marchandises, des demandes de prix, etc. Il déclare également que depuis 2008, BSRG achète du [traduction] « calcaire Algonquin » pour le traiter de plusieurs fournisseurs locaux dont l’Opposante, Hiltz Marble et Granite Inc., de même que de York Marble Tile et Terrazzo Inc. et que l’entreprise a revendu ces produits comme [traduction] « calcaire Algonquin ». À l’appui de ses affirmations, M. Negus joint en pièce A de son affidavit six échantillons d’échanges de courriels entre lui-même, au nom de BSRG, et des clients dont les noms ont été retranchés, datés entre février 2010 et octobre 2011. Les courriels portent sur la disponibilité de [traduction] « calcaire Algonquin », « calcaire noir », « calcaire gris foncé » et « dalle de granit », en diverses quantités (allant de 180 à 10 000 pieds carrés de produits en pierre). En outre, jointes en pièces B et C, il y a deux copies de plans de projets pour le même projet de [traduction] « panneau mural » datés du 23 juillet 2008, un préparé par BSRG et l’autre par un client dont le nom a été retranché. Le matériau indiqué sur les plans est de l’« Algonquin ».

[22]           La Requérante fait valoir que ces courriels ne démontrent pas l’emploi du terme « Algonquin » de manière [traduction] « clairement descriptive », et que le témoignage de M. Negus est parfaitement cohérent pour montrer que [traduction] « la marque [de la Requérante] est “empruntée” par autrui ». Plus particulièrement, la Requérante fait valoir que ces courriels montrent le terme « Algonquin » à côté d’autres marques de commerce déposées de la Requérante, nommément SENESUN de l’enregistrement no LMC810,647. Cependant, la Requérante ne présente aucune preuve de cet enregistrement allégué [voir Unitron Industries Ltd c. Miller Electronics Ltd (1983), 78 CPR (2d) 244 à 253]. De plus, même si le terme « Algonquin » a en effet été employé comme marque de commerce plutôt que comme terme descriptif, ces courriels démontrent tout de même que des clients demandaient des produits en pierre connus sous le nom d’« Algonquin » d’un autre commerçant de pierres de l’industrie outre la Requérante en 2008, 2010 et 2011, que l’emploi ait été [traduction] « emprunté » ou non. Je reviendrai sur ce point pour l’examen du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

La preuve de la Requérante

L’affidavit de M. Gauthier

[23]           M. Gauthier fournit d’abord un aperçu de l’entreprise de la Requérante en ce qui a trait à l’origine de la pierre « Algonquin ». Il déclare que la Requérante a commencé à extraire d’une bande particulière de dolomite de couleur beige brune dans la région de Wiarton qui se trouve à 15 à 25 pieds sous la surface [traduction] « en 1995-1996 ». Selon M. Gauthier, la Requérante était la seule entreprise à posséder l’équipement nécessaire pour creuser assez profondément pour extraire cette bande de pierre à cette époque. Bien que différentes bandes de pierre du membre d’Eramosa de la formation de Guelph peuvent être distinguées par leur couleur et leur motif, M. Gauthier déclare qu’il n’y a aucun nom géologique ou terme accepté donné à chaque bande. Pour cette raison, la Requérante a commencé à employer le terme « Algonquin » pour [traduction] « décrire la bande de pierre de couleur chamois/beige à brun » et [traduction] « a adopté le terme pour décrire la pierre » à la suggestion de l’un de ses employés, M. Laviolette, [traduction] « en 1995-1996 ». Le déposant ajoute qu’avant 1995 il n’existait aucune source géologique qualifiée pour des termes comme [traduction] « pierre Algonquin », « calcaire Algonquin » ou « dolomie Algonquin ».

[24]           Des extraits de diverses publications, dont les Ontario Dimensional Stone Catalogue et Ontario Dimension Stone Producers & Processors : Directory du ministère du Développement du Nord et des Mines de l’Ontario, publiés en 1990, 1993 et 1994, sont joints en pièce B, C et D de son affidavit à l’appui de sa déclaration indiquant que le terme « Algonquin » n’était pas employé par autrui pour [traduction] « décrire de la pierre » à cette époque.

[25]           M. Gauthier déclare que [traduction] « après 1995-1996 » la Requérante [traduction] « a commencé à commercialiser le terme “Algonquin” pour décrire une bande particulière de pierre dans l’industrie minière de même qu’auprès du grand public, des entrepreneurs, des maçons, des architectes d’intérieur et des architectes ». À cette fin, il joint en pièces I et J de son affidavit des copies de brochures de la Requérante de 1996-1997 et 1999-2000, de même qu’une liste de prix de 2004 en pièce K, dans le but de démontrer comment le terme [traduction] « calcaire Algonquin » était employé par la Requérante à cette époque. Après examen de ces documents, je remarque que le [traduction] « calcaire Algonquin » est mentionné comme un des produits en pierre de la Requérante; d’autres comprennent « Eramosa Marble » [Marbre Eramosa], « Senesun Limestone » [Calcaire Senesun, « Buff Flagstone » [Dalle Buff], « Black Flagstone » [Dalle noire], « Silverware » et « Indiana ». Cependant, il est difficile de savoir si ces termes sont employés dans le sens de marques de commerce ou de manière descriptive comme des types de pierre.

[26]           M. Gauthier joint en pièces F et G des extraits des Ontario Dimension Stone Producers & Processors : Directory de 1998-1999 et de 2003 publiés par le ministère du Développement du Nord et des Mines de l’Ontario. Ces extraits comprennent des références à la Requérante à côté de plusieurs noms de pierre, dont le [traduction] « calcaire Algonquin ». Bien que M. Gauthier affirme que ces publications démontrent que la Requérante était la seule productrice de calcaire « Algonquin », je remarque que les publications comprennent également des références à des produits d’« Algonquin » d’autres producteurs de pierre situés en Ontario, nommément le [traduction] « laurvikite Algonquin » de Cushman Stone and Gravel dans les deux éditions, et le [traduction] « Algonquin rose » de Tasso Lake Stone dans l’édition de 2003.

[27]           M. Gauthier joint en pièce H une copie d’un article du Sun Times d’Owen Sound publié le 24 février 2008. Il explique que l’article fait référence à l’introduction, [traduction] « deux ans auparavant », du [traduction] « calcaire Algonquin » sur le marché en provenance d’une des carrières de la Requérante. Une feuille sommaire de résultats de tests datée du 6 janvier 2004 pour, comme le décrit M. Gauthier, [traduction] « la pierre Algonquin et d’autres types de pierres » de la Requérante est également jointe en pièce L.

[28]           En réponse au témoignage de M. Ebel, M. Gauthier déclare que l’« arche d’Algonquin » est située à 150 à 175 kilomètres au sud de la carrière de l’Opposante et que le terme n’a aucune signification géologique pour la pierre extraite près de Wiarton en Ontario. M. Gauthier joint également une copie de la brochure de l’Opposante avec sa liste de prix de gros de 1999, et une brochure de 2010-2011, en pièces M, N et O dans le but de démontrer l’absence des produits en pierre « Algonquin » par l’Opposante à cette époque. Finalement, la pièce P est une copie papier du site Web de l’Opposante, montrant une annonce du 6 mai 2010 concernant l’ajout d’un nouveau produit sur la liste de produits de l’Opposante, inscrit comme « Sand Blasted Algonquin Pavers » [pavés d’Algonquin dépoli].

[29]           M. Gauthier joint également en pièces U et R respectivement des copies des mêmes factures présentées en pièces B et C de l’affidavit de M. Ebel. En ce qui concerne plus particulièrement les factures émises par l’Opposante à la Requérante, M. Gauthier déclare qu’elles font référence à [traduction] « des ventes de blocs de produits bruts qui portent [la Marque de la Requérante] en réponse à la demande de [la Requérante] ». Cependant, le déposant n’a présenté aucune preuve documentaire à l’appui de son affirmation. En ce qui concerne plus particulièrement les factures émises par l’Opposante à des tiers, M. Gauthier déclare qu’elles montrent [traduction] « douze produits en pierre Algonquin facturés à des personnes ou des entreprises autres que [la Requérante] et datées d’avant le 26 août 2010 », qui est la date de production de la demande d’enregistrement de la Marque. Je remarque que la majorité des factures comprises dans cette deuxième série de factures sont datées entre le 4 juin 2007 et le 12 août 2011, qui est la date de production de la déclaration d’opposition. Je reviendrai sur ces points pour l’examen du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

[30]           En réponse au témoignage de M. Negus, M. Gauthier joint en pièce S une copie de la brochure 2011 de BSRG, dans le but de démontrer l’absence de produits en pierre « Algonquin » parmi les [traduction] « types de pierres » de BSRG.

[31]           Pour ce qui est des ventes, M. Gauthier déclare que la Requérante a eu environ 1 000 [traduction] « projets Algonquin totalisant des millions de dollars ». Le déposant présente une liste de vingt projets datés entre 1996 et 2011, qui seraient certains des projets les plus remarquables et les plus primés qui emploient des pierres « Algonquin ».

[32]           Finalement, M. Gauthier déclare que la Requérante est la créatrice et seule productrice de pierre « Algonquin » et que la pierre est fabriquée à partir d’un calcaire de densité particulière avec des caractéristiques particulières, dont de fines nervures noires. Des photographies de pierre « Algonquin » de la Requérante employée comme revêtements de sol et comme marches d’escalier dans des bâtiments sont jointes en pièce V de son affidavit.

L’affidavit de M. Stobbe

[33]           L’affidavit de M. Stobbe corrobore une portion substantielle de l’affidavit de M. Gauthier, joignant certaines des mêmes pièces. Le déposant fournit également en pièces K à T dix articles provenant de divers sites Web concernant des projets de bâtiment qui auraient employé le calcaire « Algonquin » de la Requérante. Je remarque que la pièce R est composée d’un article qui fait référence à l’emploi de [traduction] « calcaire Algonquin » pour la construction de l’école de pharmacie de l’Université de Waterloo. Cependant, il est difficile de savoir si le terme « Algonquin » est employé au sens d’une marque de commerce ou simplement pour décrire un type de calcaire. Pour ce qui est des autres articles, aucun ne mentionne les produits en pierre « Algonquin », ou tout autre matériau d’ailleurs. Plutôt, les articles portent sur l’architecture et le dessin des bâtiments.

[34]           Comme dans le cas du témoignage de M. Gauthier, l’affidavit de M. Stobbe ne fournit pas de déclaration évidente en ce qui concerne le moment où le terme « Algonquin » a été employé pour la première fois comme marque de commerce en liaison avec les produits en pierre de la Requérante. Un ajout important au témoignage de M. Stobbe est sa déclaration indiquant que MM. Ebel et Negus [traduction] « font la promotion et la vente sur le marché de différentes bandes comme un même produit sous le nom commercial Algonquin ».

L’affidavit de M. Chamberlain

[35]           M. Chamberlain déclare avoir travaillé pour l’Opposante d’avril 1984 à septembre 1999. Il déclare qu’avant septembre 1999, l’Opposante n’avait extrait ou produit aucune pierre des bandes qui étaient exploitées par la Requérante pour obtenir la pierre « Algonquin » en raison de contraintes d’équipement. En pièces A et B de son affidavit sont jointes une brochure et une liste de prix de l’Opposante de [traduction] « la fin des années 1990 » dans le but de démontrer l’absence de produits « Algonquin » à cette époque.

[36]           M. Chamberlain déclare également que le terme « Algonquin » n’était pas employé par l’Opposante ou par aucune autre carrière de la région de Wiarton [traduction] « jusque dans les quelques dernières années », confirmant ainsi l’emploi de ce terme par l’Opposante et d’autres commerçants au cours des dernières années.

L’affidavit de M. Laviolette

[37]           M. Laviolette relate les événements qui ont mené à l’adoption par la Requérante du terme « Algonquin » pour [traduction] « décrire un type de pierre ». En particulier, M. Laviolette déclare que le terme « Algonquin » vient de sa connaissance personnelle d’un [traduction] « important lac glaciaire du nom d’“Algonquin” qui recouvrait le sud de l’Ontario et le nord des États-Unis au moment de la dernière glaciation ».

[38]           M. Laviolette déclare également qu’il était généralement reconnu que le calcaire « Algonquin » provenait de la Requérante, et que, de 1996 à 2005, la Requérante était la seule entreprise à employer le terme « Algonquin » en liaison avec une bande particulière de pierre vendue sur le marché. Bien que je ne sois pas prête à accorder de poids à l’opinion personnelle de M. Laviolette que le calcaire « Algonquin » était généralement reconnu comme provenant de la Requérante, ces déclarations viennent dans une certaine mesure appuyer la position de l’Opposante que d’autres entreprises vendent de la pierre « Algonquin » depuis au moins 2005.

L’affidavit de M. Hariri

[39]           M. Hariri déclare qu’à sa connaissance, la Requérante a introduit ses produits en pierre « Algonquin » sur le marché au milieu des années 1990. Il déclare également que sa société d’architecture a intégré la pierre « Algonquin » dans plusieurs de ses conceptions et constructions primées. En pièces A à D de son affidavit sont joints des articles qui traitent de divers projets architecturaux qui mentionnent le [traduction] « calcaire Algonquin ».

[40]           Après examen de ces articles, je remarque que, bien qu’il y ait des références au [traduction] « calcaire Algonquin » comme un des matériaux utilisés dans ces projets, il est difficile de savoir si le terme « Algonquin » était employé au sens d’une marque de commerce ou de manière descriptive en référence à un type de calcaire. D’une manière ou d’une autre, aucun des articles n’établit de lien entre le [traduction] « calcaire Algonquin » et la Requérante.

L’affidavit de Mme Gaudet

[41]           Mme Gaudet déclare que son entreprise propose différents types de calcaire à des clients, dont des architectes, des architectes d’intérieur et des promoteurs immobiliers. Elle déclare que son entreprise a commencé à commercialiser le calcaire « Algonquin » de la Requérante au début ou au milieu des années 2000 et qu’il est généralement considéré par les professionnels de l’industrie de la pierre comme un [traduction] « type de pierre » de la Requérante.

[42]           Plus particulièrement, Mme Gaudet déclare que son entreprise n’a pas acheté de calcaire « Algonquin » d’aucune autre entreprise même si elle a [traduction] « entendu dire que d’autres carrières prétendent avoir du calcaire Algonquin », mais elle [traduction] « n’a pas été en mesure de confirmer si c’était vrai ». Elle déclare également que [traduction] « pour les initiés de l’industrie de la pierre en Ontario, il est reconnu que l’Algonquin [était] bien établi comme un produit de [la Requérante] avant 2010 » (emphase ajoutée).

[43]           Encore une fois, bien que je ne sois pas prête à accorder de poids à l’opinion personnelle de Mme Gaudet que le calcaire « Algonquin » était reconnu comme provenant de la Requérante, je remarque que Mme Gaudet fait référence à l’emploi du terme « Algonquin » par d’autres de l’industrie de la pierre au cours des dernières années, ce qui corrobore les observations semblables faites par d’autres témoins de la Requérante, nommément MM. Stobbe, Chamberlain et Laviolette, comme susmentionné.

 

L’analyse des motifs d’opposition

[44]           J’examinerai maintenant les motifs d’opposition, sans égard à l’ordre dans lequel ils ont été plaidés.

Le motif d'opposition fondé sur la non-conformité en vertu de l’article 30b) de la Loi

[45]           L’Opposante a plaidé que la Marque n’a pas été employée de façon continue comme marque de commerce, dans la pratique normale du commerce, en liaison avec les Marchandises, depuis la date de premier emploi alléguée, nommément janvier 1996, ce qui est contraire à l’article 30b) de la Loi.

[46]           La date pertinente pour l’examen des circonstances concernant ce motif d’opposition est la date de production de la demande d’enregistrement [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)]. À cet égard, l’article 30b) de la Loi exige un emploi continu de la marque de commerce visée par la demande depuis la date revendiquée [voir Labatt Brewing Co c. Benson & Hedges (Canada) Ltd (1996), 67 CPR (3d) 258 (CF 1re inst.)]. Le fardeau initial de l’Opposante concernant la question de non-conformité à l’article 30b) de la Loi a été qualifié de léger, car les faits concernant ce motif d’opposition sont plus faciles à obtenir par la Requérante que par l’Opposante [voir Tune Masters c. Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. De plus, l’Opposante peut s’acquitter de son fardeau de preuve en consultant la preuve de la Requérante, pourvu que la preuve de la Requérante soit manifestement contraire aux revendications présentées dans sa demande d’enregistrement [voir Labatt Brewing Co c. Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst.)].

[47]           En l’espèce, l’Opposante n’a produit aucune preuve à l’appui de ses allégations. Plutôt, elle s’appuie sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial. En particulier, l’Opposante fait valoir que la propre preuve de la Requérante montre que ce n’est qu’après [traduction] « 1995-1996 » que la Requérante a dans les faits commencé à [traduction] « commercialiser le terme Algonquin comme un type de pierre en particulier ». De plus, l’Opposante considère que la Requérante n’a jamais allégué l’emploi de la Marque conformément à ce qui est prévu à l’article 4 de la Loi en ce qui concerne la date de premier emploi revendiquée. Plutôt, la déclaration de la Requérante à l’égard de la [traduction] « commercialisation » des Marchandises est la preuve d’« emploi » la plus proche de ce qui est allégué, et même cette preuve est datée de bien après janvier 1996.

[48]           En réponse, la Requérante fait valoir que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve. Plus particulièrement, la Requérante considère que l’Opposante n’a produit aucune preuve de cela et que sa propre preuve démontre l’adoption et l’emploi de la Marque [traduction] « en 1995 ou 1996 ». Ainsi, la Requérante plaide que ce motif d’opposition devrait être rejeté.

[49]           Je ne suis pas d’accord avec la Requérante.

[50]           Selon mon examen des témoignages de MM. Gauthier et Stobbe, la Requérante a commencé à extraire des bandes particulières de pierre de couleur beige brun dans la région qui se trouve à 15 à 25 pieds sous la surface [traduction] « en 1995-1996 ». Le terme « Algonquin » a été suggéré par M. Laviolette pour décrire cette bande de pierre, également [traduction] « en 1995-1996 ». Bien que ces renseignements soient corroborés par le témoignage de M. Laviolette, tout ce que je peux conclure de ces déclarations est que le terme « Algonquin » a d’abord été adopté par la Requérante à un moment donné durant cette période de deux ans, entre 1995 et 1996, comme terme pour décrire une bande particulière de pierre qui a commencé à être extraite. Cependant, ces déclarations ne démontrent pas de manière explicite et sans équivoque l’emploi du terme « Algonquin », en tant que marque de commerce en soi, en liaison avec des produits en pierre en date de janvier 1996.

[51]           Au contraire, MM. Gauthier et Stobbe déclarent tous les deux également dans leur affidavit respectif que la Requérante n’a commencé à [traduction] « commercialiser » les produits en pierre sous le nom « Algonquin » [traduction] « qu’après 1995-1996 » (emphase ajoutée). Ces témoignages suggèrent que le terme « Algonquin » n’aurait peut-être été associé avec les produits de la Requérante qu’après le 31 décembre 1996, ce qui est manifestement incompatible avec la date de premier emploi de la Marque au Canada revendiquée par la Requérante. Autrement dit, plutôt que d’appuyer la date de janvier 1996, la preuve appuie une date ultérieure de premier emploi.

[52]           Pour ajouter à la confusion, j’ai de la difficulté à réconcilier les allégations vagues d’adoption du terme « Algonquin » [traduction] « en 1995-1996 » avec le peu d’information et de documentation produites par la Requérante en ce qui concerne l’emploi de ce terme, comme marque de commerce, en liaison avec les Marchandises.

[53]           Selon mon examen de la preuve produite par la Requérante, il n’y a aucune preuve documentaire démontrant un emploi des produits en pierre de la Requérante portant la Marque. Il n’y a non plus aucune indication qu’aucune des brochures et listes de prix de la Requérante jointes en pièces I, J et K de l’affidavit de M. Gauthier ait accompagné les produits en pierre au moment du transfert pour répondre à l’avis de liaison entre la Marque et les Marchandises au moment du transfert exigé à l’article 4(1) de la Loi [voir BMW Canada Inc c. Nissan Canada Inc (2007), 60 CPR (4th) 181 (CAF)]. De plus, même si je devais présumer que ces documents accompagnaient les Marchandises au moment du transfert, et démontraient de plus l’emploi du terme « Algonquin » au sens d’une marque de commerce plutôt que de manière descriptive, le fait demeure que le tout premier de ces documents date de « 1996-1997 », et que cette période n’appuie pas directement la date de premier emploi revendiquée par la Requérante.

[54]           De même, la Requérante a choisi de parler des ventes des Marchandises en termes très généraux seulement, me laissant dans l’impossibilité de conclure que les Marchandises sont vendues sous la Marque depuis janvier 1996. M. Laviolette déclare simplement que plusieurs architectes ont employé les produits en pierre « Algonquin » de la Requérante pour des projets [traduction] « depuis 1995-1996 », et M. Stobbe déclare que [traduction] « depuis 1996 », environ 1000 projets ont employé le calcaire « Algonquin » de la Requérante, [traduction] « représentant des millions de dollars en pierre ». Cependant, aucun autre chiffre d’affaires ni ventilation n’a été fourni. Même si la Requérante n'était aucunement tenue de produire une preuve positive établissant les ventes de Marchandises à partir de janvier 1996, il demeure que ces déclarations n’apportent aucune clarification au sujet de l’incertitude entourant le moment où les produits en pierre ont été vendus pour la première fois sous la Marque.

[55]           Finalement, je remarque que dans son plaidoyer écrit, la Requérante elle-même ne semble pas être en mesure de fournir de preuve évidente d’emploi depuis janvier 1996, alors qu’elle déclare que la preuve démontre que la Requérante a adopté et commencé à employer la Marque « en 1995 ou 1996 » (emphase ajoutée).

[56]           En résumé, lorsque la preuve de la Requérante est examinée dans son ensemble, je remarque qu’il est assez longuement question du moment où la Requérante a commencé à extraire une bande particulière de pierre, de même que de l’origine du terme « Algonquin ». Cependant, aucun des affidavits n’atteste directement l’emploi de ce terme comme marque de commerce à la date de premier emploi revendiquée. Au contraire, ils comprennent des déclarations qui suggèrent une date de premier emploi ultérieure. De plus, malgré la grande quantité de preuves documentaires produites à l’appui de la demande, il est tout de même difficile de savoir si la Requérante a en fait employé le terme « Algonquin » comme marque de commerce en soi en liaison avec ses produits en pierre conformément à l’article 4(1) de la Loi, ou simplement comme un terme pour décrire un type particulier de pierre. Compte tenu de toutes ces ambiguïtés réunies, la preuve même de la Requérante soulève de sérieux doutes quant à l’exactitude de la date de premier emploi revendiquée dans la demande. Ne disposant d'aucune autre preuve suggérant l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises à partir de janvier 1996 au sens de l’article 4 de la Loi, je conclus que la preuve de la Requérante est nettement incompatible avec la date de premier emploi alléguée.

[57]           Conformément, le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) est accueilli.

Le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2 de la Loi

[58]           L’Opposante a plaidé que la Marque ne possède pas de caractère distinctif au sens de l’article 2 de la Loi puisqu’elle ne distingue pas les marchandises de la Requérante des marchandises d’autres personnes, et n’est pas non plus adaptée à les distinguer. Plus particulièrement, ce motif d’opposition, comme plaidé par l’Opposante, est fondé sur trois points, nommément que la Marque ne possède pas de caractère distinctif puisque (1) c’est le nom des Marchandises; (2) elle donne une description claire des caractéristiques ou de la qualité des Marchandises et/ou de leur lieu d’origine; et (3) il s’agit d’un terme descriptif employé couramment dans l’industrie par l’Opposante et d’autres en liaison avec de la pierre et des produits en pierre.

[59]           Généralement, la date pertinente pour l’examen du caractère distinctif est la date de production de la déclaration d’opposition, en l’espèce, le 12 août 2011 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF 1re inst.)]. La Requérante a le fardeau ultime de démontrer que sa Marque distingue effectivement ses Marchandises de celles des autres sur l’ensemble du Canada [voir Muffin Houses Inc c. The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)]. Cependant, comme susmentionné, il incombe à l’Opposante d’établir au départ les faits qu’elle invoque au soutien de ce motif d’opposition.

[60]           Je traiterai d’abord du premier point de ce motif d’opposition, qui porte sur l’emploi descriptif du terme par l’Opposante et par d’autres. Pour trancher cette question, je m’inspire des commentaires que le juge Addy a formulés dans Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 CPR (2d) 44 à 58 (CF 1re inst.) :

            [traduction]

Quant à la question de l’absence de caractère distinctif d’une marque, bien qu’il doive être établi que la marque rivale ou adverse est connue au moins jusqu’à un certain point, il n’est pas nécessaire de prouver qu’elle est bien connue [...] Il suffit d’établir que l’autre marque est devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la marque attaquée.

[61]           De plus, l’Opposante n’est pas restreinte à s’appuyer que sur son propre emploi ou sa révélation du terme « Algonquin »; elle peut s’appuyer sur l’emploi ou la révélation d’un tiers [voir Clarco Communications Ltd c. Sassy Publishers Inc (1994), 54 CPR (3d) 418 (CF 1re inst.)]. Une attaque fondée sur l’absence de caractère distinctif ne se limite pas à la vente réelle des produits au Canada; toute preuve pertinente qui tend à établir l’absence de caractère distinctif peut être prise en considération [voir Motel 6, précitée, para. 45].

[62]           L’Opposante fait valoir que, fondé sur un emploi à grande échelle du terme « Algonquin » par elle-même et par des tiers dans l’industrie [traduction] « pour décrire et/ou nommer les produits en pierre », le terme ne peut être distinctif d’une seule entité, y compris la Requérante.

[63]           En réponse, la Requérante fait valoir que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial, puisqu’il n’y a aucune preuve d’emploi indépendant par d’autres qui établirait une réputation importante, significative ou suffisante. De plus, même si l’Opposante s’était acquittée de son fardeau de preuve initial, la Requérante considère avoir acquis et établi une réputation pour ses produits en pierre « Algonquin ».

[64]           Je ne suis pas d’accord avec la Requérante.

[65]           Selon mon examen des témoignages de MM. Ebel et Negus, l’Opposante a démontré que le terme « Algonquin » a été couramment adopté par l’Opposante et d’autres commerçants de l’industrie en référence aux produits en pierre avant le 12 août 2011, avec des pièces à l’appui.

[66]           En ce qui concerne plus particulièrement l’emploi du terme « Algonquin » par l’Opposante elle-même en liaison avec ses produits en pierre, deux séries de factures ont été versées au dossier. La première série [pièce B de l’affidavit de M. Ebel, qui est ensuite jointe en pièce U de l’affidavit de M. Gauthier] démontre la vente par l’Opposante de produits en pierre « Algonquin » à la Requérante en 2001 et 2002. La deuxième série [pièce C de l’affidavit de M. Ebel, qui est ensuite jointe en pièce R de l’affidavit de M. Gauthier] démontre la vente par l’Opposante de produits en pierre « Algonquin » à des tiers en Ontario entre 2007 et 2011.

[67]           Je ne suis pas prête à ne pas tenir compte des factures entre l’Opposante et la Requérante uniquement en fonction de l’affirmation non étayée de M. Gauthier qu’elles portent sur [traduction] « des ventes de blocs de produits bruts qui portent la Marque de la Requérante] en réponse à la demande de [la Requérante] ». Les circonstances entourant cette demande alléguée n’ont pas été expliquées par la Requérante. Sans autre explication ou document pertinent en ce qui concerne la relation, s’il en est, qui existe entre la Requérante et l’Opposante, et en l’absence de toute indication de contrat de licence entre les parties à l’égard de l’emploi de la Marque de la Requérante par l’Opposante, je n’ai aucune raison de ne pas accepter d'emblée ces factures. Cependant, ces factures démontrent la vente de produits en pierre « Algonquin » par l’Opposante, en son propre nom, à la Requérante.

[68]           Pour ce qui est des factures émises par l’Opposante à des tiers, la Requérante considère qu’elles suggèrent, au mieux, un emploi inconsidéré de la Marque de la Requérante par l’Opposante ou, au pire, [traduction] « un emploi de mauvaise foi de la marque connue d’un concurrent ». Je ne suis pas d’accord.

[69]           Le fait que M. Ebel et la Requérante aient eu préalablement des liens professionnels ensemble pourrait expliquer en partie quand et comment l’Opposante a eu connaissance pour la première fois d’un type de pierre du nom d’« Algonquin ». Cependant, cela n’établit pas en soi un emploi ultérieur de mauvaise foi ou inconsidéré d’une marque de commerce d’un concurrent. Selon mon examen de l’affidavit de M. Ebel, il n’y a aucune indication que l’Opposante a employé le terme « Algonquin » pour décrire ses produits en pierre comme une marque de commerce d’une autre entité, de façon intentionnelle ou non.

[70]           En fait, lorsque l’on compare la deuxième série de factures avec celles adressées à la Requérante, aucune distinction n’est faite entre les produits « Algonquin » vendus à la Requérante et ceux vendus à des tiers. À cet égard, je remarque que la Requérante n’a produit aucune preuve suggérant qu’elle se soit opposée à un moment ou un autre à l’emploi du terme « Algonquin » par l’Opposante sur ses factures, même après avoir été mise au courant d’une telle pratique après la réception des factures de l’Opposante pour des produits inscrits comme « Algonquin Blocks » [blocs Algonquin], en 2001 et après.

[71]           Il n’y a aucune indication que le terme « Algonquin » était employé par l’Opposante, que ce soit comme une marque de commerce en soi ou celle de la Requérante, pour décrire un produit en pierre d’une source particulière. Plutôt, en me basant sur une lecture équitable, de ces deux séries de factures, le terme « Algonquin » semble être employé de manière descriptive pour indiquer un type de pierre, comme pour d’autres termes descriptifs inscrits sur ces factures comme « Beige Broken Flagstone » » [Dalle brisée beige] et « Beige Cobblestone » [Pierre beige]. Ma conclusion est renforcée par le témoignage de M. Negus de même que par la preuve même de la Requérante.

[72]           Comme susmentionné, des extraits du Ontario Dimension Stone Producers & Processors : Directory du ministère du Développement du Nord et des Mines de l’Ontario, présentés par la Requérante elle-même par l’entremise de l’affidavit de M. Gauthier, font référence à deux autres commerçants qui fournissaient des produits en pierre « Algonquin » en 1998 et 2003, nommément le [traduction] « laurvikite Algonquin » par Cushman Stone and Gravel et le [traduction] « Algonquin rose » de Tasso Lake Stone [voir les pièces F et G de l’affidavit de M. Gauthier]. Cela met directement en doute l’affirmation de la Requérante d’être la seule productrice de produits en pierre « Algonquin » à la date pertinente.

[73]           Le témoignage de M. Negus démontre également la vente de calcaire « Algonquin » par un autre fournisseur de pierre, BSRG, avant la date pertinente. En particulier, les différents échanges de courriels de M. Negus avec des clients en ce qui concerne l’inventaire de calcaire « Algonquin » et d’autres types de calcaire de BSRG en 2010 et 2011 [voir la pièce A de son affidavit], de même que les plans de projets préparés par BSRG et l’un de ses clients en 2008 [voir les pièces B et C de son affidavit], appuient l’allégation que les consommateurs demandaient des produits en pierre connus sous le nom de pierre « Algonquin » d’un fournisseur tiers aussi tôt qu’en 2008. Comme pour le témoignage de M. Ebel, il n’y a aucune indication que BSRG ait employé le terme « Algonquin » pour décrire ses produits en pierre comme une marque de commerce d’une autre entité, de façon intentionnelle ou non.

[74]           La preuve même de la Requérante ne réfute pas la preuve produite par l’Opposante. En effet, bien que la Requérante fournisse d’amples renseignements concernant des faits ayant eu lieu au milieu des années 1990, ce qui coïncide avec l’introduction d’un nouveau type de produit en pierre décrit comme de l’« Algonquin », la preuve n’appuie pas son affirmation que la Marque distinguait ses produits en pierre à la date de production de la déclaration d’opposition. Au contraire, elle est conforme à la position de l’Opposante que le terme « Algonquin » était à cette époque employé par elle-même et par d’autres pour décrire un type de pierre.

[75]           Comme susmentionné, M. Gauthier a produit une copie papier du site Web de l’Opposante confirmant l’ajout de « Sand Blasted Algonquin Pavers » [pavés Algonquin dépoli] par l’Opposante avant la date pertinente [voir la pièce P de son affidavit]. MM. Stobbe, Chamberlain et Laviolette, de même que Mme Gaudet, produisent tous des témoignages voulant que la Requérante ne soit plus la seule source de produits en pierre « Algonquin » dans l’industrie. En fait, M. Chamberlain reconnaît que, au moment de son affidavit souscrit le 6 juin 2012, le terme « Algonquin » avait été employé par d’autres carrières dans la région [traduction] « au cours des dernières années ». De même, Mme Gaudet affirme dans son affidavit souscrit le 19 juin 2012 qu’elle avait entendu parler d’autres carrières qui prétendaient avoir du calcaire « Algonquin » [traduction] « au cours des dernières années ». Le témoignage de M. Laviolette appuie également la proposition que les produits en pierre « Algonquin » d’autres sources sont sur le marché depuis au moins 2005.

[76]           Bien que la Requérante ait pu être la première à extraire une bande particulière de pierre et ensuite à produire et à commercialiser un produit en pierre sous le terme « Algonquin », elle ne semble plus être le seul fournisseur de pierre « Algonquin » depuis un certain nombre d’années. La preuve est suffisante pour démontrer qu’en raison de l’adoption du terme « Algonquin » par des tiers pour décrire leurs propres marchandises au cours des dernières années, la Marque n’indiquait plus une source particulière de produits en pierre sur le marché à la date pertinente. Par conséquent, elle ne pouvait servir de marque de commerce apte à distinguer les marchandises d’une partie de celles d’une autre.

[77]           Par conséquent, la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque distinguait ses Marchandises de celles des autres à la date de production de la déclaration d’opposition. Le troisième point du motif d’opposition fondé sur l’article 2 est donc accepté.

[78]           Compte tenu de ce qui précède, je ne crois pas qu’il est nécessaire de traiter des premier et deuxième points du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

Autres motifs d’opposition

[79]           Comme j’ai déjà donné gain de cause à l’Opposante sur deux motifs d’opposition, il n’est pas nécessaire que j’examine les autres motifs d’opposition.

Décision

[80]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.

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