Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

                                                                                         Référence : 2011 COMC 99

Date de la décision : 2011-06-28

DANS L’AFFAIRE DES TROIS OPPOSITIONS produites par Henkel Corporation à l’encontre des demandes d’enregistrement nos 1285513, 1321915 et  1326421 pour les marques de commerce THE ORIGINAL SUPER GLUE, THE ORIGINAL SUPER GLUE & Dessin et THE ORIGINAL SUPER GLUE, respectivement, au nom de Pacer Technology, une société de la Californie

DEMANDE No 1285513

Dossier

[1]        Le 10 janvier 2006, Pacer Technology, une société de la Californie, a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce THE ORIGINAL SUPER GLUE. La demande canadienne en cause est fondée sur l’emploi et l’enregistrement de la marque aux États-Unis, et sur son emploi projeté au Canada, en liaison avec les marchandises suivantes :

Produits adhésifs pour les domaines industriels, commerciaux et récréatifs; produits adhésifs pour la maison, les articles de papeterie et le bureau.

 

[2]        La demande en cause a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 19 décembre 2007, et Henkel Corporation s’y est opposée le 13 mai 2008. Le registraire a fait parvenir une copie de la déclaration d’opposition à la requérante le 3 juin 2008, comme l’exige le paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13. La requérante a répondu en produisant et signifiant une contre-déclaration dans laquelle elle nie généralement les allégations contenues dans la déclaration d’opposition.

[3]        La preuve principale de l’opposante se compose des affidavits de Monica Goyal, Mary P. Noonan, Roslyn Theodore-McIntosh, David Pinsonnault, Carol Adkins, Rosemary Coelho et Al D’Addese. La preuve de la requérante se compose des copies notariées de plusieurs enregistrements de marques de commerce. La contre-preuve de l’opposante comprend les affidavits additionnels de Mary Noonan et Roslyn Theodore-McIntosh, de même qu’une copie certifiée conforme de l’historique du dossier de sa marque déposée THE ORIGINAL THREADLOCKER & Dessin.

[4]        Les deux parties ont produit des observations écrites. Le 11 mai 2010, le registraire a informé les parties qu’elles pouvaient demander la tenue d’une audience. La requérante a fait savoir qu’elle ne demandait pas d’audience tandis que l’opposante n’a pas répondu. La présente décision est donc rendue sans qu’aucune des parties n’ait présenté d’observations orales.

 

Déclaration d’opposition

[5]        Les premier et deuxième motifs d’opposition sont reproduits en totalité ci-après :

 

[traduction] (a) L’opposante invoque le motif d’opposition prévu par les alinéas 38(2)b) et 12(1)b) [de la Loi sur les marques de commerce]. La marque dont l’enregistrement est demandé n’est pas enregistrable en ce qu’elle donne une description claire des marchandises visées par la demande. Le terme « superglue » [supercolle] est défini dans le Canadian Oxford Dictionary, deuxième édition, comme s’entendant de [traduction] « tout adhésif doté d’une force d’adhérence exceptionnelle », et le mot « original »[original] signifie, selon le même dictionnaire, [traduction] « qui existe depuis le début ou les toutes premières étapes » et [traduction] « qui est l’origine ou la source de quelque chose ». La marque dont l’enregistrement est demandé indique clairement que les marchandises sont une supercolle qui, selon ce qu’affirme la requérante, est « l’originale ». La marque dans son ensemble donne une description claire des marchandises visées par la demande et n’est donc pas enregistrable.

 

(b) L’opposante invoque le motif d’opposition prévu par les alinéas 38(2)b) et 12(1)b). La marque dont l’enregistrement est demandé n’est pas enregistrable en ce qu’elle donne une description fausse et trompeuse des marchandises visées par la demande. Le terme « superglue » [supercolle] est défini dans le Canadian Oxford Dictionary, deuxième édition, comme s’entendant de [traduction] « tout adhésif doté d’une force d’adhérence exceptionnelle », et le mot « original »[original] signifie, selon le même dictionnaire, [traduction] « qui existe depuis le début ou les toutes premières étapes » et [traduction] « qui est l’origine ou la source de quelque chose ». L’opposante conteste la prétention de la requérante voulant que les marchandises visées par la demande soient la supercolle « originale »; l’opposante soutient que des supercolles ont été commercialisées par d’autres personnes, dont l’opposante et sa prédécesseure en titre Loctite Corporation, avant de l’être par la requérante. Compte tenu de cela, la marque dont l’enregistrement est demandé donne une description fausse et trompeuse et n’est donc pas enregistrable.

 

[6]        Selon le troisième motif d’opposition, fondé sur l’alinéa 30i), la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque dont l’enregistrement est demandé compte tenu du fait que [traduction] « d’autres parties ont commercialisé des supercolles avant la requérante... ».

 

Preuve de l’opposante

David Pinsonnault

[7]        M. Pinsonnault atteste qu’il est le directeur du développement de Henkel Canada Corporation (« Henkel Canada »), une filiale à cent pour cent de l’opposante, Henkel Corporation. M. Pinsonnault fait de la recherche et du développement de produits adhésifs depuis plus de 30 ans. Selon son témoignage, les cyanoacrylates font partie d’une catégorie de colles communément appelées « super glue » [super colle] dans l’industrie des adhésifs. Lorsqu’ils entendent le terme « super glue » [super colle], les consommateurs pensent à une colle qui présente de fortes propriétés adhésives, et qui est capable, par exemple, de coller ensemble les doigts d’une personne ou de supporter le poids d’un homme. Il n’est pas exact de dire que le produit adhésif de la requérante est en fait la première super colle disponible sur le marché puisque Henkel Canada Corporation a vendu de la super colle au Canada pendant plusieurs années avant 2006.

[8]        M. Pinsonnault s’appuie en outre sur des conclusions de fait énoncées dans une décision rendue aux États-Unis dans une instance civile en 1981 pour affirmer que plusieurs entreprises ont commencé à vendre des colles à base de cyanoacrylate aux États-Unis dans les années 1970. En particulier, Permabond International Corporation (anciennement Rexco Corporation) vendait des cyanoacrylates sur le marché industriel en 1969 et a commencé à commercialiser les cyanoacrylates comme produit de grande consommation en 1971, devenant ainsi la première entreprise à le faire. Krazy Glue a commencé à vendre des cyanoacrylates sur le marché de la consommation en 1973, tandis que Woodhill Chemical Sales Corporation lui a emboîté le pas au début de 1974. Super Glue Corporation a fait son entrée sur le marché de la consommation en 1977 avec sa GRIPPER SUPER GLUE.

 

Carol Adkins

[9]        Mme Adkins atteste qu’elle est une directrice de l’entreprise opposante. Son affidavit sert à présenter en preuve, au moyen de pièces, la correspondance échangée par les parties aux présentes. En particulier, la pièce B est une copie d’une lettre datée du 25 septembre 2006 émanant de Ronald T. Gravette, vice-président des ventes de la requérante, Pacer Technology. Des extraits de cette lettre sont reproduits ci‑après :

[traduction] Nous croyons que nous avons l’une des formules de la super colle originale [« the original super glue »] destinées au marché de la consommation . . . Même si nous n’étions pas convaincus de l’exactitude de nos déclarations, nous croyons que notre vantardise serait sans danger pour le consommateur . . . Je crois qu’aucun consommateur raisonnable ne s’y fierait. . . . la publicité exagérée, les fanfaronnades et la vantardise, toutes connues sous le vocable d’« exagération », ne donnent pas matière à des poursuites. (Les caractères gras sont de moi.)

 

[10]      À la page 17 de son plaidoyer écrit, l’opposante fait les commentaires suivants au sujet de la lettre de M. Gravette susmentionnée :

 

[traduction] Ce paragraphe est important en ce que les mots « the original super glue » [la super colle originale] y sont employés par la requérante elle-même, non pas comme marque de commerce, mais simplement comme des mots descriptifs ordinaires composant une phrase ordinaire et grammaticalement complète. La cinquième phrase de ce paragraphe se lit ainsi :

Nous croyons que nous avons l’une des formules de la super colle originale [« the original super glue »] destinées au marché de la consommation. (C’est moi qui souligne.)

Ici, la requérante elle-même emploie les quatre mots qui composent l’objet de la présente demande d’enregistrement de marque de commerce dans leur sens descriptif courant et ordinaire, non pas comme marque de commerce, mais simplement comme une partie descriptive d’une phrase complète d’un paragraphe narratif. On ne saurait démontrer plus clairement le caractère descriptif des mots « the original super glue ».

     En plus d’employer les mots « the original super glue » d’une manière descriptive, M. Gravette qualifie également ces mots, dans la septième phrase de ce paragraphe, de « déclarations » constituant de la « vantardise » :

Même si nous n’étions pas convaincus de l’exactitude de nos déclarations, nous croyons que notre vantardise serait sans danger pour le consommateur.

Non seulement la requérante emploie-t-elle les mots en cause comme des termes descriptifs, mais elle les qualifie de tels.

 

Monica Goyal

[11]      Mme Goyal atteste qu’elle est une stagiaire en droit travaillant pour le cabinet qui représente l’opposante. En novembre 2008, Mme Goyal s’est rendue dans quatre points de vente au détail de Toronto pour acheter des produits adhésifs dont les emballages arboraient les mots « super glue ». Ses achats sont joints comme pièces A à P à son affidavit. En plus des produits vendus par les parties aux présentes, elle a trouvé trois tiers qui décrivent leurs produits comme une « super glue » et un autre qui dit que son adhésif «  . . . won’t become brittle like super glues! » [ne séchera pas comme les super colles!].

[12]      Mme Goyal a également visité les sites Internet de divers détaillants et a trouvé plusieurs mentions de produits adhésifs décrits comme de la « super glue ». Les imprimés des résultats de ses recherches sont joints à son affidavit comme pièces Q à KK. La pièce LL est un imprimé du site Web de Super Glue Corporation, qui indique que cette dernière vend un produit sous la marque de commerce THE ORIGINAL SUPER GLUE.

[13]      La pièce KK est un imprimé du site Web de Wikipedia qui traite du cyanoacrylate. Un extrait de cet imprimé est reproduit ci-dessous :

[traduction] L’inventeur des cyanoacrylates, Harry Coover, a dit en 1966 qu’une superglue en vaporisateur était utilisée pendant la guerre du Vietnam pour retarder le saignement chez les blessés pendant qu’ils étaient transportés à l’hôpital. Comme elle peut irriter la peau, la FDA n’a approuvé l’usage médical civil de la superglue qu’en 1998, lorsque une variante appelée « 2-octyl-cyanoacrylate » a été développée. Il est fait état de l’usage de la superglue pendant la guerre du Vietnam dans le film Dog Soldiers. (Les caractères gras sont de moi.)

 

Al D’Addese

[14]      M. D’Addese atteste qu’il est directeur des ventes chez Henkel Canada. Son entreprise est titulaire d’une licence l’autorisant à employer les marques de commerce de l’opposante, dont la marque LOCTITE employée en liaison avec divers produits adhésifs ainsi que les cyanoacrylates communément appelés « super glue » dans l’industrie de l’adhésif. Henkel Canada vend des produits adhésifs à base de cyanoacrylate à des détaillants canadiens comme Canadian Tire, Home Depot et Home Hardware. Les produits adhésifs vendus sous la marque LOCKTITE sont vendus dans des emballages arborant les termes SUPERGLUE SUPERCOLLE ou SUPER GLUE-COLLE. Les ventes au Canada de la « superglue » à base de cyanoacrylate de l’opposante se sont élevées à environ 880 000 $ annuellement au cours des années 2004‑2007 et à environ 589 000 $ annuellement au cours des années 2001‑2003. Le paragraphe 13 de l’affidavit de M. D’Addese est reproduit en totalité ci-après :

[traduction] J’ai examiné l’affidavit de Monica Goyal antérieurement produit dans la présente instance. Selon cet affidavit, Mme Goyal a trouvé, à la fin de l’année 2008, plusieurs produits adhésifs différents, provenant de plusieurs entreprises différentes, offerts en vente dans les magasins de détail canadiens, dont les emballages arboraient les termes « Superglue » ou « Super Glue ». Sur la base de ma propre participation à l’industrie canadienne des adhésifs depuis 2001, je suis en mesure d’affirmer que cela représente bien l’état du marché canadien de 2001 à aujourd’hui, et que depuis 2001, plusieurs entreprises différentes ont vendu des adhésifs à base de cyanoacrylate au Canada en liaison avec les termes « Superglue » ou « Super Glue ».

 

Mary P. Noonan

[15]      Mme Noonan atteste qu’elle est une recherchiste en marques de commerce travaillant pout le cabinet qui représente l’opposante. Son affidavit sert à présenter en preuve, au moyen de pièces, (i) les copies de trois enregistrements de marques de commerce radiés, pour des adhésifs, comportant le terme SUPER GLUE, et (ii) les copies des définitions du Canadian Oxford Dictionary (2e éd.) pour les mots « the », « original », « super », « glue » et « superglue ».

 

Roslyn Theodore-McIntosh

[16]      Mme Theodore-McIntosh atteste qu’elle est une employée du cabinet qui représente l’opposante. Son affidavit sert à présenter en preuve, au moyen d’une pièce, une copie d’une décision rendue aux États-Unis dans une instance civile, qui traite, notamment, de la chronologie de l’introduction aux États-Unis des adhésifs à base de cyanoacrylate. Il s’agit de la décision invoquée par M. Pinsonnault au paragraphe 8 ci‑dessus.

[17]      À la page 7 de son plaidoyer écrit, l’opposante soutient ceci :

          [traduction] Si les faits décrits dans la chronologie peuvent constituer du ouï-dire de la part de M. Pinsonnault, le passage du temps rend nécessaire le recours au ouï-dire, et la source est fiable.

          Nous signalons également que, à la suite de fusions et d’acquisitions subséquentes, les demandeurs et les défendeurs dans l’instance visée pas la décision rendue en 1981 par la District Court des États-Unis font maintenant partie de l’opposante Henkel Corporation...

          Par conséquent, on peut considérer que la chronologie a été établie à partir des registres d’entités qui font maintenant partie de l’opposante... Nous soumettons respectueusement que l’opposante a fourni la meilleure preuve dont elle disposait compte tenu du temps appréciable qui s’est écoulé...

 

[18]      Je conviens avec l’opposante que son élément de preuve concernant l’introduction commerciale des colles à base de cyanoacrylate sur le marché de la consommation aux États-Unis satisfait aux critères de la nécessité et de la fiabilité et qu’il a, par conséquent, une certaine valeur probante comme élément de la preuve au dossier dans la présente instance.

 

Rosemary Coelho

[19]      Mme Coelho atteste qu’elle est une résidante de Toronto et une artisane amateur qui utilise différents types d’adhésifs pour différentes fonctions. Elle témoigne que si elle voyait une colle dont l’emballage contient les mots THE ORIGINAL SUPER GLUE, ces mots signifieraient, pour elle, que la colle est particulièrement forte et qu’il s’agit de la première colle, ou de l’originale.

 

Preuve de la requérante

[20]      La preuve de la requérante mentionnée au paragraphe 3 ci-dessus se résume ainsi :

 

Enregistrement de marque de commerce

 

Propriétaire

Marchandises/Services

ORIGINAL SHAVER

 

Bic Inc.

rasoirs, lames de rasoirs

ORIGINAL

 

U L Canada Inc.

crème glacée, confiseries surgelées

THE ORIGINAL IRISH CREAM & Dessin

 

R & A Bailey & Co.

chocolat, crème glacée, liqueurs

THE ORIGINAL POSTER COMPANY

 

The Original Poster Company Limited

 

papeterie et services de détail en liaison avec la papeterie

AGAVERO EL ORIGINAL LEQUOR DE TEQUILA & Dessin

 

Tequila Cuervo, S.A. de C.V.

liqueur de téquila

THE ORIGINAL THREADLOCKER & Dessin

 

Henkel Corporation

adhésifs et scellants divers

 

 

[21]      Je remarque que le mot ORIGINAL n’a fait l’objet d’un désistement dans aucun des enregistrements susmentionnés, sauf pour ce qui est de la marque THE ORIGINAL THREADLOCKER & Dessin mentionnée en dernier lieu, qui appartient à l’opposante, Henkel Corporation. La requérante s’appuie sur les marques déposées susmentionnées pour affirmer que les marques de commerce comportant le mot ORIGINAL sont, en fait, enregistrables. À cet égard, l’article 35 de la Loi sur les marques de commerce dit ceci :

Le registraire peut requérir celui qui demande l’enregistrement d’une marque de commerce de se désister du droit à l’usage exclusif, en dehors de la marque de commerce, de telle partie de la marque qui n’est pas indépendamment enregistrable. Ce désistement ne porte pas préjudice ou atteinte aux droits du requérant, existant alors ou prenant naissance par la suite, dans la matière qui fait l’objet du désistement, ni ne porte préjudice ou atteinte au droit que possède le requérant à l’enregistrement lors d’une demande subséquente si la matière faisant l’objet du désistement est alors devenue distinctive des marchandises ou services du requérant.

 

[22]      Dans R.J. Reynolds Tobacco Co. c. Rothmans, Benson & Hedges Inc. (1993) 47 C.P.R.(3d) 439 (C.F. 1re inst.), le juge Rothstein a souscrit aux commentaires formulés par le juge Jérôme dans Canadian Parking Equipment Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1990), 34 C.P.R. (3d) 154, à la page 161 (C.A.F.), expliquant les effets de l’article 35 :

 

[traduction] L’article 35 de la Loi sur les marques de commerce prévoit que les parties non enregistrables d’une marque de commerce, comme les mots descriptifs, peuvent faire l’objet d’un désistement du droit à l’usage en dehors de la marque de commerce elle-même. Cette disposition peut donc permettre à un requérant de réfuter une objection fondée sur le caractère descriptif. En dépit des désistements s’y rapportant, si une marque est considérée comme distinctive dans son ensemble, elle est enregistrable. Le désistement a donc pour effet de permettre aux autres personnes de faire usage de la partie visée par le désistement dans leurs propres marques de commerce, empêchant ainsi la monopolisation des mots visés.

 

[23]      Je mentionne en passant que, depuis le 15 août 2007, le registraire a pour politique de ne plus demander aux requérants d’enregistrer des désistements à l’égard de certains éléments des marques de commerce, quoique les désistements volontaires continuent d’être acceptés. J’ai également remarqué, en examinant le dossier, que la demande en cause a été approuvée aux fins d’annonce après l’entrée en vigueur de la nouvelle politique.

 

Contre-preuve de l’opposante

Mary P. Noonan

[24]      L’affidavit de Mme Noonan sert à présenter en preuve les copies de 13 enregistrements où le terme THE ORIGINAL a fait l’objet d’un désistement et de 18 enregistrements où le mot ORIGINAL a fait l’objet d’un désistement. L’opposante se fonde sur l’état du registre des marques de commerce pour affirmer que [traduction] « [l]es quelques cas [de marques déposées] cités par la requérante [voir le paragraphe 20 ci-dessus] ne font que refléter la variabilité des examens [sous les auspices du registraire] dans une minorité de cas ».

[25]      Bien entendu, après le 15 août 2007, le processus d’examen des demandes d’enregistrement de marques de commerce est devenu uniforme en ce qu’il ne requiert plus de désistements. De toute façon, la Commission n’est pas liée par les décisions ou procédures administratives des autres sections de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada.

 

Historique du dossier de la marque THE ORIGINAL THREADLOCKER & Dessin

[26]      Comme l’a fait remarquer l’opposante dans son plaidoyer écrit, avant que le registraire adopte sa nouvelle politique mentionnée au paragraphe 23 ci-dessus, l’opposante a accédé à une demande de désistement faite par le registraire à l’égard des mots ORIGINAL et THREADLOCKER.

 

Roslyn Theodore-McIntosh

[27]      L’affidavit de Mme Theodore-McIntosh sert à mettre en preuve d’autres définitions du mot « original » tirées de deux dictionnaires de référence courants.

 

Fardeau ultime et fardeau de preuve initial

[28]      C’est à la requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce comme le prétend l’opposante dans sa déclaration d’opposition. Toutefois, conformément aux règles habituelles de la preuve, l’opposante doit aussi s’acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels reposent les allégations contenues dans sa déclaration d’opposition : voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée, 30 C.P.R. (3d) 293, à la page 298. Le fait qu’un fardeau de preuve initial soit imposé à l’opposante relativement à une question donnée signifie que la question ne sera examinée que s’il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question.

 

Premier et deuxième motifs d’opposition

[29]      La date pertinente pour examiner un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerces est la date de décision : voir Lubrication Engineers, Inc. c. Conseil canadien des ingénieurs (1992), 41 C.P.R. (3d) 243 (C.A.F.). Comme je l’ai dit plus haut, l’opposante a un fardeau de preuve initial l’obligeant à produire suffisamment d’éléments de preuve pour attester la véracité de ses allégations. La question de savoir si la marque de la requérante donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises doit être examinée du point de vue de l’acheteur moyen de ces marchandises. En outre, il ne faut pas décomposer la marque en ses différents éléments et l’analyser minutieusement, mais la considérer dans son ensemble sous l’angle de la première impression qui s’en dégage. Le mot « claire » n’est pas synonyme de [traduction] « précise », mais plutôt de [traduction] « facile à comprendre, évidente ou simple » : voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1978), 40 C.P.R. (2d) 25 (C.F. 1re inst.); Atlantic Promotions Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1984), 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.); Canada (Registraire des marques de commerce) c. Provenzano (1977), 37 C.P.R. (2d) 189 (C.F. 1re inst.).

[30]      Compte tenu particulièrement de la preuve au dossier concernant (i) les définitions du dictionnaire des mots composant la marque dont l’enregistrement est demandé, (ii) la promotion et la vente d’adhésifs à base de cyanoacrylate au Canada en liaison avec le terme « superglue » ou « super glue » par différents tiers et (iii) l’emploi générique du terme « the original super glue » par la requérante elle-même, j’estime que l’opposante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le consommateur moyen, en voyant la phrase THE ORIGINAL SUPER GLUE, réagirait en pensant que le produit est la formule originale d’une colle très forte disponible sur le marché grand public, génériquement connue sous le nom de « super glue ». Le consommateur moyen ne saurait pas nécessairement que le terme THE ORIGINAL SUPER GLUE renvoie à un produit à base de cyanoacrylate, mais comprendrait qu’il s’agit de la première colle forte, génériquement appelée « super glue », disponible sur le marché de la consommation.

[31]      Comme la preuve de l’opposante établit que Henkel Canada Corporation a vendu de la super colle au Canada pendant plusieurs années avant la date de production de la demande en cause (fondée en partie sur un emploi projeté au Canada) et que des tiers ont vendu de la super colle aux États-Unis avant la requérante, Pacer Technology (par l’intermédiaire de sa filiale Super Glue Corporation), j’estime que la phrase THE ORIGINAL SUPER GLUE donne une description fausse et trompeuse, plutôt qu’une description claire, des marchandises de la requérante.  L’opposante a donc gain de cause quant au deuxième motif d’opposition.

 

Troisième motif d’opposition

[32]      En ce qui concerne le troisième motif d’opposition, l’alinéa 30i) s’applique si une fraude de la part de la requérante est alléguée ou si des dispositions législatives fédérales précises empêchent l’enregistrement de la marque dont l’enregistrement est demandé : voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol‑Myers Co., (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la page 155 et Société canadienne des postes c. Registraire des marques de commerce (1991), 40 C.P.R. (3d) 221. En l’espèce, les allégations n’étayent pas le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i), et celui-ci est donc rejeté.

 

DEMANDE No 1321915

[33]      La demande d’enregistrement no 1321915 pour la marque THE ORIGINAL SUPER GLUE & Dessin, reproduite ci-après, a été produite le 27 octobre 2006 sur la base de l’emploi et de l’enregistrement de la marque aux États-Unis, et de son emploi projeté au Canada, en liaison avec les marchandises énumérées ci-dessous :

 

(1) Produits adhésifs utilisés par l’industrie, le commerce et les amateurs; produits adhésifs pour la maison et le bureau.

(2) Cosmétiques pour les ongles, nommément colle pour les ongles.

(3) Produits adhésifs utilisés par l’industrie, le commerce et les amateurs pour le collage et la réparation en général, produits adhésifs à usage domestique.

 

[34]      La requérante revendique une date de priorité de production, soit le 27 avril 2006, pour les marchandises décrites en (2) ci-dessus, en vertu de l’article 34 de la Loi sur les marques de commerce, sur la base de la production d’une demande correspondante aux États-Unis. La demande en cause a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 23 janvier 2008, et Henkel Corporation s’y est opposée le 12 juin 2008. Les questions à trancher, les dates pertinentes et la preuve au dossier sont essentiellement les mêmes que dans l’opposition concernant la demande no 1285513, et le résultat est le même. J’estime donc que l’enregistrement de la marque visée par la demande est interdit par l’alinéa 12(1)b) de la Loi parce que la marque, considérée dans son ensemble, donne une description fausse et trompeuse des marchandises de la requérante puisque les mots qui la composent dominent sa composante graphique. À cet égard, je suis les indications que le juge O’Reilly a données dans Conseil canadien des ingénieurs c. John Brooks Co., 35 C.P.R. (4th) 507, à la page 514 (C.F. 1re inst.), qui a infirmé 22 C.P.R. (4th) 547 (C.O.M.C.) :

D’après la jurisprudence, le critère applicable est la question de savoir si les mots donnant une description fausse et trompeuse [traduction] « dominent la marque de commerce visée par la demande au point … de faire obstacle à l’enregistrement de celle‑ci … » : Chocosuisse Union des Fabricants -- Suisses de Chocolate c. Hiram Walker & Sons Ltd. (1983), 77 C.P.R. (2d) 246 (C.O.M.C.), citant Lake Ontario Cement Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1976), 31 C.P.R. (2d) 103 (C.F. 1re inst.).

 

 

DEMANDE No 1326421

[33]      La demande d’enregistrement no 1326421 pour la marque THE ORIGINAL SUPER GLUE a été produite le 1er décembre 2006 sur la base de l’emploi et de l’enregistrement de la marque aux États-Unis, et de son emploi projeté au Canada, en liaison avec les marchandises suivantes :

                                    Cosmétiques pour les ongles, nommément colle pour les ongles.

 

[34]      La requérante revendique une date de priorité de production, soit le 2 juin 2006, en vertu de l’article 34 de la Loi sur les marques de commerce, sur la base de la production d’une demande correspondante aux États-Unis. La demande en cause a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 14 novembre 2007, et Henkel Corporation s’y est opposée le 14 avril 2008. Les questions à trancher, les dates pertinentes et la preuve au dossier sont essentiellement les mêmes que dans l’opposition concernant la demande no 1285513, et le résultat est le même. J’estime donc que l’enregistrement de la marque visée par la demande est interdit par l’alinéa 12(1)b) de la Loi parce que la marque donne une description fausse et trompeuse des marchandises de la requérante.

 

Décision

[35]      Compte tenu de ce qui précède, les demandes nos 1285513, 1321915 et 1326421 sont repoussées. La présente décision est rendue en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

 

___________________

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, trad. a.

 

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