Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2010 COMC 87

Date de la décision: 2010-05-19

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Imperial Parking Canada Corporation à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1276156 pour la marque de commerce NET PARKING.NET & Dessin  au nom de 6338925 Canada Inc.

Les procédures

[1]               6338925 Canada Inc. (la Requérante) a déposé le 18 octobre 2005 une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce NET PARKING.NET & Dessin telle que ci-dessous illustrée 

NET PARKING.NET & DESIGN (la Marque)

fondée sur un emploi projeté en liaison avec :

Système de télégestion d'équipements informatiques, électroniques et d'appareils mécaniques utilisés en relation avec l'opération de parcs de stationnement nommément: des systèmes de contrôles d'accès et de collection de revenu nommément: des postes de garde et de surveillance, détecteurs, barrières, modules d'accès et de paiement; systèmes de sécurité, de surveillance et de services à la clientèle en direct nommément: des caméras, écrans, microphones, haut-parleurs; des logiciels de gestion et de traitement de données pour la télégestion de données par voie téléphonique et télématique en relation avec l'opération de parcs de stationnement; des logiciels pour le commerce électronique utilisé en relation avec des réservations, des abonnements et des paiements de services de stationnement traités à distance par l'intermédiaire d'un système téléphonique et télématique nommément: des sites internet transactionnels (« Marchandises ») et

vente et location de logiciels et d'équipements informatiques, électroniques et mécaniques pour l'opération et la gestion de parcs de stationnement. L'opération et la gestion de parcs de stationnement automobile et des équipements de stationnement. Des services conseils et support technique en relation avec l'opération et la gestion de parcs de stationnement. (“Services”)

[2]               Cette demande fut publiée le 30 août 2006 dans le Journal des marques de commerce pour fins d’opposition. Imperial Parking Canada Corporationl’Opposante») a déposé le 30 janvier 2007 une déclaration d’opposition que le registraire a transmise le 15 février 2007 à la Requérante. La Requérante a produit le 25 mai 2007 une contre-déclaration niant essentiellement tous les motifs d’opposition ci-après décrits.

[3]               L’Opposante a produit l’affidavit de Jane Zsigmond pour sa preuve. La Requérante n’a pas produit de preuve. Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. Malgré le fait que l’audience ait été tenue à la demande de la Requérante, cette dernière n’était pas représentée lors de l’audience.

Les motifs d’opposition

[4]               Les motifs d’opposition plaidés sont :

1. La Marque n’est pas enregistrable en vertu des dispositions de l’article 12(1)(d) de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13 (Loi) car elle porte à confusion avec la marque de commerce de l’Opposante P & Dessin, demande d’enregistrement 1,277,933, qui sera enregistré prochainement;

2. La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions de l’article 16(3)(a) de la Loi car à la date de production de la demande, la Marque portait à confusion avec la marque de commerce P & Dessin employée antérieurement au Canada par l’Opposante en liaison avec des services de gestion et d’exploitation de parcs de stationnement et des équipements de parcs de stationnement;

3. La Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi en ce qu’elle ne distingue pas ou n’est pas apte à distinguer les Marchandises et Services des marchandises et services de l’Opposante.

Fardeau de preuve en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce

[5]               Dans le cadre de procédures en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce, l’Opposante doit présenter suffisamment d’éléments de preuve se rapportant aux motifs d’opposition qu’elle soulève afin qu’il soit apparent qu’il existe des faits qui peuvent supporter ces motifs d’opposition. Si l’Opposante satisfait cette exigence, la Requérante devra alors convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir Joseph Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Limited, (1990), 30 C.P.R. (3d) 293].

L’enregistrabilité de la Marque sous l’article 12(1)(d) de la Loi

[6]               Le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi présuppose l’existence d’une marque déposée lors de la production de la déclaration d’opposition. Si l’enregistrement est obtenu subséquemment à la production de la déclaration d’opposition, celle-ci doit être amendée en conséquence. Or l’Opposante n’a jamais amendé sa déclaration d’opposition pour alléguer l’enregistrement de sa marque de commerce. Tel que libellé le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi est invalide. Il est donc rejeté [voir Caribbean Cultural Committe-Caribana v. Khan (1999) 3 C.P.R. (4th) 101].

Le droit à l’enregistrement de la Marque

[7]               La date pertinente pour analyser le second motif d’opposition est la date de production de la demande d’enregistrement [voir l’article 16(3) de la Loi].

[8]               Pour se décharger de son fardeau initial de preuve l’Opposante doit prouver l’emploi de sa marque P & Dessin ou que celle-ci était connue au Canada antérieurement au 18 octobre 2005.

[9]               Mme Zsigmond est une technicienne juridique à l’emploi de l’Opposante depuis le 15 août 2006. Elle affirme que l’Opposante est l’une des trois compagnies les plus importantes dans le domaine de la gérance de parcs de stationnement en Amérique du Nord. Toutefois ce territoire comprend non seulement le Canada mais également les États-Unis et le Mexique. Elle affirme que l’Opposante opère environ 1570 parcs de stationnement au Canada. Cependant elle ne nous dit pas depuis quand l’Opposante a débuté ses activités au Canada. (mon soulignement)

[10]           Mme Zsigmond a produit un document (pièce A à son affidavit) relatant l’historique de la compagnie Impark Parking Corporation. Je note que dans son affidavit elle a défini l’Opposante comme étant Impark mais elle ne fournit aucune explication pouvant nous éclairer sur le lien qui existerait entre l’Opposante et Impark Parking Corporation. Je ne peux inférer que l’Opposante et Impark telle qu’identifiée à la pièce A ne forment qu’une seule et même entité corporative. De plus aucune information ne nous est fournie quant à l’origine de ce document. Le contenu de ce document constitue une preuve par ouï-dire. Finalement cette pièce fait référence à d’autres entités corporatives telles qu’Impark Parking Management, LLC et The Gates Group, LLC.

[11]           L’affiant produit des photos d’enseignes que l’on retrouve sur les parcs de stationnement opérés par Impark. J’ai déjà mentionné l’ambigüité que soulève l’emploi du terme IMPARK que l’on retrouve dans le texte des pièces produites par Mme Zsigmond. De plus ce terme apparaît sur les enseignes. En effet on aperçoit sur les photos produites (pièce B à son affidavit) la marque P & Dessin tel que ci-après illustrée :

P DESIGN

et au dessous l’inscription IMPARK. Nous n’avons aucune information sur l’identité de l’entité corporative qui utilise ce nom commercial. Finalement nous n’avons aucune information quant à l’identité de la personne qui a pris ces photos, quand et l’endroit où elles ont été prises. S’agit-il de parcs de stationnement situés au Canada?

[12]           Nous n’avons pas les chiffres d’affaires de l’Opposante en liaison avec l’emploi de la Marque au Canada. La preuve produite par l’Opposante ne démontre pas clairement l’emploi de la marque de commerce P & Dessin par l’Opposante au Canada (mon soulignement) antérieurement à la date pertinente. De plus cette preuve ne me permet pas de conclure que l’Opposante n’avait pas abandonné l’emploi de la marque de commerce P & Dessin au moment de l’annonce de la demande de la Requérante soit au 30 août 2006 comme l’exige l’article 16(5) de la Loi.

[13]           Ainsi l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de preuve. Je procéderai quand même à l’analyse des critères énumérées à l’article 6(5) de la Loi pour déterminer s’il a probabilité de confusion entre les marques en présence au cas où je serais dans l’erreur en concluant que l’Opposante ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve initial.

[14]           En présumant que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve initial, la Requérante doit donc prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de confusion entre la Marque et la marque P & Dessin de l’Opposante [voir Christian Dior, S.A. c. Dion Neckwear Ltd [2002] 3 C.F.405].

[15]           La probabilité de confusion entre deux marques de commerce doit s’analyser en fonction des circonstances propres à chacun des dossiers. Le test applicable est décrit à l’article 6(2) de la Loi. Ainsi l’emploi de la Marque créera de la confusion avec la marque de l’Opposante si l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises et services liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, loués ou exécutés par la même personne, que ces services ou marchandises soient ou non de la même catégorie générale. Une liste non exhaustive des circonstances pertinentes apparaît à l’article 6(5) de la Loi soit : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent . Pour une analyse de ces critères je réfère à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Mattel Inc. c. 3894207 Canada Inc., (2006) 49 C.P.R. (4th) 321.

[16]           La Marque possède un caractère distinctif inhérent. Elle comporte des éléments graphiques originaux tels que la représentation d’une souris d’ordinateur à l’intérieur de la lettre P. Toutefois la présence du mot « parking » comme élément de la Marque fait en sorte que celle-ci, prise dans son ensemble, est suggestive du champ d’activité (opération de parcs de stationnement) en rapport avec lequel les marchandises et les services seront offerts.

[17]           La marque de l’Opposante possède un caractère distinctif inhérent plus faible que celui associé à la Marque. En effet la marque de l’Opposante consiste en une représentation graphique d’une lettre de l’alphabet. Or les marques de commerce consistant principalement d’une ou des lettres de l’alphabet ne jouissent pas d’un caractère distinctif inhérent important [voir GSW Ltd. c. Great West Steel Industries Ltd. (1975), 22 C.P.R. (2d) 154]. De plus j’ai consulté le dictionnaire Le Robert, comme j’ai le pouvoir discrétionnaire de le faire [voir Rowntree Co. c. Paulin Chambers Co. [1968] S.C.R. 134] et il est indiqué que la lettre P sert d’abréviation et de symbole pour désigner « parc de stationnement ». Ce commentaire vaut également pour la lettre P que l’on retrouve dans la Marque.

[18]           Le caractère distinctif d’une marque peut toutefois être rehaussé par son usage ou sa promotion. Or la Requérante n’a produit aucune preuve au dossier et il est donc impossible de savoir à quel point la Marque serait connue au Canada d’autant plus que la demande d’enregistrement a été produite sur la base d’un emploi projeté.

[19]           De la preuve ci-haut décrite je ne peux conclure que la marque de l’Opposante P & Dessin était connue au Canada à toute date pertinente au dossier. Puisque la Marque possède un plus grand caractère distinctif inhérent que celui associé à la marque de commerce de l’Opposante, le premier facteur énuméré à l’article 6(5) de la Loi favorise la Requérante.

[20]           Quant au deuxième critère énoncé à l’article 6(5) tel qu’indiqué précédemment je ne suis pas convaincu que l’Opposante ait démontré l’emploi de sa marque de commerce au Canada antérieurement  au 18 octobre 2005. Comme il n’y a pas de preuve d’emploi de la Marque au Canada, ce facteur ne favorise aucune des parties.

[21]           Les troisième et quatrième critères favorisent l’Opposante puisqu’il y a chevauchement entre les Marchandises et Services et les services de gestion de parcs de stationnement de l’Opposante. Je n’ai aucune preuve qui démontrerait que la nature du commerce de la Requérante serait différente de celui de l’Opposante. Au contraire vu la similitude des marchandises et des services des parties en présence, je ne peux que présumer que le nature de leur commerce respectif est similaire sinon identique.

[22]           Le degré de ressemblance entre les marques en présence a maintes fois été considéré comme étant l’un des facteurs les plus importants à évaluer lors de l’analyse de la probabilité de confusion entre deux marques de commerce [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, conf. 60 C.P.R. (2d) 70].

[23]           Dans son plaidoyer écrit l’Opposante prétend que la Marque incorpore la lettre P ayant une apparence similaire à sa marque de commerce déposée. Elle souligne également que le carré faisant partie de son graphisme se retrouve sur la barre verticale au devant de la lettre P du graphisme de la Marque. Pour souligner ces similitudes elle a placé côte-à-côte les marques des parties.

[24]           Il a été maintes fois mentionné que le test applicable n’est pas de décortiquer les marques pour en dresser un tableau des similitudes et différences. Il faut plutôt imaginer le consommateur moyen ayant un souvenir imparfait de la marque de l’Opposante. Face à la Marque, ce consommateur sera-t-il porté à croire que les Marchandises et Services proviennent de l’Opposante?

[25]           Or la marque de l’Opposante est la lettre P avec un graphisme. Le consommateur moyen retiendra que la marque de l’Opposante est la lettre P avec tout au plus la présence d’une croix séparant la partie verticale de la partie sphérique de la lettre. La portion vocable de la Marque est « net parking point net ». La Marque comporte également une portion graphique incluant le dessin d’une souris d’ordinateur. Il s’en suit que la Marque suggère un certain aspect technologique des Marchandises et Services. Bien que la lettre P se retrouve dans le graphisme de la Marque et peut être associée à un parc de stationnement, il n’en demeure pas moins que les marques des parties, prises dans leur ensemble ne se ressemblent pas tant en apparence, que phonétiquement et de par les idées qu’elles suggèrent. Ce facteur favorise la Requérante.

[26]           J’arrive à la conclusion que la Requérante s’est déchargée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne porte pas à confusion avec la marque P & Dessin de l’Opposante. Je fonde ma décision sur le fait que la Marque possède un caractère distinctif inhérent supérieur à la marque de l’Opposante, que les marques ne se ressemblent guère et que le seul élément commun aux deux marques en présence est la lettre P qui est, à tout le moins, hautement suggestive lorsqu’elle est employée en liaison avec l’exploitation de parcs de stationnements.

[27]           Donc peu importe que l’Opposante se soit déchargée de son fardeau de preuve initial ou pas, le deuxième motif d’opposition est rejeté.

[28]           J’ajouterais que si j’avais interprété le premier motif d’opposition tel que libellé comme étant un motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(b) de la Loi (pour tenir compte de la référence à la demande d’enregistrement pendante de l’Opposante au moment de la production de la déclaration d’opposition) le résultat de l’analyse des critères de l’article 6(5) aurait été le même et ce motif aurait également été refusé.

Caractère distinctif de la Marque

[29]           Le caractère distinctif de la Marque doit s’apprécier à la date de production de la déclaration d’opposition [voir Andres Wines Ltd. and E&J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, et Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317]. L’Opposante doit d’abord démontrer que sa marque de commerce P & Dessin était suffisamment connue au Canada le 30 janvier 2007 [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44]. La preuve décrite ci-haut ne me permet pas d’arriver à cette conclusion. Encore une fois si cette conclusion était erronée, j’aurais eu par la suite à décider si la Marque porte à confusion avec la marque de commerce P & Dessin de l’Opposante. Le résultat de cette analyse aurait été identique à celui obtenu dans le cadre de l’analyse du premier motif d’opposition et ce même si les dates pertinentes soient différentes.

[30]           Je rejette également le troisième motif d’opposition.

 

 

 

Conclusion

[31]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre de la commission des oppositions

Office de la propriété intellectuelle du Canada

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