Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 45

Date de la décision : 2011-03-14

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par RPM, A Partnership à l’encontre de l’enregistrement no 1,263,721 pour la marque de commerce STONESCAPE au nom d’American Biltrite Intellectual Properties, Inc., a Delaware corporation

Contexte

[1]               Le 6 juillet 2005, American Biltrite Intellectual Properties, Inc., a Delaware corporation                   (la Requérante), a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce STONESCAPE (la Marque) fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada. L’état déclaratif des marchandises modifié comprend ce suit : « revêtements de sol composites faits d’un matériaux non vinylique contenant de la pierre et des polymères ».

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 27 décembre 2006.

[3]               Le 1er mars 2007, RPM, A Partnership (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande d’enregistrement en invoquant six motifs d’opposition. Les motifs d’opposition sont les suivants : la demande de la Requérante ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13(la Loi), la Marque n’est pas enregistrable conformément à l’alinéa 12(1)d), la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque conformément aux alinéas 16(3)a), b) et c), et la Marque n’est pas distinctive. Les cinq autres motifs sont fondés sur la probabilité de confusion relativement à l’emploi et à l’enregistrement, par l’Opposante, de ses marques de commerce dont le préfixe est STON, lesquelles sont jointes à titre d’annexe A, ou de son nom commercial STONHARD.

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration, dans laquelle elle a nié les allégations de l’Opposante.

[5]               La preuve de l’Opposante est composée de l’affidavit de M. Thomas G. Higgins. La preuve de la Requérante est composée des affidavits de Henry W. Winkleman, Jennifer Stecyk et Rohan Brown. Seul M. Higgins a été contre-interrogé au sujet de son affidavit et la transcription, les pièces et les réponses aux engagements ont été versés au dossier.

[6]               La Requérante et l’Opposante ont produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue à laquelle les deux parties ont été habilement représentées.

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

[7]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l'Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d'opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

[8]               Les dates pertinentes qui s’appliquent à l’égard des motifs d’opposition sont les suivantes :

         Article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), p. 475];

         Alinéa 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         Paragraphe 16(3) - la date de production de la demande [Voir le paragraphe 16(3)];

         Absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Question préliminaire

[9]               La Requérante fait valoir que l’Opposante n’a prouvé l’emploi d'aucunes de ses marques. Si une preuve d’emploi a été produite, la Requérante soutient que cet emploi ne profite pas à l’Opposante conformément à l’article 50 de la Loi. L’article 50 de la Loi est rédigé comme suit :

50(1) Pour l’application de la présente loi, si une licence d’emploi d’une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l’emploi, la publicité ou l’exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial — ou partie de ceux-ci — ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s’il s’agissait de ceux du propriétaire.

[10]           L’Opposante est une société de personnes composée de RPM Canada Company et de RPM Canada Investment Company, deux sociétés de portefeuille qui n’exercent pas leurs activités au Canada. StonCor Group Division est une unité d’exploitation de l’Opposante et exerce ses activités au Canada pour Stonard et StonCor Group (toutes deux étant des noms commerciaux enregistrés de l’Opposante). Les produits de l’Opposante sont fabriqués par StonCor Group Inc. aux État-Unis et ensuite importés et distribués au Canada par StonCor Group Division.

[11]           L’Opposante explique que StonCor Group Division vend ses propres produits et ne s’appuie pas sur des produits vendus ou fabriqués par des tiers. Étant donné que StonCor Group Division fait partie d’une société de personnes, l’Opposante soutient qu’il n’est pas nécessaire d’effectuer un contrôle de la qualité. Le contrôle sur les caractéristiques et la qualité des marchandises ou des services, selon l’Opposante, est nécessaire uniquement dans une situation relevant de l’article 50 lorsque l’Opposante s’appuie sur l’emploi par un licencié.

[12]           L’Opposante n’a pas produit d’échantillon ou d’emballage ni aucune étiquette ou facture qui démontrent qu’il y eu emploi de ses marques en liaison avec les marchandises. Sur le site Web www.stoncorgroup.ca, Stonhard est identifié comme faisant partie de StonCor Group, qui est décrit comme [traduction] « l’unique source pour répondre aux besoins en matière de couvre‑plancher, de revêtement […] et de stratégie structurale ». Bien que dans le bas de chaque page du site Web, coin droit, on fait référence à RPM Canada (« an RPM Canada […] »), le côté droit de chacune des pages semble avoir été découpé, ce qui nous empêche de dire clairement ce que signifie le reste de cette mention.

[13]           Les fiches techniques des produits remises aux clients éventuels jointes à titre de pièce K à l’affidavit de M. Higgins livrent un message différent aux consommateurs. À cet égard, Stonhard est identifiée comme une filiale de StonCor Group Inc. Selon ce message, les consommateurs comprendraient que la source des marchandises est StonCor Group Inc. plutôt que l’Opposante.

[14]           Monsieur Higgins a affirmé dans son contre-interrogatoire que les marchandises de l’Opposante sont fabriquées par StonCor Group Inc. aux États-Unis et achetés auprès de cette dernière. De plus, il explique que StonCor Group Inc. est également une filiale en propriété exclusive de RPM International Inc., tout comme l’Opposante. Or, l’Opposante n’a pas expliqué la relation entre ces deux filiales et leur société mère commune. À mon avis, l’emploi par StonCor Group Inc. ne signifie pas qu’il y a emploi par l’Opposante étant donné que StonCor Group Inc. est une entité juridique distincte.

[15]           Le fait que l’Opposante et StonCor Group Inc. sont des filiales de RPM International Inc., et que l’unité d’exploitation de l’Opposante, StonCor Group, vend les marchandises au Canada n’élimine pas la nécessité du contrôle de la qualité et l’exigence selon laquelle l’emploi des marques doit faire l’objet d’une licence conformément à l’article 50 de la Loi. À cet égard, la structure d’entreprise à elle seule n’établit pas l’existence d’un contrat de licence. À la page 254 de la décision dans l’affaire MCI Communications Corp. c. MCI Multinet Communications Inc. (1995), 61 C.P.R. (3d) 245 (C.O.M.C.), M. Martin, membre de la Commission, a fait l’observation suivante :

 

[traduction]

En conséquence, il incombait à l’opposante d’établir les faits permettant de conclure qu’un contrat de licence informel existait, et que l’opposante avait un contrôle direct ou indirect sur les caractéristiques ou la qualité des services fournis suivant le contrat de licence. L’opposante prétend qu’elle s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait en démontrant que MCIT et MCII sont ses filiales en propriété exclusive. Ce fait à lui seul est, à mon sens, insuffisant pour établir l’existence d’une licence au sens de l’article 50. L’opposante doit également prouver qu’elle contrôle l’emploi de ses marques par ses filiales, et qu’elle prend des mesures pour garantir les caractéristiques et la qualité des services fournis.

 

[16]           La preuve en l’espèce ne satisfait pas à ce critère. Bien que l’Opposante ait fait valoir qu’il n’est pas nécessaire d’effectuer un contrôle de la qualité parce que c’est une société de personnes qui vend le produit, la preuve démontre que le produit est fabriqué par un tiers aux États-Unis et que le nom de cette entreprise figure sur les marchandises. L’Opposante n’est pas liée à cette autre entreprise. Leur seul lien est qu’elles sont toutes les deux des filiales de RPM International Inc.

[17]           Compte tenu de ce qui précède, je dois conclure que tout emploi qui a été établi ne profite pas à l’Opposante en vertu de l’article 50 de la Loi.

Motif fondé sur l’alinéa 30i)

[18]           Lorsqu’un requérant a produit la déclaration exigée en vertu de l’alinéa 30i), le motif d’opposition fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans les cas exceptionnels, par exemple lorsque la preuve permet d’établir la mauvaise foi de la part du requérant [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155]. Comme tel n’est pas le cas en l’espèce, je rejette ce motif d’opposition.

Motif fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[19]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) porte essentiellement sur la question de la probabilité de confusion entre la Marque et chacune des marques de commerce enregistrées de l’Opposante, lesquelles figurent à l’annexe A.

[20]           Je souligne que l’Opposante a satisfait au fardeau initial concernant le motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) puisque tous ses enregistrements sont en règle.

[21]           J’estime que la thèse de l’Opposante est la plus solide concernant le motif portant que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi en raison de la probabilité de confusion avec les marques STONCOR et STONHARD de l’Opposante.

Test en matière de confusion

[22]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. En appliquant le test en matière de confusion, le registraire doit prendre en considération toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, soit : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas forcément le même.

[23]           Dans Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la méthode à appliquer pour apprécier les circonstances dont il faut tenir compte pour déterminer si deux marques créent de la confusion. C’est en ayant ces principes généraux à l’esprit que j’examinerai les circonstances de l’espèce.

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[24]           Toutes les marques ont un caractère distinctif inhérent similaire puisqu’elles sont toutes des mots inventés. Les marques sont relativement faibles lorsqu’elles sont employées en liaison avec les marchandises et les services des parties parce qu’elles comportent toutes le terme STON ou STONE qui laisse entendre que les produits de revêtements de sol sont faits, entre autres, en pierre.

[25]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l’emploi. La preuve produite par la Requérante démontre qu’il y a emploi de la Marque au Canada depuis 2005. À cet égard, les ventes annuelles de couvres-planchers par la Requérante au Canada entre octobre 2005 et le 1er juin 2008 se sont chiffrées entre 160 000 $ et 550 000 $. Le licencié de la Requérante, American Biltrite (Canada) Ltd. a également dépensé plus de 110 000 $ pour promouvoir et commercialiser STONESCAPE dans des salons professionnels et dans la presse écrite entre 2005 et 2008.

[26]           D’autre part, l’Opposante soutient qu’elle emploie ses marques depuis au moins 2000. Pour corroborer cette assertion, la preuve produite par M. Higgins fournit les renseignements suivants :

         Les ventes annuelles de produits et services de Stonhard au Canada en liaison avec les marques de l’Opposante pour les années 2000 à 2007 ont dépassé 25 millions de $ (bien qu’aucune ventilation par marque n’a été fournie);

         Stonhard fait la promotion des marchandises et des services visés par les enregistrements de l’Opposante au moyen des sites Web de StonCor Goupr Division, d’annonces imprimées dans des revues spécialisées et d’autres publications imprimées au Canada, grâce à des inscriptions dans des annuaires d’associations canadiennes dans le domaine de la construction;

         En plus de la promotion au moyen des sites Web et des publicités payées, StonCor Group Division fournit des articles promotionnels aux clients actuels et éventuels et fait la promotion de son entreprise en participant à des salons professionnels au Canada;

         StonCor Group Division a dépensé en moyenne au moins 100 000 $ annuellement au cours des dernières années pour la publicité et la promotion de son entreprise et des marques de commerce de l’Opposante au Canada;

         Les produits de revêtements de sol de l’Opposante ont été installés à diverses fins dans divers endroits au Canada dans au moins sept provinces;

         Au moins une des marques de l’Opposante figure sur presque chaque produit ou service offert au Canada par l’Opposante, principalement sur des dépliants et des factures accompagnant les marchandises au moment de la livraison ou peu de temps après, sur des fiches techniques de produits et sur les instructions relatives aux produits fournies au moment de la livraison.

[27]           D’après les renseignements qui précèdent, il semble que les marques de l’Opposante sont devenues connues dans une plus large mesure au Canada que la Marque. Cependant, étant donné que l’emploi qui a été établi ne profite pas à l’Opposante, cette dernière ne peut s’appuyer sur aucune notoriété qui aurait pu être acquise grâce à l’emploi non autorisé de ses marques de commerce. Ce facteur joue donc en faveur de la Requérante.

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage

[28]           La période de temps pendant laquelle chaque marque a été en usage favorise la Requérante puisque l’Opposante n’a pas prouvé l’emploi de ses marques visées par les enregistrements.

Alinéa 6(5)c) et d) - le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[29]           Dans le cadre de l’examen des marchandises, des services et du commerce des parties, c’est l’état déclaratif des marchandises ou des services contenu dans la demande et dans l’enregistrement de marque de commerce des parties qui est déterminant en ce qui a trait à la question de la confusion au sens de l’alinéa 12(1)d) [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)]. Les marchandises et services visés par l’enregistrement de l’Opposante vendus sous la marque STONCOR sont les suivants :

Marchandises : Produits chimiques, nommément résines époxy à deux constituants, mélanges de résines époxy à constituants multiples, agents de traitement et agrégats; matériaux ignifuges, nommément revêtements à base de ciment; revêtements époxydiques de protection; peinture, vernis et peinture-émail plastiques; planchers coulés composés de polymères; grilles en plastique renforcé.

Services : Services d’installation industrielle et commerciale de planchers, de grilles en plastique et de systèmes de revêtement de sol composés de résine époxyde, durcisseurs/agents de traitement pour utilisation avec des résines époxydes, et agrégats.

 

[30]           Les marchandises visées par l’enregistrement de l’Opposante vendues sous la marque STONHARD comprennent : produits chimiques, nommément, époxydes à deux composantes; mélanges d’époxyde à composantes multiples, agents de traitement et agrégats; mélanges d’uréthane à composantes multiples, résines et durcisseurs pour revêtements de planchers.

[31]           Les marchandises et les services des parties sont liés dans la mesure où les deux parties vendent des produits de revêtements de sol. Toutefois, la nature des marchandises des parties est différente. À cet égard, la preuve démontre que les systèmes de revêtements de sol de l’Opposante sont installés par elle ou par un sous-traitant dans les établissements des entreprises commerciales et industrielles des secteurs manufacturier, alimentaire et du domaine des traitements chimique et du transport. Le système de revêtement de sol est installé par-dessus un plancher en béton coulé et l’installation peut exiger l’utilisation de ventilation et de gants protecteurs.

[32]           D’autre part, les produits de revêtements de sol de la Requérante sont des solutions de rechange écologiques en matière de revêtements de plancher sans PVC. Ces couvre-planchers sont des revêtements de sol composites faits de carreaux pour sol non vinyliques et sont vendus au détail dans des boîtes de carton. De tels produits n’exigent pas que les revêtements soient préparés par grenaillage et les consommateurs qui installent les planchers ne sont pas tenus de porter des gants protecteurs ou d’utiliser une ventilation adéquate.

[33]           En ce qui concerne les voies de commercialisation des parties, les marchandises de l’Opposante visent une variété de clients du secteur commercial et industriel. Les marchandises ne sont pas offertes en vente au grand public ni vendues au détail. De plus, l’Opposante installe les systèmes de revêtements de sol ou s’entend avec un tiers pour les services d’installation. Enfin, le coût moyen pour l’installation du produit de l’Opposante varie entre 50 000 $ et 100 000 $.

[34]           Par contre, les carreaux pour sol de la Requérante sont vendus dans des boîtes à des entreprises de revêtements de sol. Ces entreprises vendent ensuite les produits aux consommateurs à un prix variant entre plusieurs centaines et plusieurs milliers de dollars. La preuve démontre également que depuis 2005, la Requérante a distribué des documents d’information et des échantillons commerciaux à des cabinets d’architectes, des designers, des gestionnaires d’installations, des propriétaires, des entrepreneurs en construction et des détaillants canadiens. La preuve révèle également que les produits de la Requérante ont été employés dans des endroits similaires que ceux de l’Opposante, comme des hôpitaux et des écoles.

[35]           Compte tenu de ce qui précède, et nonobstant le fait que les marchandises et les services de l’Opposante sont plus dispendieux, j’estime que les voies de commercialisation des parties pourraient se chevaucher.

Alinéa 6(5)e) - le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent

[36]           Lors de l’examen du degré de ressemblance entre les marques, les marques doivent être examinées globalement [Sealy Sleep Products c. Simpson’s Sears Ltd. (1960), 33 C.P.R. 129, p. 136 (C. de l’É. Can.)]. De plus, bien que la première composante d’une marque soit souvent considérée plus importante aux fins de l’examen du caractère distinctif, lorsqu’un mot est courant, descriptif ou évocateur, la valeur significative de la première composante diminue [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.); Vancouver Sushiman Ltd. c. Sushiboy Foods Co., 22 C.P.R. (4th) 107 (C.O.M.C.); Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.); Phantom Industries Inc. v. Sara Lee Corp. (2000), 8 C.P.R. (4th) 109 (C.O.M.C.)]. Sur ce plan, M. Pelletier, membre de la Commission, a précisé ce qui suit dans la décision Mövenpick Holding AG c. ExxonMobil Oil Corporation (2010), 86 C.P.R. (4th) 102 (C.O.M.C.), p. 119 :

Le plus souvent, la première partie d'une marque de commerce est la plus importante aux fins de la distinction, sauf lorsqu'il est établi que le mot est employé dans le commerce, ce qui est le cas en l'espèce. Quand un commerçant emploie comme marque de commerce un mot ordinaire couramment utilisé dans l'industrie, il ne peut s'attendre à ce que ce mot jouisse d'une protection étendue. Dans de tels cas, des différences relativement mineures entre les marques suffiront à les distinguer.

[37]           Les principes suivants en matière de droit des marques de commerce tirés de la décision General Motors c. Bellows (1949), 10 C.P.R. 101 at 115-116 (CSC) sont également applicables à la présente affaire :

[traduction]

[…] lorsqu’une partie emprunte son mot servant de marque au vocabulaire commercial courant et veut empêcher ses concurrents de faire de même, elle a droit à un degré de protection plus limité que lorsqu’elle invente un mot inédit ou non descriptif.

[…]

Lorsqu’un commerçant choisit des mots d’usage courant pour former son nom commercial, cela crée nécessairement un risque de confusion. Mais il faut bien courir ce risque, à mois de consentir au premier utilisateur un monopole abusif sur l’emploi de ces mots. Le tribunal verra dans une différence assez minime un moyen suffisant d’éviter la confusion. On peut légitimement s’attendre à plus de discernement de la part du public lorsqu’un nom commercial consiste, en totalité ou en partie, de mots décrivant les produits ou les services offerts.

 

Il est sans aucun doute dans l’intérêt du public d’éviter la confusion entre ces marques, mais en revanche ce même intérêt public suppose la liberté du commerçant dans ses opérations ordinaires, et en particulier dans l’emploi de mots tirés de la langue.

 

(Non souligné dans l’original.)

 

[38]           Les marques en cause se ressemblent passablement dans la présentation et le son et dans les idées qu’elles suggèrent en raison des termes STON et STONE qui forment le préfixe de chacune des marques en cause. Or, étant donné que le préfixe STON ou STONE serait aisément perçu comme décrivant une caractéristique des produits de revêtements de sol des parties (en pierre), l’importance de cette composante diminue. Par conséquent, le consommateur serait susceptible de minimiser l’importance de cette composante et de s’attarder davantage sur les autres composantes des marques qui ne se ressemblent pas.

[39]           En ce qui concerne les idées que les marques suggèrent, les marques de la Requérante suggèrent l’idée d’un produit fait de pierre accompagné d’un aspect esthétique, comme un paysage terrestre, un paysage urbain et un paysage marin. Par contre, la marque STONHARD de l’Opposante suggère l’idée d’un produit qui est dur comme de la pierre, tandis que sa marque STONCOR n’a pas de signification apparente.

Famille de marques

[40]           L’agent de l’Opposante a fait valoir, à titre de circonstance additionnelle de l’espèce, que je devrais tenir compte du fait que les quinze marques de l’Opposante, qui commencent toutes avec la composante « STON » et qui se rapportent à divers types de produits et services en matière de revêtements de sol, constituent une famille de marques. Par conséquent, l’Opposante soutient qu’elles ont droit à une plus grande protection que si la décision était uniquement fondée sur une comparaison entre une marque en particulier et une autre marque en particulier.

[41]           Toutefois, pour s’appuyer sur une famille de marques, l’Opposante doit prouver l’emploi au Canada d’au moins trois membres de cette famille [voir McDonald’s Corp. c. Yogi Yogurt (1982), 66 C.P.R. (2d) 101 (C.F. 1re inst.)]. Bien qu’il existe une certaine preuve d’emploi d’au moins trois des marques enregistrées de l’Opposante sur le marché, cet emploi ne profite pas à l’Opposante. Je ne suis donc pas convaincue que l’Opposante peut bénéficier de la notoriété des marques composées du préfixe STON sur le marché.

 

État du registre

[42]           À titre de circonstance de l’espèce, la Requérante a produit des éléments de preuve relatifs à l’état du registre au moyen de l’affidavit de Mme Stecyk. La preuve de l’état du registre sert à montrer le caractère commun ou le caractère distinctif d’une marque ou d’une partie d’une marque par rapport à l’ensemble du registre. La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où il est possible d’en tirer des conclusions concernant l’état du marché [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.)]. On ne peut tirer de conclusions quant à l’état du marché à partir de la preuve de l’état du registre que lorsqu’un nombre important d’enregistrements pertinents ont été relevés [voir Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

[43]           L’affidavit de Mme Stecyk comprend les résultats de recherches dans le registre des marques de commerce visant à démontrer qu’il existait au moins 44 enregistrements actifs et demandes d’enregistrement au Canada comprenant les termes STONE ou STON en liaison avec des produits ou des systèmes de revêtements de sol à la date de son affidavit. L’Opposante soutient que parmi les enregistrements produits en preuve, peu d’entre eux offrent une ressemblance importante avec les marques de l’Opposante, lesquelles sont des marques qui comportent un seul mot et qui commencent avec le terme STON, sans autre ajout.

[44]           Je suis d’accord avec l’Opposante pour dire que les marques visées par les enregistrements produites en preuve n’offrent pas toutes une ressemblance importante avec les marques de l’Opposante. Cela étant dit, je ne suis pas d’accord avec l’Opposante pour dire que seules les marques commençant avec le terme STON ou STONE sont pertinentes en l’espèce. À mon avis, la preuve de l’état du registre est pertinente lorsqu’elle établit l’existence de marques similaires ou de parties de marques en liaison avec des marchandises ou des services similaires. Dans la présente affaire, je suis convaincu qu’à la date de l’affidavit de Mme Stecyk, il y avait au moins 18 enregistrements de marques de commerce actifs composées d’un mot unique et demandes d’enregistrement accueillies qui comprenaient les termes STON ou STONE, soit au début ou à la fin de la marque de commerce, en liaison avec des produits de revêtements de sol.

[45]           Par conséquent, suivant la preuve produite, j’estime que le nombre de marques visées par un enregistrement relevé par Mme Stecyk est suffisant pour conclure qu’il est courant sur le marché d’adopter des marques composées du terme STON ou STONE dans le même domaine que celui des marques de l’Opposante. Les consommateurs seraient donc plus en mesure de faire la distinction entre une marque et une autre. Compte tenu de cette preuve, il ne serait pas indiqué d’accorder à la marque de l’Opposante un degré élevé de protection puisqu’il s’agit de marques faibles.

État du marché

[46]           Madame Brown est allée dans un Home Depot à Ottawa et a trouvé deux produits de revêtements de sol de tiers vendus sous les marques GEMSTONE et SNAPSTONE. Madame Brown a également visité divers sites Web de produits de revêtements de sol vendus sous des marques qui contiennent le terme STONE et a joint chaque page de site Web ou les dépliants qu’elle a obtenus auprès de ces entreprises en visitant leur site Web. Suivant la preuve de Mme Brown, mis à part les problèmes de ouï-dire, je suis disposée à inférer que le terme STONE est couramment employé par des tiers dans l’industrie des produits de revêtements de sol, ce qui signifie que les consommateurs sont habitués de voir ce terme sur le marché pertinent.

Conclusion

[47]           Ce qu’il faut se demander, c’est si un consommateur ayant un souvenir général et imparfait des marques de l’Opposante pourrait croire, en voyant la Marque de la Requérante, que les marchandises et les services des deux parties ont la même origine. Après examen de toutes les circonstances, j’estime que la Requérante s’est acquittée de son fardeau de démontrer qu’il n’existait pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause. Compte tenu du sens ordinaire et de l’emploi répandu des termes communs « ston » ou « stone » par d’autres à titre de composantes de marques de commerce dans l’industrie des produits de revêtements de sol, on ne peut accorder une protection étendue aux marques qui comprennent ces termes. De plus, l’Opposante n’a pas prouvé que l’emploi des marques composées du préfixe STON a joué en sa faveur. Je conclus donc que le consommateur ordinaire serait susceptible, à première vue, de penser que les marchandises liées aux marques de l’Opposante et à la Marque sont fabriquées ou vendues par la même personne.

[48]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est donc rejeté.

Autres motifs d’opposition

[49]           Les autres motifs d’opposition concernent également la question de la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante. Les dates importantes pour évaluer la probabilité de confusion en ce qui a trait aux motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement et au caractère non distinctif sont, respectivement, la date de production de la demande de la Requérante et la date de l’opposition.

[50]           Compte tenu des lacunes dans la preuve de l’Opposante et de la conclusion portant que la preuve d’emploi n’a pas profité à l’Opposante, je ne suis pas convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial relativement à ces deux motifs d’opposition. Quoi qu’il en soit, j’estime que les écarts entre les dates importantes n’auraient pas eu d’incidences importantes sur la question de la confusion entre les marques de commerce des parties. Par conséquent, ma conclusion ci-dessus selon laquelle il n’y a pas de risque de confusion entre les marques de commerce se serait, en grande partie, également appliquée à ces motifs d’opposition, lesquels auraient également été rejetés.

Décision

[51]           Compte tenu de ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Cindy R. Folz

Membre

Commission d’opposition des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, LL.B.

 


 

Annexe A

Marque de commerce

No d’enregistrement.

Marchandises/services

STONCOR

618493

Marchandises : Produits chimiques, nommément résines époxy à deux constituants, mélanges de résines époxy à constituants multiples, agents de traitement et agrégats; matériaux ignifuges, nommément revêtements à base de ciment; revêtements époxydiques de protection; peinture, vernis et peinture-émail plastiques; planchers coulés composés de polymères; grilles en plastique renforcé.

Services : Services d’installation industrielle et commerciale de planchers, de grilles en plastique et de systèmes de revêtement de sol composés de résine époxyde, durcisseurs/agents de traitement pour utilisation avec des résines époxydes, et agrégats.

STONLOK

490600

Coulis. Adhésifs utilisés pour l’industrie de la construction.

STONHARD

358576

Produits chimiques, nommément, époxydes à deux composantes; mélanges d’époxyde à composantes multiples, agents de traitement et agrégats; mélanges d’uréthane à composantes multiples, résines et durcisseurs pour revêtement de planchers.

STONSEAL

419085

 

Revêtements protecteurs; revêtements de polyuréthanne binaire tout usage; revêtements protecteurs colorables; revêtements anti-intempéries rétenteurs de couleur; revêtements de polyuréthane aliphatique; revêtements résistants aux agents chimiques et à l’abrasion.

STONKOTE

419083

Enduits colorables à deux composantes à base de résine époxy; résines époxy, agents réactifs/durcisseurs pour résines époxy; haut et 100% enduits solides; enduits résistant à l’abrasion; enduits résistant aux attaques chimiques; epoxydiques; durcisseur epoxydiques et résines époxy.

STONGLAZE

419084

Enduits époxydiques colorables à haute résistance; enduits à haute teneur en solides résistant aux attaques chimiques; enduits époxydiques à deux composants contenant un composant époxydique et un durcisseur; enduits renforcés à la fibre de verre; agents époxydiques, agents époxydiques réactifs et composés époxydiques.

STONLINER

418065

Novolaque époxydique, produits de revêtement en vinylester et polyester; enduits à haute résistance  pour appareils de transformation des aliments, appareils de transformation chimique, appareils de transformation de l’industrie des pâtes et papier et appareils générateurs d’électricité; enduits protecteurs; produits de revêtement époxydiques; produits de revêtement résistant aux agents chimiques; produits de revêtements résistant à l’abrasion; produits de revêtement résistant à la corrosion; produits de revêtement pulvérulents; produits de revêtement résistant à la température; apprêts époxydiques; mortiers à éléments multiples, nommément résines époxy, agents réactifs et éléments à agrégats calibrés, et mortiers.

STONECREST

418066

Enduits protecteurs colorables; enduits époxydiques polyamides à solvant organique d’usage général; enduits époxydiques à solvant organique résistant aux agents chimiques et à l’abrasion; enduits époxydiques deux éléments; résines époxy et durcisseurs époxydiques.

STONSHIELD

402558

Epoxydes, résines, agrégats pour emploi à des fins de revêtement de planchers.

STONPROOF

402561

Membranes d’imperméabilisation et époxyde.

STONCLAD

402559

Epoxyde, résines et aggrégats pour revêtement de planchers.

STONFLEX

396635

Enduits étanches.

STONCRETE

396080

Coulis de ciment.

STONSET

474547

Grouts

STONLUX

423546

Résines époxy, résines et agrégats pour sols sans joint et enduits pour planchers; éléments conducteurs, nommément fibres de carbone.

 

 

 

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