Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 204

Date de la décision : 2010-11-25

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Ronald et Nancy Mallette à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1313831 pour la marque de commerce BLOOMFIELD MALL au nom de Maritime Imports Inc.

 

[1]           Le 22 août 2006, Maritime Imports Inc [sic] (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce BLOOMFIELD MALL (la Marque), fondée sur un emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les services suivants : (1) développement, exploitation et gestion d’un projet intégré, nommément aménagement, exploitation et gestion d’immeubles à appartements, d’hôtels, d’immeubles de bureaux, de parcs de stationnement, de restaurants; (2) vente en gros et au détail de produits agricoles, de fruits et de boissons. La Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot MALL en dehors de la Marque.

[2]               La demande a été publiée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 25 juillet 2007.

[3]               Le 14 décembre 2007, Ronald et Nancy Mallette, faisant affaire sous le nom de Bloom Field Farm (l’Opposante) ont produit une déclaration d’opposition dans laquelle ils font valoir un seul motif d’opposition, fondé sur l’article 16 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi). Le libellé exact du motif invoqué est reproduit ci‑dessous.

(a)     La demanderesse n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la marque en application de l’article 16 de la Loi sur les marques de commerce, parce qu’à la date où la demande de la requérante a été produite, à savoir le 22 août 2006, la marque de commerce créait de la confusion avec une marque de commerce antérieurement employée au Canada. Cette dernière marque fait l’objet de la demande no 1340626 produite auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada le 16 mars 2007. Une copie de cette demande est annexée aux présentes.

[4]               Le document joint à la déclaration d’opposition donne les détails de la demande no 1340626, laquelle a été produite par l’Opposante le 16 mars 2007 pour la marque de commerce BLOOM FIELD. Cette demande est en partie fondée sur un emploi projeté, mais l’Opposante prétend qu’elle a employé la marque BLOOM FIELD au Canada en liaison avec ce qui suit :

i)                    plantes vivaces, aménagement paysager, aménagement de plates‑bandes et arrangements floraux au lieu d’affaires de l’Opposante et ailleurs, et aménagement de plates‑bandes et arrangements floraux depuis mai 2004;

ii)                  fruits et légumes depuis juin 2005;

iii)                fleurs coupées et jardinières de fleurs depuis mai 2006.

[5]               Bien que l’acte de procédure produit par l’Opposante ne mentionne pas l’alinéa précis de l’article 16 dont il est question, il est évident que le motif d’opposition repose sur l’alinéa 16(3)a).

[6]               La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

[7]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit une déclaration solennelle de Nancy Mallette.

[8]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit un affidavit de son agent de marques de commerce, Oliver Hunt.

[9]               Aucun contre‑interrogatoire n’a eu lieu.

[10]           Chaque partie a produit un plaidoyer écrit.

[11]           Seule l’Opposante a présenté des observations lors de l’audience. À ce moment, l’agent de l’Opposante nous a informés que l’opposition était retirée pour ce qui est des services suivants : développement, exploitation et gestion d’un projet intégré, nommément aménagement, exploitation et gestion d’immeubles à appartements, d’hôtels, d’immeubles de bureaux, de parcs de stationnement, de restaurants. Ainsi, l’opposition ne porte maintenant que sur les services suivants de la Requérante : vente en gros et au détail de produits agricoles, de fruits et de boissons.

[12]           C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau initial de produire une preuve admissible suffisante à partir de laquelle on pourrait raisonnablement conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298].

[13]           Pour s’acquitter de son fardeau initial, l’Opposante doit démontrer qu’elle a employé la marque BLOOM FIELD en liaison avec les marchandises et les services décrits avant la date à laquelle la Requérante a produit sa demande, soit le 22 août 2006. L’Opposante doit de plus démontrer qu’elle n’avait pas abandonné sa marque à la date de l’annonce de la Marque de la Requérante. (par. 16(5))

[14]           L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial pour les motifs ci-après exposés.

[15]           Mme Mallette affirme qu’elle et Ronald Mallette ont employé sans interruption la marque de commerce BLOOM FIELD au Canada en liaison avec leur entreprise qui consiste en la vente en gros et au détail de marchandises, et entre autres, de vivaces (depuis juin 2003); de jardinières, d’herbes, d’articles et accessoires de jardin, d’eau embouteillée, de thé glacé, de sodas (depuis mai 2004); et de fruits, légumes, arbres et arbustes (depuis mai 2005). Elle déclare ce qui suit : [traduction] « la quasi-totalité des ventes a eu lieu à notre magasin de la municipalité de Clarington, mais nos clients ont commandé certains de nos produits par téléphone, par la poste et par d’autres moyens ».  Or, Mme Mallette n’a pas démontré de quelle façon la marque BLOOM FIELD était associée avec l’une ou l’autre de ces marchandises.  En outre, je constate que l’Opposante n’a invoqué aucun service de vente en gros ou au détail dans sa déclaration d’opposition.

[16]           L’ « emploi » d’une marque de commerce est défini à l’article 4 de la Loi. En l’espèce, les dispositions pertinentes sont les paragraphes 4(1) et (2), qui se lisent comme suit :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[17]           Mme Mallette n’a fourni aucun élément de preuve démontrant que la marque BLOOM FIELD a été liée à l’une ou l’autre des marchandises vendues par l’Opposante de la manière prescrite par le paragraphe 4(1) à un moment quelconque.  Quant aux services, elle n’a fourni aucun élément démontrant que la marque BLOOM FIELD a été montrée dans l’exécution ou l’annonce des services mentionnés dans la déclaration d’opposition.

[18]           Les pièces produites en preuve par Mme Mallette peuvent être résumées comme suit.

[19]           Les pièces 03-1, 03-2, 04-1 à 04-3, 05-1 à 05-13, 06-1 à 06-6, et 06-8 à 06-11 consistent en des copies de factures que des fournisseurs ont envoyées à l’Opposante entre 2003 et 2006. Sur ces factures, les mots BLOOM FIELD ne figurent que dans le nom de l’acheteur ou du destinataire; toutes les factures sont adressées à Bloom Field Farm (ou à des variantes légèrement différentes de ce nom), à l’exception de la facture 04-1 qui est adressée à Bloom Field Nursery. Même si j’admets la déclaration de Mme Mallette que les différentes marchandises énumérées sur les factures ont par la suite été vendues par l’Opposante à des consommateurs, rien n’indique que la marque de commerce BLOOM FIELD était liée à ces marchandises au moment où elles ont été vendues par l’Opposante.

[20]           Bien que Mme Mallette indique que la pièce 06-7 est une copie de facture transmise par un fournisseur à l’Opposante, il semble qu’il s’agisse plutôt d’une facture transmise par Bloom Field Farm à un tiers, Kamstra Landscaping. La facture porte la date du 18 mai 2006; elle ne fait état d’aucune date d’envoi et ne précise pas qu’elle était jointe aux marchandises. (Tel qu’énoncé dans Riches, McKenzie & Herbert c. Pepper King Ltd. (2000), 8 C.P.R. (4th) 471 (C.F. 1re inst.), le registraire ne peut présumer qu’une facture est jointe aux marchandises sans un affidavit en ce sens.) Le seul endroit où les mots BLOOM FIELD apparaissent sur cette facture est dans le nom de celui qui l’a établie. Les mots BLOOM FIELD FARM figurent dans le coin gauche supérieur, au‑dessus d’une adresse. Les mots BLOOM FIELD ne sont pas disposés de manière à ce qu’ils se distinguent du mot FARM, de sorte que c’est BLOOM FIELD FARM, et non BLOOM FIELD, qui est employé.  De plus, l’emploi se rapporte à un nom de commerce, non à une marque de commerce.  Pour toutes ces raisons, la pièce 06-7 ne permet pas à l’Opposante de prouver l’emploi antérieur de sa marque de commerce BLOOM FIELD.

[21]           Les pièces EM1 à EM6 sont des copies de courriels datés de février 2008 que des clients ont envoyés à l’Opposante; ces courriels sont de nature testimoniale. Ils sont postérieurs à la date pertinente et leur contenu, y compris les références à des événements passés, constitue du ouï‑dire, ce qui les rend irrecevables. Ils ne sauraient donc permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau initial.

[22]           À l’audience, l’Opposante a fait valoir qu’elle pouvait s’acquitter de son fardeau initial à l’aide de la preuve de la Requérante, en particulier de la pièce E1 jointe à l’affidavit de M. Hunt (il s’agirait d’un imprimé du site Web de l’Opposante, daté du 20 mai 2004, obtenu par suite d’une recherche effectuée à l’adresse http://bloomfieldfarm.ca grâce au site « Wayback Machine »). Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante soutient que parce que M. Hunt est l’agent de la Requérante, son affidavit devrait être complètement écarté conformément à l’arrêt Cross-Canada Auto Body Supply (Windsor) Ltd. c. Hyundai Auto Canada (2006), 53 C.P.R. (4th) 286 (C.A.F.), confirmant (2005), 43 C.P.R. (4th) 21 (C. F.).  Or, à l’audience, l’agent de l’Opposante a soutenu que l’on pouvait tenir compte des aveux préjudiciables contenus dans l’affidavit de M. Hunt.

[23]           Je ne connais aucune décision portant qu’un opposant peut s’acquitter du fardeau que lui impose l’alinéa 16(3)a) à l’aide de la preuve soumise par le requérant. Il est vrai que, pour l’application de certains motifs d’opposition, à savoir les motifs fondés sur les alinéas 30b) ou 30e), l’opposant peut s’appuyer sur la preuve du requérant pour satisfaire à son fardeau initial. Cependant, cette exception s’applique dans ces cas parce que les faits sur lesquels repose l’emploi de sa marque par le requérant, ou son intention de l’employer, sont particulièrement bien connus du requérant (voir Brasserie Labatt Ltée c. Brasseries Molson, Société en nom collectif (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F.1re inst.); Molson Canada c. Anheuser-Busch Inc. (2003), 29 C.P.R. (4th) 315 (C.F.1re inst.); Canadian National Railway Co. c. Schwauss (1991), 35 C.P.R. (3d) 90, p. 94 (C.O.M.C.); et Green Spot Co. c J.B. Food Industries (1986), 13 C.P.R. (3d) 206, p. 210 et 211 (C.O.M.C.)). De toute évidence, ce raisonnement ne saurait s’appliquer à la preuve d’emploi par l’opposant. Je ne vois pas pourquoi le fardeau initial de l’opposant devrait être aussi léger sous le régime de l’alinéa 16(3)a) qu’il ne l’est en vertu des alinéas 30b) et 30e).

[24]           Je rejette donc le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a) parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait.

[25]           Dans le cas où j’aurais tort de conclure que l’opposant ne peut s’appuyer sur la preuve du requérant pour s’acquitter du fardeau initial que lui impose l’alinéa 16(3)a), je rejetterais quand même le motif parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial, puisque, au mieux, la pièce E1 jointe à l’affidavit de M. Hunt établit l’emploi du nom BloomField Farm, non de la marque de commerce BLOOM FIELD de l’Opposante.

[26]           L’Opposante ne s’étant pas acquittée de son fardeau initial quant au seul motif d’opposition soulevée par elle, je rejette l’opposition conformément au paragraphe 38(8) de la Loi, et ce, en vertu des pouvoirs que me confère le paragraphe 63(3) de la Loi.

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Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 

 

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