Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L'AFFAIRE DES OPPOSITIONS de Rothmans Benson & Hedges aux demandes nos 1122413 et 1122414 produites par la Compagnie Player's Inc. en vue, respectivement, de l'enregistrement des marques de commerce PLAYER'S BLUE et PLAYER'S BLEU

 

 

[1].                         Le 19 novembre 2001, la Compagnie Player's Inc. (la Requérante) a produit des demandes d'enregistrement pour les marques de commerce PLAYER'S BLEU et PLAYER'S BLUE (les Marques), en se fondant sur leur emploi projeté au Canada en liaison avec des « produits du tabac manufacturés » (les Marchandises).

 

[2].                         Ces demandes ont été annoncées aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce le 19 mars 2003.

 

[3].                         Le 19 août 2003, la société Rothmans Benson & Hedges (l'Opposante) a produit des déclarations d'opposition pour l'essentiel identiques entre elles à l'égard de chacune des demandes susdites. Les motifs de ces oppositions peuvent se résumer comme suit :

a.       Les demandes ne satisfont pas aux exigences l'alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13, et ses modifications (la Loi), en ce que la Requérante n'a pas l'intention d'employer les Marques, comme marques de commerce, en liaison avec la catégorie générale de marchandises décrite dans ces demandes.

b.      Les Marques ne sont pas enregistrables au sens de l'alinéa 12(1)d) de la Loi parce que les demandes produites en vue de leur enregistrement créent de la confusion avec diverses marques de commerce déposées.

c.       Les Marques ne sont pas distinctives à l’égard de la Requérante, étant donné qu'elles ne distinguent pas les Marchandises de la Requérante de celles d'autres propriétaires, notamment celles des propriétaires des marques déposées susdites, ni ne sont adaptées à les en distinguer.

 

[4].                         La Requérante a produit et signifié dans chaque affaire une contre-déclaration niant la totalité des motifs d'opposition.

 

[5].                         La preuve de l'Opposante dans chaque affaire consistait en l’affidavit de Perry J. Lao. J'emploierai le singulier pour désigner les deux affidavits de Me Lao, leur structure étant la même. La Requérante a présenté un seul ensemble d'affidavits – souscrits par Edmond Ricard, Chantal Dorais, Adamo Santoianni, Timothy Owen Stevenson, Eric Weaver, Iva Morina et Gay Owens – relativement aux deux présentes oppositions, ainsi qu'à six autres formées contre elle par l'Opposante. Je n'examinerai ici que les aspects de la preuve pertinents pour les présentes oppositions.

 

[6].                         Dans chaque affaire, chacune des parties a produit un plaidoyer écrit, et il a été tenu une audience, où seule la Requérante était représentée.

 

 

Résumé de la preuve de l'Opposante

 

L'affidavit de Perry J. Lao

 

[7].                         Perry J. Lao atteste qu'il est un avocat employé par le cabinet qui représente l'Opposante dans les présentes procédures d'opposition.

 

[8].                         Me Lao déclare qu'il a acheté le 14 avril 2004 des échantillons de divers paquets de cigarettes de la Requérante dans un dépanneur sis à Toronto. Il joint à son affidavit les pièces A à C, lesquelles sont des images obtenues par scanner des dessins et des mots apparaissant respectivement sur les faces antérieure et postérieure des paquets de cigarettes de la Requérante « PLAYER'S Light/Légère, Extra Light / Extra Légère ou Filter/Filtre ». Je reproduis ci‑dessous les éléments principaux de la face antérieure du paquet de cigarettes « PLAYER'S Extra Légère » de la Requérante auquel il est fait référence dans les présentes procédures d'opposition :

 

PLAYER'S EXTRA LÉGÈRE & DESIGN

 

 

[9].                         Me Lao formule diverses observations concernant les signes qui figurent sur les paquets susdits. Il déclare en outre que, à partir des représentations des produits commercialement disponibles de la Requérante qui sont jointes à son affidavit à titre de pièces A à C, il est raisonnable de conclure que les Marques visées par les demandes apparaîtraient sur les paquets d'une façon semblable aux marques PLAYER'S Light/Légère, Extra Light / Extra Légère et Filter/Filtre, de telle sorte que le mot « PLAYER'S » serait séparé du mot BLEU ou BLUE par un chevron renversé. Je n'accorde aucun poids à cette dernière partie de l'affidavit de Me Lao, qui exprime de simples conjectures.

 

[10].                     Me Lao joint aussi à son affidavit une copie conforme de chacun des enregistrements qu'invoque l'Opposante à l'appui des motifs d'opposition b) résumés ci‑dessus.

 

Résumé de la preuve de la Requérante

 

L'affidavit d'Edmond Ricard

 

[11].                     Edmond Ricard atteste qu'il est le chef du Service des marchés à terme et du développement à la Division de la commercialisation de la société Imperial Tobacco Canada Limited / Imperial Tobacco Canada Limitée (ITCan). Il déclare que, en tant que chef du service susdit, il est chargé entre autres de maintenir les marques de commerce que possèdent ITCan et ses filiales – notamment Imperial Tobacco Company Limited (ITCo), John Player & Sons Ltd. (« John Player ») et la Requérante –, ainsi que d'en surveiller l'emploi.

 

[12].                     M. Ricard déclare que, en vertu d'un accord de licence liant la Requérante et John Player, celle‑ci est autorisée à employer toutes les marques de commerce de la requérante en liaison avec la fabrication et la vente de produits du tabac. Cet accord autorise également John Player à sous-licencier ses droits, ce qu'elle a fait pour ITCan, à des conditions identiques à celles de la licence qu'elle tient de la Requérante.

 

[13].                     M. Ricard déclare qu'ITCan fabrique, commercialise et vend les cigarettes PLAYER'S SILVER au Canada depuis au moins le 15 octobre 2001.

 

[14].                     M. Ricard expose la manière dont les cigarettes PLAYER'S SILVER sont vendues au Canada, et joint à son affidavit des échantillons représentatifs des paquets, des factures et des bulletins de commande relatifs à cette marque. Je reproduis ci‑dessous les éléments principaux de la face antérieure des paquets de cigarettes PLAYER'S SILVER :

 

PLAYER'S SILVER & DESIGN

 

L'affidavit de Chantal Dorais

 

[15].                     Chantal Dorais atteste qu'elle est cheffe du Service des relations avec les consommateurs chez ITCan. Mme Dorais déclare que son service s'occupe des communications avec les clients, notamment des questions, observations, compliments et plaintes concernant les produits fabriqués par ITCan, y compris les cigarettes PLAYER'S SILVER.

 

[16].                     Mme Dorais déclare que les clients communiquent le plus souvent avec ITCan par téléphone, en composant un numéro inscrit sur les paquets des produits de cette entreprise. Elle ajoute que les membres de son service, y compris elle-même, reçoivent ces communications téléphoniques et en inscrivent l'objet directement dans une base de données électroniques. À la fin de chaque entretien téléphonique, le service demande au client d'inscrire ses commentaires et des renseignements afférents sur une formule qu'on lui expédie par la poste et qu'il renvoie au service.

 

[17].                     Mme Dorais déclare que, dans la plupart des cas, les clients désignent le produit dont il s'agit par son nom complet. Par exemple, les clients qui ont contacté son service à propos du produit PLAYER'S SILVER d'ITCan l'ont désigné « PLAYER'S SILVER » dans la majorité des cas. Mme Dorais ajoute qu'ITCan a reçu plus de 900 communications concernant les cigarettes PLAYER'S SILVER et elle joint à son affidavit, sous la cote A, des échantillons représentatifs de communications reçues de consommateurs canadiens concernant ce produit d'ITCan.

 

L'affidavit d'Adamo Santoianni

 

[18].                     Adamo Santoianni atteste qu'il est agent commercial chez ITCo. Il compte 23 ans d'expérience à ce poste, qu'il occupait aussi chez les prédécesseurs de cette société.

 

[19].                     Il déclare que sa tâche consiste à collaborer avec les détaillants de la région montréalaise au marchandisage des produits fabriqués par ITCan, pour laquelle ITCo distribue des cigarettes. Il explique qu'il s'entretient régulièrement avec les détaillants, et qu'il leur rend visite dans leurs magasins pour leur remettre des documents d'information, pour assurer le maintien de leur stocks de présentoirs et ainsi de suite. Il ajoute que, dans l'exercice de ces fonctions, il a souvent l'occasion de s'entretenir avec les clients qui entrent dans les magasins en question ou d'entendre ce qu'ils disent. Il affirme que, au cours des 23 dernières années, il a parlé à des milliers de clients, ou les a entendus discuter ou acheter leurs cigarettes, et que dans l'immense majorité des cas (95 % selon son estimation), ils désignaient la marque de cigarettes en question par son nom complet. Il précise qu'il en va ainsi des cigarettes PLAYER'S SILVER d'ITCan, que ces clients désignent « PLAYER'S SILVER ».

 

[20].                     M. Santoianni poursuit en faisant observer que cela n'est pas étonnant puisque, selon son expérience, il est courant qu'un fabricant de tabacs offre plusieurs marques dont les noms comportent un premier élément commun. Il cite comme exemples de cette pratique, sans proposer d'autres éléments à l'appui, les marques PLAYER’S FILTER, PLAYER’S LIGHT SMOOTH, PLAYER’S SILVER et PLAYER’S SPECIAL BLEND, ainsi que les marques EXPORT A EXTRA LIGHT, EXPORT A LIGHT, EXPORT A MEDIUM, EXPORT A MEDIUM FLAVOUR et EXPORT A MILD.

 

[21].                     Bien que l'Opposante n'ait pas contesté l'admissibilité en preuve des déclarations de M. Santoianni, j'examinerai cette question plus loin dans la présente décision.

 

Les affidavits d'Iva Morina, de Timothy Owen Stevenson et d'Eric Weaver

 

[22].                     Iva Morina, Timothy Owen Stevenson et Eric Weaver attestent qu'ils sont respectivement technicienne juridique, stagiaire d'été et stagiaire en droit dans le cabinet d'avocats qui représente la Requérante dans les présentes procédures d'opposition.

 

[23].                     Iva Morina et Timothy Owen Stevenson, chacun pour leur part, ont demandé verbalement un paquet de cigarettes PLAYER'S SILVER dans un ou plusieurs magasins de proximité en novembre 2004. Chacun d'eux joint à son affidavit des photocopies du paquet que le vendeur leur a remis dans chaque cas, ainsi que le reçu correspondant.

 

[24].                     Eric Weaver a visualisé et imprimé des extraits de la page Web www.whistlergrocery.com le 23 novembre 2004. À la même date, il a acheté un paquet de cigarettes PLAYER'S SILVER sur ce site. Il joint à son affidavit les extraits en question, ainsi que la confirmation d'achat qu'il a imprimée à la suite de cette transaction.

 

L'affidavit de Gay Owens

 

[25].                     Gay Owens atteste qu'elle est recherchiste en marques de commerce dans le cabinet d'avocats qui représente la Requérante dans les présentes procédures d'opposition. Elle joint à son affidavit les résultats de recherches assistées par ordinateur sur l'état du registre des marques de commerce qui visaient à trouver des demandes et des enregistrements actifs où figuraient les mots « BLEU » ou « BLUE » employés en liaison avec du tabac et des produits du tabac.

 

Le fardeau de preuve et les dates pertinentes

 

[26].                     Il incombe à la Requérante d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que ses demandes sont conformes aux exigences de la Loi. Cependant, l'Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels s’appuie chacun de ses motifs d'opposition [voir : John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); et Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

[27].                     Les dates pertinentes pour l'examen des circonstances afférentes à chacun des motifs d'opposition invoqués dans les présentes espèces sont les suivantes :

 

         les motifs fondés sur l'article 30 de la Loi : la date de production des demandes d'enregistrement [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)];

         les motifs fondés sur l'alinéa 12(1)d) de la Loi : la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         les motifs fondés sur l'absence de caractère distinctif des Marques : la date pertinente généralement admise est la date de production des déclarations d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re  inst.)].

 

[28].                     J'analyserai maintenant les motifs d'opposition en fonction de la preuve au dossier.

 

Les motifs d'opposition fondés sur l'alinéa 30e)

 

[29].                     Le premier motif d'opposition invoqué par l'Opposante dans chaque affaire indique que les demandes ne satisfont pas aux exigences de l'alinéa 30e) de la Loi, en ce que la Requérante n'a pas l'intention d'employer les Marques, comme marques de commerce au sens de l'article 2 de la Loi, en liaison avec la catégorie générale de marchandises décrite dans ces demandes. L'Opposante affirme plus précisément que la Requérante emploiera les marques alléguées PLAYER'S BLEU et PLAYER'S BLUE de telle manière que le public ne les percevra pas du premier coup d'œil comme des marques de commerce formant chacune une unité. L'Opposante soutient que le mot « PLAYER'S » d'une part, et le mot « BLEU » ou « BLUE » d'autre part, seront imprimés en caractères de polices ou de tailles différentes, et que le mot « BLEU » ou « BLUE » sera compris comme une pure description du paquet des Marchandises, si bien que le public ne verra pas dans cet élément une partie de l'ensemble de la marque, mais ne percevra comme marque de commerce que le mot « PLAYER'S ».

 

[30].                     Ainsi qu'on peut également le lire dans l'affidavit de Me Lao et le plaidoyer écrit qu'elle a présentés dans chaque affaire, l'Opposante, se fondant sur les représentations de produits commercialement disponibles de la Requérante annexées à cet affidavit sous les cotes A à C, soutient que les Marques apparaîtraient sur les paquets d'une manière semblable à la marque PLAYER'S SILVER et à celles des autres produits commercialement disponibles de la Requérante  représentés sous les cotes A à C, c'est‑à‑dire que le mot « PLAYER'S » serait séparé du mot « BLEU » ou « BLUE », et que les Marques PLAYER'S BLEU et PLAYER'S BLUE, ainsi utilisées, ne seraient donc pas employées comme des marques de commerce formant chacune une unité.

 

[31].                     La Requérante fait valoir de son côté que cette preuve établit tout au plus de quelle manière elle a vendu en 2004 sa marque de cigarettes PLAYER'S SILVER, non liée aux présentes espèces, et ne peut absolument pas être considérée comme établissant comment elle envisageait, environ trois ans plus tôt, de vendre ses marques PLAYER'S BLEU et PLAYER'S BLUE. En conséquence, soutient la Requérante, il n'est pas possible de conclure de la preuve au dossier qu'elle n'avait pas en 2001 l'intention d'employer les Marques PLAYER'S BLEU et PLAYER'S BLUE, en particulier si l'on tient compte des déclarations sans équivoque et contemporaines figurant dans ses demandes, selon lesquelles elle emploierait les Marques comme marques de commerce. Je suis d'accord en cela avec la Requérante.

 

[32].                     Dans l'hypothèse où les allégations de l'Opposante seraient étayées de preuves, je souscrirais en outre à l'affirmation de la Requérante selon laquelle un tel usage constituerait bel et bien un emploi des Marques comme marques de commerce.

 

[33].                     En effet, si la Requérante devait employer les Marques sous la même forme qu'elle utilise sa marque PLAYER'S SILVER, je pense qu'on pourrait dire qu'elle les emploie comme marques de commerce, puisque le fait que les éléments « PLAYER'S » et « SILVER » [« BLEU » ou « BLUE »] apparaissent [apparaîtraient] en caractères de polices, de tailles et de couleurs différentes sur la face antérieure, ainsi que sur les sections latérale et supérieure, des paquets de cigarettes n'empêche pas en soi la mise en œuvre de ces éléments d'être considérée comme un emploi de la marque nominale PLAYER'S SILVER [PLAYER'S BLEU ou PLAYER'S BLUE] en tant qu'unité. Les éléments « PLAYER'S » et « SILVER » [« BLEU » ou « BLUE »] apparaissent [apparaîtraient] toujours en étroite proximité l'un de l'autre. Par exemple, le mot « SILVER » apparaît immédiatement à la suite du mot « PLAYER'S » sur l'une des sections latérales, sans que l'ensemble soit accompagné d'autres signes que les barres du code universel des produits.

 

[34].                     L'hypothèse susdite selon laquelle les marques PLAYER'S BLEU et PLAYER'S BLUE seraient employées comme marques de commerce sur les paquets de cigarettes se trouve en outre étayée par l'usage fait de la marque PLAYER'S SILVER sur les factures et les bulletins de commande annexés à l'affidavit de M. Ricard. La mention « PLAYER'S SILVER » apparaît dans le corps des factures, qui accompagnent les marchandises ou sont expédiées à leurs acheteurs. La même mention figure aussi sur les formules qu'utilisent détaillants et grossistes pour commander des cigarettes à ITCo. On la trouve enfin sur les reçus de vente au détail, ainsi que l'attestent les affidavits de Mme Morina et de M. Stevenson. 

 

[35].                     En outre, les échantillons de communications annexés à l'affidavit de Mme Dorais attestent que les clients désignent par leur nom complet les cigarettes PLAYER'S SILVER.

 

[36].                     Je n'ai pas à me prononcer sur l'admissibilité des déclarations de M. Santoianni, étant donné que j'estime la preuve résumée ci‑dessus suffisante pour conclure que, vu les faits, si la Requérante utilisait les Marques visées par les demandes sous la même forme que sa marque PLAYER'S SILVER, cet usage pourrait être considéré comme un emploi des marques de commerce projetées.

 

[37].                     Vu l'analyse qui précède, je conclus que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau initial dont elle devait s'acquitter pour mettre en litige les allégations suivant lesquelles la Requérante n'aurait pas l'intention d'employer les Marques, comme marques de commerce, en liaison avec les Marchandises. Les motifs d'opposition fondés sur l'alinéa 30e) sont en conséquence rejetés.

 

Les motifs d'opposition fondés sur l'alinéa 12(1)d)

 

[38].                     L'Opposante a produit des copies conformes des enregistrements des marques de commerce ELIE BLEU (LMC338656), BLUES (LMC270151) et BLUE JEAN (LMC205182), qu'elle invoquait à l'appui de ses motifs d'opposition fondés sur l'alinéa 12(1)d). J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire d'examiner le registre des marques de commerce et de vérifier l'état actuel de ces enregistrements. Comme ils sont en règle, l'Opposante s'est acquittée du fardeau initial qui lui incombait relativement à ces motifs d'opposition.

 

[39].                     Étant donné ces éléments versés en preuve par l'Opposante, la Requérante doit établir suivant la prépondérance des probabilités qu'il n'y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les Marques et les enregistrements susdits.

 

[40].                     Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi dispose que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[41].                     Dans l'application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, notamment des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, soit : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Cette liste n'est pas exhaustive, et l'on attribuera respectivement des poids différents aux facteurs suivant le contexte. Le lecteur trouvera un examen approfondi des principes généraux de l'application du test relatif à la confusion dans les deux arrêts suivants : Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, [2006] 1 R.C.S. 824 (C.S.C.).

 

[42].                     Il n'est pas nécessaire d'effectuer une analyse détaillée à partir des facteurs du paragraphe 6(5) dans les présentes espèces. Qu'il me suffise de dire que, bien que les marchandises et les voies de commercialisation soient identiques ou étroitement apparentées, chacune des marques invoquées est suffisamment différente des Marques PLAYER'S BLEU ou PLAYER'S BLUE pour rendre la confusion improbable.

 

[43].                     En effet, l'Opposante a reconnu dans son plaidoyer écrit relatif à chaque affaire que les Marques sont chacune composées de deux éléments, soit, d'une part, [TRADUCTION] « la marque maison bien connue PLAYER'S », qui apparaît en première place, et d'autre part, les mots ordinaires du dictionnaire « BLEU » ou « BLUE ». La seule ressemblance entre les Marques et les enregistrements invoqués, qui contiennent d'autres éléments distinctifs et à propos desquels il n'a pas été produit d'éléments de preuve tendant à établir l'emploi ou la révélation au Canada, est le fait qu'ils ont en commun l'un de ces mots ordinaires du dictionnaire. Étant donné les différences très importantes qui séparent les Marques de chacune des marques invoquées sous les rapports de la présentation, du son et des idées qu'elles suggèrent, et le fait que la Requérante aussi bien que l'Opposante ont reconnu dans leurs plaidoyers écrits que les mots « BLEU » et « BLUE » peuvent être considérés dans une certaine mesure comme des éléments faibles dans le contexte des Marchandises, j'estime qu’il n’est pas nécessaire d'exposer ici en détail l'analyse effectuée à propos de chacune de ces marques.

 

[44].                     Vu mes conclusions qui précèdent, je constate que la Requérante s'est acquittée du fardeau qui lui incombait d'établir suivant la prépondérance des probabilités qu'il n'y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques en question pour ce qui concerne la source des marchandises. Les motifs d'opposition fondés sur l'alinéa 12(1)d) sont en conséquence rejetés.

 

[45].                     L'Opposante a formulé le moyen subsidiaire suivant dans son plaidoyer écrit relatif à chacune des deux affaires :

 

[TRADUCTION] C.2 j) Pour le cas où l'agent d'audience conclurait que la marque en cause dans la présente espèce ne crée pas de confusion avec les marques de commerce déposées que nous citons, au motif que les autres éléments respectifs de l'une et des autres suffisent à distinguer chacune, nous soutenons subsidiairement que le mot BLUE [BLEU] contenu dans ladite marque en cause constitue un élément non distinctif et faible, et un mot commun de la langue anglaise qui devrait être à la disposition de tous les commerçants du secteur.      

 

[46].                     Étant donné les observations que j'ai formulées ci‑dessus et le fait que la Requérante ne demande pas l'enregistrement des mots « BLEU » ou « BLUE » considérés isolément, mais plutôt celui des Marques PLAYER'S BLEU et PLAYER'S BLUE prises dans leur ensemble, j'estime qu’il n’est pas nécessaire d'ajouter d’autres commentaires à l’égard de ces dernières affirmations de l'Opposante.

 

Les motifs d'opposition fondés sur l'absence de caractère distinctif

 

[47].                     L'Opposante soutient que les Marques ne sont pas distinctives à l’égard de la Requérante en ce qu'elles ne distinguent pas les Marchandises de la Requérante de celles d'autres propriétaires, notamment de celles des propriétaires des marques de commerce déposées citées plus haut, ni ne sont adaptées à les en distinguer.

 

[48].                     L'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait d'établir que, à la date de production des oppositions, l'une quelconque des marques déposées citées plus haut est devenue suffisamment connue pour mettre en cause le caractère distinctif des Marques visées par les demandes. En conséquence, les motifs d'opposition fondés sur l'absence de caractère distinctif sont rejetés. J'ajouterai que, si ces motifs d'opposition étaient considérés comme reposant sur l'allégation que les Marques visées par les demandes ne seront pas employées dans le but de distinguer les Marchandises des marchandises d'autres commerçants, ils devraient aussi être rejetés, au moins pour les mêmes raisons que l'ont été les motifs d'opposition fondés sur l'alinéa 30e).

 

Décision

 

[49].         Dans l’exercice des pouvoirs que m’a délégués le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette les oppositions à l'enregistrement des Marques conformément au paragraphe 38(8).

 

FAIT À MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 15 JUILLET 2009.

 

 

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme,

Linda Brisebois, LL.B

 

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