Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2013 COMC 145            

Date de la décision : 2013-09-03

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par le Conseil canadien des ingénieurs c.o.b. Engineers Canada (CCI) à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,450,269 pour la marque de commerce REM SURFACE ENGINEERING et Dessin au nom de REM Chemicals, Inc.

[1]               Le 2 septembre 2009, REM Chemicals, Inc. (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce REM SURFACE ENGINEERING et Dessin, illustrée ci-dessous.

REM SURFACE ENGINEERING & Design

[2]               Dans la demande d'enregistrement, on revendique les marchandises et les services suivants, sur les fondements suivants : 

Marchandises 1 : Substances chimiques pour usage industriel dans le traitement des surfaces métalliques, nommément des agents d'attaque chimique, des bains de brillantage, des détartrants, des compositions d'inhibiteurs chimiques d'oxydation, des compositions de couches de conversion, composés de brunissage, des produits chimiques pour le traitement des flux de déchets; abrasifs industriels utilisés dans le traitement des surfaces métalliques; nettoyants chimiques conçus pour les industries de traitement des surfaces métalliques; préparations pour enlever la rouille; préparations de polissage. Fondé sur l'emploi au Canada depuis au moins le 8 février 2005 et sur l'emploi et l'enregistrement aux États-Unis.

 

Marchandises 2 : Machines utilisant le mouvement rotatif pour le traitement de surfaces métalliques haute énergie; machines à polir utilisées pour meuler et polir le métal, la céramique et le plastique; machines à meuler par vibrations. Fondé sur l'emploi proposé au Canada et sur l'emploi et l'enregistrement aux États-Unis.

 

Services : Services de traitement des matériaux, nommément la superfinition des surfaces des matériaux, nommément les objets de métal et autres; services de consultation dans le domaine du traitement et de l'affinage des surfaces métalliques. Fondé sur l'emploi au Canada depuis avril 2005 et sur l'emploi et l'enregistrement aux États-Unis.

[3]               La demande a été annoncée en vue de la procédure d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 22 septembre 2010.

[4]               Le 22 novembre 2010, le Conseil canadien des ingénieurs c.o.b. Engineers Canada (CCI) (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition. L'Opposante a ensuite reçu l'autorisation le 15 mars 2013 de produire une déclaration d'opposition modifiée. Les motifs, tels qu'ils ont été modifiés, se résument comme suit :

         À la date de production de la demande, la Marque n'était pas employée aux États-Unis en liaison avec les marchandises et les services, conformément aux alinéas 38(2)a) et 30d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), ou si la Marque était employée, elle ne l'était pas de façon continue.

         En vertu des alinéas 30(2)a) et 30e) de la Loi, la Requérante elle-même ou par l'entremise d'un licencié, ou elle-même et par l'entremise d'un licencié, n’avait l’intention d’utiliser la Marque ni de la manière alléguée dans la demande, ni d'une autre façon.

         En vertu des alinéas 38(2)a) et 30i) de la Loi, la Requérante ne peut avoir été convaincue qu'elle avait le droit d'employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises et les services, étant donné que les mots « engineer » (ingénieur) et « engineering » (ingénierie) sont des mots réglementés, que la nature des marchandises et des services visés dans la demande est telle que ceux-ci pourraient être considérés comme des services d'ingénierie, et qu'à la connaissance de l'Opposante, la Requérante n'est inscrite auprès d'aucun organisme de réglementation de la profession au Canada pour exercer l'ingénierie et n'emploie aucun ingénieur possédant un permis au Canada.

         En vertu des alinéas 38(2)b) et 12(1)b) de la Loi, la Marque est clairement descriptive ou faussement descriptive de la nature ou de la qualité des marchandises et des services avec lesquels elle est employée ou proposée d'être employée, ou des conditions des personnes qui participent à la production des marchandises ou à la prestation des services. ????? Plus précisément, les marchandises et les services s'inscrivent nettement dans le type de marchandises et de services généralement conçus, développés, utilisés et offerts par des ingénieurs professionnels. À la lumière des faits énoncés dans la déclaration d'opposition, et étant donné que la Marque comprend le mot « engineering » (ingénierie) (qui est un mot réglementé au Canada), il s'ensuit que :        

                                                                    i.      si des membres de la profession d'ingénieur au Canada participent à la production des marchandises ou à la prestation des services, la Marque est clairement descriptive de la nature et de la qualité des marchandises et des services ainsi que des personnes participant à leur production;

                                                                  ii.      si des membres de la profession d'ingénieur au Canada ne participent pas à la production des marchandises ou à la prestation des services, la Marque est faussement descriptive de la nature et de la qualité des marchandises et des services ainsi que des personnes participant à leur production.

         La Marque n’est pas enregistrable en application des alinéas 38(2)b) et 12(1)e) de la Loi, son adoption étant prohibée par l’article 10 étant donné que, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, elle est devenue reconnue au Canada comme désignant la nature, la qualité et la valeur des marchandises et des services. Plus précisément, le mot « engineering » (ingénierie) est aujourd’hui reconnu comme désignant la nature, la qualité et la valeur des marchandises et des services offerts par les ingénieurs possédant un permis et, comme la Requérante n'est pas autorisée à exercer l'ingénierie au Canada, l'emploi de la Marque est susceptible d'induire en erreur.

         En vertu de l'alinéa 30(2)d) et de l'article 2 de la Loi, la Marque n’est pas distinctive au sens de l'article 2, en ce qu’elle ne distingue pas, n’est pas adaptée à distinguer, et ne permet pas de distinguer les marchandises et les services de ceux des autres, y compris ceux d’autres ingénieurs professionnels ou entités autorisés à exercer l’ingénierie au Canada. En outre, tout emploi par la Requérante de la Marque serait trompeur, car un tel emploi suggérerait que les marchandises et les services sont fournis, vendus, loués ou autorisés par l’Opposante ou les membres qui la constituent, comme énoncé dans la déclaration d'opposition.

[5]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration à l'appui de sa demande, dans laquelle elle nie les allégations de l'Opposante et en exige la preuve.

[6]               Pour soutenir son opposition, l'Opposante a produit les affidavits de John Kizas et de Jill D. Roberts. L'Opposante a aussi produit des copies certifiées de trois marques officielles. Toutefois, les copies certifiées ne sont plus pertinentes, étant donné que le les motifs fondés sur ces marques officielles ont été supprimés de la déclaration d'opposition.

[7]               À l'appui de sa demande, la Requérante a produit des copies certifiées de sept enregistrements de marque de commerce, lesquelles contiennent le mot ENGINEERED (D'INGÉNIERIE).

[8]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées à l'audience.

 

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[9]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, il revient a priori à l'Opposante de présenter suffisamment de preuves recevables desquelles on peut raisonnablement conclure que les faits allégués à l'appui de chaque motif d'opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Ltd (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.) page 298].

[10]           Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition soulevés sont les suivantes:

         alinéa 30(2)a)/article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 à 475 COMC) et Tower Conference Management Co c. Canadian Exhibition Management Inc (1990), 28 CPR (3d) 428 page 432 (COMC)];

         alinéas 38(2)b)/12(1)b) – la date de production de la demande [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2003), 28 CPR (4e) 60 (CF)];

         alinéas 38(2)b)/12(1)e) – la date de ma décision ‑[voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (CAF)];

         alinéa 38(2)d)/article 2 – ‑la date de soumission de l'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (CF)].

Observation préliminaire

[11]           J’ai tenu compte, aux fins de ma décision, de l’ensemble de la preuve et des observations produites par les parties; cependant je n’aborderai dans le corps de ma décision que les parties de la preuve et des observations sur lesquelles j’appuie mes conclusions.

Motifs d'opposition fondés sur la non-enregistrabilité

Alinéa 12(1)b) de la Loi – La Marque est-elle clairement descriptive ou faussement descriptive de la nature ou de la qualité des marchandises et des services de la Requérante et des personnes qui participent à leur production?

[12]           Le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)b) comporte deux volets, à savoir :

         si des membres de la profession d'ingénieur au Canada participent à la production des marchandises et à la prestation des services, la Marque est clairement descriptive de la nature ou de la qualité des marchandises et des services ainsi que des personnes participant à leur production;

         si des membres de la profession d'ingénieur au Canada ne participent pas à la production des marchandises ou à la prestation des services, la Marque est faussement descriptive de la nature et de la qualité des marchandises et des services ainsi que des personnes participant à leur production.

[13]           Le passage suivant du récent jugement de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario c. Canada (2012), 99 C.P.R. (4th) 213 (CAF) qui résume clairement le critère qu’il convient d’appliquer pour évaluer si une marque de commerce contrevient à l’alinéa 12(1)b) de la Loi [Ontario Teachers’, supra au para 29] : 

Il est de jurisprudence constante que le critère applicable pour décider si une marque de commerce donne une description claire soit celui de la première impression créée dans l’esprit de la personne normale ou raisonnable. […] On ne devrait pas tenter de résoudre la question en procédant à une analyse critique des mots qui forment la marque, mais on devrait plutôt tenter de déterminer l’impression immédiate que donne la marque, compte tenu des marchandises ou des services avec lesquels elle est utilisée ou avec lesquels on se propose de l’utiliser. En d’autres termes, la marque de commerce ne doit pas être utilisée de façon isolée, mais en fonction de l’ensemble du contexte des marchandises et des services.

[14]           De plus, je note que « nature » signifie un attribut, un trait ou une caractéristique des marchandises, et « claire » signifie « facile à comprendre, évident ou simple » [voir Drackett Co of Canada Ltd c. American Home Products Corp (1968), 55 C.P.R. 29 (C. de l’É.) au para 34].

[15]           Concernant le premier argument de ce motif d’opposition, une question semblable a été abordée dans Conseil canadien des ingénieurs c. Comsol AB [2011] COMC 3, où le membre Bradbury a abordé la question de savoir si la marque COMSOL REACTION ENGINEERING LAB donnait une description claire ou une description fausse et trompeuse des personnes employées dans la production du logiciel servant à réaliser des calculs techniques et mathématiques pour emploi dans le domaine des mathématiques, de l’ingénierie et des sciences, et de manuels et livrets d’instructions vendus ensemble comme un tout. Dans cette décision, le membre Bradbury a déclaré ce qui suit [para 34] :

M. Kizas a présenté des éléments de preuve pour montrer que la Requérante n’est pas autorisée à fournir des services d’ingénierie dans les provinces/territoires du Canada (para 43 de l’affidavit no 1 de M. Kizas). Comme il n’y a aucune preuve que des ingénieurs canadiens participent à la production des Marchandises, je n’examinerai pas l’allégation selon laquelle la Marque donne une description claire des personnes qui les produisent.

[16]           Dans la présente affaire, M. Kizas a présenté des copies de lois régissant la profession d’ingénieur au Canada et a précisé les dispositions des lois régissant l’emploi de désignations d’ingénieur (affidavit Kizas, para 14; pièces 2-14). Il a également fourni une confirmation certifiée de toutes les associations constitutives attestant que la Requérante ne possède pas l’enregistrement lui permettant de s’adonner à l'exercice de l’ingénierie au Canada (affidavit Kizas, para 58; pièce 39). De plus, dans son observation écrite, la Requérante convient qu'elle ne possède pas d'enregistrement pour exercer l'ingénierie au Canada.

[17]           Si l'on applique le raisonnement du membre Bradbury au cas qui nous occupe, étant donné qu'il n'y a aucune preuve que des ingénieurs canadiens participent à la production des marchandises et à la prestation des services, je n’examinerai pas l’allégation selon laquelle la Marque donne une description claire de la nature des marchandises et des services ainsi que des personnes qui les produisent.

[18]           Puisqu'aucun ingénieur possédant un permis au Canada ne participe à la production des marchandises ou à la prestation des services, la prochaine question relative à ce motif consiste à déterminer si la Marque est faussement descriptive de la nature ou de la qualité des marchandises et des services ainsi que des personnes qui les produisent. Il convient ici d'examiner si les mots faux et trompeurs « dominent la marque de commerce visée par la demande au point ... de faire obstacle à l’enregistrement de celle-ci ... » [voir Conseil canadien des ingénieurs c. John Brooks Co. (2004, 35 C.P.R. (4th) 507 (C.F.) au para 21, extrait de Chocosuisse Union des Fabricants – Suisses de Chocolate c. Hiram Walker & Sons Ltd (1983), 77 C.P.R. (2d) 246 (CMOC); extrait de Lake Ontario Cement Ltd c. Registrar of Trade-marks (1976), 31 C.P.R. (2d) 103 (C.F. 1re inst.)].

[19]           Je discuterai plus en détail de l'importance de l'élément REM et des caractéristiques du dessin plus loin. J'amorce mon analyse en déterminant si les mots SURFACE ENGINEERING sont faussement descriptifs des marchandises et des services de la Requérante.

[20]           L'Opposante soutient que la majorité des personnes présumeraient que les entreprises qui utilisent le mot « engineer » (ingénieur) ou « engineering » (ingénierie) dans leur marque de commerce ou leur nom commercial offrent des services d’ingénierie et emploient des ingénieurs professionnels, sauf si le contexte indique clairement le contraire [voir Conseil canadien des ingénieurs c. John Brooks Co Ltd (2004) 35 C.P.R. (4th) 507 à 513 (CF)]. De plus, l'Opposante cite une série de décisions dans lesquelles les mots « engineer » (ingénieur) ou « engineering » (ingénierie) ont été considérés par le Registraire et la Cour fédérale comme ayant une signification claire du travail exécuté par des ingénieurs professionnels [voir Canadian Council of Professional Engineers c. Parametric Technology Corp (1995), 60 C.P.R. (3d) 269 aux pp 273-274 (CMOC); Canadian Council of Professional Engineers c. John Brooks Co Ltd (2001), 21 C.P.R. (4th) 397 aux pp 404-405 (CMOC); Lubrication Engineers Inc c. Canadian Council of Professional Engineers (1984), 1 C.P.R. (3d) CF 1re inst.), conf. par 41 CPR (3d) 243 à la p. 244 (CAF)] Je remarque que chaque cas doit être évalué selon les faits et les mérites qui lui sont propres et, par conséquent, même si cela peut être instructif sur le plan des principes juridiques, je ne suis pas liée par les conclusions particulières qui ont été tirées dans ces cas.

[21]           La Requérante appuie sa preuve sur sept copies certifiées d'enregistrement de marques de commerce qui contiennent le mot « engineered » (d'ingénierie) et couvrent un large éventail de marchandises et de services. La Requérante fait valoir que l'existence de ces enregistrements signifie qu'il faut considérer que le Registrarie a déjà accepté que des marques de commerce comme la Marque puissent exister sans créer de confusion auprès des consommateurs.

[22]           L'Opposante n'est pas d’accord. L'Opposante soutient que la plupart des marques qui figurent dans la preuve de la Requérante couvrent des marchandises et des services qui ne nécessiteraient pas normalement la participation d'ingénieurs professionnels. L'Opposante affirme en outre que la jurisprudence est claire en ce qui concerne les situations où les marques figurant au registre et contenant les mots « engineer » (ingénieur) ou « engineering » (ingénierie) en liaison avec des marchandises ou des services qui ne s'inscrivent pas dans la portée de la pratique professionnelle de l'ingénierie : le Registraire ne peut pas aider la Requérante à s'acquitter de son fardeau qui consiste à établir que la Marque n'est pas faussement descriptive [voir Canadian Council of Professional Engineers c. John Brooks Co Ltd (2004), 35 C.P.R. (4th) 507 à la p. 513 (CF)].

[23]           L'Opposante fait aussi valoir que le mot « engineered » [d'ingénierie] (qui est le mot que contient les marques figurant dans la preuve produite par la Requérante) est le participe passé du verbe « to engineer » en anglais, ce qui ne fait pas nécessairement référence à la profession d'ingénieur. L'Opposante cite le Canadian Oxford English Dictionary et indique que la première définition qui s'y trouve à l'entrée « engineered » (d'ingénierie) est la suivante « to arrange, to contrive or to bring about artfully ». (préparer, créer ou confectionner ingénieusement). L'Opposante indique que cela vient davantage corroborer la conclusion voulant que la preuve soumise par la Requérante ne s'applique pas aux questions en l'espèce.

[24]           La Requérante fait valoir que le fait de concevoir (engineer) un article consiste en une utilisation commune du mot et fait référence à l'acte de « mettre quelque chose au point (p. ex., organiser un coup, travailler à l'atteinte d'un résultat, etc.). Parallèlement, le mot « engineering » (ingénierie) peut être utilisé pour indiquer qu'un article est manipulé ou ajusté (p. ex., ingénierie financière, ingénierie sociale, etc.). La Requérante soutient que l'on peut supposer que le consommateur moyen ou l'utilisateur quotidien comprend qu'une personne qui s'engage dans ces activités n'est pas un ingénieur professionnel et ne serait certainement pas induite en erreur. Dans le cas qui nous occupe, les marchandises et les services de la Requérante concernent tous le changement ou la manipulation d'une « surface ». Dans ce contexte, SURFACE ENGINEERING (ingénierie de surface) ne suppose pas la participation d'un ingénieur professionnel, mais suggère simplement que la surface sera modifiée. En outre, la Requérante indique que les personnes qui achètent habituellement ses marchandises et ses services sont des utilisateurs expérimentés qui seraient plus susceptibles de comprendre le contexte.

[25]           En revanche, l'Opposante fait valoir que la preuve corrobore la conclusion voulant que les marchandises et les services de la Requérante s'inscrivent nettement dans les types de marchandises et de services que les entreprises d'ingénierie ont tendance à offrir et que le public s'attend à recevoir de leur part. L'Opposante fonde cette observation à la fois sur le site Web de la Requérante, lequel contient l'en-tête « surface engineering for optimum performance » (ingénierie de surface pour un rendement optimal) (affidavit Kisas, pièce 35), et sur les déclarations du président de la Requérante, M. Michaud, enregistrées sur vidéo et publiées sur YouTube le 20 mai 2009 (c.-à-d. avant la date de production de la demande) (affidavit Kizas, pièce 36). Dans cette vidéo, M. Michaud indique que la Requérante fait de l'ingénierie de surface (surface engineering) et qu'en fait, elle est chef de file internationale dans le domaine. Bien que la documentation tirée du site Web de la Requérante et les déclarations de son président constituent clairement du ouï-dire comme l'indique par M. Kizas, représentant de l'Opposante, je considère qu'il est pertinent d'accorder un certain poids à cette preuve puisque la Requérante a eu l'occasion d'y répondre et à choisi de ne pas contester l'exactitude du contenu du site Web et de la vidéo.

[26]           L'Opposante s'appuie aussi sur les déclarations sous serment de M. Kizas indiquant que l'ingénierie de surface (surface engineering) est une sous-discipline de l'ingénierie. Elle s'appuie également sur des extraits de divers documents de référence (universitaires ou autres) dans lesquels on fait référence à l'ingénierie de surface (surface engineering) comme étant un domaine de l'ingénierie (affidavit Kizas, aux paras 33 à 41 et pièces 24 et 25; affidavit Roberts, aux paras 10 à 12 et pièces 2 à 14). Par exemple, Mme Roberts a trouvé un livre intitulé Surface Engineering & Heat Treatment, Past, Present and Future publié en 1991 (pièce 5); un livre intitulé Surface Engineering publié en 1993 (pièce 9); un livre intitulé Surface Engineering Casebook publié en 1996 (pièce 10); un livre intitulé EMC ‘91: Non-Ferrous Metallurgy – Present and Future contenant un article intitulé « Surface Engineering of Aluminum and its Alloys » publié en 1991 (pièce 11); et un livre intitulé Surface Engineering Processes and Applications publié en 1995 (pièce 14).

[27]           Mme Roberts a aussi effectué une recherche sur Internet pour trouver des références dans les calendriers des facultés d'ingénierie des universités canadiennes afin de déterminer si des cours étaient offerts en ingénierie de surface (affidavit Roberts, aux paras 3 à 9; pièces A1 à F1). Parmi ses résultats de recherche, on compte une page du site Web de la faculté d'ingénierie de l'Université d'Alberta décrivant les cours et la recherche faite dans le domaine de la science et l'ingénierie des surfaces (pièce 1B). Afin de déterminer si ces cours étaient offerts à la date pertinente, Mme Roberts a aussi trouvé un document sur le site Web de la faculté d'ingénierie (génie chimique et ingénierie des matériaux) de l'Université d'Alberta qui contient une section sur la science et l'ingénierie des surfaces et dont la date de parution est 2002 (pièce 17A). Cette preuve tirée du site Web laisse entendre que des cours dans le domaine de « la science et l'ingénierie des surfaces » seraient offerts depuis au moins 2002.

[28]           L'Opposante soutient que ses marchandises et ses services supposent la manipulation de surfaces, et la Requérante est d'accord. En outre, l'Opposante s'appuie sur le fait que la Requérante est propriétaire de six brevets canadiens décrivant des produits chimiques, des compositions chimiques et des procédés à utiliser dans la prestation des services de traitement des matériaux (affidavit Kizas, aux paras 44 et 45; pièces 28 à 33). L'Opposante soutient que le sujet de ces brevets s'inscrit dans le type d'activités menées par des ingénieurs professionnels, y compris des ingénieurs en matériaux.

[29]           L'Opposante fait valoir que l'ingénierie de surface est une sous-discipline du « génie des matériaux », lequel traite de la modification des propriétés des surfaces pour accroître ou améliorer les propriétés souhaitées sur le plan du matériel ou de l'esthétique (affidavit Kizas, au para 34).

[30]           D'après la preuve relative au mot « surface engineering » (ingénierie de surface), il semble raisonnable de conclure que les marchandises et les services de la Requérante pourraient avoir été perçus par le consommateur moyen comme s'inscrivant dans la catégorie de l'ingénierie de surface (surface engineering).

[31]           Ayant revu la preuve au dossier, je suis prête à accepter le fait que l'ingénierie de surface est une sous-discipline de l'ingénierie. Je suis également disposée à accepter que la nature des marchandises et des services de la Requérante est telle que ceux-ci peuvent être perçus comme étant liés à la discipline qu'est l'ingénierie de surface. Je remarque que, comme il en a été question précédemment, la preuve démontre que la Requérante n'est pas autorisée à exercer l'ingénierie au Canada.

[32]           À la lumière de ce qui précède, je conclus que les mots SURFACE ENGINEERING sont faussement descriptifs des marchandises et des services de la Requérante.

[33]           Maintenant je dois déterminer si ces mots faussement descriptifs « dominent la Marque au point de faire obstacle à l'enregistrement de celle-ci » [voir John Brooks Co, supra; Chocosuisse, supra; et Lake Ontario Cement, supra].

[34]           La Marque contient un autre élément, soit le mot REM, de même que des éléments de dessin. Les parties ont présenté des observations sur la signification et l'importance de cet autre élément.

[35]           En ce qui concerne l'élément REM, l'Opposante est d'avis qu'il est faible et qu'il est utilisé par de nombreuses autres entités au Canada en liaison avec divers services, dont certains sont semblables aux marchandises et aux services de la Requérante. À cet égard, la preuve produite par Mme Roberts démontre l'existence de diverses entités, dont : REM Manufacturing Limited, REM Coatings Inc., REM Enterprises Inc., REM-Tech Industries (affidavit Roberts, aux paras 23 à 33 et 37 à 59; pièces 15A à 15K et 16A à A6W).

[36]           Mme Roberts a aussi trouvé diverses entrées où REM est un acronyme (p. ex., l'Université de la Colombie-Britannique utilise REM comme acronyme pour Resource and Environmental Management; le Conseil national de recherche utilise REM comme acronyme pour Radiation Exposure Monitor (affidavit Roberts, aux paras 34 à 36 et 60; pièces 15L à 15N et 16X).

[37]           Par conséquent, l'Opposante croit que l'ajout de ce faible élément ne suffit pas pour soutenir l'enregistrabilité d'une marque composée autrement trompeuse [voir Lake Ontario Cement, supra; John Brooks, supra; et Coca-Cola Foods Canada Inc c. Tropikfruit Ltd (1991), 36 C.P.R. (3d) 553 au para 556 (CMOC)].

[38]           Dans sa réponse, la Requérante indique qu'aucune preuve n'a été soumise pour déterminer si l'une ou l'autre des entités portant le nom REM citées en preuve sont réellement en activité et offrent des marchandises ou des services au Canada sous une marque de commerce comportant l'élément REM. Bien que cela soit vrai, je remarque que les résultats de la recherche qu'a faite Mme Roberts comptent plus de 30 entités exploitées en lien avec des noms commerciaux qui contiennent l'élément REM. Je suis prête à déduire qu'au moins quelques-unes de ces entités offrent des services au Canada en liaison avec des marques de commerce qui contiennent l'élément REM.

[39]           La Requérante soutient que le fait que l'élément REM sert parfois d'acronyme (ce qui a donc une incidence sur la force de l'élément) ne signifie pas en soi que l'élément REM ne peut pas être distinctif. La Requérante est d'avis qu'il n'existe aucune preuve au dossier indiquant que l'élément REM revêt une signification particulière en liaison avec les marchandises et les services de la Requérante. Toutefois, l'Opposante souligne des déclarations faites par le président de la Requérante dans une vidéo dont il a été question plus tôt, dans laquelle il affirme que REM signifie : Research Engineering Manufacturing (recherche, ingénierie, fabrication)

[40]           La Marque contient aussi des éléments de dessin qui accorde un accent plus marqué sur l'éléméent REM. En réalité, les caractéristiques du dessin sont telles que les mots SURFACE ENGINEERING ont été reléguées à une place moins dominante de la Marque (ils apparaissent dans une police beaucoup plus petite).

[41]           Je dois maintenant déterminer, à la lumière de l'élément REM et vu les éléments de dessins qui accordent une place importante à l'aspect visuel de cet élément supplémentaire, si les mots SURFACE ENGINEERING (ingénierie de surface) dominent la Marque.

[42]           L'Opposante fait valoir que la portion dominante de la marque est la portion SURFACE ENGINEERING (ingénierie de surface). En revanche, la Requérante soutient que l'élément REM et les éléments de dessin suffisent pour faire en sorte que l'élément SURFACE ENGINEERING ne domine pas la Marque.

[43]           Je suis d'avis que les éléments de dessin sont tels qu'ils mettent l'accent visuel sur le mot REM; les mots faussement descriptifs SURFACE ENGINEERING ne dominent donc pas la Marque à un point tel qu'elle deviendrait contraire à l'alinéa 12(1)b) de la Loi.

[44]           Ayant revu l'ensemble de la preuve au dossier, de même que les observations des parties, je suis convaincue que la Requérante s'est acquittée du fardeau qui lui incombait, à savoir que la Marque n'est pas faussement descriptive de la nature et de la qualité des marchandises et des services de la Requérante ni des personnes qui les produisent.

[45]           À la lumière de ce qui précède, le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)b) est rejeté.

Alinéa 12(1)e) de la Loi – Est-ce parce que son adoption est prohibée par l’article 10 que la Marque ne peut être enregistrée?

[46]           Comme on l'a précisément allégué, l'Opposante prétend que l'adoption de la Marque est prohibée en vertu de l'article 10 de la Loi, car le mot « engineering » (ingénierie) est devenu reconnu comme désignant la nature, la qualité et la valeur des marchandises et des services offerts par des ingénieurs possédant un permis. Toutefois, l'alinéa 12(1)e) concerne une évaluation de la marque dans son ensemble. Par conséquent, même si l'opposante réussissait à établir que le mot « engineering » (ingénierie) était devenu reconnu à ce point, cela ne suffirait pas pour que je conclue que la Marque dans son ensemble enfreint l'article 10 de la Loi.

[47]           D'après ce qui précède, le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)e) de la Loi est donc rejeté.

Motif d'opposition fondé sur le caractère non distinctif

[48]           Bien qu'il incombe à la Requérante de démontrer que la Marque distingue véritablement ses marchandises et ses services de ceux d'autres entités au Canada, ou qu'elle est adaptée à les distinguer ainsi [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)], l'Opposante doit s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe et établir les faits sur lesquels elle s'appuie pour soutenir le motif d'opposition fondé sur le caractère non distinctif.

[49]           L'Opposante soutient qu'une marque de commerce purement descriptive ou faussement descriptive est forcément dénuée de caractère distinctif  [voir Canadian Council of Professional Engineers c. APA-The Engineered Wood Assn (2002), 7 CPR (4th) 239 au para 49 (CF 1re inst.)]. J'abonde dans ce sens.

[50]           L'Opposante réitère ses observations relativement au motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)b), à l'appui du motif fondé sur le caractère non distinctif corroborant sa position, à savoir que la Marque est clairement descriptive ou faussement descriptive de la nature et de la qualité des marchandises et des services de la Requérante ainsi que des personnes qui les produisent, à cette date pertinente ultérieure.

[51]           À l'appui de cette observation, l'Opposante se tourne vers la jurisprudence qui, selon l'Opposante, appuie la proposition selon laquelle une marque de commerce est principalement constituée d'éléments non enregistrables (comme des phrases ou des mots descriptifs ou faussement descriptifs) qui ne distinguent pas réellement, ni ne sont adaptés à distinguer, les marchandises ou les services d'un requérant de ceux d'autres entités [voir Canadian Council of Professional Engineers c. APA – The Engineered Wood Association (2000), 7 C.P.R. (4th) 239 à la p. 254 (CF); TG Bright & Co, Ltd c. Institut National des Appellations d’origine des vins et eaux-de-vie (1986), 9 C.P.R. (3d) 239 aux pp 243 et 244) (CF 1re inst.)].

[52]           J'ai revu la preuve et les observations des parties. Finalement, mes conclusions concernant le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)b) s'appliquent également à la date pertinente ultérieure pour le motif d'opposition fondé sur le caractère non distinctif et je suis d'avis que la Marque n'était pas faussement descriptive à cette date ultérieure non plus. En outre, je conclus que l'Opposante n'a pas établit d'autre fondement qui me permettrait de conclure que la Marque ne distinguait pas, ni n'était adaptée à distinguer, les marchandises et les services de la Requérante de ceux d'autres entités à la date pertinente.

[53]           À la lumière de ce qui précède, le motif d'opposition fondé sur le caractère non distinctif est également rejeté.

Motif d’opposition fondé sur la non-conformité

Alinéas 30d) et e) de la Loi

[54]           L'Opposante n'a produit aucune preuve ni aucun plaidoyer à l'appui de ces motifs d'opposition et, par conséquent ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait. Les motifs d'oppositions alléguant la non-conformité aux alinéas 30d) et e) sont donc rejetés.

Alinéa 30i) de la Loi – La Requérante est-elle convaincue de son droit d'employer la Marque en liaison avec les marchandises et les services de la Requérante à la date de production de la demande?

[55]           Lorsqu'un requérant présente la déclaration requise en vertu de l'alinéa 30i) de la Loi, ce motif ne doit être accepté que dans des situations exceptionnelles, comme lorsqu'il y a preuve de mauvaise foi de la part du requérant [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (COMC) à la p. 155].

[56]           L'Opposante fait valoir que la Requérante est en violation de la réglementation qui régit l'exercice de l'ingénierie au Canada puisqu'elle n'est pas inscrite en tant que cabinet d'ingénieurs au Canada et n'emploie pas d'ingénieurs au Canada non plus. Bien qu'il soit vrai que le non-respect d'une mesure législative fédérale peut suffire pour corroborer un motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30i) de la Loi, les allégations de non-conformité aux règlements provinciaux/territoriaux ne constituent pas un fondement adéquat pour un motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30i) [voir Interprovincial Lottery Corp c. Monetary Capital Corp (2006), 51 C.P.R. (4th) 447, (CMOC); Canadian Council of Professional Engineers c. Lubrication Engineers Inc (1992), 41 C.P.R. (3d) 243 (CAF), à la p. 244].

[57]           À la lumière de ce qui précède, je conclus que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait et je rejette donc ce motif d'opposition.

Règlement

[58]           Conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition au titre du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Andrea Flewelling

Commissaire

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad. a

 

 

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