Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 23

Date de la décision : 2015-01-30

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Marc et Michele Bohbot, faisant affaire en tant que société de personnes, et Fashion Brands Holding Corporation à l'encontre de la demande no 1,295,515 pour la marque de commerce BIZOUX BIZOUX & Dessin au nom de 1655453 Ontario Inc. s/n BIZOUX BIZOUX

Introduction

[1]               Marc et Michele Bohbot, faisant affaire en tant que société de personnes, et Fashion Brands Holding Corporation (l'Opposante) s'opposent à l'enregistrement de la marque de commerce BIZOUX BIZOUX & Dessin reproduite ci-dessous (la Marque) qui fait l'objet de la demande no 1,295,515.

BIZOUX BIZOUX & Design

La demande a été produite par 1655453 Ontario Inc. s/n BIZOUX BIZOUX (la Requérante) le 21 mars 2006 et est fondée sur l'emploi depuis 2005 en liaison avec les produits suivants, selon la version révisée : [traduction] débarbouillettes, couvertures, courtepointes, nids d'ange, serviettes, oreillers et coussins.

[2]               L'Opposante s'oppose à la demande au motif principal qu'il existe une probabilité de confusion entre la Marque et la marque BISOU-BISOU de l'Opposante, enregistrée sous le no LMC503,518 et antérieurement employée par l'Opposante en liaison avec divers articles vestimentaires. L'Opposante allègue également, au titre de l'article 30b) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985 ch. T-13 (la Loi) que la Requérante n'emploie pas la Marque depuis la date revendiquée.

[3]               Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette l'opposition.

Le dossier

[4]               La Marque est décrite dans la demande comme une étiquette bidimensionnelle contenant uniquement les mots et les éléments graphiques présentés sur le dessin. La couleur est revendiquée comme caractéristique de la marque et est décrite de la manière suivante :

[traduction]
Conformément au paragraphe 28 (1) du Règlement, la couleur est décrite de la façon suivante : Arrière-plan : l'arrière-plan est un quadrillage formé de 16 carrés égaux dont les couleurs alternent, et qui sont placés en ligne et où, dans la première ligne, la couleur des carrés alterne entre le jaune et le vert et, dans la deuxième ligne, la couleur des carrés alterne entre le rose et le bleu; les troisième et quatrième lignes respectent le même code de couleurs que les première et deuxième lignes respectivement, bien qu'en alternance dans chaque ligne. Lettrage et autres éléments graphiques : les première et troisième lignes contiennent le mot BIZOUX écrit en lettres bleues avec la police Comic Sans MS. Les deuxième et quatrième lignes contiennent des objets cruciformes (croix) ou en forme de cœur stylisé (cœur) formant une séquence alternée où, dans la deuxième ligne, les croix sont bleues et les cœurs sont roses, et dans la quatrième ligne, les croix sont roses et les cœurs sont bleus.

[5]               La demande pour la Marque a été annoncée le 16 novembre 2011. Le 16 avril 2012, l'Opposante a produit une déclaration d'opposition fondée sur les motifs d'opposition énoncés à l'article 38 de la Loi : non-conformité à l'article 30b), non-enregistrabilité aux termes de l'article 12(1)d), absence de droit à l'enregistrement aux termes de l'article 16(1) et absence de caractère distinctif aux termes de l'article 38(2)d) et de l'article 2. Comme je l'ai mentionné ci-dessus, l'Opposante invoque l'emploi antérieur de sa marque de commerce BISOU-BISOU qui fait l'objet de l'enregistrement no LMC503,518. La Requérante a produit et fait signifier une contre-déclaration.

[6]               Le 12 juin 2012, la Requérante a produit l'affidavit de Martine Guay. Cette preuve ayant été produite prématurément, elle n'a pas été versée au dossier (voir la lettre de la Commission en date du 10 septembre 2012).

[7]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit les affidavits de Lee Ewing, Marc Bahbot et Jason B. Dinelle, ainsi qu'une copie certifiée de l'enregistrement no LMC503,518. Aucun des déposants de l'Opposante n'a été contre-interrogé.

[8]               Comme preuve, la Requérante a produit divers documents regroupés sous le titre « Counter Statement to Opposition » [Contre-déclaration à l'Opposition]. Je vais statuer sur l'admissibilité de cette preuve ci-dessous.

[9]               Aucune des parties n'a produit de plaidoyer écrit. Aucune audience n'a été tenue.

Questions préliminaires

Admissibilité de la preuve de la Requérante

[10]           Le matériel que la Requérante a produit comme preuve peut être décrit comme suit. Les pages 1 à 7 du document de la Requérante ont pour titre « Counter Statement to Opposition » [Contre-déclaration à l'Opposition] et sont constituées d'observations écrites de la Requérante portant sur la preuve produite par l'Opposante le 14 janvier 2013. Cette « Contre-déclaration à l'Opposition » est immédiatement suivie par une page portant les signatures de Mme Martine Guay et d'un commissaire à l’assermentation. La dernière page du document de la Requérante, c'est-à-dire celle qui précède les pièces jointes, est intitulée « Affidavit ». Bien qu'il soit indiqué dans ce document que le déposant [traduction] « prête serment », cette page n'est ni signée ni certifiée par un commissaire à l'assermentation. Elle donne une description du contenu des pièces qui sont jointes au document (lesquelles sont toutes datées et certifiées par un commissaire).

[11]           Après examen de l'ensemble du matériel produit, je suis disposée à inférer qu'il était prévu que la page qui a été signée par Mme Guay et certifiée par une notaire publique soit placée à la suite de la page intitulée « Affidavit » au lieu de la précéder. La page intitulée « Affidavit » montre que Mme Guay a prêté serment et que, en tant que propriétaire de la Requérante, elle avait connaissance des questions traitées. Les pièces qui sont décrites dans le corps de l'« Affidavit » sont aussi correctement identifiées et régulièrement certifiées. Je suis, par conséquent, convaincue que la page intitulée « Affidavit » dans laquelle Mme Guay s'identifie et affirme prêter serment, la page qui contient les signatures de Mme Guay et de sa notaire publique, ainsi que les pièces jointes à titre de pièces A à I sont admissibles en preuve et forment ensemble l'affidavit de Mme Guay.

[12]           Je ne suis pas convaincue, cependant, que le document intitulé « Contre-déclaration à l'Opposition » constitue une preuve régulière. Rien n'indique qu'il s'agit du témoignage sous serment d'une personne précise, comme l'exige la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, ch C-5. Ce document est, par conséquent, inadmissible et n'a pas été versé au dossier.

Procédure en vertu de l'article 45

[13]           À la demande de la Requérante, le 8 août 2012, le registraire des marques de commerce a donné à l'Opposante l'avis prévu à l'article 45 de la Loi relativement à son enregistrement no LMC503,518 de la marque de commerce BISOU-BISOU. Le 29 octobre 2014, le registraire (agissant par l'entremise de l'agent d'audience Bene) en rendu une décision en vertu de laquelle tous les produits spécifiés dans l'enregistrement de l'Opposante ont été supprimés, à l'exception des pantalons [655453 Ontario Inc s/n Bizoux Bizoux c Fashion Brand Holdings Corporation 2014 COMC 231]. L'état déclaratif des produits qui figure dans l'enregistrement no LMC503,518 est donc maintenant rédigé comme suit : [traduction] « Vêtements, nommément pantalons ».

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[14]           L'Opposante doit s'acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d'opposition avant qu'il n'incombe à la Requérante d'établir le bien-fondé de sa revendication à l'égard de la marque de commerce visée par la demande [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), à 298; Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)]. Bien que ce fardeau de preuve soit léger, l'Opposante n'en doit pas moins fournir une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition soulevés [République de Chypre (Industrie et Commerce) c International Cheese Council of Canada, 2011 CAF 201 93 CPR (4th) 255, au para. 26, citant Labatt, au para. 13].

[15]           Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition sont les suivantes :

         article 38(2)a)/article 30 – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à 475];

         article 38(2)b)/article 12(1)d) – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

         article 38(2)c)/article 16(1)a) – la date de premier emploi revendiquée par la Requérante;

         article 38(2)d)/absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d'opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Analyse des motifs d’opposition

Non-conformité – Article 30b)

[16]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve initial à l'égard de l'article 30b), l'Opposante peut s'appuyer aussi bien sur sa propre preuve que sur la preuve de la Requérante [voir Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst.) 216, à 230]. Toutefois, si elle choisit de s'appuyer sur la preuve de la Requérante pour s'acquitter de son fardeau de preuve à l'égard de ce motif, l'Opposant doit démontrer que la preuve de la Requérante est clairement incompatible avec la revendication de la Requérante telle qu'elle est formulée dans la demande [voir Ivy Lea Shirt Co c 1227624 Ontario Ltd (1999), 2 CPR (4th) 562, à 565-6 (COMC), conf. par 11 CPR (4th) 489 (CF 1re inst.)]. Si l'Opposante avait mis en lumière l'existence d'une incompatibilité claire entre la preuve et la date de premier emploi revendiquée par la Requérante, il aurait alors incombé à la Requérante de prouver le bien-fondé des dates qu'elle revendique.

[17]           En l'espèce, l'Opposante n'a pas produit la moindre preuve ni la moindre observation à l'appui de ce motif d'opposition. Ce motif d'opposition peut donc être rejeté sommairement, car l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l'égard de ce motif.

Absence de droit à l'enregistrement – Article 16(1)a)

[18]           Le motif d'opposition fondé sur l'article 16(1)a) est plaidé comme suit :

[traduction]
Suivant l'article 38(2)c) de la Loi sur les marques de commerce, la requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la marque de commerce eu égard aux dispositions du paragraphe 16(1) de la Loi sur les marques de commerce, car à la date de premier emploi alléguée, la marque de commerce créait de la confusion avec les marques de commerce BISOU-BISOU et BISOU BISOU de l'opposante, lesquelles avaient été antérieurement employées au Canada par Marc et Michele Bohbot, faisant affaire en tant que société de personnes.

[19]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve à l'égard de ce motif d'opposition, l'Opposante doit démontrer que, à la date alléguée du premier emploi de la Marque au Canada, l'une ou l'autre de ses marques de commerce avait déjà été employée au Canada et n'avait pas été abandonnée à la date de l'annonce de la demande de la Requérante dans le Journal des marques de commerce, soit le 16 novembre 2011 [article 16(5) de la Loi]. Afin de déterminer si l'Opposante s'est acquittée de son fardeau, je vais maintenant examiner les parties pertinentes de la preuve de l'Opposante.

[20]           M. Bohbot atteste qu'il est le directeur général de l'Opposante. Il est également le propriétaire et le directeur principal de la société affiliée Vintage Brand, laquelle fabrique et distribue des vêtements, des articles chaussants et des accessoires mode aux termes d'une licence concédée par l'Opposante.

[21]           Il atteste que la marque de commerce de l'Opposante est employée au Canada en liaison avec des vêtements depuis au moins 1990, et qu'elle figure sur des étiquettes et des étiquettes volantes fixées aux vêtements, au moment de l'achat. Comme pièce A, il a joint à son affidavit une copie d'une étiquette représentative arborant la Marque. M. Bohbot affirme, en outre, que depuis 1992, la Propriétaire et son prédécesseur en titre ont vendu les vêtements BISOU-BISOU au Canada par l'intermédiaire des magasins de détail Winners. La pièce B jointe à son affidavit est constituée de factures représentatives datant toutes de 2012 et faisant état de ventes de jeans BISOU-BISOU à Winners Canada par le distributeur et licencié de l'Opposante, Vintage Brand.

[22]           M. Bohbot affirme également que de 2003 à 2011, J.C. Penney Corporation, Inc. (J.C. Penney) a fabriqué et vendu des vêtements BISOU-BISOU au Canada aux termes d'une licence octroyée par l'Opposante et ses prédécesseurs. Dans le cadre de cette licence, l'Opposante donnait des directives à J.C. Penney relativement à la conception et à la création des vêtements. L'Opposante exerçait également un contrôle direct et indirect sur les caractéristiques et la qualité des vêtements fabriqués et vendus par J.C. Penney qui arboraient la marque de commerce BISOU-BISOU. La question de la quantité de vêtements BISOU-BISOU vendus au Canada par J.C. Penney est abordée dans l'affidavit de M. Ewing, lequel j'examine ci-dessous.

[23]           M. Ewing atteste qu'il est un spécialiste de la chaîne d'approvisionnement à l'emploi de J.C. Penney Corporation Inc. Il affirme que J.C. Penney a vendu des vêtements BISOU-BISOU (y compris des blousons, des pantalons, des chemises, des robes, des t-shirts, des jupes, des complets, des vêtements pour la baignade, des sacs à main, des chapeaux, des chaussures et des ceintures) aux Canadiens par l'intermédiaire du site Web de J.C. Penney, de 2003 à 2011. Comme pièce 2, il a joint à son affidavit des imprimés tirés du site Web de J.C. Penney montrant des exemples représentatifs de renseignements sur les vêtements BISOU-BISOU qui, affirme-t-il, ont été disponibles à l'achat pour les Canadiens de 2003 à 2011. Comme pièce 3, il a fourni un tableau résumant les ventes par catalogue et les ventes en ligne de vêtements BISOU-BISOU à des clients au Canada réalisées par J.C. Penney de 2003 à 2010. Le tableau comprend plus de 20 pages qui montrent, ligne par ligne, les ventes agrégées de divers articles réalisées de 2003 à 2010. Bien que certains articles comportent un code qui les identifie comme des articles BISOU-BISOU, M. Ewing n'indique pas le produit particulier qui correspond à chaque vente. Qui plus est, il n'y a aucune autre information qui me permettrait de relier ces données de ventes aux produits qu'on peut voir sur les copies de pages Web qui sont jointes comme pièce 2 à son affidavit ou à l'un quelconque des articles vestimentaires mentionnés dans l'affidavit de M. Bohbot.

[24]           En dépit des affirmations de ses déposants au sujet de divers vêtements, articles chaussants et accessoires, l'Opposante n'a fourni aucune preuve claire que des ventes ou des transferts des vêtements de l'Opposante constituant un emploi au sens de l'article 4(1) de la Loi ont eu lieu avant la date pertinente de 2005. En conséquence, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'article 16(1)a) de la Loi, parce que l'Opposante n'a pas démontré que les marques de commerce qu'elle invoque ont été employées avant la date de premier emploi revendiquée par la Requérante.

Non-enregistrabilité – Article 12(1)d)

[25]                 L'Opposante plaide également que la Marque n'est pas enregistrable parce qu'elle crée de la confusion avec sa marque de commerce BISOU-BISOU. J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire et je confirme que l'enregistrement no LMC503,518 est en règle, mais seulement en ce qui concerne les produits « vêtements, nommément pantalons ».

[26]                 L'Opposante s'étant acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, la Requérante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l'Opposante.

Test en matière de confusion

[27]           Selon l'article 6(2) de la Loi, « l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ». Par conséquent, l'article 6(2) ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais une confusion qui porterait à croire que les produits ou les services d'une source proviennent d'une autre source. En l'espèce, la question que soulève l'article 6(2) est celle de savoir s'il y aurait une probabilité que les produits fournis par la Requérante sous sa marque BIZOUX BIZOUX & Dessin soient perçus à tort comme fabriqués, autorisés ou approuvés par l'Opposante, qui est la propriétaire de la marque déposée BISOU-BISOU.

[28]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.

[29]           Ces facteurs ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu'il convient d'accorder à chacun d'eux n'est pas nécessairement le même [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot ltée (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC)]. Dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), la Cour suprême du Canada a indiqué que le facteur le plus important parmi ceux énoncés à l'article 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques.

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[30]           Le mot BISOU (ou son équivalent phonétique BIZOUX) est un mot français signifiant « baiser » ou « bise ». Bien que les marques des parties soient toutes deux intrinsèquement fortes dans le contexte des produits auxquels elles sont liées, je considère que la Marque possède un caractère distinctif inhérent légèrement plus fort que celui de la marque de l'Opposante en raison de ses éléments graphiques et du fait que les couleurs qui la composent sont revendiquées comme une caractéristique propre.

[31]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l'emploi. La mesure dans laquelle une marque de commerce est devenue connue est appelée « caractère distinctif acquis ».

[32]           Étant donné la date pertinente plus rapprochée qui s'applique à ce motif, je suis convaincue, à la lumière de la preuve de l'Opposante résumée ci-dessus, que l'Opposante a établi l'emploi de sa marque au Canada en liaison avec des jeans depuis au moins 2012.

[33]           En ce qui concerne la publicité, M. Bohbot affirme que les vêtements de l'Opposante sont annoncés sur le site Web www.bisoubisou.com, lequel a reçu plus de 7 000 visites en provenance d'adresses IP canadiennes depuis 2003 (affidavit Bohbot, para. 7 et 8). La pièce C de son affidavit est constituée d'imprimés tirés du site Web annonçant les vêtements de l'Opposante qui sont vendus en liaison avec sa marque. Il affirme en outre que, de 2003 à 2011, les vêtements de l'Opposante ont été annoncés auprès des Canadiens et vendus à des Canadiens par l'intermédiaire du site Web de J.C. Penney, au www.jcpenney.com. Bien qu'il ait joint des imprimés représentatifs tirés du site Web annonçant les vêtements de l'Opposante, il n'indique pas le nombre de visites de Canadiens que ce site Web a reçues.

[34]           En ce qui a trait à la Marque, Mme Guay atteste qu'elle est la présidente de la Requérante. Elle affirme que la Requérante emploie la Marque en liaison avec tous les produits spécifiés dans la demande depuis au moins mai 2005. Comme pièce C, elle a joint à son affidavit daté du 18 avril 2013, des copies de factures concernant des ventes des produits spécifiés dans la demande survenues entre 2005 et 2012. Des photographies tirées du site Web de la Requérante montrant des débarbouillettes, des couvertures, des courtepointes, des nids d'ange, des serviettes, des oreillers et des coussins offerts en vente en liaison avec la Marque sont jointes comme pièce E à son affidavit. Comme pièce F, elle a fourni un document qu'elle a intitulé « representative BIZOUX BIZOUX client’s stores and web-stores featuring/promoting the BIZOUX BIZOUX line of goods » [liste représentative de magasins et de magasins en ligne clients de la marque BIZOUX BIZOUX qui offrent la gamme des produits BIZOUX BIZOUX et en font la promotion]. Elle souligne que chacun de ces magasins/clients est détenu individuellement.

[35]           À la lumière de la preuve fournie, je conclus que les marques des parties sont toutes deux devenues connues dans une certaine mesure au Canada. J'estime, toutefois, que l'examen global de ce facteur favorise la Requérante.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[36]           Bien que l'Opposante affirme employer sa marque de commerce au Canada depuis plus longtemps que la Requérante n'emploie la Marque, cette affirmation n'est pas corroborée par la preuve qu'elle a fournie. À la lumière de la preuve fournie, j'estime que ce facteur favorise la Requérante.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce

[37]           Pour évaluer ce facteur, je dois comparer l'état déclaratif des produits qui figure dans la demande de la Requérante avec les produits spécifiés dans l'enregistrement de l'Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); Miss Universe Inc c Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)].

[38]           Comme je l'ai souligné, ni l'une ni l'autre des parties à la présente procédure n'a produit de plaidoyer écrit pour étayer ses prétentions. Il appert toutefois clairement de la preuve fournie que les produits de la Requérante sont des produits pour les soins des nourrissons. Plus précisément, ils comprennent des accessoires pour le bain, le sommeil et l'alimentation. Les produits de l'Opposante, dont l'état déclaratif a été modifié à la suite de la décision rendue dans la procédure en vertu de l'article 45, sont des vêtements, nommément des pantalons. Les produits sont donc différents.

[39]           En ce qui concerne les voies de commercialisation des parties, la preuve de la Requérante montre que, depuis 2005, la Requérante vend ses produits à la fois en ligne et par l'entremise de distributeurs qui les vendent à leur tour à des boutiques spécialisées qui s'adressent aux membres du public à la recherche d'articles-cadeaux et de vêtements pour nourrissons. Les produits de l'Opposante, en revanche, sont vendus dans de grands magasins de détail à prix réduit, tels que les magasins Winners, ainsi qu'en ligne par l'intermédiaire du site Web de J.C. Penney, une chaîne de grands magasins à rayons des États-Unis.

[40]           Pour l'examen de cette question, j'ai tenu compte des commentaires formulés récemment par la Cour fédérale dans la décision Jacques Vert Group Limited c YM Inc 2014 CF 1242 :

[traduction]
Le fait que les produits de chaque partie sont vendus dans des types de magasins différents et commercialisés auprès d’un type différent de client est un facteur important (voir : Mattel, au paragraphe 86), car un consommateur qui connaît bien les vêtements vendus dans une boutique « URBAN PLANET » ne les confondrait vraisemblablement pas avec des articles vestimentaires plus coûteux vendus dans une boutique « PLANET », située dans un magasin à rayons de La Baie. De plus, il n’existe aucune preuve que ces voies de commercialisation risquent de se recouper dans l’avenir rapproché. Comme l’a fait remarquer la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Alticor Inc. c. Nutravite Pharmaceuticals Inc., 2005 CAF 269 (CanLII), au paragraphe 37, 257 DLR (4th) 60 :

La jurisprudence établit que l'examen des activités futures d'une entreprise ne devrait pas comprendre de spéculations sur de nouvelles activités possibles. (Voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1990), 33 C.P.R. 454, (C.F. 1re inst.), à la page 46, Cochrane-Dunlop Hardware Ltd. c. Capital Diversified Industries Ltd. (1976), 30 C.P.R. (2d) 176 (C.A. Ont.), à la page 188). Il vaut mieux se fonder sur les circuits commerciaux effectivement utilisés au moment de l'examen des conclusions touchant le risque futur de confusion.

Je suis consciente que l’usage présent ou réel d’une marque ne doit pas être pris en considération à l’exclusion des usages futurs que l’on pourrait faire dans le cadre d’un enregistrement. Après tout, « ce qui est en cause est ce que l’enregistrement permettrait [à la demanderesse] de faire, et non pas ce qu’elle fait actuellement » (Mattel, au paragraphe 53; Masterpiece, au paragraphe 53). Rien ne garantit que les produits « PLANET » seront toujours vendus exclusivement ou uniquement dans des boutiques de La Baie ou que la défenderesse vendra toujours des produits peu coûteux dans ses boutiques « URBAN PLANET ». Cependant, la Cour n’a en main aucune preuve dénotant que les voies de commercialisation actuelles changeront et, de ce fait, ce facteur étaye la demande de la demanderesse.

[41]           J'applique ce raisonnement à la présente espèce, et j'estime que le fait que les produits des parties soient vendus dans des magasins d'un genre différent et commercialisés auprès de clientèles différentes constitue un facteur important. À cet égard, un consommateur qui connaît bien les vêtements pour adultes qui sont vendus dans les grands magasins J.C. Penney ne serait pas porté à les confondre avec des accessoires pour bébés vendus dans une boutique de cadeaux. En outre, bien que je sois consciente que l’usage présent ou réel d’une marque ne doit pas être considéré seul, c'est-à-dire sans égard aux usages futurs qui pourraient être faits dans le cadre d’un enregistrement, il n'y a en l'espèce aucune preuve que les voies de commercialisation des parties pourraient se recouper dans un avenir rapproché.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[42]           Lorsqu'il s'agit d'évaluer le degré de ressemblance entre deux marques, il faut se garder d'analyser les marques dans leurs moindres détails, et les considérer plutôt dans leur ensemble et sous l'angle de la première impression qu'elles produiraient dans l'esprit du consommateur moyen [voir Masterpiece, précité].

[43]           Les marques sont identiques sur le plan phonétique. Toutefois, en raison de la combinaison unique d'éléments graphiques et de couleurs qui composent la Marque, de son orthographe unique et de la présence d'un trait d'union entre les deux mots qui forment la marque de l'Opposante, la Marque est différente de la marque de l'Opposante sur le plan visuel. Bien que les marques suggèrent des idées similaires pour le consommateur bilingue moyen en ce qu'elles évoquent toutes deux des baisers, les couleurs pastels et les éléments graphiques de la Marque suggèrent des baisers de bébés, tandis que la marque de l'Opposante suggère des baisers en général. Par conséquent, j'estime qu'il existe une certaine ressemblance entre les marques uniquement lorsqu'on les considère dans leur ensemble.

Conclusion

[44]           Le test à appliquer est celui de la première impression que la vue de la marque BIZOUX BIZOUX & Dessin employée en liaison avec les débarbouillettes, les couvertures, les courtepointes, les nids d'ange, les serviettes, les oreillers et les coussins de la Requérante produirait dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé qui n’a qu’un souvenir imparfait de la marque de commerce BISOU-BISOU de l’Opposante employée en liaison avec des pantalons, et qui ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur ou pour examiner les marques en détail [voir Veuve Clicquot]. Compte tenu de mes conclusions formulées ci-dessus, et plus particulièrement des différences entre les produits et les voies de commercialisation des parties, il me semble qu'un tel consommateur ne serait pas porté à croire, sous le coup de la première impression, que les produits liés à la marque BISOU-BISOU et à la Marque BIZOUX BIZOUX & Dessin ont tous été fabriqués, autorisés ou approuvés par l'Opposante. Bien que les marques des parties soient identiques sur le plan phonétique, j'estime que lorsqu'on les considère dans leur ensemble à la lumière des produits différents et des voies de commercialisation différentes auxquels elles sont liées, la prépondérance des probabilités penche en faveur de la Requérante. En conséquence, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d).

Absence de caractère distinctif – Article 38(2)d) et article 2

[45]           En ce qui concerne le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif, il y a lieu de se demander si l'Opposante s'est bien acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait de démontrer que, à la date de production de la déclaration d’opposition, sa marque avait acquis au Canada une notoriété substantielle, considérable ou autrement suffisante pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)]. Même si l'on considérait que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve, j'estime que la différence entre les dates pertinentes n'aurait pas d'incidence significative sur la détermination de la question de la confusion entre les marques de commerce des parties. Par conséquent, ma conclusion formulée précédemment selon laquelle les marques de commerce ne sont pas susceptibles d'être confondues s'appliquerait également à ce motif d'opposition, lequel aurait, dans tous les cas, été rejeté.

Décision

[46]            Compte tenu de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

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